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Interim Report - Report No 98, 1967

Case No 385 (Brazil) - Complaint date: 03-APR-64 - Closed

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  1. 121. La présente affaire a déjà fait l'objet de la part du Comité de six rapports intérimaires, respectivement contenus aux paragraphes 133 à 152 de son quatre-vingt-unième rapport, 271 à 277 de son quatre-vingt-troisième rapport, 474 à 491 de son quatre-vingt cinquième rapport, 209 à 233 de son quatre-vingt-septième rapport, 215 à 219 de son quatre-vingt-dixième rapport et 177 à 201 de son quatre-vingt-treizième rapport.
  2. 122. A la suite du dernier examen auquel il a procédé, le Comité a présenté ses conclusions définitives concernant la plupart des aspects qui constituaient alors le cas. Seule une allégation est restée en suspens au sujet de laquelle le Conseil d'administration, sur la recommandation du Comité, a prié le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de la situation des dirigeants syndicaux non libérés nommément désignés par la Fédération syndicale mondiale dans sa communication du 7 décembre 1964 et au sujet desquels le Conseil relevait que le gouvernement avait déjà fourni certaines informations dans ses communications des 22 juin 1965 et 24 mai 1966.
  3. 123. Telles qu'elles ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 167ème session (novembre 1966), les conclusions du Comité et, notamment, la demande d'informations complémentaires dont il est question au paragraphe précédent, ont été portées à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 22 novembre 1966.
  4. 124. Depuis lors, par une communication en date du 29 novembre 1966, reçue le 21 décembre 1966, la Fédération syndicale mondiale (F. S. M.) a formulé une série de nouvelles allégations, dont certaines reviennent sur des éléments du cas déjà abordés par le Comité alors que d'autres constituent des éléments nouveaux. Le texte de ces allégations a été transmis au gouvernement, pour observations, par une lettre en date du 29 décembre 1966.
  5. 125. Dans sa dernière communication, la F.S.M rappelle tout d'abord avoir déposé, en avril et décembre 1964, des plaintes visant à protester contre les mesures prises par le gouvernement brésilien après le coup d'Etat militaire d'avril 1964, mesures parmi lesquelles elle cite les allégations relatives à l'emprisonnement sans mandat judiciaire de dirigeants et de militants syndicaux, à des tortures infligées aux victimes de la répression, à la mise à sac des locaux syndicaux et, d'une manière générale, à l'établissement de la terreur comme mode de relation entre le gouvernement et les travailleurs.
  6. 126. La F.S.M affirme ensuite que les deux années qui ont suivi le changement de régime n'ont fait que confirmer l'intention évidente du pouvoir d'anéantir jusqu'à l'apparence des libertés syndicales et des droits démocratiques. Le plaignant prétend que la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Constitution brésilienne de 1946 et les lois ordinaires sont devenues lettre morte.
  7. 127. Le plaignant formule ensuite une série d'allégations spécifiques qui seront examinées séparément dans les paragraphes qui suivent.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à l'arrestation et à la condamnation de militants syndicaux, de dirigeants syndicaux et de travailleurs
    1. 128 Dès le changement de régime, déclare la F.S.M, des organes militaires ont été créés en tant « qu'organismes d'instruction » pénale afin d'assurer l'exécution des mesures liberticides décidées par le pouvoir. Des organes administratifs (dont les membres sont nommés par la junte militaire) ont remplacé les organes d'instruction judiciaire. Tous les procès intentés par les autorités brésiliennes l'ont été sur la base de l'instruction de ces organes, dont la presse brésilienne a dénoncé les méthodes. Les accusés ont comparu devant les tribunaux militaires et parmi eux de nombreux dirigeants et militants syndicaux accusés de subversion à l'ordre établi. La F.S.M cite ici le nom de dix-neuf personnes - dont plusieurs avaient déjà été mentionnées à des stades antérieurs de l'affaire -, indique leur qualité syndicale et précise la peine encourue par elles.
    2. 129 Le plaignant allègue qu'un an après le changement de régime, plus de trois mille personnes, parmi lesquelles de nombreux syndicalistes, se trouvaient en prison préventive en attendant que les organes d'« instruction » aient terminé la « fabrication » des preuves destinées à les faire condamner.
