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Definitive Report - Report No 57, 1961

Case No 248 (Senegal) - Complaint date: 16-JAN-61 - Closed

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  1. 20. Par une communication du 16 janvier 1961, la F.S.M a déposé une plainte devant l'O.I.T contenant des allégations selon lesquelles il aurait été porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux au Sénégal. Informés par une lettre du 27 janvier 1961 de leur droit de présenter, dans le délai d'un mois, des informations complémentaires à l'appui de leur plainte, les plaignants n'ont pas fait usage de ce droit.
  2. 21. La plainte a été communiquée au gouvernement pour observations par une lettre du 26 janvier 1961. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une communication du 16 mars 1961.
  3. 22. Le gouvernement du Sénégal a reconnu que l'Etat du Sénégal demeurait lié par les obligations découlant de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; de même, le gouvernement du Sénégal s'est engagé à continuer à appliquer les dispositions de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, jusqu'à ce qu'il puisse ratifier la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à l'expulsion de la section sénégalaise de l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire (U.G.T.A.N) des locaux de la Bourse du travail
    1. 23 Au dire des plaignants, le Secrétariat de l'Union nationale des travailleurs du Sénégal, alliée à l'U.G.T.A.N, aurait reçu, le 17 novembre 1960, une lettre du 10 novembre et signée de M. Ibrahim Sar, ministre du Travail, demandant l'évacuation immédiate par cette organisation des locaux de la Bourse du travail de Dakar. La lettre du ministre - déclarent les plaignants - indiquait que ces locaux avaient été affectés à une autre organisation; il s'agit de l'Union nationale des travailleurs du Sénégal (U.N.T.S.) qui - précisent-ils - est la centrale syndicale nationale favorisée par le gouvernement. Les plaignants déclarent que les responsables de l'U.N.T.S.-U.G.T.A.N, locataires des locaux en question depuis 1946, auraient attaqué en référé la décision d'expulsion sans préavis, mais que les juges saisis, après avoir renvoyé leur jugement à deux reprises, se seraient finalement déclarés incompétents.
    2. 24 Dans sa réponse, le gouvernement déclare que les locaux de la Bourse du travail de Dakar, qui appartiennent à l'Etat, sont mis à la disposition des organisations syndicales en application des dispositions de l'article 27 de la loi no 52-1322, du 15 décembre 1952, portant Code du travail, en vertu desquelles « des locaux pourront être mis à la disposition des unions de syndicats pour l'exercice de leurs activités, sur leur demande, après avis de la Commission consultative du travail et délibération de l'Assemblée représentative ».
    3. 25 Le rez-de-chaussée de l'immeuble en question, indique le gouvernement, a été occupé initialement par l'ex-Union des syndicats confédérés de Dakar (C.G.T.) lors de sa création en 1945-46. En 1957, le gouvernement du Sénégal a établi un programme de construction de bourses du travail dans les principaux centres ouvriers du territoire. Les centrales syndicales de Dakar ayant alors fait connaître qu'elles seraient désireuses de se grouper dans un immeuble unique, le chef du gouvernement, pour éviter le financement d'une coûteuse construction, a décidé, au mois de juin 1957 et sur la proposition du ministre des Finances, que l'immeuble de la Bourse du travail, dont le rez-de-chaussée était occupé par l'U.G.T.A.N. (ex-C.G.T.) et le premier étage par le Service des contributions directes, serait désormais entièrement affecté aux centrales syndicales. C'est ainsi que le Service des contributions directes a déménagé au début de 1960; des travaux de réfection ont ensuite été entrepris, qui ne se sont terminés que dans le courant du deuxième semestre de 1960.
