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Interim Report - Report No 103, 1968

Case No 503 (Argentina) - Complaint date: 27-DEC-66 - Closed

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  1. 187. Le comité a déjà examiné ce cas à ses sessions de mai et novembre 1967, à l'occasion desquelles il a soumis au Conseil d'administration des rapports intérimaires qui figurent, respectivement, aux paragraphes 231 à 265 de son quatre-vingt-dix-huitième rapport et 319 à 406 de son cent unième rapport. Ces deux rapports ont été approuvés par le Conseil d'administration.
  2. 188. Au paragraphe 406 de son cent unième rapport, le comité a présenté au Conseil d'administration un certain nombre de recommandations concernant divers aspects du cas dont quelques-unes avaient pour objet de demander au gouvernement certaines informations complémentaires. Après avoir été approuvées par le Conseil d'administration, ces recommandations ont été portées à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 24 novembre 1967.
  3. 189. Par une communication en date du 18 décembre 1967 de la mission permanente de la République argentine à Genève, le gouvernement a fourni certaines observations et des renseignements relatifs à quelques-unes des allégations restées en suspens. Dans le présent rapport, seuls seront examinés les points auxquels le gouvernement se réfère dans ladite communication.
  4. 190. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à la détention du dirigeant syndical Eustaquio Tolosa

A. Allégations relatives à la détention du dirigeant syndical Eustaquio Tolosa
  1. 191. A cet égard, conformément à la recommandation du comité qui figure au paragraphe 406, alinéa b), de son cent unième rapport, le Conseil d'administration a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles se poursuit la procédure engagée devant un juge des tribunaux ordinaires en ce qui concerne l'accusation portée contre M. Tolosa d'avoir enfreint l'article 1er de la loi no 14034. Il a pris note également du fait que, en attendant, M. Tolosa se trouvait toujours en détention préventive par ordre du juge chargé de l'affaire, ordre de détention confirmé par la Cour d'appel, et il a appelé l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe d'un jugement prompt et équitable, par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, et cela dans tous les cas, y compris lorsqu'un syndicaliste est accusé de délits politiques ou de droit commun que le gouvernement estime sans rapport avec ses fonctions syndicales.
  2. 192. Dans sa réponse du 18 décembre 1967, le gouvernement souligne que la rapidité de la procédure judiciaire constitue l'un des objectifs que poursuit sans relâche le Pouvoir judiciaire, considération qui s'applique sans aucun doute aux cas auxquels se trouvent mêlés certains dirigeants syndicalistes. Le gouvernement exprime de nouveau son intention de tenir le Comité de la liberté syndicale au courant de tous faits nouveaux pouvant survenir en relation avec la situation de M. Tolosa et de lui remettre une copie de la décision judiciaire dès qu'elle aura été prise.
  3. 193. Etant donné que les faits qui ont provoqué les poursuites judiciaires contre M. Tolosa ne sont pas sans rapport avec les activités syndicales et que l'intéressé se trouve en détention préventive depuis plus d'une année tandis que se poursuit l'instruction de la cause, le comité, comme il l'a toujours fait en pareil cas, souligne une fois de plus l'importance du principe mentionné au paragraphe 191 ci-dessus et recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer prochainement des possibilités qu'a M. Tolosa de passer bientôt en jugement sur le fond ou, à défaut, d'être remis en liberté.
    • Allégations relatives au conflit portuaire de 1966
  4. 194. Au paragraphe 406, alinéa c), de son cent unième rapport, le comité a soumis au Conseil d'administration les recommandations suivantes:
    • c) en ce qui concerne le conflit portuaire de 1966:
    • i) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle celui-ci n'a pas l'intention de maintenir indéfiniment le contrôle dont fait l'objet le Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins, mais qu'au contraire il s'efforcera de faire en sorte que ledit syndicat puisse fonctionner normalement à bref délai;
    • ii) d'exprimer l'espoir que les mesures nécessaires à cet effet seront prises aussi rapidement que possible et de demander au gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de l'évolution de la situation à cet égard;
    • iii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée au fait que, lorsqu'il existe des restrictions au droit de grève dans les services essentiels, ces restrictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, impartiales et expéditives, à tous les stades desquels les intéressés aient la possibilité de participer.
    • iv) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les mesures d'exception ont été levées et le travail est devenu tout à fait normal dans le port de Buenos Aires;
    • v) de demander, néanmoins, au gouvernement de bien vouloir répondre à l'allégation selon laquelle la majeure partie des travailleurs du port de Buenos Aires se sont trouvés sans emploi pour avoir agi en défense de leurs intérêts syndicaux.
  5. 195. Dans sa communication du 18 décembre 1967, le gouvernement, se référant au dernier point des recommandations reproduites au paragraphe précédent, déclare que, lors du conflit portuaire de 1966, le registre des travailleurs portuaires avait été clos et que, dès la fin du conflit, il avait été rouvert, et que tout travailleur avait entière liberté de s'y inscrire, sans qu'aucune exception fût faite à l'encontre de ceux qui avaient participé au conflit.
  6. 196. A cet égard, il convient de relever que les plaignants ont déclaré, à l'appui de leurs allégations, que la police et la force militaire étaient intervenues pour interdire l'accès au lieu de travail des travailleurs qui avaient décidé de reprendre leur tâche et que le gouvernement s'était efforcé d'imposer la participation de briseurs de grève au travail et de faire en sorte que ces derniers fussent inscrits sur le registre en priorité. Toujours selon les plaignants, le capitaine du port aurait proposé une répartition selon laquelle les travailleurs réguliers se seraient trouvés en minorité.
  7. 197. Par conséquent, il semblerait que si, comme le déclare le gouvernement, le registre des travailleurs du port est demeuré fermé pendant le conflit, et qu'ensuite il a été permis à tous les travailleurs, y compris à ceux qui avaient participé au mouvement, de s'inscrire librement une fois réglé ledit conflit, l'intention de discrimination syndicale que les plaignants attribuaient aux autorités n'a pas été mise à exécution.
  8. 198. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration, sans préjudice des autres conclusions qui figurent au paragraphe 406, alinéa c), du cent unième rapport du comité approuvé par le Conseil d'administration, de décider que les allégations selon lesquelles la majorité des travailleurs du port de Buenos Aires auraient été privés de leur emploi pour avoir agi de manière à défendre leurs droits syndicaux n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives aux mesures de suspension de la personnalité syndicale prises contre diverses organisations syndicales
  9. 199. Pour ce qui touche à diverses mesures de suspension de la personnalité syndicale prises contre des organisations syndicales, et pour les motifs indiqués aux paragraphes 352 à 378 de son cent unième rapport, le comité a présenté au Conseil d'administration les recommandations suivantes, qui figurent au paragraphe 406, alinéa d) ii) et iii), dudit rapport et qui ont été approuvées par le Conseil d'administration:
    • ii) en ce qui concerne les mesures de suspension de la personnalité syndicale, d'attirer une nouvelle fois l'attention du gouvernement... sur l'importance du principe énoncé à l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que l'Argentine a ratifiée, selon lequel les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
    • iii) de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si un recours formé en justice contre un arrêté suspendant la personnalité syndicale a un effet suspensif.
      • En outre, au sous-alinéa v), toujours sur la recommandation du comité, le Conseil d'administration a exprimé l'espoir que les mesures de suspension de la personnalité syndicale qui seraient toujours en vigueur seront levées dans un proche avenir et a prié le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de l'évolution de la situation à cet égard.
    • 200. Les recommandations reproduites au paragraphe précédent se fondaient sur certaines conclusions auxquelles le comité était parvenu en examinant d'autres cas antérieurs concernant l'Argentine. En effet le comité avait constaté, entre autres considérations, que dans ce pays, « du point de vue strictement syndical, le rôle imparti aux syndicats qui ne jouissent pas de la personnalité syndicale était extrêmement limité [et que] la distinction opérée par la loi entre organisations jouissant de la personnalité syndicale et organisations ordinaires se traduit, pour celles-ci, par une impossibilité de défendre les intérêts professionnels ». Le comité avait estimé que les organisations qui ne jouissent pas de la personnalité syndicale n'ont pas le droit d'organiser librement leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action.
  10. 201. A propos du cas no 308, concernant également l'Argentine, le comité a estimé z que la législation de ce pays permet l'adoption (par l'autorité administrative) de mesures ayant des effets immédiats semblables à la suspension ou à la dissolution par voie administrative, contrairement aux dispositions de l'article 4 de la convention no 87, que l'Argentine a ratifiée. Le comité a déclaré que, « pour que le principe énoncé à l'article 4 de la convention no 87 soit appliqué d'une manière appropriée, il ne suffit pas que la législation reconnaisse le droit de recourir contre les décisions de suspension ou de dissolution prises par une autorité administrative, mais qu'il est nécessaire que lesdites décisions ne commencent à porter effet que lorsqu'elles n'ont pas fait l'objet d'un recours dans les délais prévus par la loi ou qu'elles ont été confirmées par l'autorité judiciaire ».
  11. 202. Au paragraphe 375 de son cent unième rapport, le comité a rappelé que dans un rapport présenté par le gouvernement à l'O.I.T, conformément aux dispositions de l'article 22 de la Constitution, se trouvait reproduite une partie d'un jugement selon lequel « le recours en justice contre l'annulation de la personnalité syndicale a un effet suspensif [et] le syndicat dont la personnalité syndicale a été annulée conserve la personnalité tant que le recours en justice formé contre l'annulation en question n'a pas fait l'objet d'une décision ».
  12. 203. Tout en rappelant l'importance du principe énoncé à l'article 4 de la convention no 87, le comité a estimé qu'il serait très utile de savoir si cette interprétation est également applicable quand la personnalité syndicale a été suspendue par décision de l'autorité administrative, comme dans le cas des deux arrêtés de février et mars 1967 en vertu desquels la personnalité syndicale de diverses organisations avait été suspendue. Il a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de le renseigner à ce sujet (voir paragr. 199 ci-dessus).
  13. 204. Dans sa communication du 18 décembre 1967, le gouvernement répond que, bien qu'il n'existe pas de jurisprudence à cet égard, il est cependant admis qu'un recours formé en justice contre un arrêté « suspendant » la personnalité syndicale a le même effet suspensif que dans le cas d'une résolution qui « supprime » la personnalité syndicale.
  14. 205. Le comité prend note de cette déclaration du gouvernement, mais il estime que, s'il n'existe ni dispositions légales ni jurisprudence établie qui garantissent la possibilité d'obtenir une décision judiciaire avant que prenne effet la suspension de la personnalité syndicale, il doit exprimer de nouveau la préoccupation qu'il avait déjà manifestée à propos de ce pouvoir que la loi accorde à l'autorité administrative d'appliquer aux organisations syndicales des sanctions dont les effets sont équivalents à ceux de la suspension de l'organisation elle-même. Dans le cas présent, les informations disponibles semblent indiquer que les arrêtés auxquels se réfèrent les plaintes ont porté effet immédiatement.
  15. 206. Pour ces motifs, et étant donné qu'il ne semble pas s'être produit de modifications dans la situation des organisations dont la personnalité syndicale était suspendue au moment où le comité s'est réuni en novembre 1967, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de rappeler une fois encore à l'attention du gouvernement les considérations auxquelles se réfèrent les paragraphes 200 et 201 ci-dessus;
    • b) d'exprimer de nouveau l'espoir que les mesures de suspension de la personnalité syndicale prises en février et mars 1967 qui seraient encore en vigueur seront levées dans un proche avenir, et de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant des mesures qu'il aurait adoptées ou se proposerait d'adopter à cette fin.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 207. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne la détention du dirigeant syndical Eustaquio Tolosa, compte tenu de l'importance qu'il y a à ce qu'il ne soit pas porté atteinte aux principes essentiels de la liberté syndicale et, notamment, de l'importance du principe d'un jugement prompt et équitable, de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer au plus tôt des possibilités qu'a M. Tolosa de passer prochainement en jugement sur le fond ou, à défaut, d'être remis en liberté;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives au conflit portuaire de 1966, de décider, sans préjudice des autres conclusions qui figurent au paragraphe 406, alinéa c), du cent unième rapport du comité, que l'allégation selon laquelle la plupart des travailleurs du port de Buenos Aires ont été privés de leur emploi pour avoir agi de manière à défendre leurs intérêts syndicaux n'appelle pas un examen plus approfondi;
    • c) en ce qui concerne les allégations concernant les mesures de suspension de la personnalité syndicale de certaines organisations syndicales:
    • i) d'appeler de nouveau l'attention du gouvernement sur les considérations auxquelles se réfèrent les paragraphes 200 et 201 ci-dessus;
    • ii) d'exprimer de nouveau l'espoir que les mesures de suspension de la personnalité syndicale prises en février et mars 1967 qui seraient encore en vigueur seront levées dans un proche avenir, et de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant des mesures qu'il aurait adoptées ou se disposerait à prendre à cet effet;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport sur le cas lorsqu'il aura reçu les autres informations complémentaires demandées au gouvernement au paragraphe 406 du cent unième rapport et aux alinéas a) et c) du présent paragraphe.
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