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Interim Report - Report No 65, 1962

Case No 266 (Portugal) - Complaint date: 23-MAY-61 - Closed

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  1. 6. La plainte de la C.I.S.L fait l'objet d'une communication adressée directement à l'Organisation internationale du Travail le 23 mai 1961. Par communication du 10 octobre 1961, le gouvernement a formulé ses observations sur cette plainte.
  2. 7. Le Portugal n'a pas ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

Allégations relatives à la non-observation de conventions internationales du travail

Allégations relatives à la non-observation de conventions internationales du travail
  1. 8. A titre d'introduction à ses allégations concernant la législation syndicale au Portugal et dans les territoires portugais non métropolitains, la C.I.S.L affirme que de nombreuses dispositions de cette législation sont contraires à l'esprit et à la lettre de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. La C.I.S.L demande à l'Organisation internationale du Travail de bien vouloir en appeler au gouvernement du Portugal pour que celui-ci modifie sa législation et l'inviter à ratifier ces deux conventions.
  2. 9. Le gouvernement portugais déclare tout d'abord que, n'ayant pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, il n'est donc pas lié par les dispositions de ladite convention; de l'avis du gouvernement portugais, il est tout à fait déplacé, pour un plaignant, d'attaquer la législation portugaise sur la base d'une convention non ratifiée. Le gouvernement portugais estime que le Comité devrait juger les plaintes à la lumière de faits qui peuvent se produire dans un pays donné, mais que cette procédure ne devrait pas être utilisée pour examiner la législation d'un pays qui n'a pas ratifié une convention, surtout lorsque les dispositions législatives mises en cause sont connues de l'Organisation internationale du Travail depuis si longtemps.
  3. 10. Le Comité relève que les plaignants formulent leurs allégations en fonction des dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, alors que le gouvernement portugais est d'avis que le rôle du Comité consiste à se prononcer sur des faits plutôt qu'à juger si la législation d'un pays est conforme aux dispositions de conventions qu'il n'a pas ratifiées. Ces deux conventions n'ont pas été ratifiées par le Portugal, mais le Comité estime opportun, comme il l'a fait pour le cas no 211 relatif au Canada, de souligner que la Déclaration de Philadelphie, qui fait maintenant partie intégrante de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail et dont les buts et objectifs qu'elle énonce figurent parmi ceux dont la réalisation justifie l'existence de l'Organisation, comme l'indique l'article 1 de la Constitution, tel qu'il a été modifié à Montréal en 1946, reconnaît « ... l'obligation solennelle pour l'Organisation internationale du Travail de seconder la mise en oeuvre parmi les différentes nations du monde de programmes propres à réaliser... la reconnaissance effective du droit de négociation collective et la coopération des employeurs et de la main-d'oeuvre pour l'amélioration continue de l'organisation de la production, ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l'élaboration et à l'application de sa politique sociale et économique ». Dans ces conditions, le Comité, comme dans les cas précédents cités plus haut, considère « qu'il devrait, en prenant la responsabilité d'appliquer ces principes qui lui a été confiée, être guidé dans sa tâche en s'inspirant entre autres des dispositions en rapport avec ces principes que la Conférence a approuvées et incorporées dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui permettent d'établir une base de comparaison lorsqu'il s'agit d'examiner telle ou telle allégation et plus particulièrement lorsque les Membres de l'Organisation sont tenus, en vertu de l'article 19, alinéa 5 e), de la Constitution, de faire rapport au Directeur général du Bureau international du Travail, à des périodes appropriées, selon ce que décidera le Conseil d'administration, sur l'état de leur législation et sur la pratique concernant la question qui fait l'objet de la convention, en précisant dans quelle mesure l'on a donné suite ou l'on se propose de donner suite à toute disposition de la convention, par voie législative, par voie administrative, par voie de contrats collectifs ou par toute autre voie, et en exposant quelles difficultés empêchent ou retardent l'application de telles conventions ». Le Portugal est l'un des gouvernements qui a rempli ses obligations, à la demande du Conseil d'administration, en ce qui concerne la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le Comité, tout en reconnaissant que le Portugal n'est pas lié par les dispositions desdites conventions, a estimé devoir examiner les allégations qui sont en rapport avec ces conventions et qui ont été formulées dans le présent cas, en vue de vérifier le bien-fondé des faits et d'en faire rapport au Conseil d'administration.
  4. 11. Le gouvernement portugais soutient également que l'on ne devrait pas avoir recours à la procédure du Comité de la liberté syndicale pour attaquer une législation dont les dispositions sont connues depuis longtemps de l'Organisation internationale du Travail. Dans le cas no 138 (Etats-Unis et Grèce), alors qu'il était saisi d'allégations concernant des faits qui s'étaient produits plusieurs années auparavant, le Comité avait relevé que « bien qu'aucune règle concernant la proscription n'ait été fixée dans la procédure du Comité pour l'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale, en présence d'une plainte se rapportant à des événements qui remontent à plus de dix ans, non seulement il sera extrêmement difficile à un gouvernement de répondre de manière détaillée, mais parfois impossible d'attendre dudit gouvernement une réponse satisfaisante- Dans des cas semblables, il serait utile d'obtenir du plaignant une explication quant aux délais qu'il a apportés au dépôt de sa plainte, semblables délais pourraient s'expliquer, par exemple, dans le cas où les dirigeants de l'organisation plaignante seraient restés longtemps emprisonnés ou si les preuves présentées à l'appui de la plainte n'ont été découvertes que récemment. Le Comité estime donc qu'en l'absence d'une explication satisfaisante de la part des plaignants, il devrait tenir compte de cette absence pour décider s'il convient d'examiner le cas quant au fond, en considérant qu'il pourra être particulièrement difficile de déterminer dans quelle mesure les preuves apportées sont valables et même dans quelle mesure il peut être cru à la bonne foi d'un plaignant qui a jugé bon d'attendre plusieurs années avant de présenter une plainte reposant sur des questions qui auraient pu, depuis longtemps déjà, faire l'objet d'allégations. » Ce sont là des considérations qui ne sont valables qu'en cas d'allégation concernant des faits qui se sont produits longtemps auparavant. Mais, comme l'a fait observer le Comité à propos du cas no 143 (Espagne), qu'il a examiné à sa dix-huitième session (octobre 1957), la situation est différente lorsqu'il s'agit d'allégations qui ne se rapportent pas « à des faits qu'il pourrait être difficile de vérifier à l'heure actuelle, mais à des textes de loi qui sont encore en vigueur et qui, selon les plaignants, continueraient à être appliqués a ». C'est pourquoi, dans ce cas, tout en considérant qu'il aurait été sans objet de formuler des conclusions en ce qui concernait la dissolution d'organisations syndicales en Espagne en 1939 et au cours des années qui ont suivi, étant donné le temps qui s'était écoulé depuis lors, le Comité a estimé opportun d'examiner le bien-fondé d'allégations selon lesquelles certaines personnes auraient encore purgé des peines auxquelles elles auraient été condamnées longtemps auparavant pour avoir été membres ou dirigeants d'organisations dissoutes ou pour avoir tenté de reconstituer ces organisations, tandis que les personnes qui auraient tenté de reconstituer des organisations syndicales autres que les organisations officielles pouvaient toujours faire l'objet de sanctions pénales. Les allégations du présent cas n'ayant pas trait à des faits survenus longtemps auparavant, mais concernant, au contraire, une législation encore en vigueur et encore appliquée, le Comité estime qu'il ne subsiste aucune raison valable justifiant un refus d'examiner ces allégations quant au fond.
  5. Allégations relatives à la législation portugaise
  6. 12. Ces allégations ont trait au système général du syndicalisme au Portugal - c'est-à-dire au système des « corporations » institué par la Constitution de 1933 et mis en application par des décrets-lois promulgués en 1933 et 1934. Les diverses allégations précises formulées sont examinées ci-dessous individuellement.
  7. a) Allégations relatives à la limitation du nombre des organisations syndicales qui peuvent être constituées
  8. 13. Il est allégué que la législation ne reconnaît qu'un seul syndicat légalement constitué par branche professionnelle et par région, ce qui, de l'avis des plaignants, est contraire à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, aux termes duquel les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations.
  9. 14. Le gouvernement portugais exprime l'avis que cette convention sacrifie l'efficacité de l'action syndicale à une conception arbitraire de la liberté d'association, laquelle ne devrait pas entraîner nécessairement la multiplicité des organisations dans la même branche professionnelle et pour la même région. Le gouvernement soutient que « ce qui compte effectivement pour la défense des intérêts professionnels, ce ne sont pas les associations multiples et fragmentaires, mais la libre constitution d'associations qui soient réellement représentatives des catégories intéressées et qui jouissent de l'autorité et du prestige indispensables au progrès de la réglementation des relations professionnelles ». Le gouverne ment portugais estime que cette politique se justifie non seulement sur le plan idéologique, mais aussi en raison de nécessités pratiques et du besoin de se prémunir contre le communisme: en effet si, dans les pays qu'ils gouvernent, les communistes imposent une discipline de fer dans le domaine syndical comme dans d'autres, ils s'attachent à fomenter des troubles dans les syndicats d'autres pays; or, dans les pays en voie de développement, les syndicats peuvent plus difficilement résister à ces influences que les puissants syndicats, solidement établis, des pays industrialisés.