    4. 26 Ainsi - déclare le gouvernement -, depuis sa création en juin 1958, la section sénégalaise de l'U.G.T.A.N a toujours occupé le rez-de-chaussée de l'immeuble de la Bourse du travail. Toutefois - ajoute-t-il -, elle n'en était pas pour autant locataire en ce sens qu'elle n'a jamais payé de loyer, l'occupation de ces locaux, qui sont propriété de l'Etat, ayant toujours été gratuite. Dans ces conditions - déclare le gouvernement -, il est bien évident que l'administration conservait le droit d'affecter aux unions syndicales de son choix des locaux qui lui appartenaient.
    5. 27 «La lettre no 466, du 10 novembre 1960, du ministre du Travail et de la Fonction, publique au secrétaire général de l'Union territoriale des syndicats U.G.T.A.N. - déclare le gouvernement - invitant ce dernier à prendre toutes dispositions pour que les organisations relevant de cette union procèdent immédiatement à l'évacuation des locaux qu'elles occupent dans cet immeuble, les clés de ces locaux devant être remises entre les mains du gouverneur de la région du Cap-Vert, intervenait donc dans les strictes limites du bon droit de l'administration. » Un délai d'une semaine - ajoute le gouvernement - fut en définitive accordé pour cette évacuation.
    6. 28 Le Comité estime que, d'une manière générale, la possibilité, pour un gouvernement, d'accorder la jouissance de locaux à une organisation déterminée ou d'expulser une organisation donnée de locaux qu'elle occupait pour en faire bénéficier une autre, risque, même si tel n'est pas son but, d'aboutir à favoriser ou à défavoriser un syndicat par rapport aux autres et de constituer par là un acte de discrimination. Plus précisément, en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir; or la liberté du choix des intéressés en la matière constitue un droit expressément consacré par l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Un gouvernement qui, sciemment, agirait de la sorte porterait en outre atteinte au principe de l'article 3, al. 2, de la convention, selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits consentis par cet instrument ou à en entraver l'exercice légal, de même, plus indirectement, qu'au principe de l'article 8; al. 2, qui prévoit que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention. Il serait donc souhaitable, si un gouvernement désire accorder certaines facilités à des organisations syndicales, que ces organisations soient, à cet égard, placées sur un pied d'égalité.
    7. 29 Dans le cas présent, cependant, la plainte présente certains aspects particuliers. Alors que les plaignants allèguent que l'organisation, objet de la mesure d'expulsion, aurait été locataire des locaux qu'elle occupait depuis de nombreuses années, le gouvernement fait valoir que lesdits locaux étaient situés dans l'immeuble de la Bourse du travail - qui est la propriété de l'Etat - et que l'occupation en a toujours été gratuite.
    8. 30 Par ailleurs, des termes de la loi du 15 décembre 1952 citée par le gouvernement (voir paragraphe 24 ci-dessus), il semble ressortir que l'octroi de locaux dans l'immeuble de la Bourse du travail est, pour le gouvernement, une possibilité et non pas une obligation; l'article 27 de cette loi est en effet ainsi rédigé: «Des locaux pourront être mis à la disposition des unions de syndicats pour l'exercice de leurs activités sur leur demande... » Sans contester les faits, le gouvernement affirme, contrairement aux plaignants, qui paraissent prétendre que l'expulsion aurait été décidée dans des conditions abusives, que la mesure qu'il a prise a été exercée dans les strictes limites de ses prérogatives, l'organisation dont il est question ayant d'ailleurs effectivement occupé des locaux de la Bourse du travail de nombreuses années durant.
    9. 31 Dans ces conditions, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve de leur prétention d'avoir été expulsés de locaux dont ils auraient été locataires depuis de nombreuses années, et il recommande au Conseil d'administration de décider que, sous réserve des observations contenues au paragraphe 28 ci-dessus, cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives à la dissolution de l'Union nationale des travailleurs du Sénégal (U.N.T.S)
    1. 32 Les plaignants allèguent que, pour protester contre l'expulsion dont l'U.N.T.S a été l'objet, une grève aurait été projetée pour le 25 novembre 1960. Le 24 novembre, toutefois, de crainte des mesures de répression, la grève aurait été décommandée. Le 30 novembre 1960 - déclarent les plaignants -, le Conseil des ministres a adopté un décret portant dissolution de l'U.N.T.S.
