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Definitive Report - Report No 93, 1967

Case No 420 (India) - Complaint date: 21-OCT-64 - Closed

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  1. 138. Le présent cas a déjà été examiné par le Comité à ses sessions de novembre 1965 et mai 1966, à l'occasion desquelles il a présenté les rapports intérimaires contenus respectivement aux paragraphes 85 à 125 de son quatre-vingt-sixième rapport et 234 à 254 de son quatre-vingt-dixième rapport. Les paragraphes qui suivent ne traitent que des allégations au sujet desquelles le Comité n'a pas encore soumis ses conclusions définitives au Conseil d'administration.
  2. 139. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 140. Les plaignants alléguaient que plusieurs dirigeants et membres de leur syndicat avaient fait l'objet d'une discrimination en ce qu'ils s'étaient vu refuser leur promotion ou encore illégalement priver des droits à l'ancienneté qu'ils avaient acquis au profit d'employés moins anciens et moins qualifiés. A cet égard, les plaignants faisaient allusion au cas de M. A. K. Mukherjee, de M. N. Das et de M. Chakraborty, respectivement secrétaire général, secrétaire général adjoint et secrétaire général exécutif du Syndicat, et de MM. D. Singh, S. K. Sarkar, S. J. N. Roy, S. Chatterjee et S. Ghosh, tous membres actifs du Syndicat, enfin, au cas des graisseurs employés dans la centrale hydraulique.
  2. 141. Les plaignants alléguaient également que des pratiques de travail déloyales étaient courantes dans le port de Calcutta. Il n'est pas possible à tous les travailleurs de se porter devant les tribunaux, déclaraient les plaignants, car les procès sont coûteux et longs, plusieurs années s'écoulant avant qu'une décision soit prise. En outre, les autorités ont une attitude hostile vis-à-vis des travailleurs qui se portent devant les tribunaux.
  3. 142. Les plaignants critiquaient également la procédure de règlement des conflits en vertu de la loi de 1947 sur les différends du travail. Dans le cas de MM. Roy, Chatterjee et Ghosh, le Syndicat a officiellement soulevé un différend du travail; toutefois, était-il allégué, le commissaire au travail s'est abstenu de rendre une sentence pendant environ trois ans; de son côté, le ministre du Travail a refusé de renvoyer le cas de MM. Chakraborty et Mukherjee au tribunal pour règlement.
  4. 143. A sa session de novembre 1965, le Comité était saisi d'une communication en date du 17 avril 1965 du gouvernement, qui déclarait que la plupart de ces cas avaient été examinés sans succès par le fonctionnaire chargé de la conciliation et que, dans chacun d'eux, les mesures prises par les employeurs avaient été jugées «conformes aux règles s'appliquant à l'ancienneté » ou aux règles applicables à l'emploi et que le renvoi à un tribunal pour règlement avait été refusé, soit pour cette raison, soit parce que les allégations de discrimination s'étaient « révélées sans fondement ».
  5. 144. Il est apparu au Comité que lorsque des employés soulèvent un conflit qui n'est pas réglé par le fonctionnaire chargé de la conciliation, l'affaire n'est pas portée devant un tribunal à moins que l'autorité compétente ne donne son autorisation. Il ne fait pas de doute que cette autorisation a été refusée dans le cas de MM. Chakraborty et Mukherjee. La situation est moins claire en ce qui concerne MM. Roy, Chatterjee et Ghosh. En conséquence, le Comité, ayant noté également que le gouvernement s'était abstenu de présenter ses observations sur l'allégation du plaignant selon laquelle la procédure de règlement des conflits serait trop longue et trop onéreuse pour que les travailleurs y fassent appel, avait décidé de demander au gouvernement de bien vouloir préciser de quel recours disposent les travailleurs dont le cas n'est pas réglé par la conciliation ainsi que les règles applicables et la nature de l'instance habilitée à prendre la décision, en indiquant comment ces règles ont été appliquées dans les cas particuliers évoqués dans la présente affaire.
  6. 145. Dans une communication en date du 16 avril 1966, le gouvernement expliquait qu'en vertu de l'article 12 (1) de la loi de 1947 sur les différends du travail, le fonctionnaire chargé de la conciliation peut, là où un différend du travail existe ou est à redouter (à moins qu'un préavis ait été donné en application de l'article 22 de la loi et que le différend affecte un service d'utilité publique), procéder à une tentative de conciliation, mais il lui appartient de décider s'il entend ou non intervenir. Le gouvernement (central ou provincial selon le cas) n'est pas tenu de renvoyer un différend devant le tribunal s'il estime que la partie qui soulève le différend n'a pas, à première vue, un dossier solide ou si, dans l'intérêt général de la paix sociale, il serait inopportun de porter l'affaire devant un tribunal. Le gouvernement déclarait de nouveau que les différends concernant MM. Mukherjee et Chakraborty n'avaient pas été jugés propres à être portés devant le tribunal, les mesures prises par les employeurs ayant été considérées comme conformes aux règles en vigueur et, dans le cas de MM. Roy, Chatterjee et Ghosh, parce que le Syndicat « n'a pas pu fournir aux fonctionnaires chargés de la conciliation d'éléments à l'appui de ses allégations de pratiques déloyales de travail ». Le gouvernement ajoutait que si le cas d'un travailleur n'était pas réglé par voie de conciliation et que le gouvernement compétent (central ou provincial) refusait qu'il soit porté devant le tribunal, les parties pouvaient former un recours devant la Haute Cour ou devant la Cour suprême en faisant valoir que le fait pour le gouvernement de refuser que l'affaire soit portée devant un conciliateur ou devant un tribunal est contraire à la loi.
  7. 146. Après avoir examiné cette réponse à sa session du mois de mai 1966, le Comité a décidé de prier le gouvernement de présenter des observations plus complètes sur l'allégation selon laquelle le Syndicat avait officiellement soulevé un différend du travail dans le cas de MM. Roy, Chatterjee et Ghosh mais qu'après trois ans passés le commissaire régional au travail n'avait pas encore rendu sa sentence ainsi que sur l'allégation selon laquelle les recours aux tribunaux étaient trop longs et trop onéreux pour que les travailleurs fassent appel à cette procédure.
  8. 147. Parallèlement, le Comité a décidé de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations au sujet d'une plainte en date du 3 février 1966, émanant du même plaignant et contenant des allégations selon lesquelles des différends auraient été officiellement soulevés en ce qui concerne la nature des travaux que les ouvriers de la station de pompage principale sont appelés à effectuer, la question de la fourniture de vêtements de protection et celle des primes de rendement des travailleurs préposés aux machines Diesel mais que le gouvernement aurait fait échec à toutes les tentatives faites par les travailleurs de voir porter ces différends devant les tribunaux.
  9. 148. La demande d'informations sur ces points a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 9 juin 1966. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 16 septembre 1966.
  10. 149. Dans cette communication, le gouvernement fait valoir qu'alors qu'il appartient au Comité d'examiner les allégations de violation des droits syndicaux, les questions soulevées par les plaignants se rapportent essentiellement à des matières n'ayant pas de rapport avec de telles violations. Le gouvernement estime que l'on gagnerait du temps si, à l'avenir, le Comité ne lui transmettait pour observations que les aspects des plaintes qui ont trait à la violation des droits syndicaux. Ayant fait ces remarques, le gouvernement fournit des commentaires sur les questions que le Comité, à sa dernière session, avait signalées au gouvernement comme étant parmi celles au sujet desquelles il souhaitait prendre connaissance des observations de ce dernier.
  11. 150. Le gouvernement déclare que le Conseil des commissaires du port de Calcutta est un organisme autonome et que les relations professionnelles comme les conditions d'emploi de son personnel relèvent de sa seule responsabilité et non pas de celle du gouvernement. Les conflits du travail entre le Conseil et le personnel ou ses syndicats ont le même caractère que les conflits survenant entre n'importe quels autres employeurs et leurs salariés.
  12. 151. Le gouvernement présente des commentaires détaillés au sujet des allégations formulées dans la plainte en date du 3 février 1966. En ce qui concerne la question des travailleurs de la station de pompage, une tentative de conciliation entre les parties a été effectuée mais une grève a été déclenchée. Aucune solution de règlement n'a été trouvée. La question des vêtements de protection a été examinée par le Conseil des commissaires du port de Calcutta. Des discussions ont eu lieu entre les parties sur la question des primes de rendement. Une commission mixte a été instituée par les commissaires du port, comprenant des représentants des deux syndicats reconnus, mais aucun règlement n'a encore été trouvé. Il est également loisible aux plaignants de faire valoir leur point de vue auprès du Conseil des salaires compétent, lequel doit prochainement présenter un rapport sur la question.
  13. 152. En ce qui concerne les cas spécifiques de discrimination antisyndicale mentionnés dans la plainte originale, le gouvernement déclare que le commissaire régional au travail s'est efforcé de trouver un règlement par voie de conciliation; toutefois, les employeurs ont maintenu qu'ils avaient agi conformément aux règles applicables et le commissaire n'ayant pas le pouvoir de prendre une décision ayant force obligatoire, il ne saurait être accusé d'avoir retardé cette décision trois ans durant.
