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Definitive Report - Report No 90, 1966

Case No 282 (Burundi) - Complaint date: 31-JAN-62 - Closed

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  1. 49. La présente affaire a déjà été examinée parle Comité lors de ses 41ème et 42ème sessions, tenues respectivement aux mois de novembre 1965 et février 1966. Il a présenté à ces occasions deux rapports intérimaires, qui ont été adopté par le Conseil d'administration à ses 163ème (novembre 1965) et 164ème sessions (février-mars 1966).

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 50. Le cas comporte trois séries d'allégations: en premier lieu, il était allégué que M. Niyirikana, président du Syndicat chrétien du Burundi, et M. Mayondo, conseiller de cette organisation, avaient été exécutés sans jugement à Bujumbura le 25 octobre 1965 et que d'autres dirigeants syndicaux avaient été placés sur une liste de personnes à exécuter; en deuxième lieu, il était allégué qu'un certain nombre de dirigeants et de militants du Syndicat chrétien du Burundi avaient été arrêtés en juillet 1964, parmi lesquels MM. Gegera, Ntahomarikiye, Monwangari, Nahinana, Baridwegur, Ntwenga, Nigere et Burundi; en troisième lieu, il était allégué que, le 15 janvier 1962, quatre syndicalistes, MM. Nduwabike, Ndinzurwaha, Ntaymerijakiri et Baravura avaient été assassinés à Usumbura par des membres de la jeunesse du parti Uprona à l'instigation des autorités.
  2. 51. A sa session du mois de février 1966, le Comité a déploré que, malgré les assurances données, tous les appels adressés au gouvernement en vue d'obtenir que celui-ci présente ses observations sur les questions soulevées dans les plaintes déposées soient restées sans écho. Dans ces conditions exceptionnelles, le Comité, ayant relevé qu'il n'avait reçu aucune coopération du gouvernement en ce qui concerne une question de la plus grande gravité, a décidé de prier les plaignants de fournir toutes informations utiles dont ils pourraient disposer en ce qui concerne l'évolution de la situation au Burundi.
  3. 52. Etant donné le caractère des allégations formulées et les informations de sources diverses venues à sa connaissance concernant les événements dont le Burundi a été le théâtre, le Comité, toujours à sa session de février 1966, a cru devoir faire figurer dans son rapport le passage suivant:
    • La responsabilité de l'Organisation internationale du Travail en la matière se limite à la protection des droits syndicaux, au sujet de laquelle elle est responsable en vertu de la Constitution de l'O.I.T et elle a accepté d'être responsable par accord avec les Nations Unies. Il est évident que les tragiques événements du Burundi dépassent largement le cadre de violations des droits syndicaux mais affectent directement les droits fondamentaux de l'homme d'un large secteur de la population du pays et que, dans ces conditions, le rôle de l'Organisation internationale du Travail en matière de protection des droits syndicaux ne saurait être exercé efficacement sans une action parallèle des Nations Unies visant à protéger les droits fondamentaux de l'homme de la population du Burundi dans son ensemble. Au sein des Nations Unies, la responsabilité des questions portant sur les droits de l'homme incombe à la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social, au Conseil économique et social lui-même et à l'Assemblée générale.
    • Ayant présenté ces remarques, le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'inviter le Directeur général à prier le Secrétaire général des Nations Unies de porter la question de la violation des droits de l'homme au Burundi à l'attention de la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social lors de la prochaine session de cette dernière comme une question d'urgence.
  4. 53. Cette recommandation ayant été adoptée par le Conseil d'administration à sa 164ème session, le 28 février 1966, le Secrétaire général des Nations Unies a été informé par une lettre en date du fer mars 1966 du Directeur général des conclusions adoptées par le Conseil d'administration et invité, conformément à l'article II, paragraphe 6, et à l'article III de l'accord entre les Nations Unies et l'Organisation internationale du Travail entré en vigueur le 14 décembre 1946, à prendre les mesures nécessaires pour que la question soit inscrite à l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme. De son côté, par une lettre en date du 4 mars 1966, le gouvernement du Burundi a été informé des conclusions du Comité telles qu'adoptées par le Conseil d'administration.
  5. 54. La Commission des droits de l'homme a été saisie de la question lors de sa vingt-deuxième session, qui s'est tenue à New York du 8 mars au 4 avril 1966. Lors du débat qui s'est instauré à cette occasion, l'observateur du Burundi a déclaré que son gouvernement s'opposait à l'inscription à l'ordre du jour du point proposé par l'O.I.T concernant la question de la violation des droits de l'homme au Burundi, en soulignant que, de l'avis de son gouvernement, l'inscription de ce point constituerait une ingérence dans les affaires relevant de la compétence nationale du pays, en violation de la Charte des Nations Unies. Il a ajouté que son gouvernement considérait que l'O.I.T avait adopté sa décision à la suite d'un malentendu, puisque aussi bien les actes incriminés ne constituaient que des sanctions pénales prises conformément à la loi à l'encontre de certaines personnes coupables de crimes graves. L'observateur du Burundi a néanmoins déclaré que son gouvernement était prêt à engager des discussions approfondies avec l'O.I.T sur cette question, à condition que la souveraineté du Burundi soit pleinement respectée et qu'il n'y ait pas d'ingérence dans les affaires intérieures de son pays.