    2. 33 Il est de notoriété publique - déclare le gouvernement dans sa réponse - que l'U.N.T.S, section sénégalaise de l'U.G.T.A.N, n'a jamais cessé de poursuivre au Sénégal une action politique hostile au gouvernement et à l'ordre légalement établi. Lorsque le siège de l'U.G.T.A.N s'est transporté à Conakry, le gouvernement a fait savoir à l'U.N.T.S qu'en vertu de la loi du 1er juillet 1909, l'U.G.T.A.N étant devenue une association étrangère, et, l'U.N.T.S étant affiliée à cette dernière, il lui faudrait obtenir une autorisation pour exercer ses activités sur le sol sénégalais. L'U.N.T.S ne s'est jamais conformée à cette formalité. En dépit de cela, l'action de l'organisation en question a pu se développer librement pendant les années 1959 et 1960 sans être aucunement entravée par les pouvoirs publics. C'est la volonté du gouvernement de respecter pleinement les conventions internationales par lesquelles il est lié qui explique la mansuétude dont il a fait preuve à l'endroit de l'U.N.T.S. Mais - ajoute le gouvernement - si une telle mansuétude peut se concevoir lorsque les conditions de fonctionnement des pouvoirs publics sont normales, il n'en saurait être de même en période d'urgence.
    3. 34 Or - déclare le gouvernement -, le 20 août 1960, en même temps qu'était proclamée l'indépendance de la République du Sénégal, l'Assemblée législative adoptait la loi no 69-042 ALS relative à l'état d'urgence. Aux termes de cette loi, l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire du Sénégal, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas de menées subversives compromettant la sécurité intérieure, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. En son article 8, la loi donne pouvoir au ministre de l'Intérieur d'interdire « à titre général ou particulier les réunions de nature à provoquer ou à entretenir la discorde ». De même, en son article 13, la loi proclame que «l'état d'urgence est déclaré sur toute l'étendue des régions du Sénégal et pour une durée illimitée ».
    4. 35 C'est alors - déclare le gouvernement - que les dirigeants de la section sénégalaise de l'U.G.T.A.N, au retour d'un voyage en République de Guinée, organisèrent une journée d'étude au cours de laquelle furent adoptées une motion sur les revendications de la fonction publique et une motion sur les revendications du secteur privé adressées toutes deux à l'inspecteur régional du travail et des lois sociales à Dakar. Dans la lettre de transmission de ces deux motions, l'U.N.T.S demandait à l'inspecteur régional de convoquer sans délai une commission de conciliation avec les organisations syndicales patronales.
    5. 36 Nombre des revendications contenues dans ces motions - déclare le gouvernement - débordaient notablement la compétence des syndicats et plusieurs autres ne relevaient pas du domaine de la discussion paritaire. En ce qui concerne, enfin, celles qui auraient pu donner lieu à une discussion paritaire avec les organisations patronales, le gouvernement signale qu'en droit, ces organisations auraient dû être saisies directement par l'U.N.T.S, le différend collectif ne prenant naissance qu'en cas de désaccord de la part des organisations patronales sur les revendications à elles soumises. Or - indique le gouvernement -, à l'époque où l'U.N.T.S saisissait l'inspecteur régional du travail des motions en question, il n'existait pas de différend collectif puisque, aussi bien, les organisations patronales intéressées n'avaient pas encore pu faire connaître leur opinion sur les revendications présentées.
    6. 37 Le gouvernement affirme que c'est à dessein que les dirigeants de l'U.N.T.S ont mêlé dans leurs revendications celles qui relevaient de la puissance publique et celles qui relevaient de la discussion paritaire, et qu'ils ont présenté des revendications de caractère fantaisiste et que l'introduction du prétendu différend collectif ne visait, en définitive, qu'à troubler l'ordre public et, par ce moyen, à compromettre la solidité du régime politique du pays.