  10. 15. Le gouvernement soutient que les syndicats portugais sont des organismes ayant la personnalité juridique, qu'ils sont tout à fait indépendants de l'Etat et que la création en est laissée à la libre initiative des intéressés; ils peuvent être constitués pour un district, pour un groupe de districts ou pour le pays tout entier. Lorsqu'un syndicat a été créé, pour une profession ou un groupe de professions donnés, dans une circonscription donnée, aucun autre syndicat de même nature ne peut se faire reconnaître dans cette circonscription. Le gouvernement portugais fait valoir qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande, un syndicat peut se voir refuser l'enregistrement, si ses membres peuvent s'affilier à une organisation déjà enregistrée et représentant la même profession; qu'en Egypte, il ne peut y avoir qu'une organisation de salariés et une organisation d'employés par entreprise; enfin, qu'en U.R.S.S et dans les démocraties populaires, d'après La liberté syndicale, cours d'éducation ouvrière publié par le Bureau international du Travail en 1959, le mouvement syndical est constitué d'après un modèle unique: un seul syndicat par entreprise, un syndicat national par branche d'industrie et, sur le plan national, un conseil central des syndicats, qui est l'organe dirigeant de l'ensemble du mouvement. C'est pourquoi le gouvernement portugais fait observer que « le cas du Portugal n'est pas unique »- Le gouvernement déclare que, dans certains pays, un monopole syndical de fait s'est progressivement constitué; ce n'est qu'en théorie seulement que l'on peut affirmer que rien n'empêche la création, dans ces pays, d'organisations de même nature, et les travailleurs qui ne s'affilient pas aux syndicats existants s'exposent à subir de graves préjudices. Le gouvernement affirme qu'au Portugal, les travailleurs sont libres de s'affilier ou de ne pas s'affilier aux organisations professionnelles, sans être en rien désavantagés; il existe actuellement 327 syndicats, 128 sections syndicales, 21 fédérations et 6 unions de syndicats qui groupent 913.815 membres et représentent 1.359.514 travailleurs du commerce, de l'industrie et des services.
  11. 16. Le gouvernement portugais déclare que son action n'a pas pour but de limiter la liberté syndicale, mais bien de permettre aux organisations d'employeurs et de travailleurs d'être représentées comme il convient dans les corporations et, par l'entremise de celles-ci, au sein de la Chambre corporative qui, fonctionnant auprès de l'Assemblée nationale, est composée de représentants des unités administratives locales, d'organismes d'intérêt culturel, économique et d'autres intérêts sociaux, ainsi que des organisations d'employeurs et de travailleurs. Ces représentants ont le droit de donner leur avis sur tous les projets de loi et d'intervenir directement lors de l'élection du Président de la République. Seules des organisations uniques, par branche professionnelle et par région, peuvent s'acquitter correctement de telles fonctions représentatives.
  12. 17. Enfin, le gouvernement portugais fait observer que la multiplicité des organismes dans la même branche professionnelle soulève des difficultés insurmontables sur le plan des négociations collectives. Seule l'organisation unitaire peut représenter les travailleurs fermement et efficacement; la rivalité entre des syndicats de même nature s'exerce aux dépens des intérêts des travailleurs.
  13. 18. Les articles 1 à 5 du décret-loi no 23050 du 23 septembre 1933, sont ainsi conçus:
  14. Article premier. Les syndicats nationaux sont des groupements de plus de cent personnes exerçant la même profession, qui ont pour but l'étude et la défense des intérêts professionnels au point de vue moral, économique et social. Ils sont composés de personnes qui travaillent pour le compte d'autrui ou qui exercent des professions libérales, et sont constitués conformément aux principes établis par le présent décret-loi.
  15. Paragraphe unique. La constitution de syndicats nationaux composés d'un nombre de personnes inférieur au nombre prévu par le présent article pourra être autorisée à titre exceptionnel.
  16. Art. 2. Tout syndicat national est tenu d'adopter une dénomination qui ne soit pas susceptible de donner lieu à confusion avec un autre syndicat déjà existant.
  17. Art. 3. La création de syndicats nationaux d'employés ou d'ouvriers a lieu par district; dans chacun de ces districts l'Etat ne reconnaît comme organisme de droit public qu'un seul syndicat national par catégorie professionnelle. Le siège des syndicats sera, en règle générale, le chef-lieu du district, mais la création et le fonctionnement d'un syndicat pourront être autorisés dans une autre localité si le nombre et l'importance des éléments professionnels de la catégorie en question le justifient. Les syndicats nationaux porteront la dénomination suivante: « Syndicat national des (profession) du district de ... »
  18. Paragraphe unique. Les professions libérales constitueront un syndicat national unique ayant son siège à Lisbonne et pourront créer des sections de district soumises à tous égards à l'autorité du syndicat. Les syndicats nationaux d'avocats, de médecins et d'ingénieurs pourront adopter la dénomination d'« Ordre ».
  19. Art. 4. Les professions qui, au siège de chaque district, ne comprendraient pas un nombre de personnes suffisant pour la constitution d'un syndicat national, s'affilieront au syndicat qui présente la plus grande analogie avec la profession en question- Elles pourront constituer des groupes séparés soumis à tous égards à l'autorité unique supérieure du syndicat. Les syndicats d'employés et d'ouvriers qui comprennent dans leur sein un ou plusieurs de ces groupes l'indiqueront dans leur dénomination par l'expression: « et métiers connexes »
  20. Art. 5. Au siège des municipalités, les professions se constitueront en sections des syndicats respectifs si elles comprennent un nombre de membres supérieur à vingt; toutefois, ces sections ne pourront faire usage du droit de représentation et de tous les autres droits qui leur sont conférés par les lois que par l'intermédiaire desdits syndicats.
  21. L'article 7 du décret-loi est ainsi rédigé:
  22. Art. 7. Les syndicats nationaux constitueront des Fédérations et des Unions oui seront les organismes intermédiaires de la corporation, conformément au Statut du travail national et au règlement des corporations.
  23. L'article 13 du décret-loi est ainsi conçu:
  24. Art. 13. Les syndicats nationaux jouissent des privilèges et attributions suivants:
  25. 1° ils ont la personnalité juridique, peuvent exercer tous les droits légitimes qui en découlent, y compris le droit de représentation des intérêts professionnels de leur catégorie, et ester en justice comme demandeurs ou défendeurs;
  26. 2° ils peuvent posséder les immeubles urbains indispensables pour leurs bureaux, leur administration et les services connexes, ou, avec l'autorisation du gouvernement, tous autres biens dont le revenu serait affecté exclusivement aux fonds des institutions de prévoyance créées par les syndicats;
  27. 3° ils peuvent disposer, conformément aux statuts, des sommes provenant des cotisations des membres et de tous autres revenus;
  28. 4° ils peuvent constituer entre tous leurs membres ou entre certains d'entre eux, et conformément à la législation en vigueur, des sociétés coopératives de production ou de consommation;
  29. 5° ils élaborent les contrats collectifs de travail conformément au Statut du travail national et au règlement des corporations.
  30. 19. La situation existant en vertu de la législation citée plus haut peut être résumée comme suit. Les articles 1 et 3 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, disposent que des syndicats nationaux - groupant cent membres au moins, à moins que le gouvernement n'autorise un chiffre inférieur - peuvent être constitués dans chaque district, mais que l'Etat ne reconnaît qu'un seul syndicat par catégorie professionnelle et par district. Les syndicats nationaux (leurs sections, d'après l'article 5, ne peuvent faire usage d'aucun droit, si ce n'est par l'intermédiaire des syndicats nationaux) ont le monopole légal du droit de représentation, dans le district, des intérêts professionnels de leur catégorie (article 13), aussi bien de leurs affiliés que des non-affiliés, et peuvent participer au système de relations professionnelles établi par la loi- Cette disposition semblerait non seulement limiter « la reconnaissance » à une seule organisation, mais aussi écarter toute possibilité de création, dans la catégorie professionnelle et dans le district intéressés, de toute organisation possédant la moindre caractéristique d'un syndicat. Et cela semble être confirmé par le fait que l'article 24 établissait l'obligation de se conformer aux dispositions du décret-loi pour toutes les associations professionnelles de salariés et d'employés existant avant la promulgation dudit décret-loi. Le gouvernement fait lui-même observer, dans sa réponse, « qu'il existe au Portugal 327 syndicats » qui tous « représentent » les travailleurs et qui, par conséquent, sont tous des syndicats nationaux au sens où l'entend le décret-loi.
