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Interim Report - Report No 89, 1966

Case No 444 (Costa Rica) - Complaint date: 27-MAY-65 - Closed

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  1. 90. La plainte est contenue dans une communication datée du 27 mai 1965, qui a été adressée par le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Compagnie bananière de Costa Rica (SITRACOBA). L'organisation plaignante a présenté des informations complémentaires dans une deuxième communication datée du 10 juillet 1965. Ces deux communications ont été portées à la connaissance du gouvernement, qui a fait parvenir sur elles ses observations par deux communications datées des 24 septembre et 25 octobre 1965.
  2. 91. Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à l'intervention des autorités et de représentants patronaux dans des réunions syndicales
    1. 92 Dans leur communication en date du 27 mai 1965, les plaignants affirment que, le 19 mars 1965, des agents du Resguardo Fiscal (police) ont interrompu un entretien entre les dirigeants du SITRACOBA, MM. Salustiano Méndez Picado et Eclímaco Sandi Solano, et un groupe de travailleurs de la plantation no 60 du district de Coto, canton d'Osa, province de Puntarenas. Selon les plaignants, les agents de l'autorité arrivèrent sur les lieux et, après avoir bu de la bière en compagnie de M. Enrique Gil, employé de la Compagnie bananière de Costa Rica, ils accompagnèrent ce dernier et un autre employé de ladite compagnie, M. Arturo Portela, à l'endroit où les travailleurs susmentionnés étaient en train de converser et fouillèrent les dossiers que portaient MM. Salustiano Méndez et Arturo Pérez Ramirez. Les agents de l'autorité auraient demandé ensuite aux employés de la Compagnie précités ce qu'ils devaient faire des dirigeants qui étaient présents; ces derniers protestèrent en déclarant qu'ils ne toléreraient pas que des employés de la Compagnie donnent des instructions aux représentants de l'autorité. Les agents de police auraient alors ordonné aux travailleurs de se retirer. Un peu plus tard, les dirigeants du SITRACOBA allèrent voir à son bureau le chef de la police du district de Corredores afin de lui demander des explications sur l'attitude de ses subordonnés; ce dernier aurait répondu que les instructions du Président de la République interdisant les réunions syndicales dans les plantations de la Compagnie bananière étaient toujours en vigueur. Dans leur communication datée du 10 juillet 1965, les plaignants allèguent que, les 7 et 8 juillet 1965, le Comité exécutif central du SITRACOBA, à la demande des travailleurs, avait convoqué des réunions syndicales dans les plantations nos 60, 61, 62 et 63 afin que ceux-ci exposent leurs problèmes et reçoivent des indications sur les buts et les objectifs du syndicat, réunions qui ne purent être tenues du fait de l'intervention d'agents de police qui se présentèrent sur les lieux accompagnés de MM. Miguel Barrantes Castro et Arturo Portela, employés de la Compagnie. Pour justifier leur intervention, les agents de l'autorité invoquèrent le motif signalé plus haut, à savoir, l'ordre du Président de la République interdisant toute réunion syndicale n'ayant pas été autorisée au préalable par la Compagnie.
    2. 93 Dans sa communication en date du 24 septembre 1965, le gouvernement reproduit un rapport de l'inspecteur général de la sûreté relatif aux faits allégués dans la première communication des plaignants. Il ressort de ce rapport que la réunion tenue dans la plantation no 601e 19 mars 1965 a été effectivement dissoute par les autorités du district de Corredores en vertu des instructions en vigueur, mais que les mesures disciplinaires voulues ont été prises afin de punir les agents subalternes de l'autorité qui ne s'étaient pas conduits correctement dans l'exercice de leurs fonctions. C'est ainsi que l'un des membres de la patrouille a fait l'objet d'un transfert et que les autres ont été sévèrement rappelés à l'ordre.
    3. 94 Quant aux faits dénoncés dans la deuxième communication des plaignants, le gouvernement déclare que, selon le rapport de l'inspecteur général de la sûreté, les réunions des 7 et 8 juillet ont également été dissoutes étant donné qu'elles étaient organisées dans les plantations de la Compagnie bananière, ce que cette dernière a interdit depuis plusieurs années déjà, et que les autorités ont agi sur la demande expresse des représentants de la Compagnie. Le gouvernement fait savoir que, bien qu'il n'approuve pas l'attitude de la Compagnie, qui interdit l'organisation de réunions syndicales dans ses propriétés, il ne peut intervenir directement pour imposer une volonté contraire à celle des propriétaires. Il ajoute que si les pouvoirs publics agissaient ainsi, ils enfreindraient la législation qui, notamment, protège le droit de propriété. Le gouvernement déclare que, par conséquent, la Compagnie bananière est « seule responsable de la limitation injustifiée des libertés syndicales qui a été dénoncée ».