    7. 38 Le gouvernement a décidé dans ces conditions et puisque, techniquement, il n'existait pas de différend collectif, de ne pas soumettre la requête de l'U.N.T.S à la procédure de règlement des conflits collectifs du travail. Cependant, sans même attendre la notification de cette décision, l'U.N.T.S invitait les travailleurs du Sénégal, par un tract du 22 novembre 1960, à faire grève le 25 novembre 1960, dans le secteur public comme dans le secteur privé.
    8. 39 Etant donné qu'il s'agissait là, aux yeux du gouvernement, d'une évidente provocation au désordre intervenant en période d'état d'urgence et d'une tentative caractérisée de troubler l'ordre public, un décret du 1er décembre 1960 a proclamé la dissolution de l'U.N.T.S avec, pour motif explicitement énoncé, l'acte illégal qu'a constitué, en période d'état d'urgence, le lancement du mot d'ordre de grève.
    9. 40 Il paraît ressortir des éléments dont dispose le Comité que l'Union nationale des travailleurs du Sénégal, section sénégalaise de l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire (U.G.T.A.N.), se serait mise en défaut, au moment du transfert du siège de l'U.G.T.A.N à Conakry, en ne se conformant pas aux formalités prévues par la loi du 1er juillet 1909, et ce, en dépit des démarches effectuées auprès d'elle par les pouvoirs publics l'incitant à se mettre en règle.
    10. 41 En vertu de la loi de 1909, les associations étrangères, pour pouvoir exercer leurs activités sur le territoire du Sénégal, doivent en obtenir l'autorisation. Or - déclare le gouvernement -, par le fait du transfert de son siège à Conakry, l'U.G.T.A.N est devenue une «association étrangère » soumise aux exigences de la loi précitée; l'U.N.T.S étant une filiale de l'U.G.T.A.N, la loi en question lui est également applicable.
    11. 42 Le Comité estime que, s'il est possible d'admettre - encore qu'il s'agisse en réalité d'une organisation internationale régionale - que l'U.G.T.A.N soit considérée par le gouvernement comme une «association étrangère » au sens de la loi, il parait plus difficilement concevable que, du seul fait de son affiliation à l'U.G.T.A.N, l'U.N.T.S se voie étendre la définition d'« association étrangère ». Tout en reconnaissant à cet égard, qu'en pratique cette organisation a pu exercer librement son activité durant tout le cours des années 1959 et 1960, sans pour autant se conformer aux formalités qu'on lui enjoignait de remplir, le Comité juge opportun de recommander cependant au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il y a à ce que la législation nationale ne soit pas appliquée sur ce point de manière à porter atteinte au principe selon lequel les organisations syndicales doivent pouvoir s'affilier librement à des organisations internationales de travailleurs, principe qui est consacré à l'article 5 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dont le Sénégal a accepté les obligations.
    12. 43 En ce qui concerne plus précisément les circonstances qui ont présidé à la dissolution de l'U.N.T.S par le gouvernement, il apparaît que l'on puisse retracer comme suit les événements. Il semblerait tout d'abord que l'U.N.T.S ait formulé un certain nombre de revendications au sujet desquelles cette organisation souhaitait que fût convoquée une commission paritaire de conciliation afin de régler le «différend ». Cette méthode ne paraît pas toutefois avoir pu être suivie en raison du fait qu'en l'absence d'un refus de la part des employeurs d'accéder aux demandes des travailleurs - les premiers n'ayant jamais été consultés à ce sujet -, il n'existait pas, en fait, de véritable différend. D'autre part, d'après le gouvernement, les revendications en question, sciemment présentées par leurs auteurs de manière à les rendre impropres à une négociation collective, n'auraient été qu'un prétexte pour susciter un mouvement d'opinion visant à ébranler le régime politique du pays.