  31. 20. Le gouvernement a mis en parallèle ces dispositions législatives et celles qui subsistent en Australie, en Nouvelle-Zélande, dans la République arabe unie (Egypte), en U.R.S.S, et a signalé, à titre de comparaison, la situation existant dans les pays où s'est instauré progressivement un monopole syndical de fait. On peut faire observer d'emblée que la situation existant au Portugal ne saurait être comparée à celle qui règne en Australie et en Nouvelle-Zélande, où l'enregistrement est volontaire, bien qu'assorti d'importants avantages en matière de représentation des travailleurs, ce qui n'interdit pas la création, ainsi que le maintien en existence, d'organisations non inscrites au registre des syndicats. Sans entendre se prononcer sur la législation en Australie et en Nouvelle-Zélande, le Comité estime en conséquence que ladite législation n'a rien à voir dans le cas présent.
  32. 21. En ce qui concerne la situation dans la République arabe unie (Egypte), la Coin mission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a eu l'occasion d'examiner l'argument avancé par le gouvernement de ce pays, à savoir que l'interdiction, en vertu de la législation nationale, aux personnes travaillant dans une branche professionnelle ou exerçant un métier déterminé, de constituer plus d'un syndicat général dans la même région, répond au besoin d'éviter des différends et des scissions dans le mouvement syndical - et c'est précisément l'argument avancé par le gouvernement portugais dans le cas présent, à propos de l'état de la législation dans ce pays. La Commission d'experts a fait observer, comme elle l'avait déjà fait dans le cas d'autres pays, que si les travailleurs peuvent avoir généralement avantage à éviter la multiplication du nombre des organisations syndicales, l'unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention législative de l'Etat, une telle intervention allant à l'encontre de la règle établie par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon laquelle les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer des organisations «de leur choix » ainsi que celui de s'affilier à ces organisation (article 2) et doivent bénéficier du «libre exercice du droit syndical » (article 11).
  33. 22. La Commission d'experts, en des occasions précédentes, avait comparé la situation en U.R.S.S avec la situation de fait existant dans certains autres pays - et dont le gouvernement du Portugal, dans sa réponse, fait également état. La Commission d'experts a fait observer qu'« il existe une différence fondamentale, vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection syndicale entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales- Le fait que les travailleurs et les employeurs ont, en général, avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat et notamment l'intervention de celui-ci par voie législative ».
  34. 23. Il semblerait donc que les dispositions législatives qui limitent, au Portugal, la reconnaissance d'un syndicat lorsqu'il en existe déjà un autre dans la même région ou branche professionnelle soient en somme comparables - comme le fait observer le gouvernement - aux dispositions analogues existant dans la République arabe unie (Egypte) et en U.R.S.S.; elles ne sont donc pas « uniques ». Tout en admettant que la situation qui existe à ces points de vue au Portugal est similaire à celle qui subsiste en République arabe unie (Egypte) et en U.R.S.S, et en notant également que le Portugal, contrairement à ces deux autres pays, n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, le Comité considère néanmoins que le Portugal doit se conformer à l'obligation de faire rapport au Conseil d'administration sur la mesure dans laquelle les dispositions législatives nationales en question sont ou non compatibles avec les principes de la liberté syndicale généralement reconnus.
  35. 24. Le Comité de la liberté syndicale a lui-même souligné en maintes occasions l'importance qu'il a toujours attachée au principe, généralement accepté, selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations syndicales de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations. En particulier, dans le cas no 103 (Royaume-Uni-Rhodésie du Sud), le Comité a déclaré incompatible avec ce principe la disposition d'un projet de loi aux termes de laquelle un fonctionnaire chargé do l'enregistrement serait habilité à inscrire tout syndicat postulant indépendamment de l'industrie ou de la région, s'il est convaincu qu'aucun autre syndicat n'est déjà inscrit ou enregistré pour cette industrie et cette région.
  36. 25. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, et celui de s'affilier à ces organisations, ainsi que sur le fait qu'à son avis, les dispositions du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, interdisant la reconnaissance de plus d'un syndicat par branche professionnelle et par district, sont incompatibles avec ce principe.
  37. b) Allégations relatives à l'approbation des statuts des syndicats par les autorités
  38. 26. Les plaignants allèguent qu'en vertu du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, les règlements et statuts des syndicats doivent être approuvés par le ministre des Corporations, qui seul peut accorder aux syndicats une existence légale; de même, la demande d'approbation de statuts, ou de modifications aux statuts existants, doit être accompagnée d'un rapport de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale (section du ministère des Corporations chargée des questions du travail) indiquant si les statuts sont susceptibles d'approbation ou s'ils ne doivent être approuvés qu'après modification- Les plaignants allèguent également qu'en vertu de ce décret-loi, les statuts des syndicats doivent contenir l'engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale, la renonciation expresse à toute forme d'activité, intérieure ou extérieure, contraire aux intérêts de la nation portugaise, une reconnaissance de fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et une renonciation à la lutte des classes. De l'avis des plaignants, ces dispositions sont contraires au paragraphe 1 de l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  39. 27. Le gouvernement déclare que l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale ne fait que vérifier si les statuts sont conformes à la législation et si la nouvelle organisation est financièrement viable. Si c'est le cas, l'approbation n'est pas refusée, et si elle l'était; les intéressés auraient encore la possibilité de faire un recours devant les tribunaux. Le gouvernement précise que tous les syndicats qui existent aujourd'hui au Portugal ont élaboré leurs statuts en toute liberté; le droit du ministre d'approuver les statuts ne comporte pas la faculté d'y apporter des modifications. Le contrôle effectué pour s'assurer que les statuts et règlements d'un syndicat de travailleurs sont conformes aux dispositions législatives correspond aux formalités exigées dans plusieurs pays, dont certains ont ratifié la convention en question; de l'avis du gouvernement portugais, les formalités prévues par les Etats dans leur législation et leurs règlements en ce qui concerne la création et le fonctionnement des syndicats sont compatibles avec les dispositions de la convention tant qu'elles ne portent pas atteinte aux garanties prévues par ladite convention.
  40. 28. Le gouvernement estime que les dispositions relatives aux éléments qui, selon les déclarations des plaignants, doivent figurer dans les statuts des syndicats ne font que donner effet à certains principes acceptés, qui n'influent en rien la liberté syndicale.
  41. 29. Si, dans certains cas, le Comité est arrivé, par le passé, à conclure qu'une disposition aux termes de laquelle les statuts des syndicats doivent se conformer à des exigences de la législation nationale ne constitue pas une violation du principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer leurs statuts et leurs règlement administratifs en toute liberté, il l'a fait uniquement après avoir acquis la certitude que ces exigences légales ne portaient pas elles-mêmes atteinte au principe de la liberté syndicale et, en outre, que l'approbation des statuts par l'autorité compétente r'était pas laissée au pouvoir discrétionnaire de ladite autorité. Il est donc nécessaire d'examiner les dispositions pertinentes du décret-loi no 23050.
  42. 30. L'article 8 du décret-loi no 23050 est ainsi conçu:
  43. Art. 8. Les syndicats nationaux ne seront considérés comme constitués et n'auront une existence légale qu'après approbation des statuts par le sous-secrétariat des corporations et de la prévoyance sociale; ils dépendront directement de l'Institut national du travail et de la prévoyance et seront soumis, en ce qui concerne l'ordre publie, aux autorités administratives. Le Bulletin dudit Institut fera connaître l'approbation des statuts qui aura lieu par voie d'ordonnance- Toute modification aux statuts ne sera également valable qu'après approbation par l'autorité supérieure.
  44. Paragraphe unique. Un registre spécial des syndicats nationaux sera tenu à l'Institut national du travail et de la prévoyance et dans ce registre seront consignés tous les faits les plus importants de la vie de chaque syndicat ainsi que de ses diverses sections.
  45. Les articles 15 à 18 du décret-loi sont ainsi conçus:
  46. Art. 15. Les statuts des syndicats nationaux contiendront obligatoirement:
  47. a) le nom du syndicat, l'indication de son siège et de ses buts;
  48. b) un engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale et la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise;
  49. c) une reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes;
  50. d) les modalités et conditions d'admission des membres, leurs droits et obligations, les cas donnant lieu à exclusion ainsi que la procédure d'exclusion, les versements auxquels les membres sont tenus et la date desdits versements ainsi que les avantages qui leur sont assurés;
  51. e) les règles relatives à la création de sections, à leur fonctionnement et à leur contribution aux dépenses du syndicat, cette contribution ne pouvant en aucun cas être supérieure à 50 pour cent du montant des cotisations perçues par la section;
  52. f) le mode de désignation du comité de direction et ses attributions;
  53. g) les règles relatives à la constitution et au fonctionnement des assemblées générales, à la constitution et aux attributions du bureau de l'assemblée, à l'exercice du droit de vote et à la procédure de modification des statuts;
  54. h) la procédure de liquidation en cas de dissolution du syndicat.
