ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Display in: English - Spanish

  1. 196. La plainte du Conseil des syndicats de Guyane britannique a été adressée directement à l'O.I.T le 3 juillet 1964. Le 29 juillet 1964, le Secrétaire général des Nations Unies a transmis au B.I.T un exemplaire de la plainte que la Confédération internationale des syndicats libres lui a adressée le 21 juillet de la même année. Par une communication en date du 15 janvier 1965, le gouvernement du Royaume-Uni a soumis des observations sur cette plainte. Le Comité de la liberté syndicale a examiné ces documents à sa réunion de mai 1965, au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 305 à 323 de son quatre-vingt-troisième rapport, lequel a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 162ème session, le 28 mai 1965.
  2. 197. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921; la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, en déclarant que leurs dispositions sont applicables sans modification à la Guyane britannique. Il a également ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et l'a déclarée applicable avec modifications à la Guyane britannique.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 198. La plainte, qui a trait à des événements censés avoir eu lieu en Guyane britannique avant l'élection du gouvernement actuel en décembre 1964, est dirigée contre l'ancien gouvernement dans lequel le Parti progressiste populaire (P.P.P.) était au pouvoir contre l'organisation progressiste de la jeunesse (P.Y.O.) rattachée à ce parti, et contre l'organisation désignée par le plaignant comme « un syndicat soutenu et financé par le gouvernement et le Parti, connu sous le nom de Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane (G.A.W.U.) ». Il est allégué que le président du G.A.W.U, M. Harry Lall, était membre du P.P.P de l'Assemblée législative; il avait été arrêté par le gouverneur le 13 juin 1964, date à partir de laquelle M. Macie Hamid, autre député du P.P.P, mais non membre du G.A.W.U, assumait les fonctions de président, tandis qu'un autre non-syndiqué, M. Georges Henry, qui avait été exclu du corps législatif par décision des tribunaux, devenait vice-président.
  2. 199. Les allégations ont été analysées en détail dans les paragraphes 308 à 316 du quatre-vingt-troisième rapport du Comité de la liberté syndicale. Elles se résument comme suit: depuis l'arrêt du travail survenu dans la plantation de Leonora le 17 février 1964, les ministres et les membres de l'ancien gouvernement, le P.P.P, la P.Y.O et le G.A.W.U ont déclenché une campagne de terreur contre les travailleurs du sucre appartenant à l'Association civique de la main-d'oeuvre (M.P.C.A.) affiliée à l'organisation plaignante, afin de les empêcher de se rendre au travail; au cours de cette campagne, 24 travailleurs du sucre ont été tués, un grand nombre blessés, tandis que 134 maisons étaient incendiées, 540 détruites ou gravement endommagées. Tous ces événements, allègue le plaignant, découlent du fait que le G.A.W.U, avec l'appui du gouvernement précédent, a déclenché une série de grèves afin de contraindre les travailleurs du sucre à le reconnaître comme agent de négociation, au lieu de la M.P.C.A, qui groupait la majorité des travailleurs. A un certain moment, 4 000 travailleurs ont été contraints sous la terreur de quitter la M.P.C.A, mais 3 000 d'entre eux ont rejoint les rangs de cette organisation; à la suite de ces faits, est-il allégué, l'ancien gouvernement a conçu un plan visant à détruire les sucreries et les récoltes de canne et à provoquer des arrêts du travail; aussi a-t-il fallu faire appel aux troupes britanniques. Les plaignants décrivent les diverses méthodes utilisées par les agitateurs. A partir du 19 février 1964, les quatre syndicats (y compris la M.P.C.A.) ayant négocié des conventions avec l'Association des producteurs de sucre, ainsi qu'avec la Chambre de commerce, exhortèrent le gouverneur à faire appel aux troupes britanniques et à proclamer l'état d'urgence, solution que l'ancien ministre de l'Intérieur, Mme Jagan, ne conseilla d'appliquer que le 22 mai 1964. Le 16 mai 1964, une commission d'enquête a été constituée, mais elle se composait de sympathisants du P.P.P.; les plaignants firent objection et la commission s'ajourna sine die. Le 13 juin 1964, le gouverneur a été investi de pouvoirs d'urgence.
