ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Interim Report - Report No 116, 1970

Case No 520 (Spain) - Complaint date: 24-APR-67 - Closed

Display in: English - Spanish

  1. 194. Le comité a jugé utile et opportun d'étudier conjointement ces deux cas relatifs à l'Espagne, dont l'examen avait été ajourné lors de ses sessions de mai et de novembre 1969. En mai, le comité avait justifié cet ajournement en disant qu'il lui serait utile, pour l'appréciation des deux cas en question, de prendre connaissance du rapport final du groupe d'étude désigné par le Conseil d'administration en vue d'examiner la situation en matière de travail et en matière syndicale en Espagne. Le rapport définitif du groupe d'étude, daté du 31 juillet 1969, a été soumis au Conseil d'administration à sa 177ème session (novembre 1969).
  2. 195. En ce qui concerne le cas no 520, le comité avait déjà examiné, à sa session de février 1968, une des questions soulevées dans les allégations, à savoir celle qui avait trait à l'expulsion du territoire espagnol du représentant d'une organisation syndicale internationale. Les conclusions auxquelles le comité est arrivé à ce sujet figurent aux paragraphes 228 à 249 de son 103ème rapport, qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 171 me session (février-mars 1968).
  3. 196. Il reste à examiner diverses autres allégations qui font l'objet du cas no 520 et celles qui constituent le cas no 540. Ces allégations figurent dans diverses communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (en date des 24 avril, 5 et 29 mai, 15 juin, 31 octobre et 27 novembre 1967, 12 et 24 décembre 1968 et 11 avril 1969) et de la Confédération mondiale du travail (CMT) (en date des 9, 16 et 31 mai, 6 juin, 23 octobre et 7 novembre 1967, 12, 26 et 27 août 1968).
  4. 197. Le gouvernement a envoyé ses observations sur divers aspects des questions en litige par ses communications des 29 mai, 20 septembre et 9 décembre 1968, ainsi que du 14 novembre 1969.
  5. 198. Dans l'analyse ci-après, qui porte sur les allégations des organisations plaignantes et sur les observations du gouvernement, le comité tiendra compte de ce qui est dit dans le rapport du groupe d'étude lorsque cela sera pertinent.
  6. 199. L'Espagne n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

Allégations relatives à la condamnation de M. Evaristo Martinez pour propagande illégale et association illicite

Allégations relatives à la condamnation de M. Evaristo Martinez pour propagande illégale et association illicite
  1. 200. Par sa communication du 29 mai 1967, la CISL a fourni des informations détaillées sur le cas de M. Evaristo Martinez, mineur pensionné, qui aurait été arrêté en septembre 1966 à Cenera (Oviedo) alors qu'il collait des papillons de l'Union générale des travailleurs (UGT) recommandant aux ouvriers de s'abstenir de prendre part aux élections syndicales. Selon l'organisation plaignante, le Tribunal de l'ordre public l'avait condamné, en janvier 1967, à une année de prison et à 10 000 pesetas d'amende pour propagande illégale, ainsi qu'à quatre mois de détention pour association illicite. Dans les considérants du jugement, il était précisé - selon la plainte - que M. Martínez était affilié à l'UGT, organisation déclarée hors la loi, à laquelle le tribunal aurait attribué le caractère de parti politique et des buts de subversion violente. Toujours selon la plainte, le tribunal aurait déclaré que les délits de propagande illégale (art. 251, al. 1 et 4, du Code pénal) et d'association illicite (art. 172, al. 3, et 174, al. 3 et 4, du Code pénal) étaient prouvés.
  2. 201. Le gouvernement a fait savoir, dans les observations qu'il a transmises par sa communication du 30 mars 1968, que l'intéressé avait été remis en liberté.
  3. 202. Le comité a fait remarquer que le groupe d'étude indique dans son rapport (paragr. 765), à propos des dispositions du Code pénal relatives à la propagande illégale, qu'en de nombreuses occasions, notamment lors de procès récents, on a assimilé à des faits de ce genre la possession ou la distribution d'exemplaires de manifestes ou de tout autre matériel de propagande, lancés par divers mouvements de travailleurs qui, conformément à la législation espagnole, sont illicites, dans lesquels ces groupements appelaient à la grève ou à des manifestations ou formulaient des revendications ouvrières, non sans faire allusion, dans quelques cas, à la situation économique ou politique. Le groupe d'étude relève également (paragr. 767) qu'on lui a signalé, au sujet de la propagande de caractère syndical, que les dispositions législatives en vigueur étaient parfois appliquées de manière très stricte. A cet égard, le rapport mentionne le cas d'un candidat aux élections de l'Organisation syndicale, en 1966, qui a été arrêté et inculpé pour avoir rédigé, fait imprimer et distribué des feuilles sur lesquelles figurait son programme, sans avoir satisfait aux exigences de la loi sur la presse et l'imprimerie (qui prescrit notamment le dépôt de tout imprimé, auprès d'un service officiel, avant sa distribution).
  4. 203. Pour en revenir au cas de M. Evaristo Martinez, qui a été examiné par le comité, l'organisation plaignante a fait valoir que le motif de la condamnation a été - pour ce qui est de la « propagande illégale » - le fait que M. Martinez avait collé des papillons de l'UGT invitant les travailleurs à s'abstenir de prendre part à certaines élections syndicales. De son côté, le gouvernement a indiqué, plusieurs mois plus tard, que l'intéressé se trouvait en liberté.
  5. Allégations relatives aux poursuites intentées contre huit membres de l'Union syndicale ouvrière pour association illicite
  6. 204. La CISL alléguait qu'en décembre 1966 des centaines de travailleurs avaient été arrêtés dans toute l'Espagne à la suite d'une série de conflits et de grèves à l'échelle nationale. Elle ajoutait que, selon les chiffres officiels, cinquante-huit travailleurs avaient été ainsi arrêtés et que l'on trouvait, parmi ceux-ci, des préposés à la liaison avec les syndicats, ainsi que des membres des comités d'entreprise élus par les syndicats. Selon l'organisation plaignante, ces représentants élus par les travailleurs « faisaient partie de l'Organisation syndicale officielle à son niveau le moins élevé et une grande partie d'entre eux étaient des militants des organisations syndicales et des groupements ouvriers créés par les travailleurs eux-mêmes, devant l'inefficacité de l'Organisation syndicale officielle ». La CISL alléguait que M. Eugenio Royo Errazquin ainsi que sept autres travailleurs dont les noms étaient cités dans la plainte avaient été arrêtés et que, le 3 janvier 1967, le juge du Tribunal de l'ordre public avait décidé de les poursuivre en justice. L'acte d'accusation précisait que les accusés étaient « membres de l'organisation syndicale dénommée Union syndicale ouvrière... qui, aux termes de ses statuts, déclare être une organisation syndicale libre et souveraine ». Selon l'organisation plaignante, le juge a considéré que ce fait revêtait le caractère de délit d'association illicite visé par les articles 172, alinéa 3, et 175, alinéa 4, du Code pénal. Les accusés ont été remis en liberté provisoire, sous caution de 5 000 pesetas.