  55. ......................................................................................................................................................
  56. Art. 16. La demande d'approbation des statuts de nouveaux syndicats sera formulée sous forme de requête signée par cinq membres fondateurs au moins jouissant de tous leurs droits et devra être accompagnée de deux exemplaires des statuts, dont l'un devra être signé par tous les membres fondateurs et mentionner leurs domiciles respectifs ainsi que les locaux et entreprises où ils exercent leur profession.
  57. § 1. Les requêtes et documents visés au présent article seront remis directement au sous-secrétariat des corporations et de la prévoyance sociale ou, contre reçu, au gouvernement civil du district où le syndicat doit être créé- Dans ce dernier cas, le gouverneur civil les fera parvenir immédiatement au sous-secrétariat des corporations et de la prévoyance sociale en y ajoutant tous les renseignements qu'il jugera nécessaires.
  58. § 2. La demande d'autorisation pour les sections prévues à l'article 5 sera formulée sous forme de requête signée par le président du comité de direction du syndicat intéressé et par trois membres fondateurs au moins jouissant de tous leurs droits et sera accompagnée de deux exemplaires du règlement de la section projetée, dont l'un sera signé par tous les membres fondateurs dans les mêmes conditions que pour l'autorisation de syndicats.
  59. Art. 17. La demande d'approbation des modifications de statuts sera formulée sous forme de requête signée par le comité de direction et devra être accompagnée de deux exemplaires des modifications projetées, dont l'un sera signé par les membres du comité, et d'une copie certifiée conforme du procès-verbal de l'assemblée générale dans laquelle les modifications ont été votées, avec l'indication du nombre des membres qui ont pris part au vote et la liste des membres existants.
  60. Art. 18. La requête prévue à l'article 16 sera soumise pour décision, accompagnée d'un rapport de l'Institut national du travail et de la prévoyance indiquant:
  61. 1° s'il y a dans les statuts des clauses contraires aux dispositions du Statut du travail national, du présent décret-loi ou des lois générales;
  62. 2° si les statuts sont susceptibles d'être approuvés ou s'ils ne doivent l'être qu'après certaines modifications;
  63. 3° si les requérants et les membres fondateurs exercent d'une façon effective une profession spécialisée et si l'organisation syndicale projetée est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté.
  64. 31. Il convient d'observer que les alinéas a), d), f), g) et h) de l'article 15 cité ci-dessus énumèrent un certain nombre de formalités que les syndicats règlent normalement dans leurs statuts et qui ne sauraient en soi être considérées comme restreignant le droit des syndicats d'élaborer librement leurs statuts. L'alinéa e), toutefois, exige du syndicat qu'il limite les versements qui lui sont faits par ses sections à 50 pour cent des cotisations que celles-ci perçoivent. Or, la question des sommes qu'un syndicat doit recevoir de ses sections est normalement réglée par le syndicat lui-même, à son gré, dans ses statuts. Bien que le Comité n'ait pas été appelé à se prononcer sur une disposition de ce genre dans le cas des sections d'un syndicat, il a exprimé l'avis qu'une restriction imposée par la loi du montant qu'une fédération peut recevoir des syndicats qui lui sont affiliés peut paraître contraire au principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'organiser leur gestion et leur activité et celles des fédérations qu'elles constituent.
  65. 32. En l'occurrence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il estime que la restriction mise au droit d'un syndicat de déterminer lui-même la proportion des cotisations perçues par ses sections qui doit lui être versée n'est pas compatible avec le principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer librement leurs statuts et règlements administratifs et d'organiser leur gestion et leur activité.
  66. 33. Le gouvernement soutient que les vérifications faites par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale ont pour objet de s'assurer que les dispositions législatives ont été appliquées. Toutefois, selon l'article 18, paragraphe 3, du décret-loi no 23050 cité plus haut, le rapport présenté par l'Institut au ministre ne porte pas seulement sur ce point; il doit également indiquer « si l'organisation syndicale projetée est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté ». Comme le décret n'établit aucun critère en la matière, il semblerait que le ministre ait toute latitude pour prendre sa décision sur la base du rapport présenté par un organisme qui est, en fait, une section du ministère.
  67. 34. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il estime qu'une situation dans laquelle l'existence légale d'un syndicat est subordonnée à l'approbation de ses statuts par les autorités administratives, cette exigence étant accompagnée d'une condition selon laquelle lesdites autorités devront en même temps avoir la certitude, à leur propre discrétion, que l'organisation projetée est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté - situation qui semble subsister en vertu des dispositions du décret-loi no 23050 -, n'est pas compatible avec le principe généralement accepté selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit d'établir des organisations « sans autorisation préalable ».
  68. 35. Aux termes des alinéas b) et c) de l'article 15 du décret-loi no 23050, cité plus haut, les statuts des syndicats doivent contenir l'engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale, la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise et une reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes.
  69. 36. La question qui se pose ici est de savoir si ces dispositions donnent simplement effet à un certain nombre de principes acceptés qui n'affectent pas la liberté syndicale - ainsi que le gouvernement l'affirme - ou si elles peuvent impliquer une certaine subordination des syndicats à la politique économique du gouvernement. C'est le critère que le Comité a appliqué lorsqu'il a examiné des dispositions présentant quelque analogie avec celles-ci dans le cas no 11 relatif au Brésil. Si la situation est telle que le gouvernement le soutient, on peut se demander pourquoi il a été nécessaire de promulguer ces dispositions. La question de savoir si, en fait, elles impliquent une subordination des syndicats à la politique du gouvernement peut s'éclairer par référence à d'autres dispositions du décret. Comme on l'a déjà fait observer, la formation d'un syndicat est approuvée seulement après que l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale a signalé dans un rapport que l'organisation syndicale projetée est, entre autres choses, favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté (article 18, paragraphe 3, du décret-loi no 23050). L'article 9 du décret-loi dispose sans équivoque que « les syndicats nationaux doivent subordonner leurs intérêts respectifs aux intérêts de l'économie nationale »- Selon l'article 20, qui figure sous le chapitre « Dissolution des syndicats nationaux », l'approbation des statuts sera retirée dans l'éventualité, notamment, où les syndicats « ne rempliraient pas convenablement les fonctions dont ils ont été ou dont ils viendraient à être chargés », point sur lequel les autorités compétentes paraissent avoir toute latitude pour se prononcer comme elles l'entendent. Lorsque le décret est entré en vigueur, les autorités ont été habilitées en vertu de l'article 24, paragraphe 1 - ici encore à leur entière discrétion -, lorsqu'il existe deux associations professionnelles dans la même profession dans un district déterminé, à accorder priorité à l'une d'elles - l'autre devant alors se dissoudre - après avoir pris en considération les activités passées de l'association et de « l'affinité de ses dispositions statutaires antérieures » avec le décret. Il découle forcément de tout ce qui précède que les dispositions de l'article 15, alinéas b) et c), du décret, de même que les autres dispositions citées, impliquent l'acceptation expresse par les syndicats, dans leurs statuts, d'une situation dans laquelle leur liberté d'agir dans l'intérêt de leurs membres est subordonnée à la politique économique du gouvernement.
  70. 37. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il estime que les dispositions de l'article 15, alinéas b) et c), du décret-loi no 23050 ne sont pas compatibles avec les principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'organiser leur activité et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, la législation nationale ne devant porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte à l'exercice effectif de ce droit.
  71. c) Allégations relatives à des restrictions du droit des syndicats de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs
  72. 38. Les plaignants allèguent qu'un syndicat ne peut pas s'affilier à une organisation de caractère international ni nommer des représentants à un congrès ou à une manifestation internationale sans l'autorisation du gouvernement, sous peine de dissolution immédiate et, pour les membres de son comité de direction, de la perte des droits civiques pendant deux ans.
  73. 39. Le gouvernement fait valoir qu'il serait contradictoire de chercher à éviter, sur le plan intérieur, des infiltrations de caractère antinational par des partis ou des groupements politiques subversifs (voir paragraphe 44 ci-après) et d'autoriser, sur le plan international, l'affiliation à des organisations qui pourrait conduire à des résultats analogues; il déclare que la condition imposée constitue non une interdiction, mais une restriction, telle qu'il en existe au Brésil, au Honduras, dans l'Inde et en Turquie, par exemple.
  74. 40. L'article 10 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, est ainsi conçu:
  75. Art. 10. Les syndicats nationaux exercent leur activité exclusivement sur le plan national et en respectant d'une façon absolue les intérêts supérieurs de la nation; il leur est, par suite, interdit de s'affilier à des organismes quelconques de caractère international ou de se faire représenter à des manifestations ou à des congrès internationaux sans l'autorisation du gouvernement. Ils n'ont pas non plus le droit, sans une telle autorisation, de verser des contributions financières à des organismes étrangers ni de recevoir de ces organismes des dons ou des prêts.