    3. 130 Devant une telle situation, déclare la F.S.M, une vague de protestations s'est élevée dans le pays en vue de la révocation de l'Acte constitutionnel du 9 avril 1964. Devant ce sursaut de l'opinion publique, poursuit le plaignant, le gouvernement a promulgué le 27 octobre 1965 un deuxième Acte constitutionnel.
    4. 131 Cette promulgation ne s'est toutefois pas traduite par une libéralisation du régime. D'après les plaignants, elle a au contraire marqué un pas de plus dans l'institutionnalisation de la dictature et été le point de départ de mesures accrues de répression. De nouveaux procès ont été menés par les tribunaux militaires au mépris des garanties des procédures judiciaires régulières, procès dont les premières et principales victimes ont été les travailleurs et leurs dirigeants.
    5. 132 Les plaignants allèguent ainsi que dans la quatrième région militaire, les mineurs de Morro Velho, accusés, d'une part, de tentatives de renversement de l'ordre constitutionnel, d'autre part, d'avoir participé à une grève de revendication économique avant le coup d'Etat d'avril 1964, allaient être traduits devant les tribunaux militaires. Les plaignants mentionnent ici nommément cent quarante-sept personnes. La F.S.M allègue également que trente-cinq ouvriers de la fabrique nationale de moteurs, dont elle donne les noms, se trouvent depuis plus de deux ans en détention préventive en attendant de comparaître devant le tribunal militaire de la région pour avoir, ainsi que l'indique l'acte d'accusation, « déployé des activités de grève dans la fabrique ». Les plaignants allèguent enfin que trente et un ouvriers (dont plusieurs noms sont cités) de l'entreprise Ishikawagi vont passer en jugement pour avoir participé à une grève avant les événements d'avril 1964.
    6. 133 Aux yeux des plaignants, les faits relatés plus haut démontrent qu'il ne s'agit pas de cas isolés de violation des droits démocratiques et syndicaux, mais bien d'une politique systématique du gouvernement visant à écraser délibérément toute activité démocratique et syndicale.
  • Allégations relatives aux mesures de répression dirigées contre les syndicats
    1. 134 Les mesures prises contre les dirigeants et les militants syndicaux qui sont relatées ci-dessus, déclarent les plaignants, n'ont été que la première phase de la liquidation des directions syndicales librement élues et de leur remplacement par des « contrôleurs » mis en place par les pouvoirs publics.
    2. 135 Immédiatement après le mois d'avril 1964, déclarent les plaignants, quatre confédérations, quarante-trois fédérations et quatre cents syndicats, représentant plus de 70 pour cent des travailleurs organisés du Brésil, ont été placés sous le contrôle des autorités militaires. L'affirmation du gouvernement selon laquelle le retour à une situation normale s'effectuait à un rythme accéléré est, de l'avis des plaignants, absolument dénuée de fondement.
    3. 136 En effet, déclarent les plaignants, en vertu d'une instruction ministérielle no 40, du 21 janvier 1965, ne sauraient être élues à des charges syndicales les personnes reconnues comme ayant eu une mauvaise conduite, notamment celles dont les droits politiques auront été suspendus. Par là, ainsi qu'un porte-parole du gouvernement militaire l'aurait expliqué, le gouvernement a voulu éviter que les syndicats soient dominés par des éléments subversifs et, à cette fin, le ministère du Travail a empêché certains dirigeants élus d'assumer leurs fonctions.
    4. 137 D'après la F.S.M, l'exigence de telles conditions d'idéologie dans les élections syndicales montre quelle est la conception du gouvernement brésilien des relations entre les pouvoirs publics et les syndicats; aux yeux du plaignant, ceux-ci ne sont que des « bureaux de réception » des instructions gouvernementales et, par suite, sont soumis au strict contrôle de l'Etat.
    5. 138 Les plaignants déclarent que l'instruction ministérielle no 40 a suscité un puissant mouvement de protestation de la part des travailleurs et que cette instruction a été remplacée par une autre: l'instruction no 176, de 1966. Mais celle-ci - affirment-ils - n'a pas constitué un progrès; elle prévoit en effet que le ministère du Travail indiquera, dans les cinq jours précédant une élection, le nom de ceux qui pourront être élus. Ainsi, déclarent les plaignants, ce sont les pouvoirs publics qui décident quels pourront être les candidats aux élections syndicales, les personnes n'ayant pas la confiance du gouvernement se voyant refuser l'autorisation de se présenter.