  3. 200. Dans une communication en date du 15 janvier 1965, le gouvernement du Royaume-Uni déclare qu'à la suite des élections de décembre 1964, un nouveau gouvernement a été institué en Guyane britannique et que les ministres cités dans les allégations n'exercent plus leur charge. Ce nouveau gouvernement déplore que le gouvernement précédent n'ait pas communiqué d'observations, et déclare ne pouvoir présenter des commentaires satisfaisants sans procéder à des recherches approfondies qui, étant donné le laps de temps écoulé, ne pourraient fournir de preuves concluantes; néanmoins, il se propose d'encourager l'application des dispositions des conventions qui ont trait à la liberté d'association.
  4. 201. A sa réunion de mai 1965, le Comité a rappelé sa position dans les cas antérieurs à savoir: lorsqu'il a été saisi d'allégations relatives à la violation de droits syndicaux par un gouvernement qui n'est plus au pouvoir, il a estimé que le nouveau gouvernement ne pouvait évidemment pas être tenu pour responsable d'événements survenus sous un gouvernement précédent, mais qu'il était clairement responsable de toutes les suites que de tels événements pouvaient avoir eues depuis son accession au pouvoir.
  5. 202. Le Comité souligne qu'en l'absence de toute observation quant au fond des allégations, il est dans l'impossibilité de dire si les conséquences des événements allégués continuent à se produire; il n'est notamment pas en mesure de se rendre compte de la situation relative de la M.P.C.A, du G.A.W.U et de l'Association des producteurs de sucre et de leurs relations réciproques; il ignore quels peuvent avoir été les résultats de la commission d'enquête instituée par le gouvernement précédent; enfin, il ignore, en supposant que les allégations soient fondées, quelles mesures le gouvernement actuel peut avoir prises ou envisager de prendre pour indemniser les personnes à charge des membres de la M.P.C.A qui auraient été tuées pour avoir refusé de participer à une grève encouragée par le gouvernement précédent, ou pour indemniser les travailleurs dont les maisons ont été détruites. Le Comité rappelle que dans le cas no 260 relatif à l'Irak, le gouvernement intéressé n'avait pas fourni suffisamment de renseignements pour lui permettre de déterminer si des événements ayant eu lieu sous le gouvernement précédent continuaient à avoir des répercussions sous le gouvernement qui lui a succédé; il avait donc prié le gouvernement intéressé de lui communiquer des renseignements complémentaires pour qu'il puisse présenter ses conclusions au Conseil d'administration.
  6. 203. En outre, le Comité a estimé, au sujet d'informations d'après lesquelles deux membres du G.A.W.U ont été accusés d'actes séditieux commis les 7 mars et 2 avril 1964, que les jugements des tribunaux chargés d'enquêter sur ces incidents pourraient fournir des informations quant à la situation générale qui existait alors, et que ces informations pourraient aider le Comité à formuler ses conclusions.
  7. 204. Dans ces conditions, le Comité a recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 323 de son quatre-vingt-troisième rapport, de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des informations plus complètes sur les événements allégués dans la plainte ainsi que le texte des jugements rendus contre les deux membres du G.A.W.U précités.
  8. 205. Le Conseil d'administration a approuvé ces recommandations le 28 mai 1965, au cours de sa 162ème session, et la demande d'observations et de renseignements complémentaires a été transmise au gouvernement du Royaume-Uni par une lettre en date du 3 juin 1965. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 11 octobre 1965 contenant les observations de l'actuel gouvernement de la Guyane britannique.
  9. 206. Le gouvernement de la Guyane britannique rappelle qu'il est dans l'impossibilité de présenter des commentaires satisfaisants sur les différentes questions soulevées dans la plainte du Conseil des syndicats de Guyane britannique, sans procéder à des recherches approfondies qui, étant donné le laps de temps écoulé, ne pourraient fournir de preuves concluantes. Par ailleurs, il déclare n'avoir pas connaissance de répercussions, à l'heure actuelle, des événements survenus sous le gouvernement précédent; il tient à déclarer catégoriquement qu'il n'est jamais intervenu dans le mouvement syndical du pays à l'encontre de la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921, de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ou de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, appliquées avec modifications.
  10. 207. Le gouvernement actuel de la Guyane britannique fournit les renseignements complémentaires suivants.