  76. Paragraphe unique. Toute infraction aux dispositions du présent article entraînera la dissolution immédiate du syndicat et, pour les personnes qui font partie de ses organes directeurs, la perte des droits civiques pour deux années.
  77. 41. A plusieurs reprises, le Comité a souligné l'importance qu'il attache au droit des organisations de travailleurs et d'employeurs de s'affilier librement à des organisations internationales de travailleurs et d'employeurs, qui est consacré à l'article 5 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Dans le cas relatif au Brésil (cas no 11), la question qui se posait était précisément comme dans le cas présent celle de la nécessité d'obtenir l'autorisation du gouvernement pour l'affiliation des organisations de travailleurs à des organisations internationales de travailleurs. Dans le cas en question, le Conseil d'administration, sur la recommandation du Comité, avait suggéré au gouvernement qu'il pourrait, à la lumière des principes formulés dans la convention susmentionnée, réexaminer certains aspects de la législation nationale, y compris les dispositions relatives à l'affiliation à des organisations internationales, en vue de ratifier ladite convention. Le Comité a souligné de nouveau, dans le cas no 248, concernant le Sénégal, que la législation nationale ne doit pas être appliquée de manière à porter atteinte au principe selon lequel les organisations syndicales doivent pouvoir s'affilier librement à des organisations internationales de travailleurs - droit que le Comité a déclaré être « presque universellement reconnu ».
  78. 42. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe généralement accepté selon lequel les organisations syndicales ont le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, et d'exprimer l'avis que la subordination d'une telle affiliation à l'autorisation du gouvernement n'est pas compatible avec ce principe.
  79. d) Allégations relatives à des atteintes au droit des syndicats d'élire leurs représentants
  80. 43. Les plaignants allèguent que, conformément au décret no 25116, du 12 mars 1935, la nomination des membres du comité de direction élu d'un syndicat doit être homologuée par le ministre des Corporations, tandis que le décret no 32820, du 31 mars 1942, habilite le gouvernement à désigner, pour des « raisons graves et dûment justifiées », une commission administrative pour remplacer le comité élu.
  81. 44. Le gouvernement admet l'existence de ces dispositions, qu'il explique de la façon suivante. La disposition concernant l'homologation du comité de direction a pour objet, en premier lieu, de vérifier la régularité de la procédure d'élection et, en second lieu, d'éviter que les syndicats ne passent sous le contrôle du parti communiste ou d'autres groupes qui se proposeraient de violer les principes constitutionnels ou de recourir à la force pour atteindre des objectifs politiques- L'usage de la faculté de désigner des commissions administratives s'est inspiré, déclare le gouvernement, du souci d'« éviter les irrégularités dans la vie administrative des organisations professionnelles », la désignation d'une telle commission constituant une mesure exceptionnelle et temporaire, tout abus de pouvoir pouvant faire l'objet d'un recours.
  82. 45. Le Comité a souligné à plusieurs reprises l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté. La question de l'obligation de faire homologuer les résultats des élections par une autorité administrative doit être examinée à la lumière de ce principe- Il existe, dans plusieurs pays des dispositions législatives aux termes desquelles un fonctionnaire indépendant des autorités publiques - par exemple un préposé à l'enregistrement des syndicats - peut prendre des mesures, sous réserve d'un recours aux tribunaux, en cas de plainte ou de motifs raisonnables de supposer qu'une élection syndicale est contraire aux statuts de l'organisation intéressée ou entachée d'irrégularités; ici encore, les irrégularités de cet ordre peuvent donner lieu à une action devant les tribunaux ordinaires. Cependant, c'est une situation bien différente de celle qui se présente lorsqu'il est dit, en termes généraux, que l'élection ne peut être valable qu'après avoir été homologuée par les autorités administratives. D'ailleurs, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'Organisation internationale du Travail a déjà cité les dispositions du décret no 25116 comme un exemple de dispositions d'une législation nationale qui ne semblent pas compatibles avec le principe consacré à l'article 3, paragraphe 2, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit de ces organisations à élire librement leurs représentants, ou à entraver l'exercice légal de ce droit.
  83. 46. Le gouvernement soutient que le décret no 25116 a pour objet de vérifier la régularité de la procédure d'élection et d'éviter le contrôle des syndicats par des partis ou des groupements politiques subversifs. En l'absence de critères législatifs évidents, il semble toutefois que la latitude des autorités ne connaisse pas de limite.
  84. 47. Le Comité estime donc que l'homologation par les pouvoirs publics des résultats des élections syndicales, requise au Portugal, n'est pas compatible avec le principe de la liberté des élections, énoncé plus haut.
  85. 48. La deuxième question est celle que pose la disposition du décret no 32820, du 31 mars 1942, qui autorise le gouvernement à désigner des commissions administratives pour remplacer le comité élu en cas de « raisons graves et dûment justifiées ». Le gouvernement déclare que pareille mesure est exceptionnelle et toujours temporaire, son objet étant d'« éviter les irrégularités dans la vie administrative des organisations professionnelles ».
  86. 49. Ces dispositions ont une portée extrêmement vaste et paraissent laisser aux autorités administratives la faculté de destituer le comité de direction d'un syndicat chaque fois qu'elles estiment, à leur discrétion, avoir « des raisons graves et dûment justifiées »; ces dispositions ne peuvent aucunement être comparées avec celles qui, dans certains pays, permettent aux tribunaux d'invalider une élection pour des motifs précisés par la loi. Il s'agit ici d'un pouvoir illimité conféré aux autorités publiques. Le Comité a déjà exprimé l'avis que la destitution de dirigeants syndicaux par une autorité administrative, même en raison d'une activité politique illégale, constitue une procédure susceptible de permettre des abus et de porter atteinte au droit généralement reconnu des organisations d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité. Dans le cas no 140 (Argentine), le Comité a estimé que la désignation, par le gouvernement de ce pays, de personnes chargées d'administrer la Confédération générale du travail, à titre de mesure jugée nécessaire par suite de la corruption de l'administration des syndicats, semblerait «en période normale ... incompatible avec la liberté syndicale. »
  87. 50. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité, et de déclarer incompatibles avec ledit principe les dispositions du décret no 25116, du 12 mars 1935, qui subordonnent les résultats des élections syndicales à l'homologation du gouvernement, comme celles du décret no 32820, du 31 mars 1942, qui autorisent le gouvernement à désigner des commissions administratives pour remplacer les comités élus des syndicats.
  88. e) Allégations concernant la dissolution d'organisations par voie administrative
  89. 51. Les plaignants allèguent que toute organisation de travailleurs qui s'écarte des fins en vue desquelles elle a été créée, qui ne se conforme pas à ses statuts, qui ne fournit pas au gouvernement ou aux organismes de droit public les renseignements qui lui sont demandés sur des questions de sa spécialité, qui suscite ou encourage des grèves ou des suspensions d'activité, etc., peut être dissoute par le retrait de l'approbation de ses statuts, sur décision des autorités compétentes (article 20 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933).
  90. 52. Le gouvernement fait valoir que si les syndicats doivent prendre place dans un certain cadre déterminé par la législation, ce n'est pas pour se soustraire à cette même obligation une fois constitués- Selon le gouvernement, la décision officielle peut faire l'objet d'un recours auprès des tribunaux - ce qu'un syndicat a déjà fait avec succès - de sorte que la dissolution s'effectue, en dernière analyse, par voie judiciaire.
  91. 53. Le texte intégral de l'article 20 du décret-loi no 23050 est le suivant.
  92. Art. 20. L'approbation des statuts sera retirée aux syndicats nationaux qui se détourneraient des fins en vue desquelles ils ont été créés, qui ne se conformeraient pas à leurs statuts, qui ne fourniraient pas au gouvernement ou aux organismes de droit public les renseignements qui leur seront demandés sur des questions de leur spécialité, qui ne rempliraient pas convenablement les fonctions dont ils ont été ou dont ils viendraient à être chargés, qui susciteraient ou encourageraient des grèves ou suspensions d'activité ou qui contreviendraient aux dispositions du présent décret-loi, sans préjudice de la responsabilité personnelle des organismes de gestion et de toutes autres sanctions applicables.