  14. 153. La question du recours à des procédures onéreuses devant les tribunaux ne se pose pas dans le cas présent, déclare le gouvernement. Le Syndicat a soulevé ce point dans sa plainte au sujet de violations du Code de conduite volontairement accepté par les organisations centrales d'employeurs et de travailleurs, mais il n'existe aucune disposition prévoyant le recours aux tribunaux si les principes énoncés dans le Code ne sont pas respectés. La procédure envisagée est que toute infraction au Code par les travailleurs ou les employeurs fera l'objet des négociations collectives entre les organisations des parties intéressées.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 154. Le Comité désire tout d'abord se référer au commentaire du gouvernement selon lequel de nombreuses questions soulevées dans cette affaire ne se rapportent pas aux droits syndicaux. Dans ses quatre-vingt-cinquième et quatre-vingt-dixième rapports, le Comité a recommandé au Conseil d'administration de disposer d'allégations relatives au droit des travailleurs à un logement, à l'octroi de prêts, à la main-d'oeuvre occasionnelle et à des mesures disciplinaires exercées contre des travailleurs ayant occupé des logements vacants. Le Comité est pleinement conscient du fait que ces questions, qui ont trait à diverses conditions d'emploi et à des problèmes de discipline, ne se rapportent pas, en elles-mêmes, aux droits syndicaux en l'absence de preuves établissant qu'il y a eu violation de droits statutaires ou de conventions collectives. Toutefois, elles ont été soulevées dans ce cas par les plaignants en tant que questions au sujet desquelles des membres de l'organisation plaignante auraient fait l'objet d'une discrimination, par comparaison à d'autres travailleurs, précisément parce qu'ils étaient membres de l'organisation en question. Les allégations ont été rejetées parce que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu, en l'occurrence, de discrimination antisyndicale, là étant la question entrant dans le champ de la compétence du Comité et au sujet de laquelle, en conséquence, le gouvernement a été prié de présenter ses observations. De même, en ce qui concerne les questions portant sur des conditions d'emploi particulières soulevées dans la plainte en date du 3 février 1966, le point se rapportant à des violations des droits syndicaux ne résidait pas dans ces conditions d'emploi en tant que telles mais dans le fait allégué par les plaignants qu'ils se voyaient à tort refuser la possibilité de faire recours à des procédures statutaires pour régler des questions ayant donné lieu à des différends collectifs du travail. Le Comité tient à établir clairement que ce n'est ainsi que lorsqu'elles sont liées à des allégations spécifiques de violations des droits syndicaux qu'il a examiné et examinera quant au fond les questions soulevées par les plaignants.
  2. 155. En ce qui concerne la question de savoir si M. Mukherjee et les autres personnes mentionnées au paragraphe 140 ci-dessus ont été victimes de mesures de discrimination antisyndicale, le Comité se trouve placé devant des éléments de preuve totalement divergents selon qu'il s'agit des déclarations des plaignants ou des raisons avancées par les autorités du travail pour justifier leur refus de porter le cas des personnes en question devant le tribunal. Dans ces conditions, le Comité se trouve dans l'impossibilité de formuler des conclusions spécifiques sur les cas précis dont il est question.
  3. 156. Reste la question du mécanisme de règlement des conflits en Inde qui a été critiqué par les plaignants en tant qu'inapproprié en ce qu'il ne peut y être recouru qu'avec l'autorisation, donnée discrétionnairement, des autorités compétentes du travail. Il ressort claire ment de la communication du gouvernement en date du 16 avril 1966, mentionnée au paragraphe 145 ci-dessus, que cette autorisation est effectivement nécessaire et qu'elle peut effectivement être refusée discrétionnairement par lesdites autorités.
  4. 157. Le Comité estime qu'il convient de faire une distinction entre les différends collectifs se rapportant aux conditions d'emploi, aux droits syndicaux, etc., et les doléances individuelles. Des questions relevant de ces deux catégories ont été soulevées dans la présente affaire.