    6. 139 Contrairement donc à ce qu'affirme le gouvernement, déclarent les plaignants, les interventions gouvernementales dans la vie des syndicats n'ont pas pris fin. A cet égard, ils citent l'exemple du Syndicat des employés de banque de l'Etat de Guanabara, qui serait sous contrôle depuis le mois d'avril 1964 et auquel le gouvernement interdirait de tenir des élections.
    7. 140 Les plaignants allèguent également que, le 22 juin 1966, un décret de suspension de six mois aurait été passé à l'encontre de l'Union des travailleurs portuaires du Brésil; cette mesure administrative constituerait un premier pas vers la dissolution de l'organisation, laquelle serait accusée d'exercer des activités contraires à la sécurité nationale et à l'ordre public.
    8. 141 D'après les plaignants, l'intervention des autorités publiques dans les activités syndicales serait la forme normale des relations entre l'Etat et les syndicats. Ainsi, déclarent-ils, le décret-loi no 3 prévoit que l'intervention gouvernementale dans les affaires syndicales sera justifiée en cas de « motifs importants pour la sécurité nationale », motifs parmi lesquels, affirment les plaignants, figurent la grève ou l'élection d'un candidat considéré comme non sûr par le gouvernement.
    9. 142 Même lorsqu'un syndicat a cessé d'être placé sous la direction effective d'un « contrôleur » - déclarent les plaignants -, cela ne signifie pas que le syndicat puisse fonctionner librement. Il advient fréquemment, en effet, que des éléments de la police politique assistent aux réunions et assemblées des syndicats. Ainsi, allègue la F.S.M, le 28 avril 1966, des policiers auraient fait irruption dans les locaux du Syndicat des travailleurs de la métallurgie de Guanabara « pour voir qui participait à la réunion ».
    10. 143 D'après les plaignants, certains contrôleurs militaires chargés de la direction des syndicats auraient profité de leurs fonctions et de la confiance dont ils jouissaient auprès des autorités pour aliéner des biens appartenant aux syndicats. C'est ainsi, déclarent les plaignants, que M. Severino Guerra, officier de la police militaire, aurait détourné plus de 7 millions de cruzeiros (soit quelque 3 500 dollars) des fonds du Syndicat des employés de commerce de Niteroi. La plainte déposée par l'assemblée générale du Syndicat serait restée sans écho de la part des autorités.
  • Allégations relatives à des mesures attentatoires au droit de grève
    1. 144 En vertu de l'article 5 de la loi no 4330, du fer juin 1964, déclarent les plaignants, l'exercice du droit de grève doit découler d'une décision prise au scrutin secret et à la majorité des voix par l'assemblée générale de l'organe syndical représentant la catégorie professionnelle visée, en présence des deux tiers ou d'un tiers des adhérents du syndicat, selon qu'il s'agit de la première ou de la deuxième convocation de l'assemblée. Aux yeux des plaignants, l'exigence de tels quorums suscite pour les syndicats d'énormes difficultés matérielles qui, dans le cas de grands syndicats, deviennent insurmontables, ne serait-ce que par l'impossibilité de trouver un local suffisamment vaste. De multiples difficultés se posent également lorsqu'il s'agit d'assurer le transport des travailleurs de leurs lieux de travail à celui de la réunion. Ces dispositions législatives, estiment les plaignants, visent à restreindre le droit de grève et ont bien un tel effet.
    2. 145 Lors des assemblées générales réunies en vue du déclenchement éventuel d'une grève, des représentants du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale sont présents et sont habilités à intervenir dans les débats (art. 8). Aux yeux des plaignants, cette intervention directe des pouvoirs publics dans les assemblées générales réunies pour décider d'une grève constitue une intolérable limitation du droit des travailleurs de décider librement de leur action.
    3. 146 En vertu de l'article 10, poursuivent les plaignants, une fois les revendications professionnelles adoptées et la grève décidée, le bureau de l'organe syndical intéressé signifie cette décision par écrit à l'employeur en lui accordant un délai de cinq jours pour accepter le règlement proposé par le personnel et en l'avisant que, en cas de refus, il procédera à un arrêt pacifique et temporaire du travail à partir du jour et de l'heure indiqués, moyennant un nouveau préavis d'au moins cinq jours si les activités considérées sont accessoires, et d'au moins dix jours, si elles sont essentielles. De l'avis des plaignants, l'exigence de ces délais vise à affaiblir la position des travailleurs vis-à-vis des employeurs comme à permettre au gouvernement d'exercer des pressions sur les syndicats et d'organiser la répression du mouvement de grève.