  93. 54. Dans de très nombreux cas, le Comité a souligné l'importance qu'il attache au principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doivent pas être susceptibles de suspension ou de dissolution par voie administrative. En l'occurrence, le gouvernement affirme que la décision administrative de dissoudre un syndicat peut faire l'objet d'un recours auprès des tribunaux. Dans le cas no 11 (Brésil), le Comité a eu à examiner des allégations concernant la suspension de la Confédération des travailleurs brésiliens par mesure administrative, l'organisation ayant été ultérieurement dissoute à la suite d'une action intentée devant le tribunal compétent. Le gouvernement du Brésil soutenait que la suspension par mesure administrative ne constituait qu'une première étape dans la procédure de dissolution par voie judiciaire, qui offrait aux intéressés toutes les garanties de la loi. Le Comité a fait observer qu'un principe généralement accepté exige que la suspension ou la dissolution d'une organisation d'employeurs ou de travailleurs ne soit prononcée que par les tribunaux et, tout en notant qu'en définitive la dissolution a été prononcée par le tribunal compétent, il a fait remarquer que, dans le cas où des mesures de suspension sont prises par une autorité administrative, il pourrait exister un danger d'arbitraire apparent; même si ces mesures sont provisoires et limitées dans le temps et qu'elles sont suivies d'une action judiciaire. La faculté réservée au gouvernement par la législation portugaise va cependant bien au-delà. Dans le cas du Brésil, l'autorité administrative pouvait seulement suspendre et non dissoudre l'organisation; la dissolution ne pouvait être effectuée que si les autorités elles-mêmes - et non le syndicat agissant en qualité de recourant - instituaient une action en justice. En l'occurrence, la seule voie de recours ouverte au syndicat est d'interjeter appel auprès des tribunaux d'une décision de dissolution administrative - voie dans laquelle le syndicat pourrait même se trouver dans l'impossibilité de s'engager dans l'éventualité d'une dissolution « immédiate » par mesure administrative dans l'un des cas visés à l'article 10 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933 (voir paragraphe 40 ci-dessus).
  94. 55. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne devraient pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative, et d'exprimer l'avis que les dispositions des articles 10 et 20 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, ne sont pas compatibles avec ce principe.
  95. f) Allégations relatives aux cotisations syndicales obligatoires
  96. 56. Il est allégué que le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, permet au ministre des Corporations de rendre la cotisation obligatoire pour certaines catégories de travailleurs, même si ceux-ci ne sont pas syndiqués.
  97. 57. Il est de pratique courante, déclare le gouvernement portugais, que des travailleurs appartenant à des catégories professionnelles organisées, même s'ils ne sont pas syndiqués, versent au syndicat une contribution d'un montant égal à celui de la cotisation des membres dudit syndicat, puisque tous les travailleurs récoltent les fruits de l'activité syndicale et que les conventions collectives s'appliquent à toutes les catégories intéressées; les contributions sont perçues directement par le syndicat, sans l'intervention des pouvoirs publics.
  98. 58. Le Comité a été appelé à examiner, à propos du cas no 121 relatif à la Grèce, la question de la déduction obligatoire des cotisations syndicales en vertu de la législation. Tout en exprimant l'avis général que les divers systèmes de subvention aux organisations de travailleurs ont des conséquences toutes différentes selon la forme qu'ils revêtent, le Comité n'a pas formulé de conclusions définitives sur ce point, car, dans le cas d'espèce, subsistaient deux facteurs absents du présent cas: en effet, les travailleurs pouvaient, néanmoins, sur leur demande, être exemptés du paiement de la contribution et, de toute façon, le système allait être modifié, pour que les questions de ce genre puissent être réglées par voie de négociation collective a.
  99. 59. Le Comité a également été appelé à examiner des cas dans lesquels la retenue des cotisations syndicales, ou d'autres formes de clauses de sécurité syndicale, avaient été instituées non pas en vertu de la législation, mais par voie de négociation collective, ou du fait d'une pratique subsistant entre les deux parties. Dans ces cas, le Comité a refusé de retenir les allégations formulées, en se fondant sur l'opinion, exprimée dans un rapport de la Commission des relations professionnelles instituée par la Conférence internationale du Travail en 1949, selon laquelle la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ne devait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale, de telles questions relevant de la réglementation et de la pratique nationales.
  100. 60. En fait, on pourrait citer de nombreux pays dont la législation interdit certaines formes de clauses de sécurité syndicale, comme de nombreux pays dont la législation autorise de telles clauses, soit expressément, soit du fait qu'il n'existe aucune disposition à cet effet- Cependant, la situation change du tout au tout lorsque la législation impose la sécurité syndicale - soit en rendant l'affiliation obligatoire, soit en prévoyant le versement de cotisations syndicales dans des conditions telles que ce caractère d'obligation existe en fait.
  101. 61. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a jugé incompatible avec les principes contenus dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, une situation dans laquelle un individu se voit refuser toute possibilité de choix entre différentes organisations, la législation n'autorisant l'existence que d'une seule organisation dans sa branche professionnelle; en fait, de telles dispositions créent, par voie législative, un monopole syndical qu'il convient de distinguer, d'une part, des clauses et pratiques de sécurité syndicale et, d'autre part, des situations dans lesquelles les organisations syndicales de base se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération. Un tel monopole syndical existe au Portugal en vertu de la législation (voir paragraphes 12 à 25 ci-dessus). Dans ces conditions, il semblerait que l'obligation légale de cotiser à ce monopole syndical, indépendamment de toute affiliation, vient consacrer et renforcer davantage ce monopole.
  102. 62. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait qu'à son avis le pouvoir - que le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, confère au ministre compétent - d'obliger tous les travailleurs d'une branche professionnelle intéressée à verser des cotisations au syndicat national unique dont la constitution est autorisée par branche professionnelle et par district, n'est pas compatible avec le principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de s'affilier aux organisations « de leur choix ».
  103. g) Allégations relatives au contrôle des négociations collectives et à l'homologation des conventions collectives par l'autorité gouvernementale
  104. 63. Il est allégué que des délégués de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale « contribuent à l'élaboration des conventions collectives en dirigeant les négociations et la rédaction des clauses » et que l'Institut reçoit, « aux fins de révision, les projets de conventions collectives », que les conventions, enfin, doivent être homologuées par le ministre des Corporations (décret-loi no 23048, du 23 septembre 1933). Les plaignants estiment que ces dispositions sont contraires à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  105. 64. Le gouvernement portugais précise que les organisations de travailleurs et d'employeurs jouissent de la plus grande liberté en matière de négociations collectives et que l'intervention de l'Institut a pour but de faciliter les négociations, son rôle consistant à expliquer et à concilier, surtout lorsqu'il s'agit de secteurs dans lesquels les syndicats sont moins développés; l'Institut cherche, en particulier, à amener les organisations d'employeurs à améliorer les conditions de travail. Quant à l'homologation des conventions collectives par le ministre, le gouvernement déclare « qu'elle doit uniquement permettre de sauvegarder les intérêts supérieurs de l'économie nationale, intérêts qui doivent évidemment conditionner la liberté de négociation ».
  106. 65. Dans un certain nombre de cas, le Comité a souligné l'importance qu'il a toujours attachée au fait que le droit de négocier librement avec les employeurs à propos des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, ainsi qu'au principe selon lequel les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit dès syndicats de chercher, par voie de négociation collective ou par d'autres moyens licites, à améliorer les conditions dé vie et de travail de ceux qu'ils représentent ou à en entraver l'exercice légal.
  107. 66. Ces allégations soulèvent deux questions: l'ingérence dans le processus de négociation et la nécessité d'une homologation officielle des conventions.
  108. 67. En ce qui concerne la première, il est nécessaire de se reporter aux articles pertinents du décret-loi no 36173, du 6 mars 1947, relatif aux conventions collectives.
  109. 68. Les articles 25 à 28 de ce décret-loi sont ainsi conçus:
  110. 25. Les directions des organismes corporatifs sont compétentes pour négocier et conclure les conventions collectives auxquelles ceux-ci sont parties.
  111. Paragraphe unique. En ce qui concerne les associations patronales (grémios), la négociation et la conclusion des conventions sont subordonnées à l'approbation du conseil général intéressé ou, à défaut, de l'assemblée générale.
  112. 26. Les services d'action sociale et les délégations de l'Institut national du travail et de la prévoyance doivent collaborer à l'élaboration des conventions collectives en dirigeant les négociations et la rédaction des clauses.
  113. 27. Les projets de convention seront remis à l'Institut national du travail et de la prévoyance, sur papier libre et en trois exemplaires, aux fins de révision par les soins de la 2ème division, qui consultera respectivement la Ire et la 3ème division sur les matières en relation avec l'organisation corporative et la prévoyance
  114. 28. L'original du texte définitif des conventions sera écrit sur papier timbré et remis à l'Institut national du travail et de la prévoyance, accompagné d'une copie sur papier libre, après avoir été signé par les parties contractantes.