  7. 205. Dans sa réponse, le gouvernement a indiqué que les personnes nommées par les plaignants ont été remises en liberté à la suite du procès en question.
  8. 206. Dans son rapport (paragr. 739 à 762), le groupe d'étude décrit les mouvements ouvriers qui, en Espagne, sont en marge de l'Organisation syndicale et qui, s'ils revêtent dans une plus ou moins grande mesure un caractère syndical, sont cependant illégaux d'après la législation espagnole. Après s'être référé aux dispositions du Code pénal relatives aux associations illicites, dispositions qui ont été fréquemment appliquées par des membres des mouvements en cause, le rapport indique (paragr. 762) que la conclusion généralement acceptée en la matière est que, quelle que soit la tendance d'un mouvement syndical qui se constitue ou prétend se constituer en marge de l'Organisation syndicale, ses membres sont passibles de peines d'emprisonnement et d'autres sanctions accessoires prévues par le Code pénal. Le groupe d'étude ajoute qu'il convient de signaler que, bien que les condamnations pénales se fondent parfois sur le non-respect d'exigences de forme, il semblerait que les mouvements en question ne pourraient se former sous l'empire de la législation générale en vigueur en matière d'associations et compte tenu, d'autre part, de la législation syndicale en vigueur.
  9. Allégations relatives à l'arrestation et à l'emprisonnement, en 1967, de travailleurs des Asturies pour réunion illégale et association illicite
  10. 207. Dans le paragraphe 5 de sa communication du 29 mai 1967, la CISL se référait aux poursuites intentées par le Tribunal de l'ordre public contre plusieurs personnes, ainsi qu'à l'arrestation et à l'emprisonnement de divers travailleurs. Elle déclarait que dix personnes avaient été poursuivies pour réunion illégale (art. 166, paragr. 1, et 167 du Code pénal) pour avoir organisé une réunion à laquelle avaient participé mille cinq cents mineurs pensionnés, près de Mieres (Oviedo). Les pensionnés avaient constitué une commission et présenté certaines revendications aux autorités. La réunion incriminée avait été convoquée - selon les plaignants - afin que la commission puisse rendre compte de sa gestion. En mai 1967, le ministère public avait requis des peines de quatre mois à quatre années de prison pour Aurelio González López et les neuf autres travailleurs cités dans la plainte.
  11. 208. La CISL alléguait, au paragraphe 6 de la même communication, qu'entre décembre 1966 et février 1967, selon les informations fournies par la presse espagnole, trente-huit syndicalistes avaient été arrêtés. A la suite d'une grève survenue au puits de Llamas, dans les Asturies, M. Manuel Alvarez Arin et sept autres membres nommés dans la plainte avaient été arrêtés, puis relégués dans le sud de l'Espagne. L'organisation plaignante affirmait que M. Angel Rojas Serrano et douze autres travailleurs, dont elle fournissait les noms, avaient été arrêtés à Barcelone, sous l'accusation d'association illicite, ainsi que MM. Angel García à Bilbao et Roberto Muñoz Jaboreno à Guadalajara « et de nombreux autres à Séville, à Madrid et dans la province de Guipúzcoa ».
  12. 209. Dans sa communication du 30 mai 1968, le gouvernement a fait savoir que toutes les personnes citées aux paragraphes 5 et 6 de la plainte avaient été mises en liberté.
  13. 210. Le comité fait observer que, dans son rapport, le groupe d'étude mentionne la question des réunions et manifestations en Espagne (paragr. 400 à 403 et 768 à 770) en précisant que le droit de réunion pacifique est réglementé par la loi du 15 juin 1880, qui est encore en vigueur. Chacun peut jouir de ce droit, à condition toutefois, lorsqu'il s'agit d'une réunion publique, d'en aviser préalablement l'autorité compétente. On entend par réunion publique celle qui doit grouper plus de vingt personnes et avoir lieu dans un immeuble distinct du domicile des personnes qui l'organisent. Les réunions publiques, défilés civils, cortèges et autres manifestations analogues ne peuvent avoir lieu dans les rues, places ou d'autres lieux de passage, sans l'autorisation écrite et préalable des autorités. La loi prévoit que l'autorité ordonnera la suspension ou la dissolution immédiate de toute réunion publique qui se déroulerait en violation des conditions prescrites, de toute réunion publique qui traiterait de questions autres que celles qui avaient été indiquées dans l'avis de convocation ou qui se déroulerait ailleurs qu'à l'endroit indiqué, de toute réunion qui entraverait la circulation et des réunions interdites par le Code pénal. En vertu de l'article 166 de celui-ci, ne sont pas considérées comme réunions ou manifestations pacifiques celles qui réunissent un nombre considérable de personnes porteuses d'armes, celles qui se tiennent en violation des dispositions de police de caractère général et celles qui sont organisées en vue de commettre un délit quelconque, ou au cours desquelles sont enfreintes les dispositions du Code pénal relatives à la sécurité intérieure de l'Etat, parmi lesquelles figurent celles qui ont trait à l'association illicite et à la propagande illégale. Le groupe d'étude cite quelques cas dans lesquels ces dispositions pénales ont été appliquées à l'occasion de manifestations ou de réunions de caractère syndical qui ont été considérées comme illégales.
  14. Allégations relatives à des mesures prises en 1967, en Biscaye, en vertu de l'état d'exception
  15. 211. Dans ses plaintes des 9 et 16 mai 1967, la CISL se référait à la suspension da certaines garanties en Biscaye, ainsi qu'aux mesures de détention et de relégation qui avaient été prises par les autorités.
  16. 212. La CISL alléguait, dans sa communication du 29 mai 1967, que les travailleurs de Biscaye, « répondant à l'appel de leurs organisations syndicales libres, qualifiées d'illégales par le gouvernement et par la loi », avaient effectué des arrêts du travail destinés à manifester leur solidarité avec les ouvriers de l'entreprise Laminación de Bandas, qui étaient en grève depuis le mois de novembre 1966. Selon l'organisation plaignante, les manifestations pacifiques furent brutalement réprimées par la police, de nombreux travailleurs étant arrêtés et torturés. En avril 1967, un groupe de prêtres de Bilbao avait adressé un manifeste aux autorités religieuses et civiles pour dénoncer la persécution, les arrestations, les tortures et les amendes arbitraires dont étaient victimes les dirigeants ouvriers. La CISL ajoutait que, les 13, 14 et 15 avril 1967, des arrêts du travail d'une heure ont eu lieu dans les principaux établissements industriels de Biscaye. En avril, le gouvernement avait décidé de suspendre dans cette région, pour une période de trois mois, les garanties relatives à la liberté de résidence, à l'inviolabilité du domicile et à la protection contre toute arrestation arbitraire. Environ trois cents travailleurs « appartenant à l'Union générale des travailleurs, organisation syndicale libre, ou à l'Union syndicale ouvrière et à la Solidarité des travailleurs basques » auraient été arrêtés. Il était dit en outre, dans la plainte, que beaucoup de ces travailleurs exerçaient des charges électives au sein de l'Organisation syndicale légalement reconnue. La CISL alléguait que M. Ramón Rubial avait été incarcéré à Cáceres et que quinze autres personnes, dont les noms étaient mentionnés, avaient subi le même sort en divers endroits d'Espagne. La plainte indiquait également les noms de nombreux travailleurs qui étaient détenus à la prison Larrinaga, à Bilbao. Dans les communications de la CISL (désormais CMT) du 31 mai et du 6 juin 1967, une liste des personnes arrêtées ou déportées était également donnée.
  17. 213. Dans sa réponse, le gouvernement signale que la suspension des garanties constitutionnelles dans une province ou une région est une prérogative des gouvernements, inscrite dans la quasi-totalité des textes constitutionnels et qui peut être exercée dans les cas prévus par la loi. Le décret du 21 avril 1967, précise le gouvernement, a été motivé par la nécessité de défendre l'ordre public et il ne saurait être considéré comme une mesure prise exclusivement contre les travailleurs, ni motivé par des raisons d'ordre syndical. L'état d'exception a été levé avant l'expiration des trois mois prévus. En conséquence, toutes les personnes citées comme ayant fait l'objet de mesures de déportation ont pu réintégrer leurs foyers, tandis qu'étaient mises en liberté celles qui, selon les allégations, avaient été signalées comme étant incarcérées à la prison Larrinaga à Bilbao.
  18. 214. Le comité fait observer que le groupe d'étude se réfère, dans son rapport (paragr. 1144 et 1145), à l'état d'exception proclamé en Espagne en janvier 1969 pour une période de trois mois et qui a duré deux mois. Le groupe d'étude, qui a visité l'Espagne pendant cette période, s'est laissé dire que la proclamation de l'état d'exception n'a jamais été un événement très exceptionnel dans les périodes antérieures de l'histoire d'Espagne et qu'elle est donc moins frappante qu'elle ne le paraît à l'opinion mondiale. Le groupe d'étude a pris note, sans commentaire, de cette déclaration, mais il ajoute que l'état d'exception, s'il s'était prolongé, aurait inévitablement influencé profondément les perspectives d'une évolution pacifique de la situation en matière de travail et en matière syndicale en Espagne. Il a en outre exprimé l'avis que cette situation ne pouvait évoluer d'une façon stable et satisfaisante que dans des conditions normales de légalité et assurant le plein exercice des droits et garanties.
  19. Allégations relatives à la dispersion des manifestations du 1er mai 1967
  20. 215. Dans sa plainte du 9 mai 1967, complétée par une note du 16 du même mois, la Confédération internationale des syndicats chrétiens (qui s'appelle maintenant la Confédération mondiale du travail) a formulé des allégations relatives à l'intervention des autorités en vue d'empêcher ou de disperser les manifestations de travailleurs le 1er mai 1967 dans plusieurs villes d'Espagne. Après la suspension de certaines garanties en Biscaye au mois d'avril, le gouverneur civil aurait déclaré qu'il appliquerait rigoureusement cette mesure. L'Alliance syndicale de Euzkadi (qui groupe la Solidarité des travailleurs basques, l'Union générale des travailleurs et la Confédération nationale du travail) a adressé un appel aux travailleurs en vue de manifester le 1er mai en un point déterminé de Bilbao. Entre le 22 avril et le 1er mai, de nombreuses arrestations ont été effectuées. A partir du 26 avril, la radio aurait diffusé la déclaration par laquelle le gouverneur civil informait la population que la manifestation était formellement interdite, qu'elle était illégale et qu'elle serait dissoute par la force publique par tous les moyens.
  21. 216. Selon la plainte, les autorités procédèrent à Bilbao à un véritable déploiement de forces afin d'empêcher la manifestation ouvrière. De même, des menaces de peines sévères auraient été proférées, à Saint-Sébastien, à l'encontre de ceux qui prétendaient manifester. Le 1er mai à midi, lorsque des groupes de travailleurs tentèrent de converger vers le lieu de la manifestation dans cette dernière ville, les forces de l'ordre effectuèrent les premières charges contre les manifestants, qui répondirent en lançant des pierres. Les incidents se seraient poursuivis jusqu'à la nuit en divers endroits de la ville et de nombreuses arrestations auraient été opérées.
  22. 217. D'autres manifestations auraient été dispersées par la force à Eibar, Victoria, Pampelune, Villafranca de Oria et Barcelone. Dans cette dernière ville, quatorze personnes auraient été arrêtées et déférées à la justice militaire.
  23. 218. De son côté, la CISL a allégué qu'il y avait eu des blessés à la suite de la répression des manifestations par la police, en particulier à Saint-Sébastien et à Valence; elle fournissait le nom des nombreuses personnes ayant été arrêtées à Sadabell, à Torre Baro et à Madrid (dans cette dernière ville, il s'agissait de MM. Luis Royo, Juan Bautista Goicoechea, Manuel Traba, Victor Martinez Conde, Julián Ariza et Marcelino Camacho). A Pampelune, on aurait arrêté notamment M. Francisco Vitas, président de la section sociale du Syndicat provincial des industries chimiques, vice-président du Conseil provincial des travailleurs et membre du Conseil national des travailleurs. La CISL a également fourni les noms de treize membres des « commissions ouvrières » qui auraient été arrêtés à Zarauz au cours d'une réunion, ceux de douze personnes ayant été appréhendées dans les Asturies sous l'accusation d'appartenir à l'Union générale des travailleurs (lesquelles auraient été condamnées à des amendes et incarcérées à la prison d'Oviedo) et, enfin, ceux de deux personnes, MM. Basilio Rodriguez et Avelino Ceballos, qui auraient été arrêtés sous l'accusation de distribuer des imprimés contenant de la propagande en faveur de l'UGT.
  24. 219. Le gouvernement a fait observer que, pour ce qui est des incidents s'étant « produits à l'occasion de réunions et de manifestations publiques », le droit de réunion et de manifestation publiques était réglementé en Espagne par la loi du 15 juin 1880, adoptée en vue d'appliquer l'article 13 de la Constitution de 1876. L'article 16 de la Charte des Espagnols (qui est le texte constitutionnel actuellement en vigueur) réglemente les droits en question, conformément à la loi susmentionnée.