    4. 147 Les articles 12 et 13, déclarent les plaignants, donnent des activités essentielles une liste tellement vaste que celles-ci s'étendent à presque toutes les activités industrielles; d'une part, la limitation du droit de grève s'opère par l'interdiction faite à certaines catégories de travailleurs de recourir à la grève, d'autre part, par l'arbitraire qui préside à la décision des pouvoirs publics de décréter une grève licite ou illicite.
    5. 148 En vertu de l'article 15, l'employeur peut exiger que les grévistes veillent à l'entretien des machines et de tout ce qui, dans les entreprises, exige une surveillance constante, de façon à assurer la reprise du travail dès la fin de la grève. Aux yeux des plaignants, cette clause rend nulle la distinction que la loi avait entendu opérer entre activités essentielles et activités secondaires: elle permet de considérer toutes les activités comme essentielles et d'obliger les grévistes à travailler.
    6. 149 Les plaignants allèguent que l'article 17 de la loi selon lequel les autorités garantiront le libre accès des lieux de travail aux personnes qui désirent continuer à prêter leurs services servirait de prétexte à la police pour obliger, parfois par la violence, les grévistes à reprendre le travail.
    7. 150 Aux yeux des plaignants, d'après les dispositions mentionnées dans les paragraphes qui précèdent, la loi no 4330, du fer juin 1964, serait une loi antigrève contraire à l'article 158 de la Constitution brésilienne.
    8. 151 Les plaignants ajoutent que même lorsque les syndicats se sont conformés à toutes les exigences de la loi, le droit de grève ne leur est pas garanti pour autant, et ils citent l'exemple de deux cent soixante-quinze travailleurs d'une entreprise relevant de l'entreprise nationale de la voirie qui auraient été licenciés à la suite d'une grève pourtant reconnue licite.
  • Allégations relatives à des atteintes portées au droit de négociation
    1. 152 Aux dires des plaignants, à partir du mois d'avril 1964, un grand nombre de textes et de mesures visant à restreindre le droit de négociation collective auraient été adoptés. La F.S.M cite en premier lieu le décret n, 54018, du 14 juillet 1964, réorganisant le Conseil national de politique des salaires. En vertu de ce décret, déclarent les plaignants, les personnes employées par les sociétés d'économie mixte, les services autonomes de l'Union fédérale et les entreprises privées bénéficiant de subventions fédérales sont privées du droit de négocier des augmentations de salaire, l'établissement des échelles de salaires de ces catégories de personnes incombant au Conseil national de politique des salaires, conseil au sein duquel les travailleurs ne sont pas représentés (art. 1-4). Du moins, aucune convention portant sur les salaires des travailleurs intéressés ne peut être conclue sans l'accord préalable du Conseil. De l'avis des plaignants, c'est là un moyen de pression sur les employeurs pour décourager ceux-ci de conclure des conventions avec leurs employés.
    2. 153 L'article 6, poursuivent les plaignants, dispose que les rajustements de salaire effectués sous le contrôle du gouvernement fédéral ne pourront avoir lieu à des intervalles de moins d'un an à compter de la date de la dernière révision. Si l'on songe, déclarent les plaignants, que le coût de la vie a augmenté de 223,9 pour cent entre avril 1964 et avril 1966, on aura une idée de la dévalorisation du travail au Brésil, où les salaires sont au-dessous du minimum convenable.
    3. 154 Les plaignants affirment qu'en obligeant les tribunaux du travail de tenir compte des critères de la politique des salaires du gouvernement dans les différends collectifs dont ils ont à connaître, l'article 8 prive ces tribunaux du droit d'analyser les conditions véritables à la base de chaque conflit et d'accorder un ajustement de salaire équitable puisque, aussi bien, le plafond de tout rajustement est fixé par l'Exécutif.