  115. 69. Il convient de noter que l'article 26 du décret-loi dispose que l'Institut national du travail doit « collaborer à l'élaboration des conventions collectives en dirigeant les négociations et la rédaction des clauses » et que, de son côté, l'article 27 dispose que les projets de toutes les conventions seront remis à l'Institut « aux fins de révision ». Aucune disposition ne semble limiter l'intervention de l'Institut aux cas dans lesquels les parties qui négocient un accord sollicitent sa médiation, ou à ceux qui donnent lieu à un différend du travail; l'article 26 semble, au contraire, rendre cette intervention obligatoire dans toutes les négociations collectives. Le gouvernement portugais soutient que son intervention ne vise qu'à faciliter les négociations et la conciliation des parties. Il semblerait toutefois évident qu'en collaborant obligatoirement à diriger « les négociations et la rédaction des clauses », l'Institut soit tenu de s'assurer que les dispositions du décret-loi no 36173 et d'autres décrets-lois pertinents sont respectés au cours des négociations; en effet, aux termes des dispositions de l'article 2 du décret-loi no 23053, du 23 septembre 1933, portant création de l'Institut, celui-ci a pour objet d'« assurer l'application des lois... de caractère social ... conformément à l'esprit de rénovation politique, économique et sociale de la nation portugaise ». Il semblerait donc que, parmi ces dispositions de caractère social dont l'Institut est tenu d'assurer l'application, figurent l'article 8 a) du décret-loi no 36713, aux termes duquel sont expressément exclues des conventions « les clauses qui contiendraient quoi que ce soit de contraire au droit, réservé à l'Etat, de coordonner et de réglementer au degré supérieur la vie économique de la nation, et de surveiller l'observation des lois sociales », l'article 32 du décret-loi no 23048, du 23 septembre 1933, promulguant le Statut du travail, qui dispose que le contrat collectif de travail « conclu » entre les syndicats et les associations d'employeurs « est l'expression de la solidarité existant entre les différents éléments de chacune des branches de l'activité économique, tout en subordonnant les intérêts des parties aux exigences supérieures de l'économie nationale», et l'article 5 du décret-loi no 23049, du 23 septembre 1933, qui dispose que, pour tout ce qui a trait à la discipline du travail et aux salaires, les associations patronales obligatoires « dépendent directement du Sous-secrétariat des corporations et de la prévoyance sociale ».
  116. 70. Il semblerait donc que l'intervention de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale vise essentiellement à garantir que les parties qui négocient subordonnent leurs intérêts à la politique économique nationale du gouvernement, que celle-ci recueille ou non leur agrément: il y a là une situation qui n'est pas compatible avec les principes généralement acceptés, selon lesquels les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit d'organiser librement leurs activités et de formuler leurs programmes, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, et la législation nationale ne devant être de nature, ou ne devant être appliquée de façon à compromettre la jouissance de ce droit.
  117. 71. Il est allégué en second lieu que l'accord définitif ne prend effet qu'une fois homologué par le ministre des Corporations, homologation qui, selon le gouvernement portugais, vise uniquement à « sauvegarder les intérêts supérieurs de l'économie nationale, qui doivent évidemment conditionner la liberté de négociation ».
  118. 72. L'article 29 du décret no 36173 dispose que « la validité des conventions est subordonnée à leur homologation par le sous-secrétaire d'Etat aux corporations et à la prévoyance sociale ».
  119. 73. Dans le cas no 151 (République dominicaine), le Comité faisait observer que la nécessité d'une approbation préalable des autorités officielles pour la mise en vigueur d'une convention collective semblait contraire à tout le régime de négociations volontaires prévu par la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et qu'elle impliquait, de la part des autorités publiques, une possibilité d'intervention incompatible avec le principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Dans le cas no 143 (Espagne), le Comité, notant qu'en vertu de la législation, les conventions collectives, après leur conclusion, devaient être soumises à l'approbation des autorités compétentes et que les conventions n'entraient pas en vigueur si elles n'étaient pas approuvées, a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention sur l'incompatibilité d'une telle disposition, en temps normal, avec le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi.
  120. 74. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
  121. a) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il a toujours attachée aux principes selon lesquels:
  122. i) les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
  123. ii) la libre négociation des conditions de travail par les organisations de travailleurs et les employeurs et organisations d'employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale;
  124. iii) les syndicats devraient avoir le droit de chercher à améliorer, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
  125. iv) des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises, au besoin, pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi;
  126. b) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait que, de l'avis du Conseil d'administration, la législation prévoyant l'intervention, dans les négociations collectives, de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale et soumettant les conventions collectives à l'approbation des autorités publiques, n'est pas compatible avec les principes énoncés aux alinéas i), ii), iii) et iv) ci-dessus.
  127. h) Allégations relatives à l'interdiction des grèves
  128. 75. Les plaignants allèguent que le décret no 23870, du 18 mai 1934, interdit les grèves et les lock-outs et prévoit les peines dont sont passibles les personnes coupables de ces " délits ". Entre octobre 1959 et février 1960, déclarent-ils, quarante-huit travailleurs ont été condamnés pour " délit de grève " à des peines d'emprisonnement allant de cinq mois à cinq ans, tandis que le 7 avril 1961, quatorze ouvriers ont été condamnés à trois mois de prison et à la suspension de leurs droits politiques durant trois ans pour avoir déclenché une grève dans les mines de pyrite, à Aljustrel, dans la province d'Alentejo; après jugement, ces quatorze ouvriers ont été relâchés car ils avaient déjà passé un an en prison.
  129. 76. Le gouvernement déclare qu'à sa connaissance les conventions sur la liberté syndicale ne contiennent pas de directives en matière de grève et que la législation portugaise prévoit, pour le règlement des conflits du travail, des moyens pacifiques qui ont été systématiquement mis en oeuvre jusqu'ici. En conclusion, le gouvernement déclare que se trouve à l'étude " l'adoption de dispositions complémentaires qui donnent aux travailleurs des garanties plus efficaces encore, pour ce qui est de leurs revendications sociales, que celles qu'ils ont actuellement ".
  130. 77. Le Comité a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux, et il a noté à plusieurs reprises que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense des intérêts professionnels. A cet égard, le Comité a souligné l'importance qu'il attache, lorsque les grèves sont interdites ou sujettes à des restrictions, à ce que des garanties appropriées soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels et a relevé que les restrictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer.
  131. 78. Dans le présent cas, la situation est telle que les grèves et les lock-outs sont entièrement interdits et réprimés par le décret-loi no 23870, du 18 mai 1934. Ainsi, la participation à une grève est punie d'une amende de 50 à 1.000 escudos ou d'une peine d'emprisonnement de douze mois au plus; si l'acte est réputé avoir été commis à des fins politiques, le coupable est passible d'une peine de relégation de trois à huit ans et d'une amende de 2.000 escudos au plus. Si la grève a pour objet d'influer sur les décisions des autorités publiques, la peine applicable sera celle de l'emprisonnement de deux à quatre ans. En cas de récidive, la personne qui a commis l'infraction est passible du maximum de la peine.
  132. 79. Des tribunaux du travail ont été créés par le décret-loi no 24363, du 15 août 1934. Ainsi que l'a noté le Comité de l'indépendance des organisations d'employeurs et de travailleurs (Comité Mac'Nair) créé par l'Organisation internationale du Travail, tous les différends du travail sont obligatoirement soumis à la juridiction des tribunaux du travail, qui ont des fonctions de conciliation et d'arbitrage. Leurs décisions ont force obligatoire, mais il peut être fait appel devant le Tribunal suprême administratif.
  133. 80. Le Comité constate toutefois que le gouvernement déclare que l'adoption de dispositions complémentaires en vue d'accroître les garanties accordées aux travailleurs est actuellement à l'étude. Le Comité estime donc qu'au lieu d'examiner quant au fond la procédure appliquée présentement pour le règlement des différends au Portugal, il serait préférable d'attendre le résultat de cette étude, et de recommander au Conseil d'administration, à ce stade, d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes qu'il faut, à son avis, avoir présents à l'esprit à ce sujet.
  134. 81. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
  135. a) de prendre note, en ce qui concerne les moyens de règlement des conflits prévus par la législation portugaise, de la déclaration du gouvernement selon laquelle est à l'étude " l'adoption de dispositions complémentaires qui donnent aux travailleurs des garanties plus efficaces encore, pour ce qui est de leurs revendications sociales, que celles qu'ils ont actuellement ";
  136. b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que le droit de grève en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations, et sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe selon lequel, lorsque les grèves sont restreintes ou interdites, ces restrictions ou interdictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'un système d'arbitrage indépendant et impartial;
  137. c) d'exprimer l'espoir que le gouvernement tiendra pleinement compte de ce principe lors de l'examen de la situation qui, selon ses déclarations, a présentement lieu en vue d'adopter des dispositions complémentaires relatives aux moyens de règlement des conflits, et de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de tout fait nouveau en la matière.
  138. 82. Le gouvernement n'a pas répondu aux allégations spécifiques concernant les travailleurs condamnés pour " délit de grève " en octobre 1959 et février 1960 et le 7 avril 1961 (voir paragraphe 75 ci-dessus)- Aussi le Comité recommande-t-il au Conseil d'administration de demander au gouvernement de présenter ses observations sur cet aspect du cas.
