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  1. 56. La plainte de la Fédération consultative des employeurs de Saint-Kitts est contenue dans une communication en date du 22 mai 1965, adressée directement à l'O.I.T. Le 13 décembre 1965, le gouvernement du Royaume-Uni a fourni des observations élaborées par le gouvernement de Saint-Christophe-Nevis-Anguilla.
  2. 57. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; il a déclaré que leurs dispositions étaient applicables sans modification à Saint-Christophe-Nevis-Anguilla, dont l'île de Saint-Kitts fait partie intégrante.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 58. Les plaignants déclarent que des négociations annuelles se tiennent entre l'Association des producteurs de sucre de Saint-Christophe (association d'employeurs affiliée à la fédération plaignante) et le Syndicat des travailleurs de Saint-Kitts-Nevis, dont la date est généralement fixée par le syndicat de manière à avoir lieu peu de temps avant la période des récoltes.
  2. 59. Au début de 1965, après s'être déroulées plusieurs semaines durant, les négociations n'étaient pas terminées car le Syndicat demandait une augmentation générale des salaires dans l'industrie sucrière que l'Association estimait ne pas pouvoir accorder. Le syndicat a refusé de procéder à la récolte, dont dépend l'économie de l'île. La position de l'Association était que la récolte soit effectuée ou du moins commence pendant que le différend serait porté devant les instances d'arbitrage; le Syndicat a toutefois refusé. Il est allégué que le syndicat aurait proposé que le Fonds de stabilisation des prix soit utilisé pour que soit versée à la fin de l'année 1965 une prime de 3 pour cent aux travailleurs du sucre, l'Association a refusé, estimant qu'il n'y avait pas de justification à cela et que ce serait en outre une utilisation impropre du Fonds.
  3. 60. Il est allégué que, le 13 mars 1965, sans consultation préalable avec l'Association et sans même lui faire connaître son intention, « le Premier ministre (qui est aussi le vice-président du Syndicat des travailleurs de Saint-Kitts-Nevis) déposa au Conseil législatif un projet de loi destiné à imposer exactement ce que le syndicat n'avait pas réussi à obtenir par la négociation », projet de loi qui a été promulgué le jour même.
  4. 61. Les plaignants expliquent que le système de paiement par l'industrie qui a mis sur pied le Fonds de stabilisation des prix résulte à l'origine d'un accord volontaire ultérieurement régularisé par une ordonnance de 1947; depuis cette date, des contributions annuelles basées sur le nombre de tonnes de sucre produites ont été versées au Fonds par les producteurs. Le Fonds correspond à une part du prix du sucre destinée à constituer une réserve de sécurité en cas de baisse sérieuse des prix sur le marché du sucre. Normalement, suivant les règles établies, le Fonds se serait réparti en de telles circonstances de la manière suivante: 65 1/8 pour cent aux plantations, 22 1/2 pour cent aux fabriques et 12 3/8 pour cent à titre de prime aux travailleurs des plantations. Il est allégué que la nouvelle ordonnance détourne la totalité de la contribution des employeurs au Fonds pour 1965 et 1966 au profit du paiement d'une prime de 3 pour cent aux travailleurs du sucre.
  5. 62. Aux yeux des plaignants, ces événements s'inscrivent en violation des conventions applicables à Saint-Christophe-Nevis-Anguilla et, en particulier, des articles 3 et 4 de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, comme de l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  6. 63. Les plaignants se déclarent profondément inquiets devant «une situation dans laquelle les termes et conditions d'emploi qui sont demandés par un syndicat, si déraisonnables soient-ils, peuvent être imposés aux employeurs par voie de législation - situation qui menace toujours de se produire lorsque les ministres du gouvernement sont en même temps des chefs syndicalistes ». Ils disent craindre, après les déclarations faites par les ministres, que de tels recours à la législation ne deviennent à l'avenir pratique courante, ceux-ci remplaçant la négociation collective, en violation de la convention no 98. A l'appui de leurs dires, les plaignants allèguent que le président du syndicat - qui est aussi ministre du gouvernement - aurait déclaré que le syndicat ne prendrait désormais pas le risque d'exposer ses revendications au Conseil d'arbitrage.
  7. 64. Le gouvernement de Saint-Christophe-Nevis-Anguilla déclare que les négociations annuelles de 1965 dans l'industrie du sucre se sont déroulées de la manière habituelle; un accord est intervenu sur la plupart des points; les négociations n'ont buté que sur le dernier point de la liste des propositions: une augmentation de salaire. On a abouti à une impasse au sujet d'une prime pour les travailleurs des fabriques et les interventions du commissaire au travail puis du ministre de l'Agriculture et du Travail se sont soldées par un échec. Parallèlement à la demande du syndicat, des discussions ont eu lieu avec le commissaire au travail portant sur une augmentation générale des salaires dans l'industrie du sucre. Selon le gouvernement, le Syndicat a alors accepté de limiter sa demande en vue d'une augmentation de salaire aux seuls travailleurs des plantations, mais l'Association a maintenu que c'était là une chose financièrement impossible.
  8. 65. Après plusieurs semaines d'impasse, le Premier ministre a proposé aux deux parties que le Fonds de stabilisation soit utilisé en vue de verser une prime de 3 pour cent aux seuls travailleurs des plantations et, en cas d'accord des parties sur cette suggestion, le Premier ministre s'est déclaré disposé à se mettre en rapport avec le secrétaire d'Etat en vue de l'utilisation du Fonds à cette fin. Le Syndicat a donné son accord, mais l'Association a fait valoir que ce serait là une utilisation impropre du Fonds. C'est alors que l'Administrateur a proposé qu'une somme égale soit prélevée sur le Fonds par les employeurs mais l'Association a refusé.