    4. 155 Le décret no 54018, déclarent les plaignants, ne devait affecter que certaines catégories de travailleurs. Toutefois, affirment-ils, des instructions gouvernementales ont été adressées aux employeurs, les invitant à tenir compte des dispositions et critères du décret lors du rajustement des salaires de leurs employés. Des menaces de sanctions fiscales auraient été proférées par les autorités à l'encontre des employeurs qui entendaient négocier librement avec leurs employés.
    5. 156 Non content des restrictions déjà apportées à la libre négociation des conditions de salaire, déclarent les plaignants, le gouvernement a promulgué, le 13 juillet 1965, une loi (no 4725) qui généralise les procédures de fixation des salaires prévues par le décret no 54018 pour certaines catégories de travailleurs seulement. Cette loi dispose notamment qu'aucune augmentation de salaire ne saurait excéder la moitié de l'augmentation du coût de la vie.
    6. 157 Le décret no 15, du 29 juillet 1966, déclarent les plaignants, fixe, en matière d'augmentation de salaire, des règles strictes auxquelles les employeurs et les travailleurs sont tenus d'obéir. L'article 2 prévoit que le Conseil national de politique des salaires n'autorisera aucune augmentation de salaire allant au-delà de la stricte application des critères fixés par la loi, ce qui, aux yeux des plaignants, équivaut à l'entière abolition du droit de négociation collective.
    7. 158 En vertu de l'article 5, poursuivent les plaignants, les entreprises qui déclarent qu'elles ne peuvent pas payer d'augmentation de salaire pour des raisons financières ou économiques sont autorisées à ne pas respecter les obligations découlant pour elles de conventions collectives ou de sentences arbitrales. L'article 7 interdit tout ajustement qui ne respecte pas les règles et critères fixés par le décret, c'est-à-dire l'index déterminé unilatéralement par le gouvernement.
    8. 159 Au lieu des simples menaces dont il était question auparavant (voir le paragraphe 55 ci-dessus), l'article 10 du décret no 15 prévoit expressément, aux dires de la F.S.M, des sanctions fiscales pour les employeurs qui ne respecteraient pas les exigences du décret, en d'autres termes, les pourcentages fixés par le gouvernement.
  • Allégations relatives à la violation des droits des jeunes travailleurs
    1. 160 Les plaignants formulent un certain nombre d'allégations concernant les conditions de vie et de travail des enfants et des jeunes travailleurs. Cet aspect de l'affaire n'ayant pas trait à l'exercice des droits syndicaux, le Comité estime qu'il ne lui appartient pas d'en connaître.
  • Allégations relatives à des mesures de discrimination prises à l'encontre des travailleurs portuaires et des cheminots
    1. 161 Les mesures répressives et antisyndicales de toute sorte prises à l'encontre des travailleurs - déclarent les plaignants - ont frappé en bloc tous les groupes professionnels. Certains de ces groupes, toutefois, ont, affirment-ils, été particulièrement touchés en raison de l'action syndicale spécialement intense qu'ils avaient déployée avant les événements du mois d'avril 1964. Il en aurait notamment été ainsi dans les activités portuaires et les chemins de fer.
    2. 162 Les plaignants allèguent que le gouvernement aurait annulé par décret en avril 1965 les accords fixant les conditions de travail des travailleurs du port de Santos, supprimant les prestations relatives aux pensions complémentaires, le salaire familial de 6 000 cruzeiros, le supplément de salaire accordé jusque-là après cinq ans de service, la journée de six heures et autres avantages. La loi no 4860, de 1965, aurait supprimé d'autres prestations dont les dockers bénéficiaient depuis 1934. Les dispositions de cette loi auraient eu pour conséquence une réduction de 50 pour cent du salaire des travailleurs, l'extension de six à douze heures de la journée de travail, la réduction des taux applicables au travail de nuit, la réduction de 30 pour cent des taux applicables aux travaux insalubres, l'abolition totale de la sécurité de l'emploi, la suppression, enfin, des augmentations d'ancienneté, du salaire double pour les travaux effectués les dimanches et jours fériés et de l'allocation en cas de décès. Un décret du 26 janvier 1966 aurait en outre supprimé le droit de grève, autorisé le licenciement sans indemnité en cas de grève et prévu le congédiement à la demande des autorités pour des raisons de sécurité nationale.