  139. i) Allégations relatives au refus du droit d'association aux travailleurs aborigènes dans les provinces portugaises d'outre-mer
  140. 83. Les plaignants allèguent que la législation métropolitaine sur les syndicats s'applique aux provinces d'outre-mer, mais uniquement aux personnes de descendance européenne et aux assimilados. Ils déclarent que les chiffres du recensement publiés dans l'édition de 1958 de l'Anuário estatistico do Ultramar - montrent qu'en Angola, en Mozambique et dans les autres provinces d'outre-mer, il existait 131-022 Européens, 96-207 assimilados et 10-690-451 autres habitants. Le décret no 39660, du 20 mai 1954, dispose, selon les plaignants, que les non-assimilés, c'est-à-dire plus de 99 pour cent de la population non européenne, n'ont pas le droit de s'affilier à une organisation syndicale.
  141. 84. Le gouvernement soutient qu'à cet égard " sa ligne de conduite a été tout à fait conforme aux dispositions de l'article 15 de la convention (no 107) sur la protection des populations aborigènes, 1957 - convention que le Portugal a ratifiée. L'article 15 prévoit en effet que chaque Etat Membre devra, dans le cadre de sa législation nationale, prendre des mesures spéciales afin d'assurer aux travailleurs appartenant aux populations intéressées une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi, aussi longtemps que ces travailleurs ne seront pas à même de bénéficier de la protection accordée aux travailleurs en général. " Le gouvernement déclare en outre que le " Statut des indigènes " a été abrogé et que " la population portugaise se trouve désormais tout entière soumise à une même législation politique, cela sans distinction de race, de religion ou de tradition culturelle prédominante ".
  142. 85. Le Portugal ayant ratifié la convention le 22 novembre 1960, cet instrument n'est entré en vigueur pour ce pays que le 22 novembre 1961, si bien que le gouvernement ne sera pas appelé à présenter un rapport sur l'application de la convention, conformément à l'article 22 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, avant octobre 1962. De ce fait, la seule information dont le Comité dispose actuellement à ce sujet est la déclaration du gouvernement aux termes de laquelle la situation dans les provinces portugaises d'outre-mer répond aux dispositions de l'article 15 de la convention.
  143. 86. Etant donné que le gouvernement a déclaré que le " Statut des indigènes " a été abrogé, la population portugaise, sans distinction, se trouve désormais tout entière soumise à une même législation politique, la situation exacte à l'heure actuelle n'est pas claire. Selon le décret no 39660, du 20 mai 1954, relatif à la liberté syndicale, " tous les citoyens jouissant de leurs droits civils et politiques " sont autorisés à constituer des associations, sous réserve des conditions énoncées dans le décret et de l'approbation des statuts par les autorités publiques. Ce décret est encore en vigueur. Le Statut des indigènes qui a été abrogé constituait le décret-loi no 39666, du 20 mai 1954 également. Il semble donc nécessaire de demander au gouvernement de bien vouloir clarifier la situation des populations indigènes en ce qui concerne la jouissance, depuis l'abrogation dudit décret, du droit d'organisation aux termes de la législation et dans la pratique
  144. 87. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement d'expliquer dans quelle mesure, à la suite de l'abrogation du Statut des indigènes, les populations indigènes des provinces d'outre-mer jouissent maintenant du droit de créer des syndicats et de s'y affilier aux termes de la législation, et s'ils peuvent actuellement exercer ce droit dans la pratique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 88. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la limitation du nombre des organisations syndicales pouvant être constituées, d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et celui de s'affilier à ces organisations, sans autorisation préalable, et sur le fait qu'à son avis les dispositions du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, interdisant la reconnaissance de plus d'un syndicat par branche professionnelle et par district sont incompatibles avec ce principe;
    • b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'homologation des statuts syndicaux par les autorités, d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait qu'à son avis:
    • i) les restrictions apportées par l'article 15 e) du décret-loi no 23050 au droit des syndicats à fixer eux-mêmes la proportion des cotisations versées à leurs filiales qui sera remise au syndicat principal ne sont pas compatibles avec le principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer librement leurs statuts et règlements et d'organiser leur gestion, ainsi que leurs activités;
    • ii) une situation qui subordonne l'existence légale d'une organisation syndicale à l'approbation des statuts syndicaux par l'autorité administrative, tout en imposant comme condition que ladite autorité, à sa discrétion, s'assurera que l'existence de l'organisation projetée se justifie du point de vue des intérêts économiques et sociaux de la communauté - situation qui semble subsister en vertu des dispositions du décret-loi no 23050 - n'est pas compatible avec le principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales « sans autorisation préalable »;
    • iii) pour les raisons indiquées aux paragraphes 35 à 37 ci-dessus, les dispositions de l'article 15 b) et c) du décret-loi no 23050 ne sont pas compatibles avec les principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts et règlements, d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, et la législation nationale ne devant pas être de nature, ou ne devant pas être appliquée de façon à compromettre la jouissance réelle de ce droit;
    • c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux limitations apportées au droit des syndicats de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il attache au principe généralement accepté selon lequel les organisations syndicales devraient avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, et d'exprimer l'avis que la subordination d'une telle affiliation à l'autorisation du gouvernement n'est pas compatible avec ce principe;
    • d) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'ingérence de l'Etat dans le droit des syndicats d'élire leurs représentants:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté et d'organiser leur gestion ainsi que leurs activités;
    • ii) d'exprimer l'avis que les dispositions du décret-loi no 25116, du 12 mars 1935, soumettant à l'approbation du gouvernement les résultats des élections syndicales, ainsi que les dispositions du décret-loi no 32820, du 31 mars 1942, autorisant le gouvernement à nommer des commissions administratives en remplacement des comités de direction élus par les syndicats ne sont pas compatibles avec ce principe;
    • e) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la dissolution, par l'autorité administrative, d'organisation syndicales:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne devraient pouvoir être dissoutes ou suspendues par voie administrative;
    • ii) d'exprimer l'avis que les dispositions des articles 10 et 20 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, ne sont pas compatibles avec ce principe;
    • f) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux cotisations syndicales obligatoires, d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait qu'à son avis le pouvoir - que le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, confère au ministre compétent - d'obliger tous les travailleurs de la catégorie professionnelle intéressée à verser des cotisations au syndicat national unique dont la création est autorisée par branche professionnelle et par district, n'est pas compatible avec le principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de s'affilier aux organisations « de leur choix »;
    • g) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives au contrôle des négociations collectives et à l'homologation des conventions collectives par les autorités publiques:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée aux principes selon lesquels:
  2. 1) les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
  3. 2) la libre négociation des conditions de travail par les organisations de travailleurs et les employeurs et organisations d'employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale;
  4. 3) les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des syndicats de chercher à améliorer, par voie de négociations collectives ou par tout autre moyen licite, les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent ou à en entraver l'exercice légal;
  5. 4) des mesures appropriées aux conditions nationales devraient être prises, au besoin, pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi;
    • ii) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait que, de l'avis du Conseil d'administration, la législation prévoyant l'intervention, dans les négociations collectives, de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale et soumettant les conventions collectives à l'approbation des autorités publiques n'est pas compatible avec les principes énoncés aux alinéas 1) à 4) ci-dessus;
    • h) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'interdiction des grèves:
    • i) de prendre acte, à propos du mécanisme de règlement des différends prévu en vertu de la législation portugaise, de la déclaration du gouvernement portugais selon laquelle est à l'étude « l'adoption de dispositions complémentaires qui donnent aux travailleurs des garanties plus efficaces encore, pour ce qui est de leurs revendications sociales, que celles qu'ils ont actuellement »;
    • ii) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait que le droit de grève en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations, et sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe selon lequel, lorsque les grèves sont restreintes ou interdites, ces restrictions ou interdictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'un système d'arbitrage indépendant et impartial;
    • iii) d'exprimer l'espoir que le gouvernement portugais tiendra pleinement compte de ce principe au cours de l'examen de la situation qui, selon ses déclarations, a présentement lieu, en vue de promulguer des dispositions complémentaires relatives au mécanisme de règlement des différends, et de demander au gouvernement portugais de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de tout fait nouveau en la matière;
    • iv) de demander au gouvernement portugais de bien vouloir communiquer ses observations sur les allégations précises relatives aux travailleurs condamnés pour « délits de grève » entre octobre 1959 et février 1960 et le 7 avril 1961, dont il est question au paragraphe 75 ci-dessus;
    • v) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives au refus du droit d'association aux travailleurs indigènes des provinces portugaises d'outre-mer, de demander au gouvernement portugais de bien vouloir faire savoir dans quelle mesure, à la suite de l'abrogation du Statut des indigènes, les populations indigènes des provinces d'outre-mer jouissent actuellement du droit de constituer légalement des syndicats et de s'y affilier, et si elles peuvent exercer ce droit dans la pratique.
      • Genève, le 28 mai 1962. (Signé) Roberto AGO, Président.
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