    13. 44 Pour la double raison qui vient d'être exposée au paragraphe précédent, le gouvernement a décidé de ne pas soumettre les revendications de l'U.N.T.S à la procédure de règlement des conflits collectifs de travail. Avant même, toutefois, que le gouvernement ait pu notifier sa décision aux dirigeants de l'U.N.T.S, ceux-ci ont invité les travailleurs à se mettre en grève, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Dans ces conditions, le pays se trouvant en état d'urgence et les mots d'ordre de grève constituant, en pareille circonstance, un acte illégal, le gouvernement, par un décret motivé, a proclamé la dissolution de l'U.N.T.S.
    14. 45 Tout en reconnaissant que l'interdiction de la grève puisse en certaines circonstances être une conséquence de l'état d'urgence, le Comité n'en constate pas moins que le gouvernement a dissout l'organisation intéressée par voie de décret. A ce propos, le Comité, comme il l'avait fait en des occasions antérieures, recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion qu'il avait exprimée et selon laquelle la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif dans l'exercice des fonctions législatives dont le gouvernement est investi, à l'instar d'une dissolution par voie administrative, ne permet pas d'assurer les droits de défense qui ne peuvent être garantis que par la procédure judiciaire normale, ainsi que sur l'importance qu'il attache au principe consacré par l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, d'après lequel les organisations professionnelles ne doivent pas être sujettes à dissolution par voie administrative.
  • Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux
    1. 46 Les plaignants allèguent que, le 24 novembre 1960, sept militants de l'U.N.T.S. - dont ils donnent le nom et la fonction syndicale - auraient été arrêtés; quelques jours plus tard, M. N'Diaye Adama, secrétaire général de l'U.N.T.S, aurait été à son tour arrêté. Ces personnes - déclarent les plaignants - ont été mises en liberté provisoire le 20 décembre 1960, et le procès de trois d'entre elles a été fixé au 26 décembre 1960.
    2. 47 Dans sa réponse, le gouvernement déclare n'avoir jamais procédé, en ce qui concerne les personnes en question, à des arrestations véritables. Les militants en cause - dit-il - ont simplement été gardés à vue pendant quelques jours pour vérification d'identité. Ils n'ont jamais été molestés ni brutalisés. En dehors de la petite période pendant laquelle ils ont été gardés à vue pour que leur identité soit vérifiée - et, à cette occasion, jamais les lois en vigueur sur la durée de ces vérifications d'identité n'ont été transgressées -, leur liberté a toujours été totale. Le gouvernement déclare en terminant que toutes les personnes mentionnées par les plaignants ont repris leurs occupations et leurs activités professionnelles, y compris celles qui sont exercées au service de l'administration.
    3. 48 Dans plusieurs cas antérieurs dont le Comité a été saisi et dans lesquels il était allégué que des dirigeants ou des militants syndicaux avaient été placés en détention préventive, le Comité avait exprimé l'avis que de telles mesures de détention préventive impliquent une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties juridiques appropriées, mises en couvre dans des délais raisonnables et que la politique de tous les gouvernements devrait veiller à ce que les droits de l'homme soient respectés, en particulier le droit de toute personne détenue de bénéficier d'un jugement équitable dans les plus brefs délais possible.
    4. 49 En l'espèce, les mesures prises à l'égard des intéressés paraissent s'inscrire dans le cadre de l'état d'urgence proclamé dans le pays. En outre, les garanties juridiques concernant la durée autorisée de détention sans jugement semblent avoir été respectées, l'internement effectif des personnes en cause n'ayant en effet duré que quelques jours.
    5. 50 De plus, dans des cas antérieurs où il a dû examiner des allégations relatives à l'arrestation de dirigeants et de militants syndicaux, le Comité a estimé que la seule question qui se pose consiste à savoir quel a été le véritable motif des arrestations en question; ce n'est que si elles ont été ordonnées en raison des activités syndicales proprement dites des intéressés que l'on peut considérer qu'il y a eu violation de la liberté syndicale.