    3. 163 Les plaignants allèguent que les cheminots auraient également fait l'objet de mesures du même ordre. Toutes les conventions collectives les concernant auraient été annulées. Cette catégorie de travailleurs aurait cessé de bénéficier des mêmes conditions de rémunération que les autres employés publics, les augmentations d'ancienneté de 20 à 25 pour cent auraient été supprimées, les trente jours de congé payé auraient été abolis, de même que l'indemnité pour travaux effectués hors du lieu d'affectation normal et pour travaux dangereux. La loi no 4863, de 1965, aurait prévu une augmentation de 35 pour cent des salaires des cheminots; malgré cette loi, et sur instruction des autorités publiques, la Direction des chemins de fer de l'Etat aurait décidé de n'accorder cette augmentation qu'à ceux des travailleurs qui accepteraient de porter leur durée journalière de travail de six à huit heures, les autres ne devant recevoir qu'une augmentation de salaire de 9,7 pour cent.
  • Allégations relatives à la «formation » de dirigeants syndicaux
    1. 164 Les plaignants allèguent que le gouvernement aurait prévu la « formation » de dirigeants syndicaux. Ainsi, déclarent les plaignants, dans l'Etat de Piauí, un accord entre l'Institut national de développement agricole et la police militaire de l'Etat prévoit la tenue de plusieurs cours de formation syndicale dans la caserne de Teresina, capitale de l'Etat; ces cours seraient dirigés par des « spécialistes » des questions syndicales appartenant à la police militaire. Les plaignants tiennent pour évident que de tels cours n'ont pour seul but que de renforcer la mainmise du gouvernement et de l'armée sur les organisations de travailleurs en les privant de toute indépendance.
    2. 165 En conclusion, la F.S.M affirme que les faits qu'elle a rapportés et qui sont résumés plus haut ne couvrent pas tous les aspects de la très grave situation qui confronte au Brésil les organisations syndicales. A ses yeux, ils auront du moins démontré que la violation des droits syndicaux et des libertés démocratiques perpétrée par les autorités brésiliennes révèle, de la part de ces dernières, la détermination d'anéantir tout mouvement syndical indépendant, de fouler aux pieds les principes élémentaires du droit et de condamner les travailleurs à la misère et à la famine.
    3. 166 Le plaignant demande donc à l'O.I.T de faire d'urgence les démarches nécessaires auprès du gouvernement brésilien en vue du rétablissement des libertés syndicales et démocratiques et, plus précisément, en vue de la libération des dirigeants et militants syndicaux qui ont été condamnés « par des tribunaux incompétents » pour leurs activités syndicales; de la suppression des « instructions » par la police militaire en vue de procédures pénales; du rétablissement des garanties d'une procédure judiciaire régulière et du jugement des dirigeants et militants syndicaux par des tribunaux autres que les tribunaux militaires; du retour à l'indépendance des syndicats, de la cessation du contrôle des syndicats ainsi que de leur suspension ou de leur dissolution par voie administrative; de la tenue d'élections syndicales libres, hors de tout contrôle gouvernemental et auxquelles pourront se présenter toutes personnes, sans discrimination fondée sur les opinions politiques ou les convictions religieuses; de l'annulation de la suspension de l'Union des travailleurs portuaires du Brésil et de l'abandon des mesures de dissolution envisagées à son encontre; de la suppression des interventions policières dans les affaires syndicales; de la suppression des cours de formation ouvrière tenus dans la caserne de Teresina.
    4. 167 Le plaignant demande en outre à l'O.I.T de faire des démarches auprès du gouvernement brésilien afin que la législation nationale respecte les principes internationalement reconnus en matière de liberté syndicale, tienne compte de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ne viole pas les conventions internationales du travail ratifiées par le Brésil, assure l'indépendance du Pouvoir judiciaire à l'égard de l'Exécutif, remette en vigueur les droits des travailleurs et, en particulier, le droit de libre organisation, le droit de grève, le droit de négociation collective, le droit à la journée de huit heures et le principe du salaire égal à travail égal.
  • Observations du gouvernement
    1. 168 Dans une communication qu'il a adressée au Directeur général le 9 février 1967, le gouvernement brésilien déclare considérer la nouvelle plainte présentée par la Fédération syndicale mondiale comme totalement dénuée de fondement. Il dit estimer que les termes mêmes de la plainte sont injurieux pour le gouvernement et émet l'opinion que cette dernière vise surtout « à exciter contre le Brésil les esprits des membres du Conseil d'administration et des associations syndicales représentées à l'O.I.T. ».