  6. 55. Prenant la parole à son tour, le représentant de l'O.I.T, sans aborder le fonds de la question, à rappelé que la décision du Conseil d'administration avait été prise à l'unanimité, sans réserve ni abstention, que les organes compétents de l'O.I.T avaient été saisis d'allégations graves touchant des violations de droits syndicaux au Burundi, allant jusqu'à l'exécution sans procès de syndicalistes et qu'en dépit des demandes renouvelées de renseignements formulées par l'O.I.T, aucune réponse n'avait été reçue du gouvernement du Burundi. Le représentant de l'O.I.T a indiqué que la déclaration qui venait d'être faite par l'observateur du Burundi fournissait pour la première fois certains éclaircissements. Il a ensuite demandé à l'observateur du Burundi de confirmer que, lorsqu'il déclarait que son gouvernement était disposé à engager des discussions approfondies avec l'O.I.T, il voulait bien dire que le gouvernement du Burundi était maintenant prêt à révéler les faits de la cause et à faire la lumière, ainsi que l'O.I.T l'avait demandé, sur la procédure suivie et sur les jugements qui, déclarait-on maintenant, avaient été rendus avec pour résultat l'exécution des intéressés. L'observateur du Burundi ayant déclaré que cette interprétation était correcte et que son gouvernement était disposé à envoyer une mission au B.I.T pour établir les faits et procéder à des discussions, le représentant de l'O.I.T a déclaré ne pas insister pour que le point considéré soit inscrit à l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme, à condition que le rapport au Conseil économique et social rende compte des faits pertinents de façon que le Conseil et l'Assemblée générale en soient dûment informés.
  7. 56. La Commission des droits de l'homme a pris acte des déclarations faites par l'observateur du Burundi et par le représentant de l'O.I.T et a décidé, compte tenu de ces déclarations, de ne pas inscrire le point proposé à son ordre du jour, mais de faire figurer le texte des déclarations mentionnées ci-dessus dans son rapport.
  8. 57. Par ailleurs, sur instruction de son gouvernement, le représentant permanent du Burundi aux Nations Unies, M l'ambassadeur Térence Nsanzé a, le 28 mars 1966, rendu visite au Directeur général, alors de passage à New York. Il a notamment déclaré, au sujet de l'exécution de syndicalistes au Burundi, que deux dirigeants syndicaux avaient, lors des événements d'octobre-novembre 1965, pris part a une insurrection qui risquait de se généraliser avec les conséquences les plus graves pour l'ensemble de la nation: ils avaient donc été jugés, condamnés et exécutés. Le représentant permanent a également précisé que d'autres personnes ayant participé à l'insurrection avaient été tuées dans le feu de l'action, mais que l'on ne saurait parler à leur égard d'exécution sans jugement. Le représentant permanent a ensuite confirmé qu'une mission du Burundi se rendrait à Genève, au Bureau international du Travail, pour démentir, sur la base des faits précités, les accusations portées contre son pays et rassurer l'O.I.T quant à l'exercice passé, présent et futur de la liberté syndicale au Burundi.
  9. 58. Le Directeur général a rappelé que c'était en se fondant sur l'annonce de l'envoi d'une mission du Burundi à Genève, dans les conditions et pour les motifs indiqués par l'ambassadeur, que l'O.I.T avait accepté de ne pas insister pour que sa communication au Secrétaire général des Nations Unies fût inscrite à l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme. Il a exprimé l'espoir qu'à la suite des déclarations de l'ambassadeur et des entretiens qui auraient lieu à Genève, il serait possible de rétablir pleinement l'atmosphère de compréhension et de collaboration qui doivent caractériser les relations entre le Burundi et l'O.I.T.
  10. 59. La mission du Burundi a séjourné à Genève au cours de la semaine du 18 au 23 avril 1966. Conduite par le représentant permanent du Burundi aux Nations Unies, l'ambassadeur Térence Nsanzé, elle se composait en outre des personnalités suivantes: M. Isidore Rwamavubi, directeur des Affaires politiques, de la Presse et de l'Information au ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur du Burundi, M. Félix Alexis Dédé, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, et M. Charles Mabushi, premier substitut du procureur général. La mission a été reçue par le Directeur général le 20 avril et le 22 avril 1966.
  11. 60. A la première réunion, M. Nsanzé a assuré l'O.I.T de l'attachement de son pays aux principes de l'Organisation et il a souligné que son gouvernement était disposé à amorcer « un dialogue fructueux et mutuellement bénéfique »; il s'est déclaré convaincu que les discussions se dérouleraient dans une atmosphère empreinte d'objectivité et de réalisme. Dans sa réponse, le Directeur général a indiqué que le Burundi et l'O.I.T avaient les mêmes objectifs, à savoir: comprendre les problèmes, établir les faits, élaborer une formule permettant d'apporter une solution à la situation existante et établir des relations positives. La mission ayant demandé que lui soient précisés par écrit les points sur lesquels l'O.I.T souhaitait obtenir des éclaircissements, un questionnaire détaillé lui a été remis, basé sur les diverses demandes d'information déjà contenues dans les rapports du Comité de la liberté syndicale.
  12. 61. La mission a fait tenir sa réponse au Directeur général lors de la réunion qui s'est déroulée le 22 avril 1966. Avant de s'attacher à traiter des points spécifiques relevés dans le questionnaire du B.I.T, la réponse du gouvernement formule certaines observations générales destinées à ses yeux à situer le problème dans son contexte et à lui donner ses vraies dimensions « dans le climat et l'atmosphère qui l'ont vu naître et se développer ».
  13. 62. A cet égard, le gouvernement rappelle tout d'abord que, compte tenu de la compétence de l'O.I.T, il n'a d'autre obligation que de répondre du chef des atteintes qui auraient été portées à la liberté syndicale. Tout en reconnaissant qu'il est parfois difficile de tracer une ligne de démarcation précise entre les activités politiques et les activités proprement syndicales, le gouvernement déclare que, dans le cadre des événements tragiques qui se sont déroulés au Burundi, il n'y a pas de confusion possible et que des objectifs tels que le changement brutal de régime, un programme de purges, de lynchage et la conquête du pouvoir par la force ne sauraient être confondus avec un plan d'action basé sur des revendications de caractère social.
  14. 63. Le gouvernement déclare ensuite accepter loyalement le dialogue et être décidé à ne pas se borner à nier les accusations portées contre lui, il entend au contraire se justifier de manière que l'O.I.T puisse se faire une opinion après avoir entendu les « deux sons de cloche ». En ce qui concerne le silence du gouvernement jusqu'à présent, précise la réponse, celui-ci ne doit en aucun cas être considérée comme un aveu de culpabilité. « Aussi maladroit qu'il ait pu être tactiquement, le silence officiel n'avait d'autre but que le souci de s'accorder un certain recul, une trêve de réflexion destinée à mûrir son jugement. »
  15. 64. Certains rapports - poursuit la réponse - ont tenté de rejeter sur le gouvernement l'entière responsabilité des violences commises et même d'imputer à celui-ci une volonté délibérée à cet égard. En vue de rétablir l'exactitude des faits, le gouvernement résume en ces termes le déroulement des événements d'octobre-novembre 1965;
    • La tentative de coup d'Etat a tôt fait de priver momentanément le pays de tout gouvernements. Elle a provoqué une carence presque totale de toute autorité. Le Chef de l'Etat vient d'échapper, par miracle, de justesse, à un attentat. Son Premier ministre est blessé grièvement. Les mutins sont temporairement maîtres de la rue et de la situation. L'anarchie, l'incertitude et la confusion règnent. Un véritable chaos: les forces de l'ordre sont aux abois; les institutions à la dérive... Peut-on rêver occasion plus propice pour voir se déchaîner les passions les plus aveugles, les instincts les plus bas au sein d'une population déchirée par des querelles ethniques? Les règlements de comptes individuels se donneront libre cours. L'émeute, la guerre civile grondent. Les éléments irresponsables assouvissent leurs vengeances personnelles. L'armée est divisée. La gendarmerie également. A qui peut-on se fier dans ce climat de confusion totale, de méfiance réciproque? Sur ces entrefaites, ce qui restait d'autorité s'évertue avec peine à maîtriser la situation. Tandis qu'une poignée de troupes loyalistes entreprend de reconquérir la capitale, la majeure partie du territoire est en proie au désordre et aux violences. Entre le moment où les forces fidèles commencent à remonter le courant et l'établissement du contrôle total de la situation, il y a inéluctablement un décalage, un moment de flottement, de ballottage. Pendant ce temps, d'autres violences seront perpétrées. Si tel est le langage des faits, si tel est le climat, comment peut-on encore s'acharner sans démordre à faire endosser la responsabilité à un gouvernement défaillant, presque agonisant qui, peu à peu, allait commencer à reprendre du souffle, du terrain et vie, à se remettre? Des abus ont pu être commis, sans doute. Des erreurs aussi. Mais tout cela s'explique par l'unique souci de vouloir rétablir rapidement l'ordre troublé, la volonté de vouloir redresser la situation. Dans de telles circonstances, l'histoire enseigne qu'il est du devoir de chaque Etat de se montrer autoritaire et rigoureux. C'est cette fermeté qui a été abusivement qualifiée d'atteinte à la liberté. D'ailleurs, peut-on concevoir une liberté qui aille à l'encontre de la liberté, la liberté de tous ? Aux circonstances exceptionnelles conviennent des mesures exceptionnelles.
  16. 65. Indiquant ensuite dans quel esprit le gouvernement entend répondre aux questions spécifiques qui lui ont été posées, la réponse remise par la mission s'exprime en ces termes:
    • En dehors de toute obligation juridique stricte, nous nous faisons un point d'honneur de nous conformer à cette conscience internationale de contrôle et de solidarité, à cet esprit universel de coopération qui reflète et préfigure ce que l'on appelle déjà « la morale universelle». C'est dans cet esprit, avec cette foi, que doivent être comprises les réponses que nous allons donner ci-dessous avant de présenter les assurances destinées à matérialiser cette bonne volonté, cette bonne foi et cette volonté de franche et étroite collaboration, sous le signe de la coopération internationale, pour la cause de la paix et pour la promotion de l'homme. C'est la raison pour laquelle nous avons évité de nous réfugier derrière la rigueur des textes. Guidés par le souci d'aboutir à des solutions constructives, nous avons préféré l'esprit à la lettre de nos engagements.
  17. 66. Répondant ensuite au questionnaire qui avait été remis à la mission sur sa demande lors de la première réunion avec le Directeur général, la réponse du gouvernement présente tout d'abord les remarques générales suivantes: La Constitution du Royaume du Burundi garantit la liberté d'association; des lois particulières en organisent les modalités; des règlements spécifiques précisent les droits, les obligations et la sphère d'action de chaque association. En ce qui concerne la liberté syndicale, le gouvernement dit avoir souscrit aux principes de la Constitution de l'O.I.T, à la Déclaration de Philadelphie et à la Déclaration universelle des droits de l'homme. « L'exercice des droits syndicaux se trouve donc garanti - poursuit le gouvernement - et, dans le cas d'espèce en cause, il n'y a été mis aucune entrave, il n'y a été porté aucune atteinte. » Le gouvernement déclare ensuite que la Constitution nationale proclame le principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi et la justice; les règles de procédure, définies dans les nombreuses lois formant code de procédure pénale et civile, assurent l'égalité de tous devant les tribunaux et offrent donc une sécurité certaine pour l'administration d'une bonne et saine justice; il n'y a ni privilège, ni discrimination d'aucune sorte de profit ou au détriment de syndicalistes; tout citoyen doit se conformer à la loi et nul, fût-il syndicaliste, ne peut abuser de sa liberté pour porter atteinte à la liberté d'autrui ou pour compromettre la tranquillité et l'ordre publics; un syndicaliste ne peut se prévaloir de sa qualité de syndicaliste pour couvrir des actes répréhensibles. Dans le cas d'espèce, les principes élémentaires d'une justice régulière rappelés plus haut ont été respectés.
  18. 67. La réponse du gouvernement traite ensuite des diverses allégations spécifiques formulées dans les plaintes. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle M. Niyirikana, président du Syndicat chrétien du Burundi, et M. Mayondo, conseiller de cette organisation, auraient été exécutés sans jugement à Bujumbura le 25 octobre 1965, le gouvernement présente les observations suivantes.
  19. 68. En ce qui concerne les motifs de l'arrestation des intéressés, le gouvernement déclare que ceux-ci ont été convaincus d'atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat, d'attentat contre les personnes et les biens, de haine raciale, de massacres, pillages, incendies, d'incitation à l'insurrection et à la rébellion militaire et d'insubordination. Le gouvernement relève qu'il s'agit là d'infractions de droit commun ou d'infractions politiques totalement étrangères à l'exercice des droits syndicaux.
  20. 69. Le gouvernement indique qu'une instruction a été régulièrement menée dans l'affaire, dont le résultat a révélé les charges dont il est fait état ci-dessus. Cela ressort également des attendus du jugement dont le gouvernement a remis le texte au B.I.T.
  21. 70. Le gouvernement déclare ensuite qu'en relation avec l'état d'exception et le régime militaire qui venaient d'être décrétés pour faire face à une situation exceptionnelle, les accusés ont été déférés devant le Conseil de guerre, juridiction spéciale, créée pour la circonstance conformément à la législation en vigueur sur l'état de siège. Le gouvernement relève que ce tribunal n'a pas été institué uniquement pour juger les syndicalistes mais tous ceux qui étaient impliqués dans la tentative du coup d'Etat du 19 octobre 1965 et dans les événements qui en ont résulté.
  22. 71. Le gouvernement précise que le Conseil de guerre est une juridiction militaire, établie conformément à la loi du 29 juin 1962 portant application au Royaume du Burundi des actes législatifs et réglementaires édictés par l'autorité tutélaire (Belgique) et prévoyant le régime militaire et une justice expéditive en cas de troubles graves. La compétence de cette juridiction couvre toutes les infractions politiques et de droit commun en matière répressive. Sa composition est la suivante: trois juges militaires nommés par arrêté ministériel pris en application de l'arrêté-loi instituant le régime militaire et l'état d'exception, un officier du ministère public et un greffier.
  23. 72. Le gouvernement indique que l'instauration du régime militaire et d'exception a eu pour conséquence de transférer provisoirement les compétences des tribunaux ordinaires de droit commun à la juridiction militaire. La procédure suivie devant cette juridiction spéciale est par définition une procédure d'exception. Le gouvernement précise toutefois que, depuis le retour progressif à la vie normale, le régime militaire et d'exception a été levé et a donc pris fin en même temps que les circonstances particulières qui l'avaient fait naître. Le gouvernement affirme que le recours à cette procédure d'exception n'avait d'autre but que de ramener le calme, l'ordre et la tranquillité publics, de faire cesser les violences et de revenir à la vie normale.
  24. 73. Le gouvernement déclare ensuite que la publicité des débats est un des principes fondamentaux de la législation nationale et que le huis clos n'est prononcé que pour les affaires intéressant les bonnes moeurs. En l'occurrence, précise le gouvernement, ne s'agissant pas de bonnes moeurs mais d'une affaire intéressant l'ordre public, toutes les audiences ont été publiques.
  25. 74. Le gouvernement indique que les accusés avaient le choix entre se faire représenter par un avocat pour leur défense et se défendre eux-mêmes; il précise que c'est cette dernière formule qu'ils ont adoptée, ce qui - dit-il - est une pratique assez courante dans le pays.
  26. 75. Le gouvernement déclare qu'au Burundi, l'un des principes fondamentaux du droit de la défense veut que tout prévenu soit présumé innocent jusqu'à preuve du contraire; il s'ensuit que le principe actori incumbit probatio est de stricte rigueur et que, dans le cas d'espèce, la charge de la preuve incombait au ministère public.
  27. 76. Le gouvernement précise encore que, même en cas de huis clos, tous les jugements doivent être prononcés en audiences publiques et qu'aucune dérogation à cette règle n'est, en tout état de cause, permise. En l'espèce, déclare le gouvernement, tous les jugements ont été portés à la connaissance du public dès leur prononcé; la formule « ainsi jugé et prononcé en audience publique », prescrite à peine de nullité pour le prononcé de tout jugement, en fait foi.
  28. 77. Du jugement lui-même - dont, comme il a été dit, le texte a été remis au B.I.T. -, il ressort que les intéressés ont été jugés en même temps que neuf autres personnes non syndicalistes et ont été condamnés pour avoir commis les actes mentionnés au paragraphe 68 ci-dessus dans le cadre de la tentative de renversement du pouvoir.
  29. 78. Le gouvernement affirme ensuite qu'outre les deux syndicalistes Niriyikana et Mayondo, jugés et exécutés non pas en tant que tels mais en tant que membres d'une organisation politique subversive et après condamnation, aucun syndicaliste n'a été exécuté ou menacé d'exécution.
  30. 79. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles MM. Gabriel Gegera, Mathieu Ntahomarikiye, Léon Monwangari, Lucien Nahinana, Uoachim Baridwegur, Venant Ntwenga, Emile Nigere et Anaclet Burundi, tous dirigeants ou militants du Syndicat chrétien du Burundi, auraient été arrêtés en juillet 1964, le gouvernement présente les observations suivantes.
  31. 80. Le motif de l'arrestation de six des huit personnes mentionnées ci-dessus - MM. Gegera, Ntahomarikiye, Nahinana, Ntwenga, Nigere et Burundi - résidait dans le fait qu'elles avaient participé à un complot ourdi contre la sûreté intérieure de l'Etat. « Ce fait est attesté - déclare le gouvernement - par l'un des principaux dirigeants du mouvement, M. Gervais Nyangoma, par sa lettre du 8 septembre 1965, dans laquelle il reconnaissait que « les personnes faisant l'objet de la plainte n'avaient pas été lésées en qualité de syndicalistes mais en tant qu'individus ». En effet, en 1964, à l'instigation de M. Paul Mirerekano, un mouvement rebelle avait vu le jour. Son objectif essentiel tendait à renverser les pouvoirs établis et à s'emparer du pouvoir par la force. A cette fin, les conjurés, au nombre desquels figuraient les six personnes arrêtées, avaient inclus, dans leur programme d'action, la liquidation physique d'un certain nombre de personnalités politiques et de quelques hauts fonctionnaires de l'Etat. Cette tentative de coup d'Etat devait, elle aussi, se solder par un échec.»
  32. 81. Le gouvernement précise que seules les six personnes mentionnées au paragraphe précédent ont été appréhendées en 1964. M. Uoachim Baridwegur, l'actuel ministre des Affaires sociales, n'avait pas été impliqué dans l'affaire. Quant à M. Léon Monwangari, qui était poursuivi pour détournement, il n'avait pas été inquiété, ayant réussi à s'enfuir au Rwanda.
  33. 82. Le gouvernement déclare ensuite que, pour des motifs différents, certaines des personnes mentionnées dans les plaintes se trouvent actuellement en détention. M. Monwangari est détenu préventivement du chef de détournement, MM. Burundi et Ntwenga sont détenus préventivement pour avoir provoqué des incendies à Kamenge le 4 juillet 1965, MM. Gegera, Ntahomarikiye et Nahinana se trouvent en état de détention préventive pour avoir été impliqués dans les événements d'octobre 1965 comme agents de subversion.
  34. 83. « Il est évident - déclare le gouvernement - qu'une décision de détention préventive constitue ou présuppose un acte de poursuite. » Le gouvernement précise que la procédure, en ce qui concerne les intéressés, est ouverte, depuis la levée du régime militaire et de l'état d'exception, devant les juridictions ordinaires, conformément aux règles de compétence en vigueur. Il indique que les jugements n'ont pas encore été rendus dans ces causes mais que la procédure suit son cours normal.
  35. 84. Répondant à une question posée par le Bureau tendant à savoir si d'autres syndicalistes que les huit mentionnés par les plaignants avaient été arrêtés, le gouvernement signale que M. Maurice Kirotame, secrétaire général du Syndicat chrétien du Burundi, a été arrêté; il précise toutefois que c'est pour des motifs autres que l'exercice d'une activité syndicale.
  36. 85. En ce qui concerne les allégations relatives à l'assassinat de quatre syndicalistes en janvier 1962, le gouvernement, après avoir rappelé que les événements évoqués s'étaient déroulés au moment où la Belgique était encore responsable des relations internationales du Burundi, indique que les quatre syndicalistes qui succombèrent alors furent les victimes des représailles déclenchées dans un climat de fureur populaire à la suite de l'assassinat du prince Louis Rwagasagore, Premier ministre du gouvernement autonome. Néanmoins, précise le gouvernement, celui-ci, depuis l'indépendance, s'est penché sur ce dossier et des arrestations ont été opérées; la question se trouve toutefois toujours en instance devant les autorités compétentes.
  37. 86. En guise de conclusion, la réponse du gouvernement s'exprime en ces termes:
    • Notre propos, comme nous l'avons expliqué dans notre message d'introduction, n'ayant d'autre ambition que de désamorcer la lourde atmosphère de tension qui a pesé sur nos relations, nous avons estimé bon de soumettre à l'examen de notre gouvernement un certain nombre de mesures destinées à clarifier la situation. Il s'agit des assurances que nous croyons susceptibles de ramener la confiance et de créer un climat de saine compréhension et de collaboration plus effective:
  38. 1) La mission donne à l'Organisation la garantie que son gouvernement, pour concrétiser sa volonté de coopération plus étroite, acceptera d'étudier avec les hautes instances de l'Organisation et les autres Etats Membres, la possibilité de se faire représenter par un délégué permanent auprès de l'O.I.T.
  39. 2) La mission donne la garantie que son gouvernement acceptera, dans un délai raisonnable, de ratifier ou d'adhérer aux conventions de l'O.I.T auxquelles il ne serait pas encore partie afin d'assurer une meilleure application des normes internationales du travail et le respect de la liberté syndicale.
  40. 3) La mission donne sa garantie que son gouvernement acceptera de recevoir, dans les meilleurs délais, une mission de visite de l'O.I.T au Burundi et de faciliter, autant que de besoin, les contacts ultérieurs.
  41. 4) La mission donne la garantie que son gouvernement mettra tout en oeuvre désormais pour tenir l'O.I.T au courant de toutes décisions, de toutes mesures qui interviendront dans l'organisation, l'exercice et la réglementation de l'activité et de la liberté syndicales. Ces informations pourront être fournies spontanément ou à la demande de l'Organisation. En contrepartie, la mission donne sa garantie que son gouvernement accueillera avec sympathie toute suggestion.
  42. 5) La mission donne sa garantie que son gouvernement a la ferme intention de déposer, dans les meilleurs délais, un projet de loi d'amnistie pour tous les détenus politiques sans distinction.
  43. 6) D'ores et déjà, le régime militaire et l'état d'exception ont été levés. Il s'agit là d'une mesure susceptible d'amener la détente et le calme dans les esprits. Ce retour à la normale constitue une garantie sûre pour tous les justiciables.
    • La mission est d'avis que de telles mesures s'imposent et constituent un gage sûr pour la sauvegarde de la liberté et l'établissement de meilleures relations entre notre gouvernement et l'Organisation.
  44. 87. En sus des conclusions ci-dessus, qui ont été remises par écrit au B.I.T, le chef de la mission du Burundi a tenu à faire les commentaires suivants:
    • Nous avons constaté l'intérêt évident que nous portons tous à la situation qui régnait au Burundi. Nous avons voulu analyser le problème avec toute l'objectivité et toute l'impartialité possibles. D'autre part, nous nous sommes rendus compte que votre concours, le concours du Bureau international du Travail, allié au concours du Conseil d'administration, renforcé par le concours de l'Organisation internationale du Travail dans son ensemble, constitue une condition primordiale pour le succès que nous sommes en droit d'attendre. Nous devons ici devant vous, et par votre truchement, nous adresser à l'Organisation tout entière, pour exprimer notre conviction que, pour ce qui est du Burundi, nous essaierons, sous réserve de l'opportunité des circonstances, de mettre en pratique les promesses que nous venons de formuler. Je voudrais vous informer de la part du gouvernement, depuis l'autorité suprême du Burundi, à savoir Sa Majesté Mwambutsa IV - qui a tenu à me voir avant la première séance que nous avons tenue ici et qui m'a chargé de vous dire que le problème lui tenait à coeur et qu'il comptait sur votre collaboration -, que, de la part du Burundi, la coopération était entière. Nous avons fortement apprécié votre patience et nous vous reconnaissons avocat de l'authenticité et de la justice. C'est pour cela que vous avez tenu à attendre pour entendre le deuxième son de cloche, ce qui vous permettait d'apprécier les événements qui, malheureusement, avaient été dénaturés par certaines publications de presse, par certaines organisations internationales. Désormais, nous avons le ferme espoir que ces organisations pourront recevoir des informations exactes et les garanties que nous avons tenu à vous formuler. Nous savons que l'Organisation internationale du Travail tient fortement à l'impartialité. C'est pour cela que, désormais, nous avons tous les deux un devoir qui nous amènera, de votre part, à demander à ces organisations qui avaient déformé les événements de bien vouloir ramener l'affaire et les faits à leurs justes proportions. Après vous avoir soumis ce questionnaire, nous aimerions recevoir de votre part une certaine garantie, qui sera une sorte d'encouragement, que vous mettrez tout en œuvre pour contribuer à la réalisation de ces garanties et pour plaider pour la vérité et pour l'authenticité. Ce climat favorable, qui doit être une condition sine que non pour arriver à ce but final dépend non seulement du Burundi mais de l'Organisation elle-même. Nous ne manquerons pas de transmettre à notre gouvernement la bonne volonté, la détermination avec laquelle vous avez tenu à collaborer avec nous et nous avons la ferme conviction que vous n'épargnerez pas un seul effort pour aboutir à ce succès définitif, qui permettra de relancer le Burundi sur la route de coopération étroite avec l'O.I.T dans les domaines qui sont du ressort de votre Organisation.
  45. 88. Répondant au représentant du Burundi, le Directeur général exprima sa conviction que, depuis leur premier contact à New York, un long chemin avait été parcouru et la confiance avait été établie. Le fait que depuis cette rencontre à New York le représentant du Burundi était convenu de venir à Genève, accompagné d'une importante mission, pour discuter de cette affaire, le fait qu'il avait été disposé à examiner ces questions et à lui donner les informations qu'il lui avait demandées, le fait encore qu'il avait prononcé la déclaration qui venait d'être entendue et qu'elle ait été faite au nom du gouvernement du Burundi, tout cela constituait un témoignage éloquent du désir du Burundi de coopérer, avec l'intention de créer une atmosphère internationale plus favorable à la réalisation des objectifs communs. Aussi le Directeur général désira-t-il exprimer ses remerciements. Il pria ensuite le représentant du Burundi de transmettre à son gouvernement et à Sa Majesté Mwambutsa IV le témoignage de son appréciation de ce qui avait été fait et notamment de la déclaration que le représentant du Burundi avait prononcé au sujet de l'importance que Sa Majesté et le gouvernement du Burundi attachaient à la solution de cette affaire et à l'importance de faire connaître la situation réelle à l'opinion publique comme aussi à d'autres institutions internationales, et notamment aux Nations Unies, afin que pût s'ouvrir une nouvelle ère de coopération et que le Burundi pût obtenir tout le concours possible devant lui permettre d'entrer dans une période plus calme et plus heureuse.
  46. 89. Le Directeur général ajouta qu'il n'était rien que l'O.I.T et lui ne souhaitassent plus que d'aider le Burundi dans la perspective décrite auparavant. Il s'engagea à faire connaître fidèlement au Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration, non seulement la lettre de réponse reçue de la mission du Burundi mais encore l'atmosphère dans laquelle s'étaient déroulées les délibérations en la matière. Il lui semblait que les déclarations du représentant du Burundi étaient fort importantes. La réponse qui lui avait été donnée et ses conclusions présentaient un profond intérêt et avaient une portée considérable. Elles seraient communiquées aux organes compétents de l'O.I.T. Le Directeur général déclara pouvoir donner également l'assurance qu'il veillerait personnellement à ce que le Comité soit informé de la manière attentive et réfléchie dont la mission du Burundi avait traité sa demande. Il exprima, ensuite, l'espoir qu'avaient été posés les jalons qui permettraient d'étudier cette affaire dans une perspective nouvelle, d'ouvrir ainsi un nouveau chapitre de coopération positive et constructive et de créer une situation plus favorable au Burundi. Le Directeur général ajouta, en conclusion, que de telles questions, qui intéressaient les Droits de l'homme, étaient à la base même de la civilisation et de l'avenir de cette dernière. Quand une attitude, telle que celle rencontrée ce matin-là, existait, il était possible, dit-il, de consolider toujours mieux les fondements de l'édifice de la civilisation de manière à servir les intérêts supérieurs de l'humanité. Nous ne sommes pas ici, vous et moi, seulement au service du Burundi, ajouta-t-il, mais, dans nos efforts communs, j'espère que nous servons aussi les intérêts du monde dans son ensemble. Le Directeur général exprima le souhait qu'au-delà de la phase de délibérations en cours, il devienne évident que les relations entre le Burundi et l'O.I.T sont celles existant entre une organisation, dont le Burundi fait partie en qualité d'Etat Membre, et un Etat Membre au service duquel cette organisation se trouve placée. Ainsi serait-il évident que c'est avec plaisir que l'O.I.T envisage de se mettre au service de cet Etat Membre dans l'accomplissement de l'objectif qu'il s'est proposé, à savoir: d'améliorer la condition de son peuple. Le Directeur général assura le représentant du Burundi que le Burundi pouvait compter sur l'O.I.T, qui serait à ses côtés et le servirait en tant que secrétariat loyal et dévoué. Le Directeur général estima important de dire cela, car il ne se considérait pas comme étant là en tant que procureur, ni pour prononcer des jugements, mais pour servir les intérêts de l'Organisation dans son ensemble. En envoyant une mission au B.I.T, le Burundi ne faisait que remplir ses obligations d'Etat Membre de l'O.I.T, alors que lui-même, en tant que Directeur général, ne faisait que répondre aux désirs de tous les Etats Membres, dont l'un est le Burundi. Le Directeur général termina en soulignant que chacun était au service de l'autre, conformément aux obligations énoncées dans la Constitution.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 90. Au vu de tout ce qui précède, le Comité tient à constater tout d'abord que, bien que tardivement - ce qui a assombri les relations entre l'O.I.T et le Burundi -, ce pays a maintenant accepté de coopérer pleinement à l'établissement des faits, ainsi qu'en font foi les observations très précises et très détaillées qu'il a présentées sur tous les aspects des plaintes déposées devant l'O.I.T et en réponse à tous les points soulevés dans le questionnaire remis à la mission par le B.I.T.
  2. 91. Ayant noté, d'après les informations mentionnées ci-dessus, que certains syndicalistes, pour divers motifs, se trouvent toujours en détention (voir paragr. 82 et 83 ci-dessus), le Comité souhaiterait que le gouvernement veuille bien tenir le Conseil d'administration au courant du sort des personnes en question et, notamment, de l'issue des procédures judiciaires qu'il dit avoir été engagées.
  3. 92. Le Comité constate ensuite, à la lecture des éléments fournis par le gouvernement que les faits d'une exceptionnelle gravité qui ont donné lieu aux plaintes paraissent s'inscrire dans le cadre d'événements relevant d'un état insurrectionnel.
  4. 93. Toutefois, tout en notant la déclaration du gouvernement d'après laquelle la période de crise aiguë qu'a récemment traversée le Burundi a donné lieu à l'utilisation de procédures exceptionnelles, le Comité tient à signaler que les mesures d'exception comportent toujours un risque de graves atteintes à des droits fondamentaux.
  5. 94. Le Comité constate, d'une part, que le régime militaire et d'exception a été levé et, notamment en ce qui concerne le régime judiciaire, que la situation semble redevenir normale; d'autre part, que le gouvernement envisage une amnistie qui serait applicable sans distinction à tous les détenus politiques.
  6. 95. Ayant noté les informations ci-dessus du gouvernement, il serait souhaitable que le Conseil d'administration soit tenu au courant de toute mesure prise dans le sens d'une amnistie des personnes détenues, et en particulier des syndicalistes nommément désignés dans les plaintes, comme de tous autres syndicalistes éventuellement en détention.
  7. 96. Le Comité prend note des divers engagements pris par le gouvernement, parmi lesquels il relève celui d'envisager la ratification des conventions de liberté syndicale et celui d'accueillir une éventuelle mission du B.I.T au Burundi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 97. En ce qui concerne le cas dans son ensemble et compte tenu de tous les éléments de l'affaire, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) tout en regrettant que le gouvernement du Burundi ait tant tardé à le faire, de noter que le gouvernement a maintenant accepté de coopérer pleinement avec l'O.I.T, notamment en ce qui concerne l'établissement des faits en cas de plainte en violation de la liberté syndicale;
    • b) ayant noté, d'après les informations mentionnées par le gouvernement, que certains syndicalistes, pour divers motifs, se trouvaient toujours en détention, de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant du sort des personnes en question et, notamment, de l'issue des procédures judiciaires qu'il dit avoir été engagées;
    • c) de noter que les faits d'une exceptionnelle gravité qui ont donné lieu aux plaintes déposées devant l'O.I.T paraissent s'inscrire, d'une manière générale, dans le cadre d'événements relevant d'un état insurrectionnel;
    • d) tout en notant la déclaration du gouvernement d'après laquelle la période de crise aiguë qu'a traversée le Burundi a donné lieu à l'utilisation de procédures exceptionnelles, de signaler que les mesures d'exception risquent toujours de comporter de graves atteintes à des droits fondamentaux;
    • e) de constater, d'une part, que le régime militaire et d'exception a été levé et, notamment en ce qui concerne le régime judiciaire, que la situation semble redevenir normale; d'autre part, que le gouvernement envisage une amnistie qui serait applicable sans distinction à tous les détenus politiques;
    • f) ayant noté les informations ci-dessus du gouvernement, de prier celui-ci de bien vouloir tenir le Conseil au courant de toute mesure prise dans le sens d'une amnistie des personnes détenues et, en particulier, des syndicalistes nommément désignés dans les plaintes, comme de tous autres syndicalistes éventuellement en détention;
    • g) de noter les divers engagements pris par le gouvernement, tels qu'ils sont énoncés au paragraphe 86 ci-dessus, et notamment celui d'envisager la ratification des conventions sur la liberté syndicale et celui de recevoir une mission éventuelle du B.I.T au Burundi; h) de prier le Directeur général d'inviter le Secrétaire général des Nations Unies à bien vouloir porter à la connaissance du Conseil économique et social, pour information, les mesures prises à la suite du débat qui a eu lieu le 14 mars 1966 à la Commission des droits de l'homme, ainsi que le contenu du présent rapport.
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