    6. 51 En l'espèce, les plaignants n'allèguent pas que les arrestations incriminées aient eu pour origine la qualité de syndicalistes des personnes en cause ou les activités d'ordre syndical déployées par ces dernières; ils se bornent à constater le fait et à le signaler. De son côté, le gouvernement affirme que les arrestations en question ont eu pour seul motif une vérification d'identité effectuée dans le cadre de l'état d'urgence.
    7. 52 Enfin, il ressort des éléments dont dispose le Comité que toutes les personnes mises en cause par les plaignants ont été rapidement relâchées et qu'elles ont aujourd'hui repris en toute liberté leurs activités antérieures.
    8. 53 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
  • Allégations relatives à la promulgation de lois antiouvrières
    1. 54 Les plaignants allèguent qu'à la fin de l'année 1960, des lois antiouvrières ont été promulguées, qui visent les organisations démocratiques et, en particulier, les syndicats. «Selon ces lois - déclarent les plaignants -, solliciter une aide ou avoir l'intention d'accepter la solidarité de la part des travailleurs d'autres pays entraîne des amendes et des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans; les publications de presse, y compris la presse syndicale, doivent être soumises à la censure préalable.»
    2. 55 Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'hormis la loi sur la proclamation de l'état d'urgence, aucune loi n'est venue modifier la législation antérieurement en vigueur pour ce qui a trait aux syndicats et aux libertés fondamentales de la personne humaine. Au contraire, la loi no 60-045, du 25 août 1960, portant révision de la Constitution proclame expressément le respect et la garantie intangible des libertés politiques, des libertés syndicales, des droits et des libertés de la personne humaine, de la famille et des collectivités locales, des libertés philosophiques et religieuses, du droit de propriété individuelle et collective, des droits économiques et sociaux.
    3. 56 «Il n'est pas douteux - déclare le gouvernement - que si «des lois antiouvrières avaient été prises et promulguées, visant en particulier les organisations démocratiques, y compris les syndicats », ainsi que l'allègue la plainte de la F.S.M, cette organisation serait en mesure de produire les références de publication de ces lois ou des règlements qui les ont promulguées. Le gouvernement du Sénégal communiquera volontiers au Directeur général du Bureau international du Travail tous textes dont les références lui seront indiquées dans cette perspective. »
    4. 57 Le Comité a constaté, en effet, que les plaignants se bornent, en ce qui concerne cet aspect du cas, à formuler une affirmation qu'aucune précision ne vient étayer. Il a constaté également que la F.S.M, ayant été invitée à présenter des informations complémentaires à l'appui de sa plainte, elle s'est abstenue de le faire.
    5. 58 Dans ces conditions, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes à l'appui des allégations qu'ils formulent au sujet de la promulgation de lois antiouvrières et, pour cette raison, recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 59. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 23 à 31 ci-dessus et sous réserve des observations qui y sont contenues, les allégations relatives à l'expulsion de la section sénégalaise de l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire des locaux de la Bourse du travail n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 46 à 53 ci-dessus et sous réserve des observations qui y sont contenues, qu'il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen des allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux;
    • c) de décider que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 54 à 58 ci-dessus, les allégations relatives à la promulgation de lois antiouvrières n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • d) en ce qui concerne les allégations relatives à la dissolution de l'Union nationale des travailleurs du Sénégal:
    • i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il y a à ce que la législation nationale ne soit pas appliquée de manière à porter atteinte au principe selon lequel les organisations syndicales doivent pouvoir s'affilier librement à des organisations internationales de travailleurs, principe qui est consacré à l'article 5 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dont le Sénégal a accepté les obligations;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'à l'instar d'une dissolution par voie administrative, la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif dans l'exercice des fonctions législatives dont le gouvernement est investi, ne permet pas d'assurer les droits de défense qui ne peuvent être garantis que par la procédure judiciaire normale, ainsi que sur l'importance qu'il attache au principe d'après lequel les organisations professionnelles ne doivent pas être sujettes à dissolution par voie administrative, principe qui est consacré par l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dont le Sénégal a accepté les obligations.
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