    2. 169 Le gouvernement rappelle ensuite qu'il a toujours tenu l'O.I.T au courant des développements intervenus dans les procès intéressant les principaux dirigeants syndicaux « dont les cas se trouvent encore à l'examen devant le Comité de la liberté syndicale » en fournissant à cet égard des renseignements détaillés comprenant même le texte de jugements rendus. « Les personnes auxquelles se réfèrent les accusations portées maintenant par la Fédération syndicale mondiale - déclare le gouvernement - incluent de nouveau les mêmes dirigeants, dont les cas sont cités en faisant état de données dépassées, puisque les décisions du Tribunal militaire supérieur ont sensiblement réduit les peines infligées auparavant.»
    3. 170 En conclusion, le gouvernement déclare donc rejeter catégoriquement les allégations de l'organisation plaignante.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Conclusions du Comité
    1. 171 Le Comité constate, à l'instar du gouvernement, que certains des points soulevés par la F.S.M dans sa communication du 29 novembre 1966 ont déjà été évoqués lors de phases antérieures de l'examen de l'affaire et, en particulier, que le cas de certaines des personnes mentionnées par le plaignant a déjà été étudié par le Comité. Là où ce dernier a à cet égard formulé des conclusions définitives, il n'est pas dans son intention de rouvrir le débat.
    2. 172 Le Comité constate toutefois également que la F.S.M formule dans sa communication de nombreuses allégations nouvelles et présente, sur des questions qui avaient déjà été abordées, des éléments nouveaux. Or, dans sa réponse, le gouvernement s'abstient de présenter à cet égard les observations sollicitées de lui par la lettre du Directeur général du 29 décembre 1966. Le Comité constate enfin que la réponse du gouvernement ne contient pas non plus les informations complémentaires dont il est fait état aux paragraphes 122 et 123 ci-dessus.
    3. 173 Dans ces conditions, étant donné que ces dernières informations comme les observations du gouvernement sur les allégations détaillées et souvent graves contenues dans la dernière communication de la F.S.M sont indispensables au Comité pour que celui-ci puisse soumettre sur le cas des conclusions au Conseil d'administration en pleine connaissance de cause, le Comité, tout en reconnaissant que le ton utilisé parfois par le plaignant ait pu choquer le gouvernement, se voit contraint de demander à ce dernier de bien vouloir fournir les renseignements dont la nature est précisée ci-après.
    4. 174 En ce qui concerne la demande d'informations complémentaires mentionnée aux paragraphes 122 et 123 ci-dessus et rappelée au paragraphe 172, on se souviendra que, dans une communication en date du 7 décembre 1964 (transmise au gouvernement par une lettre du 15 décembre 1964), la F.S.M citait les noms de quarante-sept dirigeants syndicaux dont elle alléguait qu'ils auraient été arrêtés. Dans une première série d'informations, le gouvernement indiquait que onze des personnes en cause avaient été libérées sans qu'aucune accusation n'ait été retenue contre elles, quinze faisaient l'objet d'une requête mais restaient en liberté, neuf étaient à l'étranger, quatre étaient en fuite et trois se trouvaient en détention préventive en attendant de passer en jugement. Dans une seconde série d'informations, le gouvernement indiquait que l'une des personnes mentionnées par la F.S.M dans sa communication du 7 décembre 1964, M. Ziller avait, étant en fuite, été condamné par contumace à trente ans d'emprisonnement en vertu d'un jugement dont le gouvernement joignait le texte à sa communication.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 175. Le Comité avait en conséquence recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de la situation des autres dirigeants non libérés nommément désignés par la F.S.M dans sa communication du 7 décembre 1964.
  2. 176. Cette demande étant restée sans réponse de la part du gouvernement, le Comité recommande au Conseil d'administration de la renouveler.
  3. 177. Dans sa communication en date du 29 novembre 1966, au huitième paragraphe de la partie I de sa plainte, la F.S.M donne le nom de dix-neuf syndicalistes qui auraient fait l'objet d'une mesure d'arrestation suivie d'une condamnation à des peines de prison (voir paragr. 128 ci-dessus).