  5. 158. L'article 2 de la loi de 1947 sur les différends du travail définit les différends du travail aux fins de la loi comme étant « tout différend ou conflit... se rapportant à l'emploi ou au non-emploi, aux conditions d'emploi ou aux conditions de travail d'une personne quelle qu'elle soit ». Dans le cas d'un tel différend ou conflit, le fonctionnaire chargé de la conciliation peut, en vertu de l'article 12 (et doit uniquement si le différend concerne un service d'utilité publique et qu'un avis ait été donné), introduire une procédure de conciliation. En cas d'échec, il devra envoyer au gouvernement compétent un rapport décrivant, entre autres, les faits et les circonstances concernant le différend et les raisons pour lesquelles, à son avis, un règlement n'a pas pu être trouvé; le gouvernement décide alors s'il y a lieu de renvoyer l'affaire à un conseil ou à un tribunal. Il semble ressortir tant de la rédaction de la loi que des éléments dont dispose le Comité que le renvoi discrétionnaire d'un différend devant un tribunal s'applique de la même manière aux cas de conflits collectifs du travail et aux cas individuels de discrimination antisyndicale. Les critères qui servent de base à l'exercice de cette discrétion ne sont pas clairs. Dans sa lettre du 16 avril 1966 (voir paragr. 145 ci-dessus), le gouvernement interprète la situation comme impliquant que le renvoi aux tribunaux est refusé si la partie qui soulève le différend n'a pas, à première vue, un dossier solide ou si, dans l'intérêt général de la paix sociale, il est inopportun de porter l'affaire devant les tribunaux. Cependant, la raison donnée au refus de porter le cas de MM. Roy, Chatterjee et Ghosh devant les tribunaux n'était pas que leur syndicat n'avait pas présenté un dossier à première vue solide, mais bien qu'il n'avait pas pu fournir aux fonctionnaires chargés de la conciliation « d'éléments à l'appui de ses allégations ».
  6. 159. Il apparaît au Comité que certains des cas individuels mentionnés par les plaignants sont d'un type qui aurait pu permettre leur règlement par une procédure appropriée de réclamation. A cet égard, la Conférence internationale du Travail, à sa 50ème session (juin 1966), a approuvé certains projets de conclusions en vue de l'adoption en 1967 d'une recommandation concernant l'examen des réclamations dans l'entreprise en vue de leur règlement. En particulier, le point 18 des conclusions proposées suggère que, lorsque les parties ne sont pas parvenues à régler une réclamation par voie de négociations, d'autres procédures devraient être envisagées telles que la conciliation ou l'arbitrage par les autorités publiques compétentes, la décision d'un tribunal du travail ou d'une autre autorité judiciaire, ou encore toute autre procédure qui peut être appropriée, compte tenu des conditions nationales.
  7. 160. Le Comité rappelle également que, dans le cas no 179 relatif au Japon, qui avait été renvoyé à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale avec le consentement du gouvernement intéressé, la Commission avait été appelée à examiner, entre autres, plusieurs cas de discrimination antisyndicale d'une nature comparable aux cas individuels évoqués dans la présente affaire. Dans ses conclusions et recommandations, la Commission a souligné l'importance qu'il y a à veiller à ce qu'il existe, pour la réparation des griefs, des moyens expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux; elle a attiré l'attention sur l'opportunité de régler dans toute la mesure possible les plaintes au moyen de discussions sans que le processus soit considéré comme une forme de litige, toutefois, concluait la Commission, dans les cas où il existera des divergences d'opinions ou de points de vue, procédant d'une entière bonne foi, on devrait avoir recours à des tribunaux ou à des individus impartiaux, ce recours représentant l'étape finale de la procédure de plainte.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 161. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter, en ce qui concerne les cas individuels de discrimination antisyndicale évoqués dans la présente affaire, que le Comité, étant donné que les éléments de preuve dont il dispose sont contradictoires et le fait que les questions soulevées par ces cas n'ont pas été renvoyées devant les autorités compétentes pour règlement en application de la loi de 1947 sur les différends du travail, n'est pas en mesure de formuler de conclusions sur le fond de cet aspect du cas;
    • b) de suggérer au gouvernement, eu égard aux considérations énoncées aux paragraphes 156 à 160 ci-dessus, d'envisager la possibilité d'amender sa législation relative au règlement des différends en:
    • i) donnant aux travailleurs et à leurs organisations un droit plus étendu de recours aux procédures statutaires de règlement des conflits par voie de conciliation et, en cas d'échec de la conciliation, de recours aux tribunaux;
    • ii) encourageant l'établissement et l'utilisation par les parties de procédures de réclamation efficaces pour traiter des cas individuels de discrimination antisyndicale et autres doléances et en prévoyant dans la loi le renvoi des réclamations, en dernier ressort, à un tribunal du travail pour règlement définitif ou à toute autre instance expéditive, peu onéreuse et impartiale.
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