  25. 220. Aux termes de l'article 3 de la loi précitée - poursuivait le gouvernement - l'organisation de réunions publiques, processions civiles, défilés et cortèges de même nature, dans les rues, sur les places ou les promenades, est subordonnée à l'autorisation préalable, donnée par écrit, des autorités mentionnées à l'article 1er de la loi. Comme ceux qui avaient prétendu organiser des manifestations dans diverses localités le 1er mai n'avaient pas obtenu l'autorisation des autorités compétentes, celles-ci ont appliqué la procédure prévue à l'article 5 de la même loi, qui a la teneur suivante:
  26. L'autorité fera suspendre ou disperser sur le champ:
  27. 1) Toute réunion tenue sans observer les conditions posées par cette loi. 2) Toutes celles qui, ayant été convoquées conformément aux dispositions de ladite loi, traitent de sujets non indiqués dans l'acte de convocation ou ont lieu en un endroit différent de celui qui était indiqué. 3) Celles qui, de quelque manière que ce soit, gênent la circulation sur la voie publique. 4) Celles qui sont définies et énumérées à l'article 189 du Code pénal. 5) Celles au cours desquelles il est commis, ou tenté de commettre, l'un quelconque des délits spécifiés au titre III, livre II, de ce même code.
  28. ......................................................................................................................................................
  29. 221. Quant à la manière employée pour disperser les manifestants - déclarait le gouvernement -, on peut assurer que les forces de sécurité espagnoles n'usent que de moyens considérés comme normaux dans d'autres pays (chiens, gaz, liquides, etc.) et que c'est seulement dans des cas rarissimes qu'elles peuvent faire usage de leurs armes, ainsi que le démontre le nombre extrêmement réduit, voire nul, de cas de blessures qui se produisent ordinairement à l'occasion de la répression de manifestations ou émeutes. Les autorités ont donc agi conformément aux dispositions d'une loi dont l'entrée en vigueur remonte à près de quatre-vingt-dix ans. Le fait que des ouvriers se soient trouvés à l'origine de ces manifestations et que celles-ci aient eu lieu le 1er mai n'implique aucun acte de discrimination et est sans rapport avec les droits syndicaux, étant donné que le même régime a été appliqué à n'importe quelle date et à n'importe quelle catégorie de citoyens. D'autre part, le gouvernement a signalé expressément que tous les citoyens mentionnés dans la plainte de la CISL avaient été remis en liberté.
  30. 222. Au sujet de ce dernier point, le comité fait observer que deux des personnes mentionnées plus haut, au paragraphe 218, soit MM. Julián Ariza et Marcelino Camacho, ont été interviewées, à la prison de Carabanchel (Madrid), par le groupe d'étude, durant sa visite en Espagne en mars 1969 (voir paragr. 59 de son rapport). Pour ce qui est du premier, il aurait fait l'objet de poursuites en rapport avec une autre allégation examinée plus loin (voir, en particulier, paragr. 230 ci-dessous).
  31. 223. Le comité fait remarquer que le groupe d'étude se réfère également aux manifestations du 1er mai 1967, à propos desquelles il signale dans son rapport (paragr. 770) qu'il a recueilli diverses informations sur le procès intenté, en vertu des dispositions du Code pénal, à des personnes qui y auraient participé dans la province de Guipúzcoa.
  32. 224. Quant à la dispersion de ces manifestations, le comité fait observer que le gouvernement justifie l'intervention de la police en indiquant que ceux qui prétendaient manifester n'avaient pas obtenu l'autorisation préalable, par écrit, exigée par la loi de 1880, qui contient des dispositions applicables aux réunions publiques. Ni les plaintes ni les informations fournies par le gouvernement ne permettent de déduire, d'une part, que cette autorisation a été demandée par les organisateurs des manifestations ou, d'autre part, que, s'ils avaient présenté une demande dans ce sens, celle-ci aurait été acceptée par les autorités. Il paraît cependant improbable que la manifestation convoquée à Bilbao par l'Alliance syndicale de Euzkadi, au sujet de laquelle le comité a reçu des informations plus précises, aurait pu avoir lieu au mépris de la législation en matière de réunions, étant donné le caractère de ladite alliance, qui est une organisation non reconnue par la loi. Du point de vue de la liberté syndicale, la question de principe soulevée par ces allégations dépasse la portée du droit de tenir des réunions syndicales, car elle est liée, de surcroît, à la question de l'illégalité des organisations de travailleurs constituées en marge de l'Organisation syndicale officielle.
  33. Allégations relatives à l'arrestation, pour des actes de protestation, de nombreux travailleurs dans diverses parties de l'Espagne en octobre 1967
  34. 225. La CISL a déclaré, dans un télégramme du 31 octobre 1967, que, depuis le 15 de ce mois, les autorités espagnoles avaient « arrêté arbitrairement des centaines de travailleurs » à Séville, à Madrid, en Catalogne et dans les Asturies, afin de prévenir l'action syndicale organisée par les « commissions ouvrières » et d'autres organisations syndicales non officielles pour protester contre la répression, l'augmentation des prix et l'insuffisance du salaire minimum, ainsi que pour demander la restauration des droits syndicaux fondamentaux, dont le droit d'organiser des syndicats libres et le droit de grève. En outre, la CISL affirmait que des travailleurs étaient continuellement condamnés par le tribunal de l'ordre public à de lourdes peines d'emprisonnement pour des activités syndicales relevant, selon la législation, de l'association illicite et de la propagande illégale.
  35. 226. Dans sa communication du 27 novembre 1967, la CISL a fourni les renseignements qui sont résumés ci-après. La décision prise par le Conseil des ministres, en septembre 1967, de faire passer le salaire minimum de 84 à 96 pesetas avait causé un malaise général chez les travailleurs espagnols, mécontents de la nette insuffisance de cette augmentation. Se fondant sur les chiffres avancés par un groupe d'employeurs, selon lesquels il fallait au moins 225 pesetas par jour pour couvrir les besoins minima d'un travailleur marié et père de deux enfants, les organisations syndicales clandestines avaient réclamé un salaire minimum de 250 pesetas. De leur côté, les sections sociales, le Conseil national des travailleurs et les conseils provinciaux des travailleurs, tous rattachés à l'Organisation syndicale officielle, avaient réclamé une augmentation substantielle. Dans des déclarations publiques, les dirigeants du mouvement syndical officiel parlaient d'un minimum de 125 pesetas par jour. L'augmentation décrétée par le gouvernement fut critiquée dans des résolutions de divers conseils provinciaux de travailleurs. Concurremment, les organisations syndicales libres réclamèrent des mesures efficaces contre la multiplication des licenciements et des fermetures d'usine, ainsi que contre la hausse des prix, et dénoncèrent la révocation « au cours des derniers mois » de plus de cinq cents dirigeants syndicaux élus pour assumer des fonctions au sein de l'Organisation syndicale.
  36. 227. Au début d'octobre - poursuivait la CISL -, divers syndicats libres clandestins annoncèrent une série de débrayages, de réunions dans les usines et de boycottages des transports à titre de protestation. Ces manifestations pacifiques se déroulèrent du 20 au 27 octobre; dès le 15 octobre, les autorités des diverses régions procédèrent à une série d'arrestations, qui se poursuivit après le 27 octobre. D'après des évaluations concordantes de la presse internationale et les chiffres donnés par la presse espagnole elle-même, environ mille cinq cents personnes furent appréhendées au cours de cette période. Beaucoup d'entre elles attendaient d'être jugées par le Tribunal de l'ordre public, mais il n'était pas possible de donner des listes complètes des détenus ni de dire combien d'entre eux feraient l'objet de poursuites.
  37. 228. A titre d'exemple, la CISL a fourni les noms de Antonio Briones et de quinze autres personnes détenues à Madrid; de Antonio Marti Benasanch et de neuf autres personnes, à Mataró; de Luis Maria Igartúa Dominguez et de onze autres personnes, à Victoria; de David Morin Salgado et de seize autres personnes, à Bilbao. En outre, elle mentionnait, sans indiquer de noms, les cas: de « vingt-six personnes détenues à Tarrasa », dont certaines devaient être déférées à la justice militaire; de « quatre personnes à Séville »; d'« une douzaine de travailleurs dans les Asturies, dont trois étaient accusés de propagande illégale et d'association illicite en raison de leur appartenance à l'Union générale des travailleurs ».
  38. 229. En réponse à ces allégations, le gouvernement a fait savoir que les personnes suivantes avaient été remises en liberté: MM. Antonio Briones, Manuel Traba, Luis Royo, Antonio Milar, Antonio Gallifa (qui, d'après la plainte, avaient été détenus à Madrid); José Riera Porta, Antonio Marti Benasanch, José Luis López Bulla (emprisonnés à Mataró, selon l'organisation plaignante); Luis Maria Igartúa Dominguez, Joaquin Ramos Valerio, Miguel Castillo López, Pablo Alda Fernández, José Ignacio Urtarán, Julio Arbosa Salazar, Luis Martinez Mendiluce (détenus à Victoria selon l'organisation plaignante), José Maria Cayuso Bermejo, Victor Suso Uribarri, Juan Antonio Zamora, Alberto Barcala, Emilio Méndez Ortiz, Félix Rogo de Celis, Teodoro Martin Muro et Dagoberto Simal Barrero (emprisonnés à Bilbao, selon la plainte).
  39. 230. D'autre part, le gouvernement a fait savoir que MM. Nicolás Sartorius et Julián Ariza (qui figuraient dans la liste, présentée par l'organisation plaignante, des personnes détenues à Madrid), ainsi que M. David Morin Salgado (Bilbao) avaient été traduits en justice. Il n'indiquait pas, en revanche, les délits dont étaient accusées ces personnes, ni le résultat des poursuites engagées contre elles.
  40. 231. Quant aux autres personnes mentionnées, le gouvernement déclarait manquer de données à leur sujet, celles qui figuraient dans la communication n'ayant pas été suffisantes pour permettre leur identification. A son avis, il n'était d'ailleurs pas exclu que les noms contiennent des erreurs de transcription.
  41. Allégations relatives à la condamnation de divers travailleurs pour propagande illégale, association illicite et réunions illégales
  42. 232. La CISL avait déclaré que le Tribunal de l'ordre public condamnait presque journellement des travailleurs pour activités syndicales. A Rentería (province de Guipúzcoa), on aurait arrêté en janvier 1967 et condamné en novembre, pour propagande illégale, José Maria Arana Mendinueta (à six mois d'emprisonnement), ainsi que dix autres personnes nommées dans la plainte (l'une à 5 000 pesetas d'amende et les autres à des peines de prison de trois mois, six mois ou une année et trois mois). A Eibar, les travailleurs suivants auraient été condamnés: José Luis López de la Calle, à deux ans de prison et 20 000 pesetas d'amende pour propagande illégale, et à quatre mois pour association illicite; Sabino Baztarrica Aréizaga, Manuel Calvo Gutiérrez, Juan Franco Bermejo et Claudio Plaza Morales, à des peines de quatre à six mois pour association illicite; Julio Eyara Balmaseda, à huit ans et six mois pour association illicite et propagande illégale; Napoleón Olasola Tabares, à quatorze ans et 20 000 pesetas, également pour association illicite et propagande illégale.
  43. 233. Les travailleurs asturiens jugés le 11 novembre 1967 et accusés de s'être réunis devant la Maison syndicale de Mieres (province d'Oviedo), le 28 juin 1967, ce qui leur a valu à tous une peine de prison de trois ou six mois pour réunion non pacifique, sont, selon la CISL, Manuel Fernández, Constantino Alonso, José Celestino González, Manuel Garcia, Manuel Alvarez, José Pérez, José Antonio González, Higinio González et Luis Bernaldo de Quirós.
  44. 234. Enrique Alonso Iglesias aurait été condamné le 24 octobre 1967 à six mois de prison et à une amende de 10 000 pesetas pour avoir distribué à Algésiras de la propagande de l'Union générale des travailleurs invitant la classe ouvrière à manifester le 1er mai 1967.
  45. 235. Dans ses observations transmises en date du 30 mai 1968, le gouvernement a déclaré que les faits rapportés par les plaignants sont exacts. Il ajoutait que les personnes condamnées par les tribunaux compétents l'avaient été pour des motifs qui ne pouvaient être qualifiés de syndicaux, étant donné que les décisions judiciaires les faisaient rentrer dans des catégories bien déterminées et distinctes, établies par le Code pénal.
  46. 236. Le gouvernement paraît donc confirmer que toutes les personnes mentionnées dans les allégations dont il s'agit ont été condamnées par le Tribunal de l'ordre public, qui semblerait avoir appliqué effectivement, aux personnes nommées dans la plainte, les peines alléguées.
  47. 237. Le gouvernement nie qu'il existe une relation quelconque entre ces condamnations et les activités syndicales. Pour leur part, les plaignants affirment, d'une manière générale, que la raison de l'application, dans ces cas, des dispositions pénales sur l'association illicite, la propagande illégale ou la réunion non pacifique a été l'exercice d'activités syndicales, plus concrètement, pour ce qui touche aux neuf travailleurs asturiens condamnés le 11 novembre 1967, la CISL indiquait que l'acte incriminé avait consisté en une réunion devant un local syndical et, à propos de la condamnation d'un travailleur le 24 octobre 1967; que le motif était la distribution de propagande d'une organisation de travailleurs qui invitait la classe ouvrière à manifester le 1er mai.
  48. Allégations relatives au procès intenté à onze syndicalistes basques
  49. 238. Dans une communication en date du 23 octobre 1967, la CISC (actuellement la CMT) signalait qu'une nouvelle atteinte à la liberté syndicale avait été commise par les autorités espagnoles. D'après elle, un procès aurait été intenté à Madrid, le 14 octobre, à onze syndicalistes basques d'inspiration chrétienne. Le procureur aurait requis: contre José Maria Lasagabaster, cinq années de prison et une amende de 50 000 pesetas; contre Antonio Carmendia et Segundo Iturralde, quatre années d'emprisonnement et 30 000 pesetas d'amende; contre José Ormaechea, trois années de prison et une amende de 20 000 pesetas; contre Francisco Iceta, Manuel Ormaechea et Manuel Lamariano, deux ans de prison et 15 000 pesetas d'amende; contre Saturnino Olariaga, Sabino Jáuregui et Eusebio Arriolabengoa, une année de prison et 10 000 pesetas d'amende, contre José Muñoz, trois ans de prison. Par une autre communication en date du 7 novembre 1967, la CISC précisait qu'après leur condamnation MM. Muñoz, Lamariano et Arriolabengoa avaient été acquittés. En revanche, les personnes suivantes avaient été condamnées: M. Lasagabaster, à quatre ans et deux mois de prison et à 30 000 pesetas d'amende; MM. Garmendia et Iturralde, à deux ans de prison et à 20 000 pesetas d'amende; M. José Maria Ormaechea, à un an de prison et à 15 000 pesetas d'amende; MM. Iceta, Manuel Ormaechea, Olariaga et Jáuregui, à six mois de prison et à 10 000 pesetas d'amende.
  50. 239. A ces allégations, le gouvernement a répondu que, parmi les personnes citées par la CISC, seuls restaient incarcérés MM. Lasagabaster, Garmendia, Iturralde et José Maria Ormaechea. Il ajoutait que les motifs invoqués par le tribunal pour ces condamnations avaient un caractère purement politique et étaient sans rapport avec des questions syndicales. Il a été démontré - poursuivait le gouvernement - que les intéressés avaient introduit et distribué en Espagne de la propagande clandestine contre le référendum national visant à approuver ou à repousser la loi organique de l'Etat, qui est le principal texte constitutionnel espagnol. Selon le gouvernement, les inculpés s'étaient livrés à des « activités subversives de caractère séparatiste, en leur qualité de membres ou de sympathisants du Parti national basque, qui est un parti illégal et qui, en aucune manière, ne peut être regardé comme étant spécifiquement ouvrier ».
  51. 240. Le comité fait observer que l'organisation plaignante a précisé la qualité de syndicaliste des onze personnes nommées dans ses allégations, mais non les motifs pour lesquels on pourrait considérer que les poursuites intentées contre elles avaient un rapport avec les activités syndicales. De son côté, le gouvernement, se référant à ceux qui ont été finalement condamnés, a fourni des informations assez précises sur les faits qui ont motivé leur condamnation et qui, à en juger par lesdites informations, dépassent nettement les limites normales des activités syndicales.
  52. Allégations relatives à l'arrestation, pour association illicite, des membres d'un « comité d'usine »
  53. 241. Dans un télégramme du 9 août 1968, confirmé par une déclaration en date du 12 du même mois, la CISC avait allégué que quinze travailleurs des chantiers navals de Sestao avaient été arrêtés le 22 juillet 1968. Le motif de l'arrestation aurait été la tenue de réunions, considérées comme illégales, par des travailleurs qui auraient constitué un « comité d'usine ».
  54. 242. Le gouvernement a transmis ses observations sur cette affaire dans une communication en date du 9 décembre 1968, où il indique que, le 27 juillet 1968, le juge de l'ordre public a ouvert l'instruction du cas no 569. Le 9 août, il a été décrété de poursuivre les personnes suivantes: Dionisio Allende Alcedo, Luis Obregón Adrián, Prudencio Pastor Castaños, Eduardo López Albizu, Julián Arribas Herrero, Antonio Velazco Arenaza, Constantino Andrés Martinez, Adolfo Saenz, Marcelino Campos Blanco, José Maria Lizarraga Fernández, Justiniano Barando Oteo, Jesús Echevarria Arenzana, Jaime San Sebastián López, Ignacio Goyoaga Sierra et Nicolás Redondo Urbieta. Ils étaient accusés d'association illicite. Tous avaient été laissés en liberté provisoire et la procédure se poursuivait.
  55. 243. Le comité fait observer que le groupe d'étude se réfère aux « comités d'usine » dans son rapport (paragr. 744 et 747). A ce sujet, le groupe d'étude relève que l'Union générale des travailleurs (UGT) a préconisé la constitution de comités de ce genre, formés, grâce à un système d'élection directe, par les travailleurs de l'unité respective et qui, à des moments déterminés et dans certains cas, semblent être parvenus à traiter avec la direction. La Solidarité des travailleurs basques (STV) préconise aussi la création de comités d'entreprise ou d'usine, en marge de l'Organisation syndicale.
  56. Allégations relatives au décret-loi sur le banditisme et le terrorisme
  57. 244. Par une communication du 26 août 1968, la CISC (CMT) a présenté des allégations concernant non seulement une mesure prise par le gouvernement en vue de remettre en vigueur certaines dispositions relatives à la poursuite des délits de banditisme et de terrorisme, mais encore les nouvelles qu'elle aurait reçues et selon lesquelles un certain nombre de citoyens auraient été déportés de la province de Guipúzcoa à Cordoue et à Cadix. Par une autre communication, en date du 27 août 1968, elle a soumis « une première liste de soixante-dix-huit citoyens qui, le 17 août 1968, se trouvaient incarcérés dans la prison de Saint-Sébastien », en indiquant les localités où auraient été déportées plus tard un certain nombre d'entre elles. Ces arrestations, ainsi que d'autres, auraient eu pour motif la mort d'un commissaire de police, mais la CISC allègue que « la police ou les ordres qu'elle reçoit sont totalement arbitraires, puisque des personnes d'une parfaite honorabilité figurent sur la liste des détenus ».
  58. 245. Les observations du gouvernement sur cet aspect de la question figurent dans une communication en date du 20 septembre 1968. Selon le gouvernement, l'organisation plaignante soulève, dans ses communications des 26 et 27 août 1968, deux questions complètement nouvelles, qui ne peuvent aucunement être considérées comme relevant de la compétence du Comité de la liberté syndicale. Pour ce qui est de la première de ces communications, le gouvernement déclare qu'il s'agit d'un commentaire sur les effets que peut avoir, pour les travailleurs espagnols, l'application du décret-loi sur le banditisme et le terrorisme, sans que soit signalé aucun cas précis dans lequel ces conséquences éventuelles se seraient produites. Le gouvernement a exprimé l'espoir que le Comité de la liberté syndicale comprendrait que « le gouvernement espagnol n'est pas du tout disposé à discuter à propos de réclamations fondées sur des hypothèses et qui reflètent uniquement les opinions de la CISC sur la législation décrétée par lui, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels ».
  59. 246. En ce qui concerne les allégations contenues dans la plainte du 27 août 1967, le gouvernement a déclaré que « l'affaire concerne des arrestations qui ont eu lieu dans la province de Guipúzcoa pour des activités de l'ETA, organisation terroriste séparatiste de caractère entièrement politique ». Comme le montre la liste des personnes arrêtées qui était jointe, poursuit le gouvernement, « il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, de travailleurs, et il est facile de déduire que le motif de ces arrestations n'a rien à voir avec des questions de travail ». Et il ajoutait ceci: « La CISC peut penser ce qu'elle veut des affaires politiques espagnoles; toutefois, notre gouvernement estime qu'il n'est en aucune manière obligé de lui fournir des explications lorsqu'il s'agit d'affaires qui ne relèvent en rien de sa compétence et qui concernent des délits ressortissant entièrement au droit pénal commun. »
  60. 247. Compte tenu de la réponse du gouvernement au sujet des allégations relatives au décret-loi sur le banditisme et le terrorisme, ainsi qu'aux arrestations et aux déportations qui ont eu lieu dans la province de Guipúzcoa en août 1968, il convient de signaler, à propos du décret-loi en question, que, dans une affaire précédente qui concernait l'Espagne, le comité a examiné certaines allégations qui lui avaient été présentées au sujet de quelques dispositions de ce texte (sur la rébellion militaire), qui pouvaient avoir un rapport avec certains aspects de la liberté syndicale. A cette occasion, compte tenu des allégations et des observations formulées par le gouvernement, le comité avait abordé la question, en particulier dans ses 56ème et 60ème rapports. Le comité rappelle que le gouvernement avait relevé que le décret en question ne serait pas applicable aux grèves motivées uniquement par des revendications professionnelles et ne comportant aucun élément de rébellion. Dans le cas présent, la brève allégation de l'organisation plaignante n'a pas été appuyée par des informations suffisamment précises pour justifier un nouvel examen de la mesure législative en question, du point de vue de l'exercice des droits syndicaux. Quant au comportement prétendument arbitraire de la police, les informations soumises au comité sont formulées en termes généraux et paraissent soulever des questions en rapport avec les droits de l'homme, mais elles n'ont pas non plus été appuyées par d'autres informations précises sur les relations existant entre ces mesures et les droits syndicaux.
  61. 248. Le comité relève que le groupe d'étude fait mention, dans son rapport (paragr. 771 à 775), du décret du 21 septembre 1960, dont l'article 2 - qui avait été abrogé en 1963, mais remis en vigueur en 1968 - considère comme des délits de rébellion militaire une série d'actes déterminés, comme la diffusion de nouvelles fausses ou tendancieuses en vue de troubler l'ordre public, la participation à des réunions ou des manifestations visant le même but, les lock-out, les grèves, les sabotages et d'autres actes analogues, lorsqu'ils ont une fin politique ou perturbent gravement l'ordre public. Le groupe d'étude signale que, selon les informations qu'il a recueillies, le décret n'a pas été appliqué dans les affaires ayant trait à des questions de travail ou à des questions syndicales, sauf dans un cas concernant un conflit collectif.
  62. Allégations relatives à l'arrestation de divers membres de l UGT, en 1968 et en 1969
  63. 249. Par un télégramme en date du 12 décembre 1968 et une communication du 24 du même mois, la CISL avait signalé l'arrestation, à Bilbao, de MM. Ramón Rubial, Eduardo López Albizu, José Augustin Serrano, Salustiano Sola, Agustin Alday, Aurelio Revilla, Pablo Chueca, Luis Tellaeche, Eusebio Virto, Enrique Alonso Iglesias, José Luis Echave Asensio et Pablo Iglesias. Elle protestait contre l'application constante de « mesures antisyndicales ».
  64. 250. Dans sa communication du 11 avril 1969, la CISL indiquait que, durant l'état d'exception, des centaines de syndicalistes avaient été arrêtés et que de nombreuses autorités espagnoles avaient profité des circonstances pour intenter de multiples poursuites contre des militants « du fait de leur appartenance à des syndicats libres et démocratiques et de leur affiliation à des comités d'entreprise élus par les travailleurs, en marge du syndicalisme officiel, pour défendre leurs intérêts ». A titre d'exemple, la CISL joignait une photocopie d'un acte judiciaire daté du 17 février 1969 (affaire urgente 148/69), ordonnant la mise en détention provisoire des personnes suivantes, membres de l'Union générale des travailleurs (UGT) « affiliée à la Confédération internationale des syndicats libres »: Santiago Tapia, Juan José Berrocal, Adolfo Jiménez, José Luis Echave Asensio, Eduardo López Albizu, Gregorio Illoro, Nicolás Martinez, Arturo Agüero, Ignacio Muñoz. A en juger d'après ce document, ces personnes étaient accusées d'association illicite (art. 172, 173 et 174 du Code pénal), d'appartenir à l'UGT et, pour quatre d'entre elles, d'appartenir également aux « Jeunesses socialistes ».
  65. 251. Dans sa communication du 14 novembre 1969, le gouvernement précise que les personnes qui, selon l'organisation plaignante, ont été arrêtées à Bilbao, en décembre 1968, l'ont été parce qu'elles étaient « impliquées dans des activités contraires à l'ordre public ». Le gouvernement signale que le Tribunal de l'ordre public les a laissées en liberté provisoire, mais il indique que M. Eduardo López a fait l'objet de poursuites pour une deuxième affaire et qu'il a été emprisonné le 17 février 1969, sous l'accusation d'association illicite.
  66. 252. Il ressort de ces éléments que M. Rubial et d'autres syndicalistes arrêtés à Bilbao en décembre 1968 ont recouvré leur liberté, bien qu'il semble que les poursuites engagées contre eux continuent. En revanche, il paraît, à en juger d'après les informations fournies par l'organisation plaignante et par le gouvernement, que deux de ces personnes, MM. José Luis Echave Asensio et Eduardo López Albizu, ainsi que d'autres membres de l'UGT, ont fait l'objet d'une mesure de détention préventive en février 1969.
  67. Allégations relatives au licenciement de syndicalistes arrêtés
  68. 253. Dans sa communication du 11 avril 1969, la CISL a signalé que « de nombreuses entreprises, agissant de connivence avec les autorités, procèdent au licenciement, sous prétexte qu'ils ne se présentent pas à leur poste de travail conformément aux dispositions de la loi sur le contrat de travail, de syndicalistes démocrates qui ne peuvent le faire en raison de leur arrestation et de leur mise en accusation pour des délits prévus par la loi sur l'ordre public ». Elle joignait une photocopie de la communication qui aurait été adressée à M. José Luis Echave Asensio, alors inculpé, par laquelle la Banque centrale (succursale de Bilbao) lui signifiait son congé. La CISL affirmait également que la direction d'une entreprise de Madrid, « après avoir facilité l'arrestation de quatre travailleurs, à savoir Juan Rodríguez Matobella, Antonio Ariza Sobrino et deux autres répondant aux noms de Echaniz et Lomichar, a adressé une communication auxdits travailleurs pour leur enjoindre de se présenter à leur poste de travail dans un délai de quarante-huit heures, sous peine de se voir congédiés ». Elle précise que M. Rodriguez Matobella obtint sa libération dans le délai en question et se présenta à son poste accompagné d'un notaire, mais qu'il n'en fut pas moins congédié.
  69. 254. Le gouvernement n'a pas encore envoyé ses observations relatives aux allégations mentionnées dans le paragraphe précédent.