    4. 95 En ce qui concerne ces allégations, le Comité tient à rappeler, que, précédemment, lorsqu'il a examiné les cas nos 239 et 379, relatifs à Costa Rica, il a formulé certaines conclusions au sujet d'allégations analogues présentées par diverses organisations syndicales costariciennes. Lorsqu'il a examiné le cas no 379 dans son quatre-vingt-unième rapport, il a fait observer que la situation actuelle serait que, dans les plantations de la Compagnie bananière de Costa Rica, les réunions syndicales, sans distinction entre les réunions publiques et les réunions tenues dans des maisons privées, sont interdites et ne peuvent avoir lieu sans l'autorisation préalable de l'entreprise. Dans le rapport en question, le Comité a estimé qu'il serait de la plus grande utilité que les hautes autorités judiciaires du pays aient l'occasion de se prononcer sur la portée du droit de réunion accordé par la Constitution nationale lorsqu'on se trouve en face de situations telles que celles qui sont l'objet du présent cas. Le Comité rappelle, en particulier, qu'à la suite de l'examen du cas no 239 par le Comité, le Conseil d'administration a signalé au gouvernement l'importance qu'il attache au droit des travailleurs des plantations de tenir des réunions syndicales et lui a suggéré l'opportunité d'adopter des règles précises sur ce qu'il faut entendre par réunion publique et par réunion privée, en attirant en même temps son attention, étant donné la situation particulière des travailleurs des plantations, sur l'importance qu'il attache au principe énoncé par la Commission de l'O.I.T du travail dans les plantations à sa première session (Bandung, décembre 1950), selon lequel les employeurs des travailleurs des plantations devraient mettre à la disposition des syndicats de ces travailleurs des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux à usage de bureaux et la liberté d'accès.
    5. 96 Se fondant sur les éléments qui lui ont été soumis dans le présent cas, le Comité constate que la situation ne semble pas s'être modifiée.
    6. 97 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de rappeler au gouvernement, ainsi qu'il l'a déjà fait antérieurement à diverses reprises dans des cas concernant Costa Rica, l'importance qu'il attache au droit des travailleurs des plantations de tenir sur place des réunions syndicales, d'exprimer la préoccupation que lui cause le fait que les recommandations formulées antérieurement à l'adresse du gouvernement au sujet de divers cas analogues ne semblent pas avoir abouti à l'adoption de mesures concrètes visant à rendre ce droit effectif et de prier le gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il aura adoptées ou qu'il envisagera d'adopter à cet effet.
  • Allégations relatives au congédiement de dirigeants syndicaux et de syndiqués et à l'immixtion patronale dans les affaires internes du Syndicat
    1. 98 Dans leur communication du 10 juillet 1965, les plaignants allèguent en outre qu'au mois de février 1965 le SITRACOBA a demandé un congé sans rémunération pour MM. Luis Pérez Madrigal, Victor Barrantes Gamboa et Juan Rafael Montes Cárdenas afin de leur permettre d'assister à un cours de formation d'éducateurs ouvriers qui devait avoir lieu à Porto Rico du 1er au 8 mars 1965. Selon les plaignants, la Compagnie ayant refusé d'accorder le congé demandé le syndicat décida néanmoins d'envoyer les syndicalistes en question assister au cours, pour lequel ils avaient obtenu une bourse, et continua d'insister auprès de la Compagnie pour obtenir l'autorisation, mais celle-ci maintint son refus et congédia les intéressés en se dégageant de toute responsabilité. Le SITRACOBA ajoute que la Compagnie a continué de licencier des membres du Syndicat. Le 9 juillet 1965, elle aurait congédié M. Orlando Quesada González, contrôleur du Comité exécutif central dudit syndicat, dans l'intention de désagréger le Comité en question; une pression aurait été exercée sur M. Belforth Quesada Rojas pour qu'il renonce à ses fonctions de secrétaire chargé des procès-verbaux et de la correspondance, et trente représentants syndicaux et trois cents affiliés auraient été licenciés comme mesure de répression contre le syndicat, y compris vingt syndicalistes ayant participé au premier cycle d'études pour la formation de dirigeants syndicaux qui avait été organisé dans la zone des bananeraies par l'Institut centre-américain d'études syndicales.
    2. 99 Le gouvernement répond à ces allégations dans sa communication du 25 octobre 1965 en déclarant que l'octroi de congés en général, et en particulier dans le cas de travailleurs ayant obtenu une bourse, dépend des clauses du contrat de travail ou des pratiques suivies en vertu de ce contrat, de sorte que si l'employeur refuse d'accorder un congé dans de tels cas, le gouvernement ne peut intervenir légalement pour exiger l'octroi du congé. Il ajoute que les relations de travail sont des relations de caractère privé et que, par conséquent, il doit s'abstenir et s'abstient de toute intervention tant que le minimum de garanties fixé par le Code du travail et les lois connexes et complémentaires est respecté. Le gouvernement signale en outre que la législation du travail de Costa Rica ne contient aucune disposition interdisant le licenciement de travailleurs syndiqués, même s'il s'agit de dirigeants syndicaux, mais qu'un projet de loi sur cette question est actuellement à l'étude. Enfin, le gouvernement déclare que, à condition qu'elle paie l'indemnité prévue par la loi en cas de congédiement, une entreprise peut licencier n'importe quel travailleur, qu'il soit syndiqué ou non, sans que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale puisse l'en empêcher. Aux termes de l'article 82 du Code du travail, tout travailleur congédié sans motif légitime a droit, en sus du salaire afférent au délai de congé et de l'indemnité de congédiement, à une indemnité fixée à un mois de salaire à titre de dommages et intérêts. Le gouvernement relève que cette disposition a pour effet pratique d'éviter dans une certaine mesure que des dirigeants syndicaux ne soient congédiés ouvertement en raison de leur qualité ou sous un prétexte quelconque.
    3. 100 L'article 1 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui a été ratifiée par Costa Rica, dispose, à son paragraphe 1, que « les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi » et, à son paragraphe 2, qu'« une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de: a) subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat; b) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail ».
    4. 101 Or, en ce qui concerne l'allégation relative au congédiement de MM. Luis Pérez Madrigal, Victor Barrantes Gamboa et Juan Rafael Montes Cárdenas, qui, selon les plaignants eux-mêmes, s'absentèrent de leur travail sans le consentement de l'employeur afin de participer à un cours de formation d'éducateurs ouvriers, le Comité, considérant les dispositions du paragraphe 2 b) de l'article 1 de la convention (no 98) reproduites ci-dessus, et tout en reconnaissant qu'il est souhaitable d'une manière générale que les travailleurs désireux de suivre de tels cours se voient accorder des facilités, estime que le congédiement effectué dans des circonstances telles que celles du présent cas no semble pas constituer en soi une violation de la liberté syndicale et recommande par conséquent au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    5. 102 Quant aux allégations relatives au licenciement par l'entreprise de M. Orlando Quesada González, contrôleur du Comité exécutif central du SITRACOBA, de trente représentants syndicaux et de trois cents affiliés, licenciement qui, selon les plaignants, aurait constitué une mesure de répression contre le syndicat, le Comité constate que, dans sa réponse, le gouvernement n'a ni confirmé ni démenti ce licenciement. Toutefois, d'après les observations fournies par le gouvernement, le Comité croit comprendre qu'il n'existe pas actuellement dans la législation de dispositions protégeant les travailleurs contre tout congédiement motivé par leur affiliation syndicale ou leur participation à des activités syndicales, exception faite des dispositions prévues en général à l'article 82 du Code du travail en cas de congédiement sans motif légitime, mais qu'un projet de loi sur cette question est actuellement à l'étude.
    6. 103 Pour les raisons mentionnées au paragraphe 102, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il convient d'attacher aux dispositions de l'article 1 de la convention no 98, qui a été ratifiée par Costa Rica; de prendre note des indications fournies par le gouvernement, selon lesquelles un projet de loi en la matière est actuellement à l'étude; d'exprimer l'espoir que des dispositions appropriées visant à protéger les travailleurs contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi seront mises en vigueur dans les plus brefs délai possible, et de porter ces conclusions à la connaissance de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
    7. 104 En ce qui concerne l'allégation des plaignants selon laquelle une pression aurait été exercée sur M. Belforth Quesada Rojas afin qu'il renonce à ses fonctions de secrétaire chargé des procès-verbaux et de la correspondance du syndicat, le Comité constate que le gouvernement n'a pas fait état de cette allégation dans sa réponse. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir faire parvenir ses observations à ce sujet dans le plus bref délai possible.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 105. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) pour ce qui est des allégations relatives à l'intervention des autorités et de représentants patronaux dans des réunions syndicales, de rappeler au gouvernement, ainsi qu'il l'a fait antérieurement à diverses reprises dans des cas concernant Costa Rica, l'importance qu'il attache au droit des travailleurs des plantations de tenir sur place des réunions syndicales; d'exprimer la préoccupation que lui cause le fait que les recommandations formulées antérieurement ne semblent pas avoir abouti à l'adoption de mesures concrètes visant à assurer l'exercice du droit précité à tous les travailleurs des plantations et de prier le gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il aura adoptées ou qu'il envisagera d'adopter à cet effet;
    • b) pour ce qui est de l'allégation relative au congédiement de MM. Luis Pérez Madrigal, Victor Barrantes Gamboa et Jean Rafael Montes Cárdenas, de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 101 ci-dessus, que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
    • c) pour ce qui est des allégations relatives au congédiement de dirigeants syndicaux et de syndiqués, d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il convient d'attacher aux dispositions de l'article 1 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui a été ratifiée par Costa Rica; de prendre note des indications fournies par le gouvernement, selon lesquelles un projet de loi en la matière est actuellement à l'étude; d'exprimer l'espoir que des dispositions appropriées visant à protéger les travailleurs contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi seront mises en vigueur dans le plus bref délai possible, et de porter ces conclusions à la connaissance de la Commission pour l'application des conventions et recommandations;
    • d) pour ce qui est de l'allégation selon laquelle une pression aurait été exercée sur M. Belforth Quesada Rojas afin qu'il renonce aux fonctions qu'il exerce au sein du Syndicat, de prier le gouvernement de bien vouloir faire parvenir ses observations à ce sujet dans le plus bref délai possible;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les observations demandées au gouvernement à l'alinéa d) du présent paragraphe.
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