  9. 66. L'impasse s'étant confirmée jusqu'à ce que la situation devînt désespérée, le gouvernement a pris la mesure législative critiquée par les plaignants. Il se considère - l'utilisation du Fonds étant fixée par la législation - comme habilité à modifier si nécessaire cette législation pour faire face aux circonstances.
  10. 67. Le gouvernement déclare que la proposition d'utiliser le Fonds, solution qu'aucune des parties n'avait envisagée, émanait du Premier ministre en sa qualité de Premier ministre et que l'allégation contenue dans la plainte selon laquelle ladite proposition émanerait du Syndicat (voir paragr. 59 ci-dessus) a par la suite été reconnue par les plaignants comme étant sans fondement. Sur ce point, le gouvernement a fourni copie d'une lettre datée du 5 juillet 1965 adressée par les plaignants au Premier ministre, qui reconnaît le fait, mais n'en maintient pas moins que la source qui a inspiré la proposition reste évidente.
  11. 68. En conclusion, le gouvernement déclare que depuis la promulgation du texte incriminé, plusieurs conventions collectives ont été conclues, que les représentants des employeurs et des travailleurs ont été consultés avant la fixation des taux minima applicables aux employés de magasin, que les consultations se poursuivent, enfin, au sujet d'une projet de loi restreignant l'emploi des enfants. Le gouvernement considère donc qu'il applique les dispositions de l'article 3 de la convention no 84 et de l'article 4 de la convention no 98.
  12. 69. La présente affaire soulève deux questions qui, bien qu'étant liées, posent deux problèmes de principe distincts. L'une de ces questions a trait à la promulgation d'un texte législatif se rapportant à des points ayant fait l'objet de négociations collectives par un gouvernement qui a ratifié des conventions de l'O.I.T comportant l'engagement de promouvoir les négociations volontaires. La seconde question, dont la portée est beaucoup plus limitée, soulève le point de savoir s'il est convenable qu'un tel texte soit promulgué lorsque les dirigeants du syndicat intéressé dans les négociations collectives sont en même temps ministres du gouvernement.
  13. 70. Les plaignants se référent de manière spécifique à l'article 3 de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, qui dispose que « toutes mesures pratiques et possibles seront prises pour assurer aux organisations syndicales représentant les travailleurs intéressés le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d'employeurs », et à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui dispose que « des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ».
  14. 71. La raison pour laquelle a été invoqué l'article 3 de la convention no 84, qui vise à assurer le droit de négociation aux seules organisations de travailleurs, n'apparaît pas clairement. Etant donné les questions évoquées dans la plainte, cet article ne semble pas être pertinent.
  15. 72. En ce qui concerne l'article 4 de la convention no 98, il est allégué que cet article a été violé du fait que le gouvernement, à la suite de l'impasse à laquelle ont abouti de longues négociations, a promulgué un texte donnant suite aux revendications du syndicat. Poussé à l'extrême, ce raisonnement signifierait que dans presque tous les pays où, parce que les travailleurs ne sont pas organisés de manière suffisamment puissante pour obtenir un salaire minimum, une telle norme est fixée par voie législative, il y aurait violation de l'article 4 de la convention no 98. Une telle argumentation ne saurait être retenue. Il est vrai que les plaignants ont exprimé la crainte de voir le procédé devenir la règle dans l'avenir. Si cette crainte devait se révéler justifiée par le fait que le gouvernement adopterait une politique systématique consistant à accorder par voie législative ce que les syndicats n'auraient pas pu obtenir par la négociation, il conviendrait sans doute de revoir la situation. Il ne s'agit toutefois pour le moment que d'une supposition et le Comité ne saurait considérer l'unique cas qui s'est présenté comme apportant la preuve qu'il soit porté atteinte à l'article 4 de la convention no 98.
  16. 73. Les plaignants avancent également que de l'argent appartenant légalement aux employeurs en vertu d'un texte législatif antérieur a été détourné de sa destination normale en vue du versement d'une prime aux travailleurs en vertu d'un nouveau texte. Le Comité n'est pas appelé à se prononcer sur la correction de ce procédé.
  17. 74. Un point important est soulevé par l'allégation selon laquelle, le syndicat - dont le vice-président se trouve être également Premier ministre - ayant proposé qu'une prime soit versée aux travailleurs et cette proposition ayant été rejetée, le Premier ministre, en tant que parlementaire, a pris l'initiative de faire promulguer un texte législatif accordant la prime demandée. Dans la correspondance ultérieurement échangée entre le Premier ministre et l'organisation plaignante, toutefois, il est admis par cette dernière que cela n'était pas exact et que la proposition émanait du Premier ministre en sa qualité de Premier ministre.
  18. 75. Le Comité estime qu'il est hautement souhaitable, lorsqu'une personne ayant une fonction au sein d'une organisation de travailleurs ou d'employeurs se trouve être en même temps ministre du gouvernement, que cette personne veille avec le plus grand soin à ne pas donner ne serait-ce que l'impression qu'en sa qualité de ministre elle n'agit pas avec la plus stricte objectivité. Il semblerait qu'il soit particulièrement souhaitable qu'elle évite de prendre une position en sa qualité de syndicaliste sur des questions au sujet desquelles elle pourra être appelée à prendre des mesures en sa qualité de ministre. Etant donné cependant le fait admis par les plaignants quant à l'origine de la proposition visant au paiement d'une prime, le Comité ne saurait conclure que les principes de conduite mentionnés plus haut auraient été violés en l'occurrence.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 76. Dans ces conditions, pour les raisons indiquées aux paragraphes 71 à 75 ci-dessus et sous réserve de ce qui est dit aux paragraphes 72 et 75, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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