  70. 255. Le comité fait observer que le groupe d'étude se réfère, dans son rapport (paragr. 181), à la question du licenciement pour absence au travail en raison de l'arrestation du travailleur. Le rapport signale que, dans ces cas, on applique la sanction prévue généralement dans les règlements intérieurs pour les absences de plus de trois jours. Conformément à une jurisprudence constante, le licenciement est justifié même si le travailleur est remis en liberté sans être poursuivi, faute de fondements légaux. Diverses personnes consultées par le groupe d'étude ont formulé des critiques à cet égard, déclarant qu'il était inconcevable de tenir pour justifié le licenciement d'un travailleur lorsqu'il n'a pas été possible d'établir l'existence de motifs valables pour son arrestation. Ils ont ajouté qu'à leur avis cette procédure est utilisée parfois par l'employeur pour renvoyer des travailleurs dont il veut se débarrasser arbitrairement. Le rapport cite également un jugement apparemment rendu en juillet 1969 et qui s'écarte de la jurisprudence, le juge ayant déclaré injustifiée la mesure de licenciement prise contre un délégué syndical qui avait été arrêté, puis remis en liberté sans jugement. Le juge indiquait que ce serait commettre une très grave injustice que de rendre le travailleur responsable d'une situation qu'il n'a pas provoquée par des actes volontaires.

Considérations générales du comité

Considérations générales du comité
  1. 256. Le comité constate, à la lumière des allégations des organisations plaignantes et des réponses du gouvernement, que les questions de principe, relatives à la liberté syndicale, soulevées par les diverses plaintes ont déjà fait l'objet d'un examen dans d'autres cas antérieurs concernant l'Espagne et à l'occasion desquels le comité a eu l'occasion d'exprimer son opinion au sujet de ces questions, compte tenu des règles qu'il a appliquées constamment dans des cas analogues.
  2. 257. Le comité constate également que le groupe d'étude a examiné, d'une manière générale et dans une perspective plus large, le même type de problèmes et qu'il a mentionné, dans son rapport, ce qu'il a observé à propos de ces problèmes.
  3. 258. De toutes les informations qui ont été soumises au comité, il ressort qu'il existe un élément commun en ce qui concerne les différents problèmes posés, à savoir que certaines activités syndicales des travailleurs sont considérées comme des délits par la législation espagnole. Les actes délictueux le plus souvent invoqués à ce sujet sont l'association illicite, la propagande illégale et la réunion illégale.
  4. 259. Le comité ne peut manquer d'exprimer ses préoccupations devant une telle situation. Il fait observer que le groupe d'étude a déclaré, dans son rapport (paragr. 1151), ce qui suit:
  5. Le groupe d'étude ne formule pas d'observation au sujet de cas dans lesquels quelques personnes ou de nombreuses personnes ont été jugées, par un tribunal indépendant et impartial, coupables d'actes dont le caractère criminel ressort clairement des principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées, ni de la participation à des mouvements séparatistes dirigés contre l'unité politique ou l'intégrité territoriale de l'Etat espagnol; mais l'emprisonnement en tant que peine pour ce qui, dans d'autres pays, serait considéré comme des activités syndicales légitimes, parce que de telles activités sont actuellement jugées illégales aux termes de la loi espagnole, soulève des questions d'une nature tout à fait différente. Ce sont des questions qui ont été d'une importance tellement capitale au cours de l'histoire du mouvement syndical dans de nombreux pays que beaucoup de ceux avec qui le groupe a eu des entretiens privés pendant sa visite en Espagne et toutes les sections du mouvement syndical international les considèrent comme fondamentales pour le développement d'un mouvement syndical authentiquement représentatif.
  6. ......................................................................................................................................................
  7. 260. Le comité rappelle qu'à sa session de mai 1967 il avait estimé, après avoir analysé l'invitation du gouvernement espagnol à désigner un groupe d'étude, qu'un examen, effectué par un tel groupe, de la situation en matière de travail et en matière syndicale en Espagne pourrait fournir une contribution utile à la réalisation, dans ce pays, des objectifs de l'OIT. Le comité tient à réaffirmer le voeu qu'il avait exprimé à l'époque et veut espérer que cette réalisation puisse intervenir effectivement et sans retard.
  8. Recommandations

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 261. Dans ces conditions, en ce qui concerne les deux cas pris dans leur ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
  2. 1) de prendre note du fait que les questions de principe, relatives à la liberté syndicale, que soulèvent les plaintes ont déjà été examinées dans d'autres cas antérieurs concernant l'Espagne, le Conseil d'administration ayant alors appelé l'attention du gouvernement, suivant en cela la recommandation du comité, sur l'importance de certains principes dont l'application était en rapport avec les allégations présentées à cette occasion;
  3. 2) qu'il attire de nouveau l'attention du gouvernement sur les points suivants:
    • a) toute mesure prise contre des travailleurs qui essaient de constituer ou de reconstituer une organisation professionnelle en marge de l'« Organisation syndicale » est incompatible avec le principe selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer, sans autorisation préalable, les organisations de leur choix;
    • b) la tenue de réunions et de manifestations à des fins syndicales est un aspect essentiel des droits syndicaux, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
    • c) le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, si bien que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d'opinion et d'expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales;
    • d) les mesures d'emprisonnement que peuvent décréter les autorités pendant un état d'exception comportent des possibilités d'abus, spécialement en ce qui concerne les activités syndicales, d'où la nécessité de les assortir de garanties judiciaires adéquates, applicables dans des délais raisonnables;
  4. 3) en ce qui concerne les diverses allégations spécifiques formulées:
    • a) de noter que, selon ce qui ressort des informations analysées, la plupart des personnes arrêtées et jugées pour association illicite, propagande illégale ou réunion illégale, mentionnées aux paragraphes 200, 204, 207, 208, 217, 218, 228 et 229, ainsi que les personnes détenues en vertu de l'état d'exception de 1967, auxquelles se réfère le paragraphe 212, semblent avoir été remises en liberté;
    • b) de prendre note que, d'après ces mêmes informations, les syndicalistes Julián Ariza et Marcelino Camacho, mentionnés au paragraphe 222, Nicolas Sartorius, Julián Ariza et David Morin Salgado, mentionnés au paragraphe 230, et les autres syndicalistes mentionnés aux paragraphes 242, 249 et 250 font l'objet de poursuites ou sont détenus, et de demander au gouvernement de bien vouloir communiquer la nature exacte des faits dont ils sont accusés, le résultat des poursuites engagées et la situation actuelle de ces personnes devant la loi;
    • c) de prier le gouvernement de bien vouloir envoyer ses observations au sujet des allégations relatives au licenciement de syndicalistes arrêtés, analysées au paragraphe 253;
    • d) de décider, pour les raisons mentionnées aux paragraphes 240 et 247, que les allégations relatives aux poursuites intentées contre onze syndicalistes basques et au décret-loi sur le banditisme et le terrorisme n'appellent pas un examen plus approfondi;
  5. 4) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement aux alinéas b) et c) du sous-paragraphe 3 ci-dessus.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer