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Interim Report - Report No 67, 1963

Case No 303 (Ghana) - Complaint date: 22-JUN-62 - Closed

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  1. 244. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres figure dans une communication en date du 22 juin 1962. Le gouvernement du Ghana a fourni ses observations sur cette plainte dans une communication en date du 5 octobre 1962.
  2. 245. Le 13 mai 1957, le gouvernement du Ghana, qui était déjà membre de l'Organisation des Nations Unies, a adressé au Directeur général du Bureau international du Travail une lettre signée de M. Kwame N'Krumah, premier ministre, dans laquelle il déclarait que le Ghana acceptait formellement les obligations découlant de la Constitution de l'O.I.T.: de ce fait, le Ghana est devenu Membre de l'Organisation internationale du Travail en vertu de l'article 1, paragraphe 3, de la Constitution de l'O.I.T, le 20 mai 1957, date de réception de la lettre. Dans la même lettre, le gouvernement du Ghana déclarait qu'il continuerait à appliquer les dispositions de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, en attendant la ratification formelle, par ce pays, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le Ghana n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; par contre, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Question préliminaire concernant la partialité politique des plaignants
    1. 246 Le gouvernement déclare que la plainte est inspirée par des motifs purement politiques.
    2. 247 Dans le cas no 67, relatif à l'Egypte, dans lequel le gouvernement prétendait que les allégations formulées ne l'avaient été que pour des raisons de propagande politique, le Comité avait rappelé avoir formulé certains principes dans son premier rapport en ce qui concerne l'examen des plaintes que le gouvernement mis en cause considère comme revêtant un caractère purement politique et, en particulier, avoir décidé que, même si des allégations sont d'origine politique ou présentent certains aspects politiques, elles devraient être examinées quant au fond si elles soulèvent des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux. Dans le cas relatif à l'Egypte, observant que le plaignant soulevait certaines questions affectant l'exercice des droits syndicaux, le Comité a estimé que, sans préjuger les mérites du cas, il lui appartenait de l'examiner, quels qu'aient été les motifs véritables du plaignant. Dans le cas no 143, relatif à l'Espagne, dans lequel le gouvernement prétendait que l'organisation plaignante était politiquement partiale, le Comité, se référant au précédent du cas de l'Egypte, a rappelé avoir estimé que la plainte était recevable, ayant été présentée en due forme par une organisation syndicale et, en ce qui concerne le motif de la plainte, que le fait qu'elle ait été dictée par des motifs politiques, ainsi que le prétendait le gouvernement, ne constituait pas une raison pour la déclarer irrecevable. Dans le cas no 143, par conséquent, le Comité a estimé que, bien que la partialité politique reconnue de l'organisation plaignante était une question dont il conviendrait de tenir compte lors de l'examen du cas selon ses mérites, elle ne saurait en aucun cas être considérée comme affectant la forme et, par conséquent, la recevabilité de la plainte.
    3. 248 Dans le cas présent, les allégations relatives à des violations de droits syndicaux au Ghana ont été présentées en due forme par une organisation internationale de travailleurs jouissant du statut consultatif auprès de l'Organisation internationale du Travail et étant, de ce fait, compétente pour présenter la plainte conformément à la procédure en vigueur relative à l'examen d'allégations concernant des violations de droits syndicaux, Ce dont le Comité a à se préoccuper n'est pas le motif qui a poussé le plaignant - question qu'il est rarement, s'il l'est jamais, en mesure de déterminer d'une façon raisonnablement précise -, mais le bien-fondé ou le mal-fondé de la plainte, question qui est susceptible de faire l'objet d'un examen fondé sur l'application de critères objectifs.
    4. 249 Le Comité estime, par conséquent, que l'objection du gouvernement en ce qui concerne les motifs politiques des plaignants ne constitue pas une raison pour empêcher le Comité d'examiner le fond des allégations en question.
  • Allégations relatives à la non-application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948
    1. 250 Dans la partie introductive de la plainte, il est allégué que le gouvernement aurait violé certains des principes de la liberté syndicale, énoncés dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
    2. 251 Le gouvernement fait remarquer que le Ghana n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et qu'il ne peut pas, du point de vue technique, être accusé de ne pas l'appliquer. Toutefois, ajoute le gouvernement, rejeter la plainte ou éviter de répondre aux points qui y sont soulevés, pourrait être interprété comme une tentative d'éluder ses responsabilités sous un prétexte technique. Le gouvernement a donc présenté ses observations sur le fond des allégations formulées.
    3. 252 En effet, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, n'a pas été ratifiée par le Ghana; le Comité estime néanmoins approprié de souligner, ainsi qu'il l'a fait pour le cas no 211, concernant le Canada, le cas no 191, concernant le Soudan, le cas no 266, concernant le Portugal, et certains autres cas antérieurs, que la Déclaration de Philadelphie, qui fait maintenant partie intégrante de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail et dont les buts et objectifs figurent au nombre de ceux pour la réalisation desquels l'Organisation existe, ainsi qu'il est prévu à l'article 1 de la Constitution, modifiée en 1946 à Montréal, reconnaît:
  • ... l'obligation solennelle pour l'Organisation internationale du Travail de seconder la mise en oeuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser... la reconnaissance effective du droit de négociation collective et la coopération des employeurs et de la main-d'oeuvre pour l'amélioration continue de l'organisation de la production, ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l'élaboration et à l'application de la politique sociale et économique.
  • Dans ces conditions, le Comité estime, ainsi qu'il l'a fait antérieurement lors de l'examen des cas mentionnés ci-dessus, que:
  • ... en s'acquittant de la responsabilité qui lui a été confiée de favoriser l'application de ces principes, il devrait, entre autres choses, se laisser guider dans sa tâche par les dispositions approuvées en la matière par la Conférence et incorporées dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui constituent des éléments d'appréciation lors de l'examen d'allégations déterminées d'autant plus que les Membres de l'Organisation ont, en vertu de l'article 19, 5, e), de la Constitution, l'obligation de faire rapport au Directeur général du Bureau international du Travail, à des périodes appropriées, selon ce que décidera le Conseil d'administration, sur l'état de leur législation et sur leur pratique concernant les questions faisant l'objet de conventions non ratifiées, en précisant dans quelle mesure on a donné suite ou l'on se propose de donner suite à toute disposition de la convention par voie législative, par voie administrative, par voie de contrats collectifs ou par toute autre voie et en exposant quelles difficultés empêchent ou retardent la ratification de telles conventions.
  • Le gouvernement du Ghana est un des gouvernements qui ont satisfait à cette obligation, à la demande du Conseil d'administration en ce qui concerne la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Toutefois, le Comité, tout en reconnaissant que les dispositions susmentionnées de la convention ne lient pas le Ghana, estime qu'il doit examiner les allégations formulées dans le cas présent à propos de cette convention en vue de dégager les faits et de faire rapport à leur sujet au Conseil d'administration.
  • Allégations relatives à la législation concernant les syndicats et les relations de travail au Ghana
    1. 253 Ces allégations portent sur différentes dispositions de la législation du Ghana et notamment sur la loi de 1958, concernant les relations de travail, telle que modifiée. Les différentes questions soulevées à ce propos sont examinées séparément.
      • a) Allégations relatives à la situation de monopole syndical créée par le Congrès des syndicats du Ghana
    2. 254 Selon ces allégations, la loi de 1958 sur les relations de travail prévoirait la création d'un Congrès des syndicats (Trades Union Congress), qui serait le représentant de l'ensemble des syndicats professionnels enregistrés énumérés dans une liste formant la première annexe à la loi, ce qui serait contraire aux dispositions de l'article 5 de la convention (no 87) sur ta liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il est, en outre, allégué que le ministre du Travail aurait le pouvoir d'ajouter ou de rayer le nom d'un syndicat de la liste des organisations qui composent le Congrès des syndicats.
    3. 255 Le gouvernement déclare que l'ordonnance de 1941 sur les syndicats, telle que modifiée, contient des dispositions sur l'enregistrement obligatoire des syndicats dont la constitution implique une reconnaissance légale et confère au greffier des syndicats le pouvoir de refuser l'enregistrement. Aux termes de l'article 28 de l'ordonnance, les statuts des syndicats doivent contenir des dispositions en ce qui concerne le changement de nom de ceux-ci, les modifications de leurs statuts ou leur fusion. Alors que l'ordonnance prévoit simplement que les changements de nom doivent être consignés dans les registres déposés au bureau du greffier compétent, la loi sur les relations de travail va plus loin en établissant une liste des seize syndicats enregistrés, ayant obtenu une reconnaissance légale. Le fait de conférer au ministre le pouvoir de modifier la première liste qui figure en annexe à la loi a uniquement pour but, déclare le gouvernement, « d'empêcher que le Parlement ne soit saisi de questions d'importance mineure, comme les changements de nom et les fusions qui s'ensuivent », en cas de tels changements, l'article 4, paragraphe 3, de la loi ne fait qu'habiliter le ministre à modifier la liste en question, sur avis du greffier des syndicats. L'établissement d'une liste des organisations syndicales avait pour but - ajoute le gouvernement - d'obliger des employeurs à reconnaître ces organisations contrairement à la pratique suivie avant l'indépendance, qui consistait à reconnaître uniquement les syndicats constitués par les diverses sociétés. Le gouvernement déclare que ces dispositions ne visent pas à empêcher la création d'autres syndicats par des personnes qui désirent s'organiser, ni à empêcher que ces organisations ne soient reconnues légalement, à moins que le greffier des syndicats n'ait des raisons pour conseiller au ministre de refuser l'enregistrement. Le gouvernement ajoute que rien dans la loi n'empêche les organisations syndicales des travailleurs de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que de s'y affilier et que la loi complète l'ordonnance et nationalise l'organisation et l'administration du mouvement syndical au Ghana. En conclusion, le gouvernement fait remarquer que la création d'organisations multiples et éphémères d'employeurs ou de travailleurs ne saurait être profitable à aucun pays et que l'histoire du syndicalisme ne fait que prouver ce fait.
    4. 256 L'article 3, paragraphe 1, de la loi de 1958 sur les relations de travail prévoit la création d'un Congrès des syndicats « qui aura qualité pour représenter le mouvement syndical du Ghana ». L'article 4, paragraphe 1, dispose que le Congrès en question sera composé des syndicats figurant sur la première liste annexée à la loi; l'article 4, paragraphe 3, confère au ministre le pouvoir d'ajouter à la liste ou d'en rayer le nom de tout syndicat professionnel. Les dispositions susmentionnées n'auraient peut-être pas suffi, à elles seules, pour établir, par voie législative et au sens strict du terme, un monopole syndical en faveur des organisations énumérées sur la liste en qualité de membres du Congrès; en effet, les syndicats ne figurant pas sur la liste en question, qui ont été enregistrés en vertu de l'ordonnance de 1941 sur les syndicats, telle que modifiée, pourraient apparemment continuer à exister, malgré le fait qu'ils ne bénéficiaient plus du privilège de représentation, ni d'autres privilèges accordés aux syndicats mentionnés sur la liste. Toutefois, cette situation a été modifiée par la loi de 1959 sur les relations de travail (amendement). L'article 2 de la loi modificatrice en question prévoit que, dans les deux mois qui suivent son adoption, sera dissous tout syndicat enregistré en vertu de l'ordonnance sur les syndicats professionnels qui, à la date de la promulgation de la loi, n'a pas le droit d'élire des membres du Congrès - c'est-à-dire s'il ne compte pas parmi les syndicats figurant sur la liste de la loi sur les relations de travail; seuls sont exceptés de cette dissolution les syndicats qui pourraient fusionner, pendant cette période, avec une des organisations qui figurent sur l'annexe à la loi. L'article 3 interdit à tout nouveau syndicat professionnel de se faire enregistrer en vertu de l'ordonnance, sans le consentement écrit du ministre.
    5. 257 Le gouvernement se réfère au pouvoir du ministre d'ajouter à la liste, ou d'en rayer, le nom de tout syndicat, en tant que moyen d'empêcher que « le Parlement ne soit saisi de questions d'importance mineure comme les changements de nom et les fusions qui s'ensuivent ». Toutefois, il semblerait ressortir de la loi sur les relations de travail, telle que modifiée, qu'il ne s'agit pas là d'une simple question de changement de nom n'affectant pas l'existence d'une organisation de manière fondamentale. Le changement de nom est lié aux dispositions sur la fusion obligatoire, aux termes desquelles un syndicat qui ne figure pas sur la liste annexée à la loi sur les relations de travail est obligé, en vertu de l'amendement à cette loi, de fusionner avec une des organisations énumérées sur la liste, n'ayant pas d'autre solution que la dissolution. Il convient de faire remarquer, en outre, qu'aux termes de l'article 4, paragraphe 3, de la loi sur les relations de travail, lorsque le nom d'un syndicat est ajouté sur la liste, les membres élus au Congrès par le syndicat considéré entrent immédiatement en fonctions, alors qu'en cas de radiation de la liste, les personnes élues par le syndicat intéressé perdent immédiatement leur qualité de membres du Congrès.
    6. 258 La situation paraît donc être qu'aucun syndicat ne peut exister légalement au Ghana, à moins que son nom ne figure sur la liste annexée à la loi sur les relations de travail ou qu'il n'ait fusionné - étant une des organisations qui ne sont pas énumérées sur la liste, mais enregistrée en vertu de l'ordonnance - avec un des syndicats mentionnés dans la liste en question; la seule exception prévue par la loi vise les nouveaux syndicats, qui ne peuvent être enregistrés qu'après le consentement du ministre, accordé à sa propre discrétion.
    7. 259 Il semble donc qu'au Ghana, la législation aurait établi un monopole syndical, limité aux organisations dont il est question au paragraphe précédent.
    8. 260 La Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations a fait remarquer que, si les travailleurs peuvent avoir généralement avantage à éviter la multiplication du nombre des organisations syndicales, l'unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention de l'Etat par voie législative, une telle intervention allant à l'encontre du principe énoncé à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer les organisations « de leur choix » et de s'y affilier, et à l'encontre du principe énoncé à l'article 11 de cette convention préconisant que les travailleurs et les employeurs doivent bénéficier « du libre exercice du droit syndical ». La Commission d'experts a également souligné que:
  • Il existe une différence fondamentale vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection du droit syndical «entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays, où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont en général avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat » et notamment l'intervention de celui-ci par voie législative.
    1. 261 De plus, lorsque les dispositions mentionnées ci-dessus sont examinées conjointement avec la disposition de l'article 3, paragraphe 1, de la loi de 1958 sur les relations de travail, qui prévoit que le Congrès des syndicats doit agir en tant que « représentant » du mouvement syndical au Ghana, il semble que le Congrès soit en fait la seule confédération qui puisse exister au Ghana.
    2. 262 Il semble également que, dans la mesure où les seuls syndicats qui puissent actuellement exister légalement - sauf dans les cas où le ministre donne son consentement à l'enregistrement d'un nouveau syndicat - sont ceux qui sont mentionnés en annexe à la loi, le droit de former des fédérations soit nécessairement limité à celles, pour autant qu'il en existe, que les syndicats eux-mêmes peuvent former.
    3. 263 Il semble donc que les dispositions de la loi de 1958 sur les relations de travail, telle que modifiée, empêchent les syndicats de former des fédérations et des confédérations de leur propre choix, contrairement au principe généralement admis figurant à l'article 5 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
    4. 264 Tout en appréciant pleinement le désir du gouvernement de promouvoir un mouvement syndical fort, en évitant les défauts résultant d'une multiplicité injustifiée de petits syndicats qui se font concurrence et dont l'indépendance peut être mise en danger par leur faiblesse, le Comité tient à attirer l'attention sur l'observation présentée par la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations, mentionnée au paragraphe 260 ci-dessus, selon laquelle il est plus souhaitable dans de tels cas pour un gouvernement de chercher à encourager les syndicats à se grouper volontairement pour former des organisations fortes et unies, plutôt que de leur imposer par la loi une unification obligatoire qui prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va ainsi à l'encontre des principes incorporés dans les conventions internationales du travail relatives à la liberté d'association.
    5. 265 Dans ces conditions, le Comité, tout en appréciant le désir du gouvernement du Ghana de promouvoir un mouvement syndical fort et d'éviter les faiblesses résultant d'une multiplicité injustifiée de petits syndicats qui se font concurrence, recommande au Conseil d'administration:
      • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée aux principes généralement admis selon lesquels les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations de leur propre choix sans autorisation préalable et les organisations de travailleurs devraient avoir le droit de former librement des fédérations et des confédérations;
      • b) d'exprimer l'opinion que les dispositions de la loi de 1958 sur les relations de travail, telle que modifiée en 1959, qui instituent un Congrès des syndicats en tant que représentant du mouvement syndical au Ghana et limitent les syndicats pouvant légalement exister à ceux qui (sous réserve de tels changements que le ministre peut fixer) sont mentionnés à l'annexe première de cette loi (sauf tels autres syndicats dont l'enregistrement peut être autorisé par le ministre) ne sont pas compatibles avec les principes précités;
      • c) de prier le gouvernement de reconsidérer les dispositions de la loi de 1958 sur les relations de travail, telle que modifiée, à la lumière des considérations énoncées à l'alinéa b) ci-dessus, afin de donner plus pleinement effet aux principes énumérés à l'alinéa a) ci-dessus;
      • d) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé de tous développements futurs en la matière.
      • b) Allégations concernant l'affiliation syndicale obligatoire
    6. 266 Il est allégué que conformément à l'article 16 de la loi de 1958 sur les relations de travail, telle que modifiée, aucune personne qui appartient à une catégorie de travailleurs spécifiée dans les attributions d'un syndicat enregistré, mais qui n'est pas membre de ce syndicat, ne peut être maintenue au travail pour une durée supérieure à un mois. Le plaignant considère cette disposition comme incompatible avec l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
    7. 267 Le gouvernement déclare que l'amendement à l'article 16, qui traite de la question de la clause d'affiliation syndicale obligatoire, n'est pas contraire aux principes de la liberté d'association. Le gouvernement considère que si un homme jouit de conditions meilleures obtenues par des travailleurs organisés, il lui appartient de se joindre à la campagne en faveur de l'application de ces conditions; l'article 16 a été modifié en conséquence pour incorporer le principe de la clause d'affiliation syndicale obligatoire telle qu'elle a été adoptée en Nouvelle-Zélande.
    8. 268 Les termes exacts des dispositions législatives en question ne sont pas clairs. L'article 16 de la loi de 1958 sur les relations de travail prévoit que « la pratique connue sous le nom de « clause d'affiliation syndicale obligatoire» fait partie des questions qui sont de la compétence... du comité permanent de négociation ». Il ne semble pas qu'il ait été changé par la loi modificatrice de 1959. En outre, la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations a noté que, dans son rapport pour la période du 1er juillet 1959 au 30 juin 1961 sur l'application de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le Ghana, le gouvernement avait indiqué que l'article 31 (1), a), de la loi de 1958 sur les relations de travail, telle que modifiée, prévoit comme pratique de travail déloyale le fait pour un employeur « de continuer à employer un travailleur » qui n'est pas membre d'un syndicat et appartient à une catégorie de travailleurs spécifiée dans un certificat et qui serait au bénéfice d'une convention collective. Etant donné que ni la loi de 1958 ni la loi modificatrice no 43, de 1959, ne semblent contenir une telle disposition, la Commission d'experts a prié le gouvernement de fournir tous autres textes législatifs qui ont modifié la loi de 1958 et, en particulier, le texte qui a modifié l'article 31 (1), a), de façon à lui donner la teneur indiquée dans le rapport du gouvernement.
    9. 269 Dans ces conditions, le Comité prie le gouvernement de bien vouloir fournir le texte des articles 16 et 31 (1), a), tels qu'ils sont maintenant modifiés et d'indiquer, en particulier, par quel texte législatif l'article 31 (1), a), a été modifié de façon à lui donner la teneur mentionnée dans le rapport du gouvernement cité au paragraphe précédent.
      • c) Allégations concernant l'intervention dans les affaires internes du Congrès des syndicats
    10. 270 Il est allégué que l'article 5 (1) de la loi de 1958 sur les relations de travail prévoit que les pouvoirs du Congrès pour adopter son propre règlement intérieur sont subordonnés à l'approbation du ministre du Travail, contrairement à l'article 3, paragraphe 1, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il est également allégué que l'article 5 (3) de la loi prévoit que le Congrès ne peut dépenser aucune somme supérieure à un montant de 50 livres ghanéennes sans le consentement du ministre du Travail, que le contrôle des finances syndicales est effectué par une personne désignée par le ministre, ce dernier pouvant, à tout moment, imposer ce contrôle, et que les fonds peuvent être gelés si le ministre estime que le Congrès a entrepris une action « défavorable au bien public ». Ces dispositions, soutient-on, sont incompatibles avec l'article 3, paragraphe 2, de la convention.
    11. 271 Le gouvernement fait remarquer qu'au stade de transition du mouvement syndical au Ghana, il a été moralement obligé de protéger ce mouvement contre l'exploitation et de le guider pendant son stade de formation jusqu'à ce qu'il soit capable de diriger ses propres affaires; actuellement encore, le gouvernement a l'obligation morale de s'assurer que les organisations sont capables de diriger leurs affaires.
    12. 272 Le gouvernement déclare que, depuis l'adoption de la loi de 1958 sur les relations de travail et depuis « l'examen et l'acceptation » des statuts du Congrès, aucun ministre du Travail n'a estimé nécessaire d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 5 de la loi. Afin de faciliter l'organisation appropriée de l'activité syndicale, déclare le gouvernement, il doit s'assurer que les fonctions du Congrès des syndicats ne sont pas utilisées à des fins autres que les activités propres du Congrès. Le gouvernement affirme que ce point de vue a été soutenu dans le Rapport du Directeur général à la 46ème session de la Conférence internationale du Travail, lorsqu'il a exhorté les gouvernements à accorder aux travailleurs une place plus grande dans le développement économique et social des Etats Membres. Le gouvernement estime que les termes « jusqu'à ce que des statuts aient été établis », figurant à l'article 5 (3) de la loi, montrent clairement que cet article dans son ensemble a pour objet de guider le mouvement, à partir des anciennes pratiques, vers de nouvelles pratiques, et qu'il serait sage de protéger les fonds du Congrès et de faire approuver par le ministre les dépenses supérieures à 50 livres jusqu'au moment où les statuts du Congrès auront été établis. Le gouvernement est d'avis qu'il doit être en mesure d'agir lorsqu'il a la certitude que les fonds du Congrès sont utilisés d'une manière « défavorable au bien public »; il est également d'avis que dans un pays où il n'existe pas de prestations de sécurité sociale, il lui appartient de s'assurer que les finances du Congrès ne sont pas utilisées à des fins inappropriées ou qui ne servent pas les intérêts des syndicats qui le constituent.
    13. 273 Pour ce qui concerne la vérification des comptes, le gouvernement déclare que la loi applique aux fonds du Congrès les mêmes principes que ceux qui régissent la vérification des comptes aux termes de l'ordonnance sur les syndicats.
    14. 274 Se référant à l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, le gouvernement est d'avis - étant donné qu'il n'est pas dans les buts de l'Organisation internationale du Travail de créer le chaos et la confusion - qu'on ne peut pas soutenir que les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient être en mesure « d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action » en dehors du cadre de la politique économique du gouvernement de n'importe quel pays particulier ou en contradiction avec cette politique, aussi longtemps que cette dernière sert pour le mieux les intérêts du pays dans son ensemble.
    15. 275 Il n'est pas tout à fait certain à quelle partie du Rapport du Directeur général à la 46ème session de la Conférence internationale du Travail le gouvernement se réfère (voir paragr. 272 ci-dessus). Si, comme cela semble probable, la référence intéresse le deuxième paragraphe de la page 95 de la partie Il de ce rapport, il n'y est pas affirmé que le gouvernement doit s'assurer que les fonctions du Congrès des syndicats ne sont pas utilisées à des fins autres que ses propres activités. Dans le paragraphe en question, relatif au rôle des syndicats dans la société contemporaine, il est fait état des opinions exprimées par nombre d'orateurs à la 45ème session de la Conférence internationale du Travail pour affirmer que, dans l'exécution de leur politique, les syndicats devraient avant tout être libres et indépendants à l'égard des autorités publiques, comme il est aussi fait état des opinions exprimées par quelques autres orateurs, dont certains venaient de pays africains, qui se sont déclarés partisans d'un mouvement syndical unifié, agissant de concert avec l'Etat pour la mise en application de programmes nationaux de développement.
    16. 276 Pour ce qui concerne la question relative à l'approbation des statuts du Congrès des syndicats, le Comité a indiqué dans le passé que lorsque l'approbation des statuts des syndicats dépend des pouvoirs discrétionnaires d'une autorité compétente, cela n'est pas compatible avec le principe généralement admis que les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts et règlements en toute liberté.
    17. 277 Il semble que rien dans la loi sur les relations de travail n'apporte de précisions à la disposition de l'article 5 (1) selon laquelle le Congrès aura le pouvoir d'élaborer des statuts avec l'approbation du ministre. Ainsi, il n'apparaît pas que la loi fixe des conditions légales quelconques dont l'existence rendrait obligatoire une telle approbation; de même, aucune disposition ne semble avoir été prévue pour le recours aux tribunaux dans les cas où l'approbation aura été refusée.
    18. 278 Le gouvernement s'est toutefois référé à cette disposition comme à une des dispositions de caractère essentiellement transitoire. Avant de poursuivre l'examen de cet aspect particulier de ces allégations, le Comité prie le gouvernement d'indiquer si, les statuts du Congrès étant maintenant approuvés, l'approbation du ministre serait encore nécessaire pour toutes nouvelles additions, suppressions ou modifications aux statuts du Congrès des syndicats.
    19. 279 Il semble aussi, d'après la réponse du gouvernement, que l'approbation du ministre pour les dépenses du Congrès dépassant 50 livres ne devrait être aussi qu'une mesure transitoire jusqu'au moment où, conformément à l'article 5 (3) de la loi, l'utilisation des fonds du Congrès aurait été fixée. Le Comité prie donc le gouvernement de bien vouloir indiquer si la disposition qui demande l'approbation du ministre en ce qui concerne ces dépenses est devenue automatiquement caduque dès le moment où les statuts du Congrès ont été établis, de sorte que le Congrès puisse, sans que l'approbation du ministre soit exigible, procéder à des dépenses d'un montant non limité.
    20. 280 Conformément à l'article 8 (1) de la loi, si le gouverneur général est d'avis que le Congrès a pris une initiative « qui n'est pas dans l'intérêt du bien public », il pourra, par voie d'arrêté, faire transférer et confier au receveur désigné dans ledit arrêté tous les avoirs du Congrès et le charger de les conserver. Aucune définition réglementaire n'est donnée de ce qu'il faut entendre par « qui n'est pas dans l'intérêt du bien public », et il n'apparaît pas qu'il existe un droit de recours devant les tribunaux contre toutes initiatives qui auraient été prises.
    21. 281 La réponse du gouvernement sur ce point est qu'il doit s'assurer que les fonds n'ont pas été utilisés à des fins inappropriées ou qui ne serviraient pas les intérêts des syndicats membres. Toutefois, ce point qui concerne une prétendue violation du principe généralement admis que les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'organiser leur administration et leurs activités et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toutes interventions de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, ne saurait être examiné comme une question isolée. En réalité, le gouvernement en a tenu compte dans un contexte plus large lorsqu'il a exprimé l'opinion que tous les principes généralement admis, incorporés dans l'article 3, paragraphe 1, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et le protection du droit syndical, 1948 - le droit pour les organisations de travailleurs et d'employeurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action -, ne restent valables que dans la mesure où ce droit n'est pas exercé en dehors du cadre de la politique économique du gouvernement ou en contradiction avec cette politique, aussi longtemps que cette dernière sert au mieux les intérêts du pays dans son ensemble. En d'autres termes, selon la thèse du gouvernement, il ne peut y avoir violation du principe généralement admis, incorporé dans l'article 3, paragraphe 2, de la convention, à savoir que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ou à entraver l'exercice légal des droits énumérés au paragraphe 1, lorsque le gouvernement intervient dans les affaires internes d'un syndicat, si, de l'avis du gouvernement, les syndicats ne fonctionnent pas en accord avec sa politique économique, aussi longtemps que cette politique - toujours selon l'avis du gouvernement - sert au mieux les intérêts du pays.
    22. 282 Le critère crucial dans de tels cas, ainsi que le Comité l'a indiqué dans le passé, est de déterminer si une disposition limitant les droits prévus à l'article 3, paragraphe 1, de ladite convention - et une disposition autorisant le gouverneur général à geler les fonds des syndicats dans certaines circonstances dont il est lui-même le juge, doit être considérée comme une disposition limitative de cette sorte - implique un certain degré d'assujettissement des syndicats à la politique économique du gouvernement. C'est ce critère qui a été appliqué lorsque le Comité a examiné le cas no 11, concernant le Brésil. Dans le cas no 266, concernant le Portugal, le Comité a examiné les dispositions législatives qui obligeaient les syndicats à inclure dans leurs statuts une déclaration de respect à l'égard des principes et des buts de la communauté nationale et une renonciation à toutes activités contraires aux intérêts de la nation, ainsi qu'une reconnaissance du fait que les syndicats constituent, dans le système économique national, un facteur qui doit coopérer activement avec tous les autres facteurs de ce système. Le Comité a conclu que ces dispositions étaient incompatibles avec les principes généralement admis que les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'organiser leur activité, et de formuler leurs programmes, que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal et que la législation nationale ne devrait pas porter atteinte, ni être appliquée de manière à porter atteinte, à l'exercice effectif de ce droit.
    23. 283 Dans le cas du Ghana, il existe une disposition spéciale habilitant les autorités à geler les fonds du Congrès si elles estiment que le Congrès a entrepris une action « qui n'est pas dans l'intérêt du bien public ». Le gouvernement a également fait une déclaration générale selon laquelle les droits des syndicats prévus à l'article 3, paragraphe 1, de la convention ne peuvent être exercés que d'une manière compatible avec la politique économique du gouvernement.
    24. 284 Le Comité doit observer que ce dernier avait indiqué dans sa réponse que l'article 8 de la loi est une suite logique de l'article 5, dont les dispositions sont « plus ou moins transitoires ».
    25. 285 Dans ces conditions, le Comité, avant d'aboutir à des conclusions définitives sur les aspects des allégations qui sont actuellement examinés, prie le gouvernement d'indiquer si, à la lumière des considérations exposées dans les paragraphes 280 à 283 ci-dessus, il serait disposé à abroger ou à modifier l'article 8 (1) de la loi sur les relations de travail.
      • d) Allégations relatives à la reconnaissance légale des syndicats
    26. 286 Il est allégué que lorsqu'un syndicat demande sa reconnaissance légale, le ministre du Travail peut rejeter cette demande, si moins de 40 pour cent des travailleurs dans la catégorie considérée appartiennent au syndicat. En pareil cas, un vote peut être organisé dans la catégorie professionnelle en cause et, pour que la demande de reconnaissance légale soit prise en considération, il faut que les deux tiers au moins des votes enregistrés soient en faveur du syndicat, sous réserve d'une participation minimum de 52 pour cent des travailleurs dans la catégorie professionnelle intéressée. Il est allégué qu'en cas de conflit entre le syndicat et le ministre, le ministre donne sa décision sans qu'il y ait droit de recours.
    27. 287 Le gouvernement déclare que l'objet de la deuxième annexe à la loi sur les relations de travail, qui contient les dispositions susmentionnées, est d'empêcher la croissance d'« organisations champignons ». Avant cette loi, il existait cent trente-cinq syndicats enregistrés, dont certains comptaient sept, dix, onze et quatorze adhérents ayant payé leurs cotisations et, selon les déclarations du gouvernement, les employeurs favorisaient la dispersion des groupes. L'ordonnance sur les syndicats, sous la forme qu'elle avait à cette époque, n'exigeait pas la reconnaissance au moment de l'enregistrement. Le gouvernement cite des passages du discours du délégué gouvernemental du Nigeria à la 45ème session de la Conférence internationale du Travail, pour montrer combien est apparente, au Nigeria comme dans d'autres pays en voie de développement, la faiblesse d'une multiplicité de syndicats petits et inefficaces. Donc, poursuit le gouvernement, ce problème n'est pas particulier au Ghana. Le gouvernement cite les articles 11 et 12 de la loi de 1958 sur les relations de travail, sous sa forme amendée, comme constituant des garanties contre un retour à la situation antérieure et il exprime l'opinion que, le ministre ne pouvant prendre des mesures en vertu de ces articles qu'après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressées, on a une garantie suffisante que les pouvoirs du ministre ne pourront être utilisés arbitrairement.
    28. 288 Il est nécessaire d'examiner de plus près les dispositions législatives mentionnées dans ces allégations. La partie II de la loi sur les relations de travail concerne les négociations collectives menées par des syndicats agréés à cet effet, et en particulier les articles 10 et 11 et l'article 12 (amendé en 1959) traitent de l'octroi et du retrait de certificats désignant un syndicat enregistré en vertu de l'ordonnance sur les syndicats comme représentant aux fins de négociations pour la catégorie de travailleurs considérée, que ces travailleurs soient ou non membres du syndicat.
    29. 289 L'article 10 (1) prévoit que le ministre peut, sur demande présentée en vertu de l'article 11, et après consultation des organisations d'employeurs appropriées, délivrer un certificat désignant un syndicat enregistré en vertu de l'ordonnance sur les syndicats comme représentant approprié pour mener, au nom d'une catégorie de travailleurs précisée dans le certificat, les négociations collectives avec les employeurs. L'article 10 (4) prévoit qu'un tel certificat est valable même si certains des travailleurs de la catégorie désignée ne sont pas membres du syndicat. L'article 10 (6) ne permet pas de délivrer des certificats au titre d'employés de services publics ou de personnes au service d'un conseil municipal ou d'un conseil institué en vertu de l'ordonnance sur l'administration locale. L'article 11 exige que la demande de certificat soit présentée par le Congrès des syndicats au nom du syndicat intéressé, qui, si le Congrès ne soumet pas la demande dans les trois mois, peut s'adresser directement au ministre. L'article 12 de la loi (c'est-à-dire le nouveau texte inséré par l'amendement de 1959) prévoit que le ministre peut, s'il le juge approprié après consultation avec le syndicat en cause et les organisations d'employeurs intéressées, retirer un certificat.
    30. 290 La deuxième annexe à la loi prévoit que si le ministre s'est assuré qu'au moins 40 pour cent des travailleurs de la catégorie désignée dans la demande sont membres du syndicat et que cette catégorie constitue une unité convenable pour des négociations collectives, il peut, s'il le juge approprié, délivrer un certificat. S'il n'a pas l'assurance que le syndicat groupe effectivement 40 pour cent des travailleurs, il peut ordonner que la question soit tranchée par une majorité des voix de la catégorie considérée, à la suite d'un scrutin secret organisé selon les conditions prescrites par lui; si les deux tiers au moins des votants sont en faveur de la désignation du syndicat et si le total des votants n'est pas inférieur à 52 pour cent du nombre des personnes ayant droit de vote, le ministre délivrera un certificat, mais, dans tous autres cas, il rejettera la demande; une nouvelle demande pourra toutefois être présentée après douze mois au moins; tout différend en ce qui concerne l'application de ces dispositions de vote sera tranché par le ministre, dont la décision sera sans appel.
    31. 291 Dans nombre de cas, le Comité a fait ressortir l'importance qu'il a toujours attachée au fait que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et au principe que les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Toute intervention de ce genre, selon le même critère, semblerait une violation du principe, généralement admis, énoncé dans l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leurs programmes d'action sans intervention de ce genre.
    32. 292 Il n'est pas nécessairement incompatible avec l'article 3 de ladite convention de prévoir la délivrance d'un certificat au syndicat le plus représentatif dans une unité donnée pour le reconnaître comme agent exclusif de négociations au nom de cette unité, mais encore faut-il qu'un certain nombre de garanties soient assurées. Dans plusieurs pays où la procédure d'octroi de certificat à des syndicats, comme agents exclusifs de négociations, a été établie, il a été considéré comme essentiel que ces garanties comprennent notamment: a) l'octroi du certificat par un organisme indépendant; b) le choix de l'organisation représentative par un vote de majorité des travailleurs dans l'unité considérée; c) le droit pour une organisation qui n'obtient pas un nombre de voix suffisant de demander une nouvelle élection après un délai déterminé; d) le droit pour une organisation autre que les organisations ayant reçu un certificat de demander une nouvelle élection au bout d'une période déterminée, souvent douze mois, après l'élection précédente.
    33. 293 La loi sur les relations de travail ne prévoit pas ces garanties. Les certificats sont délivrés par le ministre compétent, et non par une organisation indépendante, comme un conseil des relations de travail ou un tribunal du travail.
    34. 294 En vertu de la loi, l'organisation représentative n'est pas nécessairement choisie par un vote libre de travailleurs dans l'unité considérée. Selon l'article 10 (1) de la loi, le ministre semble avoir un pouvoir discrétionnaire pour octroyer ou refuser un certificat. La deuxième annexe à la loi prévoit que le ministre, s'il « s'est assuré » qu'au moins 40 pour cent des travailleurs en cause sont membres du syndicat qui présente la demande, peut « s'il le juge approprié » délivrer un certificat. Si le ministre n'a pas l'assurance que 40 pour cent des travailleurs sont membres du syndicat, il « peut ordonner » que l'on procède à un vote parmi les travailleurs de l'unité.
    35. 295 Sans doute, un syndicat peut présenter une nouvelle demande douze mois après qu'une demande ayant été présentée, le certificat a été refusé ou a été délivré à une autre organisation; mais la nouvelle demande est toujours soumise aux mêmes dispositions qui permettent au ministre d'agir à sa discrétion. L'article 12 (1) de la loi, sous sa forme amendée en 1959, permet au ministre de retirer un certificat « s'il le juge approprié ».
    36. 296 Les dispositions de la loi citée dans les paragraphes précédents ne semblent pas compatibles avec l'article 3 de la convention.
    37. 297 Dans une demande directe adressée au gouvernement du Ghana en 1962, la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations, mentionnant les dispositions des articles 10 (1) et 12, a déclaré, tenant compte du fait que la loi n'indique aucun critère objectif pour régir l'octroi ou le retrait d'un certificat, que ces dispositions ne semblent guère de nature à « encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire de conventions collectives », comme le prévoit l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le Ghana. La Commission d'experts a demandé au gouvernement d'indiquer les mesures qu'il se propose de prendre pour abroger ou amender ces dispositions.
    38. 298 Dans la même demande directe, la Commission d'experts a mentionné la disposition qui figure au paragraphe 10 (6) de la loi et qui interdit l'octroi d'un certificat au titre d'employé des services publics ou de personnes au service d'un conseil municipal ou d'un conseil institué en vertu de l'ordonnance sur l'administration locale. Elle faisait observer que cette disposition ne semble pas s'appliquer uniquement aux fonctionnaires publics engagés dans les services administratifs de l'Etat - qu'un gouvernement peut exclure de l'application de la convention en vertu de son article 6 -, mais aussi à d'autres travailleurs employés par les administrations diverses des services publics, etc., qui, en conséquence, semblent privés, en contradiction avec les dispositions de l'article 4 de ladite convention no 98, du droit de négociation collective. La Commission d'experts a invité le gouvernement à indiquer les mesures qui ont été prises ou que l'on envisage pour leur accorder ce droit.
    39. 299 Dans ces conditions, le Comité, tout en appréciant pleinement le désir du gouvernement du Ghana de faire en sorte que des syndicats puissants et stables mènent les négociations collectives au nom des travailleurs et soient reconnus comme ayant le droit de négocier, recommande au Conseil d'administration:
      • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au fait que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et au principe que les syndicats devraient avoir le droit, par voie de conventions collectives ou par d'autres voies légales, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
      • b) d'exprimer l'opinion que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 294 et 295 ci-dessus, les pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre en vertu des articles 10 (1) et 12 de la loi de 1958 sur les relations de travail sous sa forme amendée, et de la deuxième annexe de cette loi, ne semblent pas compatibles avec le principe susmentionné;
      • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur les différents points soulevés par la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations, tels qu'ils sont indiqués dans les paragraphes 297 et 298 ci-dessus, en ce qui concerne les incompatibilités qui semblent exister entre, d'une part, les dispositions des articles 10 (1), 10 (6) et 12 de la loi sur les relations de travail de 1958, sous sa forme amendée, et, d'autre part, l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée parle Ghana;
      • d) de suggérer au gouvernement qu'il pourrait peut-être envisager la possibilité d'amender la loi sur les relations de travail en tenant compte des considérations exposées dans les alinéas a), b) et c) ci-dessus;
      • e) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé de l'évolution de la situation à cet égard.
      • e) Allégations relatives aux personnes ayant le droit de négocier
    40. 300 Il est allégué que toutes les négociations concernant l'emploi, le refus d'emploi, les conditions de travail, etc., de n'importe quel travailleur, qu'il soit ou non membre d'un syndicat, sont menées au nom des travailleurs par un dirigeant ou un membre d'un syndicat enregistré.
    41. 301 Le gouvernement déclare que l'intention à l'origine de ces dispositions est d'empêcher certains employeurs de continuer à choisir les dirigeants syndicaux avec lesquels ils veulent négocier et de faire en sorte que les négociations soient menées par des représentants dûment accrédités des syndicats considérés.
    42. 302 Cette allégation est si étroitement liée aux allégations concernant la reconnaissance légale des syndicats déjà examinées que, de l'avis du Comité, elle devrait être considérée comme déjà couverte par les recommandations présentées au paragraphe 299 ci-dessus.
      • f) Allégations relatives à la réglementation du droit de grève
    43. 303 Il est allégué que la loi sur les relations de travail interdit les grèves et les lock-outs dans le cas de certaines catégories de travailleurs, telles que ceux qui sont employés dans les services publics ou les conseils municipaux et les enseignants, mais elle donne également pouvoir au ministre de déclarer illégales d'autres grèves. A ce sujet, les plaignants formulent des critiques sur les articles 28 et 29 de la loi.
    44. 304 Le gouvernement déclare que l'objet de l'article 28 est de permettre des grèves et des lock-outs dans le cas d'un conflit professionnel véritable. Le gouvernement cite le texte qui donne effet au principe de conciliation et qui, si celle-ci n'aboutit pas, permet la grève ou le lock-out, à moins que le ministre n'ait décidé que le conflit sera soumis à l'arbitrage. De l'avis du gouvernement, ces dispositions, auxquelles le Congrès des syndicats a donné son accord, favorisent la conciliation et font en sorte que l'arme constituée par la grève ne soit utilisée qu'en dernier ressort. Quoi qu'il en soit, quatre-vingt-dix-neuf grèves ont eu lieu, depuis l'approbation de la loi, sans qu'il y ait eu de poursuites. Les catégories indiquées par les plaignants (voir paragr. 303) sont celles qui sont mentionnées dans l'article 10 (6) de la loi; le gouvernement les considère comme étant des services essentiels.
    45. 305 Pour comprendre la situation, il est nécessaire de considérer certaines autres dispositions de la loi. Il a déjà été question des conditions dans lesquelles les syndicats peuvent être agréés en tant que représentants pour les négociations collectives. En vertu de l'article 14, un syndicat ainsi agréé peut inviter l'autre partie à négocier et vice versa. Si l'une ou l'autre des parties a l'assurance que les négociations ont échoué, elle peut en aviser le ministre et demander la désignation d'un conciliateur (art. 23); à moins que d'autres mesures effectives de conciliation ou d'arbitrage n'aient été prises, la conciliation se poursuit alors conformément à l'article 24. Si elle échoue, le ministre adresse une note aux parties en demandant si l'une et l'autre acceptent que le conflit soit soumis à l'arbitrage aux termes de l'article 25 et en leur faisant connaître que si une seule des parties y consent, le ministre peut ordonner une telle procédure d'arbitrage.
    46. 306 Conformément à l'article 28 (1), une partie à un différend qui reçoit une notification aux termes de l'article 25 peut, en retour, notifier qu'elle ne consent pas à l'arbitrage et qu'à moins qu'une procédure obligatoire d'arbitrage ne soit ordonnée par le ministre avec l'agrément de l'autre partie dans les quatre semaines, une grève ou un lock-out sera déclenché. Si les quatre semaines se terminent sans qu'une procédure d'arbitrage soit ordonnée, la grève ou le lock-out peut être légalement déclaré. Dans les autres cas, une grève ou un lock-out d'employés spécifiés dans un certificat est illégal, en particulier si le différend porte sur des questions faisant l'objet d'une convention collective (art. 28 (2)). L'article 29 prévoit qu'une grève ou un lock-out d'employés n'appartenant pas à une catégorie spécifiée dans un certificat est illégal en toute circonstance.
    47. 307 Le Comité a toujours été guidé par le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles touchent l'exercice des droits syndicaux, et il a noté à diverses occasions que le droit des travailleurs et de leurs représentants de faire la grève comme moyen légitime de défendre leurs intérêts professionnels est généralement reconnu. A ce sujet, le Comité a fait ressortir l'importance qu'il attache, lorsque les grèves sont interdites ou soumises à des restrictions, à ce que soient assurées des garanties adéquates pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense des intérêts professionnels, et il a noté que la restriction devait être assortie d'une procédure adéquate, impartiale et expéditive de conciliation et d'arbitrage, à tous les stades de laquelle les parties intéressées doivent pouvoir prendre part.
    48. 308 Dans l'affaire en cause, les plaignants n'ont pas apporté la preuve que, dans la mesure où il s'agit de syndicats agréés, les restrictions imposées au droit de grève ne sont pas accompagnées de dispositions prévoyant des procédures de conciliation et d'arbitrage d'un caractère tel qu'elles constituent une sauvegarde pour les travailleurs intéressés. Il semble, toutefois, qu'il y ait une différence de traitement entre les syndicats agréés, qui ont le droit de faire la grève sous certaines conditions, et les syndicats non agréés, qui, aux termes de l'article 29, ne peuvent exercer le droit de grève en aucune autre circonstance. Ces syndicats non agréés, ainsi qu'on l'a déjà noté, comprennent ceux qui n'ont pas obtenu un certificat parce qu'ils ne répondaient pas aux normes numériques ou aux normes en matière d'élection prévues dans la loi sur les relations professionnelles, de même que les syndicats spécifiés dans l'article 10 (6) de la loi auxquels il ne peut être accordé de certificat en aucun cas. Les personnes auxquelles s'applique l'article 10 (6) ne sont pas seulement les fonctionnaires publics faisant partie de l'administration de l'Etat, mais il semble aussi qu'elles comprennent, comme il est indiqué au paragraphe 298 ci-dessus, d'autres travailleurs employés par les administrations, les services publics, etc.
    49. 309 En conséquence, aux termes des dispositions de la loi sur les relations de travail, les catégories qui ne peuvent donner lieu à l'octroi d'un certificat ne sont pas seulement traitées différemment, par comparaison avec les autres catégories, en ce qui concerne l'exercice effectif du droit de grève. Leurs organisations sont, en outre, dans l'impossibilité de participer aux procédures régulières de conciliation et d'arbitrage prévues dans ces dispositions.
    50. 310 A ce sujet, il y a lieu de noter que, comme le Comité l'a déjà indiqué à propos du cas no 258, relatif à l'Argentine, lorsque la législation établit une distinction entre les organisations les plus représentatives et d'autres organisations à des fins telles que les négociations collectives, cette distinction ne doit pas avoir pour effet de priver les organisations syndicales non reconnues comme appartenant aux plus représentatives, des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres et du droit d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action.
    51. 311 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que le droit des travailleurs et de leurs organisations de recourir à la grève comme moyen légitime de défendre leurs intérêts professionnels est généralement reconnu, et sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée, lorsque des grèves sont interdites ou soumises à restriction, à ce que soient assurées des garanties adéquates pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense des intérêts professionnels et à ce que des dispositions soient prises pour que de telles restrictions soient accombants de procédures adéquates, impartiales et expéditives d'arbitrage à tout stade desquelles les parties intéressées puissent prendre part;
      • b) de noter que le droit de grève des travailleurs et de leurs organisations appartenant à une catégorie spécifiée dans un certificat de négociations collectives aux termes de la loi sur les relations de travail, est l'objet d'une restriction temporaire dans l'attente du recours aux procédures de conciliation et d'arbitrage établies par la loi;
      • c) de noter toutefois, en outre, que les travailleurs et leurs organisations appartenant à une classe non spécifiée actuellement ou à une classe qui ne peut légalement être spécifiée dans un certificat, se voient totalement interdire de faire la grève et n'ont pas le droit de participer aux procédures de conciliation et d'arbitrage établies par la loi;
      • d) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe selon lequel, lorsque la législation établit une distinction entre les organisations les plus représentatives et d'autres organisations à des fins telles que les négociations collectives, cette distinction ne devrait pas avoir pour effet de priver les organisations syndicales non reconnues comme appartenant aux plus représentatives, des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres et du droit d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action;
      • e) d'exprimer l'opinion que la situation actuelle, au Ghana, des syndicats de travailleurs d'une catégorie qui n'est pas spécifiée dans un certificat de négociations collectives, par comparaison avec ceux qui le sont, ne semble pas compatible avec les principes énoncés dans les alinéas a) et d) ci-dessus;
      • f) de suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité d'amender la loi sur les relations de travail à la lumière des considérations qui précèdent;
      • g) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard.
    52. Allégations relatives aux grèves qui ont eu lieu en septembre 1961 et à l'arrestation de syndicalistes
    53. 312 Il est allégué que, le 4 septembre 1961, des travailleurs des chemins de fer de Takoradi et Sekondi ont arrêté le travail parce que des déductions avaient été opérées sur leur salaire pour le « plan d'économie forcée ». Le mouvement s'est étendu à d'autres branches de l'activité économique et de l'administration publique, et des défilés ont été organisés par les grévistes dans tout le pays. Devant ce mouvement général, le gouvernement proclama l'état d'urgence à Takoradi et Sekondi. Plusieurs dirigeants syndicaux furent arrêtés et les grévistes ont exigé qu'ils soient relâchés avant de se prêter à des négociations. Il est allégué que M. Adamfio, ministre des Affaires présidentielles, a déclaré: « Non seulement aucun des prisonniers ne sera relâché, mais les grévistes seront traités comme des rats malfaisants. » Dix jours après le début de la grève, le couvre-feu a été institué. Le Président de la République est revenu d'un voyage à l'étranger, a levé l'état d'urgence et a lancé un appel aux grévistes pour leur demander de reprendre le travail, mais il a refusé de retirer le plan d'économie forcée. Il a accusé les instigateurs de la grève de s'efforcer d'imposer une politique gouvernementale au moyen d'une grève illégale. Il est allégué qu'un certain nombre de dirigeants syndicaux et de personnalités politiques ont été arrêtés, que la confédération des syndicats a renvoyé une douzaine de dirigeants syndicaux pour leur participation à la grève et que plusieurs dirigeants syndicaux ont été emprisonnés ou renvoyés de leur poste. Les plaignants déclarent que le Livre blanc ayant pour titre « Déclaration du gouvernement relative à la récente conspiration », publié le 11 décembre 1961, était un effort de justification de l'arrestation ou de la détention de cinquante personnes, dont vingt et un syndicalistes.
    54. 313 Le gouvernement déclare que la grève avait un caractère purement politique et que, comme le prouve la déclaration faite par les plaignants eux-mêmes, d'après laquelle « le mouvement s'est étendu à d'autres branches de l'activité économique et dé l'administration publique », prouve qu'il n'y avait pas conflit professionnel entre les travailleurs et leurs employeurs. En outre, d'autres personnes que des syndicalistes ont été arrêtées, ce qui indique suffisamment, d'après le gouvernement, qu'il ne s'agissait pas d'un différend de caractère syndical ou professionnel. On n'avait pas affaire à une grève industrielle, mais à un soulèvement en opposition à une loi du Parlement. En conséquence, de l'avis du gouvernement, la grève représentait une tentative politique ayant pour objet d'intimider le gouvernement et, en l'absence du Président, de renverser par des moyens illégaux le gouvernement légal.
    55. 314 Il est allégué que la grève a pris naissance parmi les travailleurs des chemins de fer et s'est ensuite généralisée et qu'elle était dirigée contre l'imposition de déductions sur les salaires au titre du plan d'économie forcée du gouvernement, question qui, d'après celui-ci, était régie par une loi du Parlement. Le gouvernement produit d'autres attestations pour montrer que cet événement n'était qu'une partie d'une action politique concertée et illégale. En tout état de cause, il apparaît clairement, d'après les allégations des deux parties, que la grève n'a pas été causée par un conflit professionnel entre les travailleurs et leurs employeurs, publics ou privés, mais qu'elle a constitué une protestation contre une disposition faisant partie de la politique économique du gouvernement et peut-être, en outre, qu'il s'agissait d'une grève liée à des objectifs politiques privés d'un caractère professionnel rentrant dans les activités normales des syndicats.
    56. 315 Le Comité a toujours appliqué le principe que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles se rapportent à l'exercice des droits syndicaux ; toutefois, il a estimé qu'il n'entrait pas dans sa compétence d'examiner les allégations relatives à des grèves ayant un caractère non professionnel ou destinées à exercer une action coercitive sur un gouvernement au sujet d'une question politique ou dirigée contre la politique du gouvernement et non « pour donner suite à un conflit professionnel ».
    57. 316 Le Comité, tout en notant la déclaration du gouvernement selon laquelle la grève était d'un caractère purement politique et rappelant qu'à l'occasion de cas antérieurs il a estimé qu'il ne lui appartenait pas de connaître des grèves de nature politique, observe qu'il est une autre question qu'il doit examiner dans le cas présent, à savoir, la question relative aux syndicalistes dont on allègue qu'ils auraient été arrêtés.
    58. 317 Selon les plaignants, vingt et un syndicalistes ont été arrêtés; on ne voit pas clairement s'ils ont été arrêtés en raison de leur participation à la grève ou de leur association à une action considérée par le gouvernement comme une conspiration politique dont la grève n'était qu'un élément, ou même en raison ou partiellement en raison d'autres activités qui ont pu, ou non, inclure des activités syndicales. On ne voit pas clairement si toutes ces personnes ou certaines d'entre elles sont encore emprisonnées ou détenues ni si toutes ou certaines sont jamais passées en jugement.
    59. 318 Le Comité a reconnu qu'il y a une claire distinction entre le fait de détenir des chefs syndicalistes ou des travailleurs en raison d'activités syndicales et le fait de détenir des personnes qui se trouvent être des syndicalistes du chef d'activités subversives étrangères au domaine des syndicats. Le Comité a constamment fait observer, dans le passé, que si des personnes ont fait l'objet d'un jugement pour des faits n'ayant aucun rapport avec les droits syndicaux, la question est en dehors de sa compétence, mais il a relevé que le point de savoir si une telle question se rapporte à un délit ou à l'exercice de droits syndicaux n'est pas de ceux qui peuvent être déterminés de manière unilatérale par le gouvernement intéressé. C'est là une des raisons, comme le Comité l'a expliqué dans le paragraphe 159 de son soixante-deuxième rapport, lors de l'examen du cas no 251, relatif à la Rhodésie du Sud, pour lesquelles le Comité, relevant que dans tous les cas où des dirigeants syndicaux sont détenus de manière préventive, ces mesures peuvent entraîner un sérieux obstacle à l'exercice des droits syndicaux, a toujours mis en relief le droit pour toutes les personnes détenues d'être jugées équitablement dans le plus bref délai possible, et a en outre demandé au gouvernement, qui affirmait que les arrêts ou les détentions étaient opérés pour cause d'activités subversives, de fournir des informations sur la nature et les résultats de la procédure légale ou judiciaire instituée. En fait, c'est seulement sur la base d'un procès assorti de toutes les garanties de la loi que le Comité peut déterminer si une telle affirmation est justifiée ou ne l'est pas.
    60. 319 En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au droit qu'a toute personne détenue d'être jugée équitablement dans les délais les plus prompts;
      • b) de demander au gouvernement d'indiquer si, parmi les syndicalistes dont on allègue qu'ils ont été arrêtés ou détenus, il s'en trouve encore en prison ou en détention et, dans l'affirmative, de fournir des informations quant aux procédures légales ou judiciaires engagées ou que l'on se propose d'engager ainsi que sur le résultat de telles procédures.
    61. Allégations relatives à la dissolution de certains syndicats
    62. 320 Les plaignants allèguent qu'à la suite des grèves de septembre 1961, le gouvernement a ordonné la dissolution de toutes les branches syndicales de Takoradi et de Sekondi, en violation des dispositions de l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
    63. 321 Le gouvernement déclare que les organisations en question ont été dissoutes pour leurs activités « subversives » et non en raison du simple exercice de leur « droit d'association ».
    64. 322 Dans un nombre considérable de cas, le Comité a fait valoir l'importance qu'il attache au principe généralement admis selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doivent pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Aussi, les conditions exactes dans lesquelles cette dissolution a été effectuée n'étant pas entièrement établies, le Comité demande-t-il au gouvernement d'indiquer si la dissolution a été ordonnée directement par le gouvernement ou par l'intermédiaire de procédures instituées par les autorités compétentes des tribunaux, et en vertu de quelles dispositions légales cette dissolution a été ordonnée.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 323. Dans ces conditions, le Comité, tout en comprenant le désir du gouvernement du Ghana de favoriser la création d'un mouvement syndical fort et d'éviter les faiblesses dues à une multiplication exagérée des petits syndicats rivaux, recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, au sujet des allégations relatives au monopole du Congrès des syndicats du Ghana:
    • i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe généralement admis selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, et à celui selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit de constituer librement des fédérations et des confédérations;
    • ii) d'exprimer l'opinion que les dispositions de la loi sur les relations de travail de 1958, telle qu'elle a été amendée en 1959, portant création d'un Congrès des syndicats ayant qualité pour représenter le mouvement syndical du Ghana et limitant les syndicats pouvant légalement être homologués à ceux qui, sous réserve de toute modification que le ministre lui-même pourrait y apporter, sont énumérées dans la première annexe de la loi, à l'exception de tous autres syndicats dont le ministre pourrait autoriser l'enregistrement, ne sont pas compatibles avec lesdits principes;
    • iii) de prier le gouvernement d'examiner de nouveau les dispositions de la loi sur les relations de travail, 1958, telle qu'amendée, à la lumière des considérations exposées à l'alinéa ii) ci-dessus, en vue de donner pleinement effet aux principes énoncés à l'alinéa i) ci-dessus;
    • iv) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant des progrès réalisés à cet égard;
    • b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la reconnaissance légale des syndicats:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au fait que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et au principe selon lequel les syndicats doivent avoir le droit, par la négociation collective ou tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
    • ii) d'exprimer l'opinion que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 294 et 295 ci-dessus, les pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre en vertu des articles 10 (1) et 12 de la loi sur les relations de travail, 1958, telle qu'amendée, et de la deuxième annexe de cette loi, ne semblent pas compatibles avec les principes ci-dessus;
    • iii) d'attirer l'attention du gouvernement sur les différents points soulevés par la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations, ainsi qu'il est indiqué aux paragraphes 297 et 298 ci-dessus, en ce qui concerne les incompatibilités qui semblent exister entre les dispositions des articles 10 (1), 10 (6) et 12 de la loi sur les relations de travail, 1958, telle qu'amendée, et les dispositions de l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le Ghana;
    • iv) de suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité d'amender la loi sur les relations de travail, eu égard aux considérations exposées aux alinéas i), ii) et iii) ci-dessus;
    • v) de prier le gouvernement du Ghana de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard;
    • c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives au règlement du droit de grève:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que le droit des travailleurs et de leurs organisations d'utiliser la grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels est généralement reconnu, et sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée, en cas d'interdiction ou de restriction du droit de grève, à assurer les garanties appropriées de nature à sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs qui se trouvent ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels, et à faire en sorte que ces restrictions soient assorties de procédures d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés puissent participer;
    • ii) de noter que le droit de grève des travailleurs et de celles de leurs organisations qui appartiennent à une catégorie spécifiée dans le certificat de négociation collective, en vertu de la loi sur les relations de travail, fait l'objet d'une restriction temporaire en attendant le recours aux procédures d'annulation et d'arbitrage instituées par ladite loi;
    • iii) de noter encore, néanmoins, que les travailleurs et celles de leurs organisations qui appartiennent à une catégorie qui n'est pas spécifiée pour le moment ou à une catégorie qui ne peut être légalement spécifiée dans un certificat, ne sont nullement autorisés à faire la grève, ni à participer à des procédures de conciliation et d'arbitrage établies par la loi;
    • iv) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe selon lequel, s'il existe dans la législation une distinction entre les organisations les plus représentatives et d'autres organisations, aux fins de négociation collective, cette distinction ne doit pas avoir pour effet de priver les organisations syndicales non reconnues comme étant parmi les plus représentatives, des moyens essentiels propres à leur permettre de défendre les intérêts professionnels de leurs membres, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action;
    • v) d'exprimer l'opinion que la situation actuelle au Ghana des syndicats de travailleurs appartenant à une catégorie non spécifiée dans un certificat de négociation collective, au contraire de ceux qui sont ainsi spécifiés, ne semble pas correspondre aux principes énoncés aux alinéas i) et iv) ci-dessus;
    • vi) de suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité d'amender la loi sur les relations de travail, à la lumière des considérations qui précèdent;
    • vii) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant des progrès réalisés à cet égard;
    • d) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la grève qui a eu lieu en septembre 1961 et à l'arrestation de syndicalistes:
    • i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au droit qu'a toute personne détenue d'être jugée équitablement dans les délais les plus prompts;
    • ii) de demander au gouvernement d'indiquer si, parmi les syndicalistes dont on allègue qu'ils ont été arrêtés ou détenus, il s'en trouve encore en prison ou en détention et, dans l'affirmative, de fournir des informations sur les procédures légales ou judiciaires engagées ou que l'on se propose d'engager ainsi que sur le résultat de telles procédures;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire du Comité, en ce qui concerne les allégations relatives à l'appartenance obligatoire à un syndicat, à l'intervention dans les affaires inférieures du Congrès des syndicats, aux grèves qui ont eu lieu en septembre 1961 et aux arrestations de syndicalistes, ainsi qu'à la dissolution de certains syndicats, étant entendu que le Comité fera, de nouveau, rapport au Conseil d'administration sur ces aspects du cas lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires qu'il a décidé de demander au gouvernement.
      • Genève, le 1er novembre 1962. (Signé) Roberto AGO, Président.
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