  4. 178. Parmi ces personnes figurent MM. Riani, Ziller, Drumond, Boggione, dos Santos et Farias Lopes, dont les cas ont déjà fait l'objet d'un examen de la part du Comité. D'autres noms cités par la F.S.M dans sa plainte du 29 novembre 1966 avaient déjà été mentionnés par elle dans sa communication du 7 décembre 1964.
  5. 179. Le nom de dix personnes condamnées apparaît cependant pour la première fois. Il s'agit de MM. Ireneu Semionato, Joao Firmino Luzia, Antonio Chamorro, Alfonso Delelis, José Araujo Placido, Arthur Avalone, Augusto Vicente, José Molinidio, Luis Firmino Lima et Manuel Lourenço. Le Comité souhaiterait recevoir les observations du gouvernement sur les cas en question et, notamment, connaître les motifs de l'arrestation des intéressés et de la peine de prison qu'ils ont encourue. Il recommande donc au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir les informations dont il vient d'être question.
  6. 180. Le Comité recommande également au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur les allégations formulées par la F.S.M selon lesquelles cent quarante-sept mineurs de Morro Velho, nommément désignés (voir le dix-huitième paragraphe de la partie I de la communication de la F.S.M et le paragraphe 132 ci-dessus), seraient menacés d'être traduits, pour fait de grève, devant les tribunaux militaires, trente-cinq ouvriers, nommément désignés, de la Fabrique nationale de moteurs seraient maintenus en détention préventive en attendant de comparaître, pour fait de grève, devant des tribunaux militaires (voir le dix-neuvième et le vingtième paragraphe de la partie I de la communication de la F.S.M et le paragraphe 132 ci-dessus) et trente et un ouvriers de l'entreprise Ishikawagi, dont certains sont nommément désignés, seraient menacés de passer en jugement pour fait de grève également (voir le vingt et unième paragraphe de la partie 1 de la communication de la F.S.M et paragr. 132 ci-dessus).
  7. 181. En ce qui concerne les allégations formulées par la F.S.M dans la partie Il de sa plainte, le Comité souhaiterait recevoir les observations du gouvernement sur les allégations suivantes: allégations relatives à la « caution d'idéologie » qui, d'après le plaignant, serait exigée des candidats à des postes de direction syndicale (voir les paragraphes 136 à 138 ci-dessus); allégations relatives à l'interdiction qui serait faite au Syndicat des employés de banque de l'Etat de Guanabara de procéder à des élections syndicales (voir le paragraphe 139 ci-dessus); allégations relatives à la suspension et aux menaces de dissolution de l'Union des travailleurs portuaires du Brésil (voir paragr. 140 ci-dessus); allégations relatives à la présence d'éléments de la police politique lors des réunions syndicales (voir paragr. 142 ci-dessus); allégations relatives aux abus dont se seraient rendus coupables certains «contrôleurs» chargés de la direction des syndicats (voir paragr. 143 ci-dessus).
  8. 182. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire parvenir ses observations sur les points qui sont mentionnés au paragraphe précédent.
  9. 183. Le Comité souhaiterait également prendre connaissance des observations du gouvernement sur les allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées à l'exercice du droit de grève contenues dans la partie 111 de la plainte de la F.S.M. (voir paragr. 144 à 151 ci-dessus), notamment en ce qui concerne la portée des dispositions législatives mentionnées par le plaignant.
  10. 184. Il recommande en conséquence au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui communiquer les renseignements dont la nature est précisée ci-dessus.
  11. 185. Le Comité recommande en outre au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur les allégations selon lesquelles des restrictions seraient apportées à l'exercice du droit de négociation collective (voir paragr. 152 à 159 ci-dessus) en précisant l'interprétation que le gouvernement estime qu'il faut donner aux dispositions législatives mentionnées par le plaignant.
  12. 186. Le Comité recommande enfin au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations au sujet des allégations relatives, d'une part, aux mesures de discrimination qui auraient été prises à l'encontre des travailleurs portuaires et des cheminots (voir paragr. 161 à 163 ci-dessus), d'autre part, à la « formation » de dirigeants syndicaux (voir paragr. 164 ci-dessus).
  13. 187. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande donc au Conseil d'administration:
    • a) de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire tenir les informations dont il est question aux paragraphes 174 à 186 ci-dessus;
    • b) d'ajourner l'examen du cas en attendant d'être en possession desdites informations.
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