  11. 208. Le G.A.W.U n'est pas parvenu à se faire reconnaître, mais il a enjoint à ses membres de retourner à leur travail le 27 juillet 1964. Le 24 août 1964, il a présenté une nouvelle demande de reconnaissance après que le conservateur des registres syndicaux eut annulé le certificat d'enregistrement de la M.P.C.A sous prétexte que cette organisation avait délibérément enfreint les dispositions de l'article 35 de l'ordonnance sur les syndicats. La M.P.C.A a saisi le tribunal de l'affaire et, en septembre 1964, celui-ci décida que l'annulation du certificat d'enregistrement du syndicat était « illégale et erronée, qu'elle constituait un abus du pouvoir et était par conséquent nulle et non avenue ». Le 19 septembre 1964, l'Association des producteurs de sucre de la Guyane britannique a fait savoir au G.A.W.U que sa position sur la reconnaissance de la M.P.C.A demeurait inchangée. Le 27 février 1965, le G.A.W.U a écrit à deux sucreries au sujet de sa reconnaissance, mais il lui fut répondu que de telles questions ne pouvaient être traitées que par l'Association des producteurs de sucre. Depuis cette date, le G.A.W.U n'a plus présenté de demande de reconnaissance. Il semble que plus de 50 pour cent de la main-d'oeuvre employée dans l'industrie sucrière fasse partie de la M.P.C.A.
  12. 209. Sur l'avis du gouvernement actuel, le gouverneur a supprimé en février 1965 la commission d'enquête constituée par le gouvernement précédent (voir paragr. 199 ci-dessus).
  13. 210. Pour indemniser les personnes victimes des troubles qui ont suivi la grève, le gouvernement actuel a chargé une commission composée de douze personnes et présidée par Sir Stanley Gomes, ancien président de la Cour suprême, d'« examiner de façon générale la situation des personnes déplacées ou touchées de quelque autre façon par les troubles de 1962, 1963 et 1964 et de dire dans quelle mesure il conviendrait d'aider ces personnes à reprendre une vie normale ».
  14. 211. Les deux membres du G.A.W.U accusés d'actes séditieux ont été acquittés le 30 juillet 1965.
  15. 212. Le Comité estime, à la lumière de l'acte d'accusation, que les expéditions de l'acte d'accusation pourraient contenir des informations qui l'aideraient à examiner les allégations fondées sur des faits.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 213. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter que l'actuel gouvernement de la Guyane britannique a réaffirmé, par l'intermédiaire du gouvernement du Royaume-Uni, qu'il était dans l'impossibilité de présenter des commentaires satisfaisants sur les différentes questions soulevées dans la plainte, sans procéder à des recherches approfondies qui, étant donné le laps de temps écoulé, ne pourraient fournir de preuves concluantes;
    • b) de souligner que les allégations d'après lesquelles, au cours de la grève provoquée par le G.A.W.U, appuyée censément par le gouvernement précédent de la Guyane britannique, il y aurait eu 24 victimes parmi les non-grévistes et de nombreux blessés, sans parler des 134 maisons incendiées et des 540 autres détruites ou gravement endommagées, n'ont été réfutées ni par le précédent gouvernement ni par l'actuel gouvernement;
    • c) de noter que le gouvernement actuel de la Guyane britannique a créé un comité chargé d'examiner de façon générale la situation des personnes déplacées ou touchées de quelque autre façon par les troubles de 1962, 1963 et 1964 et de déterminer dans quelle mesure il conviendrait d'aider ces personnes à reprendre une vie normale;
    • d) d'exprimer l'espoir que la question de l'indemnisation des membres du G.A.W.U ou des personnes à leur charge, selon le cas, victimes des événements mentionnés à l'alinéa b) ci-dessus sera examinée par le comité que vient de constituer l'actuel gouvernement de la Guyane britannique;
    • e) de noter que l'annulation du certificat d'enregistrement de l'Association civique de la main-d'oeuvre sous le gouvernement précédent vient d'être considérée par les tribunaux comme « étant injustifiée et erronée, constituant un abus de pouvoir et étant par conséquent nulle et non avenue » et que le syndicat continue d'être reconnu par l'Association des producteurs de sucre de la Guyane britannique.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer