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  1. 510. La plainte du Congrès des syndicats africains de Rhodésie du Sud, qui a été adressée directement à l'O.I.T, est contenue dans quatre communications datées, respectivement, des 15 mai, 21 mai, 23 mai et 13 août 1962. Le gouvernement du Royaume-Uni a présenté ses observations par une lettre en date du 7 août 1962.
  2. 511. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, et s'est engagé, avec l'accord du gouvernement de la Rhodésie du Sud, à en appliquer les dispositions, sans modification, en Rhodésie du Sud. Le gouvernement du Royaume-Uni a également ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, mais a réservé sa décision quant à l'application des dispositions de ces conventions en Rhodésie du Sud.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives aux limitations apportées au droit des syndicats d'élaborer librement leurs statuts et règlements en vertu de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie
    1. 512 Les plaignants allèguent qu'en raison des restrictions qui découlent de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie, les travailleurs ne sont pas libres de constituer des syndicats comme ils l'entendent. Aux dires des plaignants, le gouvernement dicterait aux travailleurs la façon dont ils doivent organiser leurs syndicats et quel genre de statuts ils doivent se donner. D'après les plaignants, la loi sur la conciliation dans l'industrie priverait totalement les organisations de travailleurs du droit d'élaborer librement leurs statuts.
    2. 513 Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'en vue d'aider les syndicats à mettre leur structure en harmonie avec la législation en vigueur et de leur permettre d'établir un contrôle satisfaisant de leurs finances, le ministère du Travail a élaboré et mis gratuitement à la disposition des syndicats divers genres de statuts types, de listes de membres et de systèmes de comptabilité simples. Cette aide, affirme le gouvernement, a été acceptée avec empressement par les syndicats et, en particulier, par les Africains intéressés à la création et à l'enregistrement de nouveaux syndicats. Le gouvernement poursuit en indiquant que la plupart des syndicats non enregistrés et les syndicats nouvellement enregistrés ont adopté, sous réserve de légères modifications, ces statuts types, alors que d'autres, grâce à l'assistance d'un haut fonctionnaire du ministère du Travail - qui avait été mis à leur disposition pour les aider au cours de leur période d'organisation - y ont introduit certaines dispositions supplémentaires, jugées par eux appropriées ou désirables dans leur cas particulier. D'autres syndicats encore, déclare le gouvernement, ont élaboré des statuts originaux et le ministère du Travail s'est montré tout disposé à les aider à cette occasion. Le gouvernement insiste, enfin, sur le fait que les syndicats ne sont nullement contraints d'accepter ces statuts types ni de consulter les fonctionnaires du ministère du Travail en ce qui concerne l'établissement de leurs statuts.
    3. 514 Aux termes de la loi, déclare encore le gouvernement, l'approbation des statuts et les demandes d'enregistrement sont du ressort du fonctionnaire chargé de l'enregistrement (Registrar) et non du ministre du Travail. Tout syndicat qui s'estime lésé par la décision du fonctionnaire chargé de l'enregistrement en ce qui a trait à l'un ou l'autre de ces points a le droit d'interjeter appel auprès du Tribunal du travail; toutefois, précise le gouvernement, dans l'état actuel de la législation, lorsque la décision prise en matière de statuts est fondée sur l'intérêt public ou se révèle appropriée à l'égard des membres de la collectivité, l'appel doit être interjeté auprès du ministre du Travail. Cependant, conclut le gouvernement, pour donner suite à une demande formulée en mars 1962 par la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations, le gouvernement a accepté d'amender les articles 37 et 48 de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie, de manière à ce que tous les recours, sans exception, soient à l'avenir formés devant le tribunal du travail.
    4. 515 Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité a insisté sur l'importance qu'il convient d'attacher au principe contenu à l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer leurs statuts et leurs règlements administratifs en toute liberté.
    5. 516 En vertu de ce principe, toute obligation faite à un syndicat - mises à part certaines clauses de pure forme - de calquer ses statuts sur un modèle imposé irait à l'encontre des règles à respecter pour que soit assurée la liberté syndicale. Il en va tout autrement, toutefois - comme cela paraît bien être le cas en l'occurrence - lorsque le gouvernement se borne à mettre des statuts types à la disposition des organisations en voie de création sans en rien imposer l'acceptation du modèle proposé.
    6. 517 Par ailleurs, il ressort de la réponse du gouvernement que si, pour une raison ou pour une autre, les statuts d'un syndicat ne sont pas acceptés par le fonctionnaire chargé de l'enregistrement, ce syndicat a la possibilité de former un recours dans la plupart des cas - et, d'après le gouvernement, prochainement dans tous les cas sans exception - devant le tribunal du travail. La seule exception à cette règle qui existe encore a déjà été examinée par le Comité dans le cadre plus large de l'enregistrement des syndicats à l'occasion du cas no 251, relatif à la Rhodésie du Sud, dont il est saisi à sa présente session. Il est donc superflu qu'il l'examine ici quant au fond.
    7. 518 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) de décider que l'élaboration de statuts et de règlements types destinés à servir de guide aux syndicats, sous réserve que les circonstances soient telles qu'il n'existe en fait aucune obligation de les accepter ni aucune pression exercée à cette fin, n'implique pas nécessairement une ingérence dans le droit des organisations syndicales d'élaborer leurs statuts et règlements en toute liberté et, en conséquence, que les parties de ces allégations qui sont relatives à l'imposition de règlements types aux syndicats n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
      • b) de prendre note de l'engagement pris par le gouvernement selon lequel la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie sera amendée de telle sorte que tous les recours sans exception formés contre les décisions du fonctionnaire chargé de l'enregistrement seront portés devant les tribunaux du travail.
    8. Allégations relatives à la négation du droit de s'organiser à certaines catégories de travailleurs
    9. 519 Les plaignants allèguent qu'en vertu de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie, les travailleurs agricoles, les fonctionnaires et les gens de maison ne sont pas autorisés à former leurs propres syndicats. En fait, d'après les plaignants, les dispositions de la loi sur la conciliation dans l'industrie ne leur étant pas applicables, ces catégories de travailleurs sont privées du droit de s'organiser.
    10. 520 Dans sa réponse, le gouvernement ne conteste pas que les catégories de travailleurs mentionnées ci-dessus soient exclues du champ d'application de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie; toutefois, précise-t-il, cette circonstance n'a pas pour conséquence d'interdire aux travailleurs intéressés de constituer des syndicats ne relevant pas de cette législation et, en fait, de tels syndicats existent.
    11. 521 Etant donné que des allégations relatives aux mêmes questions ont déjà été examinées par le Comité dans le cas no 251, concernant la Rhodésie du Sud, à sa présente session, le Comité estime qu'il serait, pour lui, superflu d'examiner les présentes allégations.
  • Allégations relatives à l'utilisation de la loi sur le maintien de la légalité et de l'ordre public à des fins antisyndicales
    1. 522 Aux dires des plaignants, le gouvernement se servirait de la législation politique pour gêner l'action des syndicats et exercer une pression sur l'ensemble du mouvement syndical. Plus précisément, les autorités prendraient prétexte de la loi sur le maintien de la légalité et de l'ordre public pour réprimer les activités des syndicats: dans le but d'intimider les travailleurs, des secrétaires chargés de travaux d'organisation auraient été malmenés par la police alors qu'ils exerçaient leurs activités au sein de leurs organisations; d'autre part, le 7 mai 1962, le secrétaire général de l'organisation plaignante aurait été arrêté alors qu'il s'adressait à des travailleurs en grève.
    2. 523 La loi sur le maintien de la légalité et de l'ordre public - déclare le gouvernement dans sa réponse -, ainsi que son titre l'indique clairement, a pour objet de protéger la collectivité dans son ensemble contre toute action illégale entreprise à l'effet de troubler l'ordre public et de contrevenir à la loi. En tant que partie intégrante de la collectivité, les syndicats sont soumis aux mêmes restrictions que celles qui sont applicables au public en général. Cette loi, affirme le gouvernement, de même que tout instrument législatif similaire, n'a jamais été appliquée dans le but de restreindre les activités syndicales authentiques ni d'intimider les travailleurs.
    3. 524 En ce qui concerne le cas du secrétaire général du Congrès des syndicats africains de la Rhodésie du Sud, le gouvernement déclare que cette personne a été arrêtée alors qu'elle s'adressait à un groupe de grévistes, non pas parce qu'elle parlait à des grévistes, mais parce que, dans son discours, elle avait fait une déclaration qui pouvait passer pour subversive ou être de nature à troubler la paix. Le gouvernement ajoute que l'affaire est en instance et que l'intéressé a été libéré sous caution en attendant que son cas passe devant la Cour suprême.
    4. 525 C'est en termes assez vagues que les plaignants allèguent qu'une utilisation antisyndicale serait faite de la loi sur le maintien de la légalité et de l'ordre public. Ils ne citent à l'appui de cette allégation aucun fait précis tel que date ou lieu d'événements, ou nom de personnes qui auraient été impliquées dans ces événements. En face de cette allégation, le gouvernement oppose un démenti formel et affirme que si cette loi impose aux syndicats certaines restrictions comme elle en impose à tous les membres de la communauté, elle n'a jamais été utilisée à des fins antisyndicales.
    5. 526 Il est cependant une allégation précise que formulent les plaignants, à savoir que le secrétaire général du Congrès des syndicats aurait été arrêté en vertu de la loi en question alors qu'il s'adressait à des grévistes. Le gouvernement admet avoir procédé à cette arrestation, mais il déclare que ses motifs sont d'ordre politique et non pas syndical. Il ajoute que la personne intéressée a été libérée sous caution en attendant que son affaire passe devant la Cour suprême.
    6. 527 Dans tous les cas où une affaire faisait l'objet d'une action devant une instance judiciaire nationale, pourvu que la procédure suivie soit assortie des garanties d'une procédure judiciaire régulière, le Comité, estimant que la décision à intervenir était susceptible de lui fournir d'utiles éléments d'information dans son appréciation des allégations formulées, a décidé d'ajourner l'examen du cas en attendant d'être en possession du résultat des procédures engagées.
    7. 528 Dans ces conditions, le Comité demande au gouvernement de bien vouloir fournir des informations en temps utile sur le résultat des procédures engagées en y joignant le texte du jugement rendu.
  • Allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées au droit de réunion syndicale
    1. 529 En vertu de la loi sur le maintien de la légalité et de l'ordre public, allèguent les plaignants, une autorisation préalable est nécessaire pour la tenue d'une réunion, autorisation qui est accordée ou refusée arbitrairement. Lorsque la réunion a été autorisée, des membres de la police y assistent et prennent note des délibérations. Ces policiers ont le droit d'interdire aux orateurs de dire certaines choses. Il est arrivé que la police empêche les travailleurs de se rendre à des réunions, parfois en procédant à des arrestations. Sur le plan local, les autorités exigent de grosses sommes d'argent comme caution avant qu'une réunion puisse avoir lieu.
    2. 530 Dans sa réponse, le gouvernement admet que l'une des restrictions imposées par la loi sur le maintien de la légalité et de l'ordre public « porte sur la convocation des réunions publiques ». En ce qui concerne les réunions syndicales, déclare le gouvernement, la participation à ces réunions n'est pas limitée aux membres et l'expérience a prouvé que les points en discussion ne se bornent pas aux affaires syndicales, mais comprennent fréquemment des questions de caractère politique. Dans ces conditions, poursuit le gouvernement, il est normal que des membres de la police soient présents aux réunions organisées sous les auspices des syndicats auxquelles le public a accès. Les membres de la police présents aux réunions n'interviennent généralement pas dans les débats, mais, si un orateur fait une déclaration qui constitue un délit ou qui est de nature à mettre sérieusement en danger la sûreté et la sécurité publiques, ils doivent prendre les mesures propres à garantir le respect des lois du pays et le maintien de l'ordre public.
    3. 531 Jamais, déclare le gouvernement, les autorités chargées de l'application de la loi n'ont tenté de faire usage des pouvoirs qui leur sont conférés au cours de réunions authentiquement syndicales. Jamais la police n'a empêché des travailleurs de se rendre à des réunions et moins encore en a-t-elle arrêté.
    4. 532 En ce qui concerne les cautions qui auraient été exigées par les autorités locales avant la tenue de réunions, le gouvernement fait valoir ce qui suit. Les autorités locales de la Rhodésie sont indépendantes du gouvernement, sauf en ce qui concerne certaines questions financières et autres questions d'ordre mineur. Ces autorités locales ont pour tâche de réglementer les réunions; elles ont le droit d'exiger que celles-ci soient notifiées d'avance et de leur fixer un lieu approprié s'il s'agit de réunions en plein air. Au cours de ces dernières années, certaines réunions politiques ayant dégénéré en émeutes ont causé des dommages se montant à plusieurs milliers de livres. Dans bien ces cas, certains biens qui avaient servi de cible aux attaques en cours d'émeute étaient détenus par l'autorité locale dans l'intérêt de la population et la gérance en avait été confiée à cette autorité. En dépit de ce fait, les autorités locales n'ont exigé aucune caution pour accorder l'autorisation de tenir une réunion syndicale. On ne peut - déclare le gouvernement - citer à cet égard qu'une seule exception: il s'agit d'une autorité dont la juridiction est étendue, qui exige le versement d'un dépôt maximum de 10 livres pour toute réunion tenue dans une salle; le dépôt est restitué à la fin de la réunion si aucun dommage n'a été causé ou, en règle générale, si elle n'a entraîné que des dommages insignifiants.
    5. 533 Les allégations formulées par les plaignants relatives au fait que des travailleurs auraient été empêchés de se rendre à des réunions, voire arrêtés alors qu'ils se rendaient à des réunions, de même que les allégations selon lesquelles de fortes cautions seraient exigées des autorités locales pour la tenue de réunions sont conçues en termes généraux et ne sont étayées par aucun fait précis. En ce qui concerne les deux premières, le gouvernement nie catégoriquement qu'elles soient fondées. En ce qui concerne la troisième, les explications fournies par le gouvernement font ressortir qu'une caution n'a été exigée qu'en une unique occasion et que la somme exigée - 10 livres - ne saurait être comparée aux « énormes sommes » dont parlent les plaignants.
    6. 534 En ce qui concerne la série d'allégations mentionnées au paragraphe précédent, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes de ce qu'ils avançaient et recommande en conséquence au Conseil d'administration de décider qu'elles n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
    7. 535 Reste l'allégation selon laquelle des membres de la police assisteraient aux réunions syndicales. Le gouvernement admet que des fonctionnaires de la police assistent auxdites réunions et même, dans certaines circonstances, qu'ils interviennent dans leur déroulement.
    8. 536 Dans un nombre important de cas, le Comité a déclaré que le droit des syndicats de se réunir librement dans leurs propres locaux, en dehors de toute autorisation préalable et de tout contrôle des autorités publiques, constitue un élément fondamental de la liberté syndicale. Dans le cas présent, où le gouvernement reconnaît que des membres de la police assistent aux réunions syndicales, le Comité estime, comme il l'avait lui-même déjà fait et comme l'avait fait aussi la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lors de son examen de la façon dont la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, était appliquée à Cuba, que la présence de membres de la police lors de la tenue de réunions syndicales est susceptible de constituer une « intervention » dont, aux termes de l'article 3, paragraphe 2, de la convention no 87, « les autorités publiques doivent s'abstenir ».
    9. 537 En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la présence de fonctionnaires de la police lors de la tenue de réunions syndicales risque de porter atteinte à la liberté syndicale en ce qu'elle affecte le droit des travailleurs de se réunir librement en dehors de tout contrôle des autorités publiques.
  • Allégations relatives à la répression de la grève du 14 niai 1962
    1. 538 Les plaignants allèguent qu'à la suite d'une grève déclenchée le 14 mai 1962 pour protester contre les interventions policières dans les activités syndicales et, d'une manière générale, contre l'attitude antisyndicale du gouvernement, l'armée et la police ont malmené les grévistes, qu'il y aurait eu une fusillade qui aurait fait quatre morts et de nombreux blessés, enfin, que plus de trois mille grévistes auraient été licenciés de leurs emplois.
    2. 539 Dans sa réponse, le gouvernement donne des événements la version suivante. Le 13 mai 1962 a été proclamé un arrêt général du travail de vingt-quatre heures pour le jour suivant « en tant qu'avertissement solennel au gouvernement... réclamant des salaires plus élevés pour les travailleurs africains ». Le lundi 14 mai - déclare le gouvernement - il apparut évident, dès les premières heures de la matinée, qu'un plan concerté d'intimidation et d'attaque avait été élaboré pour empêcher les travailleurs de se rendre à leur travail. La police reçut l'ordre d'assurer la protection des travailleurs qui se rendaient à leur travail et cet ordre fut exécuté. En dépit des mesures d'intimidation et des menaces de violence contre leur famille, environ 80 pour cent des travailleurs se rendirent à leur travail. Aucun travailleur, affirme le gouvernement, n'a été contraint d'évacuer sa maison ou d'aller travailler.
    3. 540 L'échec de cette grève - poursuit le gouvernement - incita les agitateurs à intensifier leur campagne d'agitation et, dans l'après-midi, il fut nécessaire de recourir à la force contre ceux qui molestaient les travailleurs se rendant à leur travail et menaçaient leur vie et leurs biens. « Etant donné que des bandes de vagabonds menaçaient les travailleurs respectueux de la loi qui se dirigeaient vers leur poste de travail - déclare le gouvernement -, la police dut faire usage à six reprises d'armes à feu provoquant la mort de deux personnes et en blessant dix autres ». Un nombre limité de troupes fut également mis sur pied vers la fin de l'après-midi du 14 mai pour protéger les travailleurs retournés à leur foyer.
    4. 541 En ce qui concerne les licenciements mentionnés par les plaignants, le gouvernement déclare que de nombreux employeurs, « exaspérés par les agissements » des manifestants, congédièrent immédiatement tous les travailleurs qui n'avaient pas été à leur poste de travail le lundi 14 mai 1962. Le gouvernement indique que, tout en appuyant cette mesure des employeurs, les organisations d'employeurs conseillèrent l'examen de chaque cas individuel et la réintégration des intéressés si l'employeur était convaincu qu'un travailleur donné avait fait l'objet de mesures d'intimidation ou de menaces de représailles au cas où il se rendrait à son travail. Le gouvernement déclare que l'on ne dispose pas de chiffres exacts, mais les employeurs estiment que le nombre des grévistes ayant perdu leur emploi ne dépasse pas cent cinquante. Plusieurs travailleurs ont déjà été réintégrés.
    5. 542 Le Comité a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations concernant le droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, et seulement dans la mesure, où ils mettent en cause l'exercice des droits syndicaux, et a recommandé au Conseil d'administration, en de nombreuses occasions, d'affirmer que le droit de grève des travailleurs et des organisations de travailleurs constitue un moyen essentiel de défendre et de promouvoir les intérêts professionnels. Le Comité a, toutefois, rejeté les allégations relatives à des grèves dépourvues de caractère professionnel, ou qui avaient pour but d'exercer une pression sur le gouvernement dans le domaine de questions politiques, ou qui étaient dirigées contre la politique du gouvernement sans avoir «pour objet un conflit du travail ».
    6. 543 Dans le présent cas, tandis que les plaignants donnaient pour motifs de la grève l'intervention de la police dans des activités syndicales, les bas salaires et les mauvaises conditions d'emploi, le gouvernement lui-même déclare que la raison avouée de la grève était de lui donner un avertissement afin d'obtenir de meilleurs salaires pour les travailleurs africains. La grève semble avoir été une grève générale organisée par l'organisation centrale des travailleurs africains et, de ce fait, le gouvernement peut avoir été partiellement impliqué, en sa qualité d'employeur, dans les réclamations concernant l'obtention de meilleurs salaires. Il semble douteux, étant donné l'opinion exprimée par le Comité dans le cas no 221, concernant Aden, dans des conditions ayant certains points d'analogie avec le présent cas, que les allégations puissent être discutées dès le départ en se fondant sur le fait que la grève n'avait pas pour objet un conflit du travail.
    7. 544 Avant de poursuivre l'examen de cet aspect de la question et de l'affirmation du gouvernement selon laquelle les incidents violents qui se sont produits ont été occasionnés par le fait que la police a été obligée de protéger les non-grévistes contre des intimidations illégales, le Comité doit remarquer que certaines personnes - quatre selon les plaignants, deux selon le gouvernement - ont été tuées lorsque la police a tiré sur les grévistes, et rappelle que dans les cas où la dispersion d'assemblées publiques par la police, pour des raisons d'ordre public ou des raisons similaires, a entraîné la perte de vies humaines, il a attaché une importance spéciale à ce qu'on procède immédiatement à une enquête impartiale spéciale et approfondie des circonstances et à ce qu'une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l'action prise par la police et pour déterminer les responsabilités.
    8. 545 Dans ces conditions, le Comité prie le gouvernement d'indiquer si une enquête impartiale spéciale a été instituée pour examiner les circonstances dans lesquelles certaines personnes impliquées dans la grève de mai 1962 ont perdu la vie à la suite des mesures prises par la police et, dans l'affirmative, de lui donner connaissance des résultats d'une telle enquête.
  • Allégations relatives aux inspecteurs du travail
    1. 546 Il est allégué que le gouvernement remplace les syndicats par ses inspecteurs du travail, si bien que plusieurs employeurs - le nom de quatre sociétés est donné en exemple - refusent de négocier avec les syndicats; que les inspecteurs invitent les employeurs à avoir affaire à eux plutôt qu'aux syndicats; que lorsque des travailleurs se sont mis en grève, le gouvernement a recommandé aux employeurs de les congédier et que le gouvernement refuse d'agir dans les cas de représailles pour activités syndicales.
    2. 547 Le gouvernement explique que les fonctionnaires du travail ont pour devoir d'appliquer les règlements sur l'emploi et que les travailleurs qui s'adressent au Congrès des syndicats africains de la Rhodésie du Sud (S.R.A.T.U.C) pour se plaindre, ont souvent reçu le conseil de s'adresser aux fonctionnaires du travail. En fait, déclare le gouvernement, les agents du S.R.A.T.U.C ne sont quelquefois pas suffisamment qualifiés, et les fonctionnaires du travail perdent beaucoup de temps à leur apprendre comment il faut approcher les employeurs et comment il faut mener les affaires légitimes du syndicat. Le gouvernement nie que les fonctionnaires du travail aient jamais essayé de persuader les employeurs d'ignorer les agents des syndicats; dans les cas où l'employeur était consentant, les agents des syndicats ont été présents lors de la discussion entre employeurs et fonctionnaires du travail des plaintes et des doléances. Le S.R.A.T.U.C s'est plaint au département du Travail au sujet de représailles dirigées contre des travailleurs en raison de leur appartenance ou de leurs activités syndicales, mais bien qu'invité chaque fois à fournir des renseignements de fait, le Congrès ne les a fournis, selon le gouvernement, que dans un seul cas, cas qui a été soumis à la police pour enquête approfondie et, si cela est justifié, en vue de poursuites éventuelles.
    3. 548 Ces allégations sont présentées en termes très généraux, sans aucune preuve réelle pour les étayer, et le gouvernement a répondu sur chaque point en donnant des renseignements suffisamment détaillés.
    4. 549 Le Comité estime que les plaignants n'ont pas fourni de preuves suffisantes à l'appui de leurs allégations destinées à montrer que, dans les cas mentionnés, il y a eu violation des droits syndicaux et recommande, en conséquence, au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 550. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider que les allégations concernant les inspecteurs du travail n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives aux limitations apportées par la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie au droit des syndicats d'élaborer librement leurs propres statuts et règlements:
    • i) de décider que l'élaboration de statuts et de règlements types destinés à servir de guides aux syndicats, sous réserve que les circonstances soient telles qu'il n'existe en fait aucune obligation de les accepter ni aucune pression exercée à cette fin, n'implique pas nécessairement une ingérence dans le droit des organisations syndicales d'élaborer leurs statuts et règlements en toute liberté et, en conséquence, que les parties de ces allégations qui sont relatives à l'imposition de règlements types aux syndicats n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • ii) de prendre note de l'engagement pris par le gouvernement selon lequel la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie sera amendée de telle sorte que tous les recours sans exception, formés contre les décisions du fonctionnaire chargé de l'enregistrement, seront portés devant les tribunaux du travail;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives aux restrictions apportées au droit de réunion syndicale:
    • i) de décider que la partie de ces allégations qui a trait aux cautions exigées par les autorités locales n'appelle pas un examen plus approfondi;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la présence d'officiers de police à des réunions syndicales peut être considérée comme une intervention dans le droit des syndicats de tenir des réunions en toute liberté, intervention dont les autorités publiques devraient s'abstenir;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire du Comité en ce qui concerne les allégations relatives à l'utilisation de la loi sur le maintien de la légalité et de l'ordre public dans le but d'apporter des restrictions à l'activité syndicale et les allégations relatives à la répression de la grève déclenchée le 14 mai 1962, étant entendu que le Comité fera ultérieurement rapport au Conseil d'administration lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires qu'il a décidé de demander au gouvernement.
      • Genève, le 1er novembre 1962. (Signé) Roberto AGO, Président.
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