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  1. 36. La plainte a été adressée directement à l'O.I.T par le Bermuda Industrial Union (B.I.U.) dans une communication en date du 7 juin 1967. Le plaignant a présenté des informations complémentaires dans une communication en date du 21 juillet 1967. Par une communication en date du 4 juillet 1967, la Confédération internationale des syndicats libres a déclaré appuyer cette plainte.
  2. 37. Les allégations portent sur certains actes du gouvernement des Bermudes et du Département des travaux publics (P.W.D.), dirigé par un organisme gouvernemental statutaire (le Conseil des travaux publics), qui exerceraient un contrôle sur l'Union of Government Industrial Employees (U.G.I.E.), feraient preuve de partialité en faveur de ce syndicat et auraient cherché à influencer indûment un vote secret réalisé parmi les employés du Département des travaux publics.
  3. 38. Le gouvernement a présenté ses observations à ce sujet dans une communication en date du 5 septembre 1967.
  4. 39. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, toutes trois applicables sans modification aux Bermudes.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 40. Le plaignant allègue qu'avant décembre 1966 un certain nombre d'employés du P.W.D étaient membres du B.I.U, malgré l'attitude antisyndicale des employeurs en général et la crainte que cette attitude provoquait chez les employés. Ce mois-là, un autre syndicat, l'U.G.I.E, aurait été constitué en secret et, deux jours après sa formation, avant même son enregistrement, il aurait été reconnu officiellement par le Conseil des travaux publics en tant que seul négociateur agréé. Le gouvernement aurait autorisé l'usage de ses locaux, pendant les heures de travail et à ses frais, pour tenir la réunion constituante de l'U.G.I.E. Il aurait aussi apporté son aide en transportant les ouvriers qui se rendaient à la réunion et en participant à leur recrutement d'une manière générale. Toutes ces activités, à l'époque, auraient été cachées aux sympathisants reconnus du B.I.U. Plusieurs employés n'auraient même pas été au courant de l'intention de former ce syndicat, et une déclaration établie dans ce sens, signée par six employés, accompagne la plainte. De nombreuses autres personnes se seraient affiliées à l'U.G.I.E par crainte car, allègue-t-on, elles avaient l'impression qu'elles seraient menacées dans leur emploi si elles n'adhéraient pas à la nouvelle organisation. Le plaignant se réfère à trois causes de cette crainte. Tout d'abord, il déclare que le travailleur, aux Bermudes, a vécu pendant trois cent cinquante ans dans une ambiance paternaliste et que la crainte de représailles et de manoeuvres d'intimidation est extrêmement répandue parmi les employés. En particulier, il allègue que la plupart des hommes parlent de leur contremaître comme du « patron » et qu'ils le considèrent donc comme une sorte de prolongement de la direction supérieure; or, depuis la fondation de l'U.G.I.E, la majorité de ses dirigeants ont été des contremaîtres. Deuxièmement, le plaignant se réfère au fait que l'U.G.I.E utilise un bâtiment du gouvernement comme siège officiel et fait usage du matériel de bureau du gouvernement, ce qui contribuerait à provoquer parmi les employés du Département des travaux publics une certaine crainte à l'égard de l'U.G.I.E. Enfin, il allègue qu'en 1963 deux employés du P.W.D, qui étaient aussi des dirigeants du B.I.U, ont été licenciés « pour des raisons insuffisantes ».
  2. 41. Lorsque le B.I.U, estimant que l'U.G.I.E n'était pas mandaté par les employés intéressés, demanda qu'un scrutin secret fût organisé pour déterminer quel syndicat avait la majorité et, par conséquent, était le mieux fondé à revendiquer des droits exclusifs de négociation, le P.W.D lui opposa un refus et continua ses pourparlers avec l'U.G.I.E. Après que le B.I.U eut protesté contre ce refus d'organiser un vote secret, les employés du P.W.D qui étaient affiliés à ce syndicat entrèrent en grève et de nombreux travailleurs de l'île se joignirent à eux par solidarité. Le 3 mai 1967, devant cette tension croissante, l'Assemblée recommanda au Conseil des travaux publics, qui accepta cette recommandation, d'organiser un scrutin secret parmi les employés du P.W.D. Les parties se réunirent sous la présidence du fonctionnaire chargé des relations du travail, se mirent d'accord sur les détails concernant l'organisation du vote et celui-ci fut fixé au 19 mai 1967.
  3. 42. Selon les déclarations du plaignant, l'Assemblée et le Conseil législatif adoptèrent le 9 mai 1967 un projet de loi qui mettait en vigueur un accord signé entre le P.W.D et l'U.G.I.E, lequel prévoyait une augmentation des salaires. Le B.I.U déclare qu'à son avis la mise en vigueur de cet accord, si peu de temps avant le vote, pouvait influer indûment sur les résultats du scrutin et que, par conséquent, il demanda au gouverneur de remettre son acceptation de la loi à une date ultérieure au vote. Le gouverneur refusa d'accéder à cette requête. Le jeudi 18 mai, soit la veille du scrutin, poursuit le plaignant, les employés du P.W.D reçurent les arriérés de salaire dus en vertu de l'accord signé par le P.W.D et l'U.G.I.E, ainsi que certaines primes. Ces paiements étaient accompagnés d'une feuille volante qui rappelait les termes de l'accord conclu avec l'U.G.I.E. Or, c'était le vendredi, et non le jeudi que tombait le jour de paie normal; ainsi, déclare le B.I.U, la décision de payer les arriérés et les primes le jeudi 18 mai plutôt que le vendredi 19 mai, soit après le vote, serait un exemple flagrant du désir d'influer indûment sur le résultat du scrutin.
  4. 43. Le plaignant présente ensuite diverses allégations concernant des irrégularités qui se seraient produites à l'occasion du vote et se réfère notamment à des tentatives faites par certains employés occupant des situations de responsabilité pour en influencer d'autres quant à la manière de voter. Le B.I.U précise qu'il ne se plaint pas de la manière dont le scrutin lui-même fut organisé, car il le fut sous la surveillance du fonctionnaire chargé des relations du travail, qui fit preuve d'impartialité et de souci de justice.
  5. 44. Le vote fut remporté par l'U.G.I.E, qui obtint 116 voix, contre 106 pour le B.I.U.
  6. 45. Le B.I.U protesta auprès du gouverneur des Bermudes contre les irrégularités qui auraient entaché le vote ainsi que contre les faits relevés au paragraphe 42 ci-dessus, mais ne parvint pas à obtenir satisfaction.
  7. 46. Se fondant sur les faits établis dans ses communications, le plaignant allègue que le gouvernement des Bermudes, tant en sa qualité d'employeur, par l'intermédiaire du Conseil des travaux publics, organisme gouvernemental statutaire qui gère le P.W.D, que dans son rôle de gouvernement (notamment en ce qui concerne les allégations formulées au paragraphe 42 ci-dessus) par l'intermédiaire du Conseil législatif et du gouverneur, a violé les principes de l'article 2 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  8. 47. Par sa communication du 5 septembre 1967, le gouvernement rappelle, en guise de commentaire général, que le P.W.D a été l'un des premiers services officiels à reconnaître l'importance de bonnes relations en matière de travail.
  9. 48. Le gouvernement procède ensuite à un examen critique de chacune des allégations précises formulées par le plaignant.
  10. 49. Le gouvernement nie que l'U.G.I.E ait été créé secrètement. Il indique que la question de la création éventuelle d'un nouveau syndicat avait été soulevée par les représentants des salariés à la Commission des relations professionnelles du P.W.D, mais que la direction avait conseillé aux employés de discuter cette question avec le fonctionnaire chargé des relations professionnelles. Celui-ci suggéra alors que l'on procédât à une enquête pour savoir si la formation d'un nouveau syndicat était nécessaire. Cette enquête révéla que le besoin s'en faisait sentir et le P.W.D décida alors que si le nouveau syndicat était créé et recueillait l'adhésion de 51 pour cent des salariés il serait reconnu aux fins de négociations collectives. Puisque cette question a été discutée pendant près de quatre mois, soit depuis qu'elle fut soulevée d'abord au sein de la Commission des relations professionnelles du P.W.D, il est extrêmement douteux, déclare le gouvernement, que des travailleurs n'aient pas eu connaissance de l'intention de créer ce nouveau syndicat.
  11. 50. En ce qui concerne l'aide qu'il aurait apportée à la formation de l'U.G.I.E, le gouvernement reconnaît que le P.W.D a donné à ses employés l'autorisation de se réunir pendant les heures de travail et dans les installations gouvernementales, et qu'il assura le transport des travailleurs désireux d'assister à la réunion. Il relève qu'aucun fonctionnaire administratif ou exécutif du département n'était présent à l'assemblée. Il estime que cette assistance n'avait rien de répréhensible.
  12. 51. Le gouvernement déclare que la papeterie et le matériel de bureau du gouvernement n'ont été utilisés qu'une fois par l'U.G.I.E, soit pour reproduire un avis en dehors des heures de travail. Quant à l'allégation que le siège officiel de l'U.G.I.E se trouverait dans des bâtiments dépendant du gouvernement, celui-ci déclare que, selon la loi, tout syndicat doit fournir une adresse pour se faire enregistrer et que, lorsque l'U.G.I.E préparait sa demande d'inscription, le Conseil des travaux publics lui a accordé l'autorisation d'indiquer comme adresse le « Government Quarry ». Le gouvernement ajoute qu'il existe un précédent en la matière, car une association de fonctionnaires publics a utilisé l'adresse d'un bureau du gouvernement à des fins d'inscription; la mesure prise alors par le conseil ne serait donc nullement anormale.
  13. 52. Quant à l'allégation selon laquelle deux dirigeants du B.I.U auraient été licenciés par le P.W.D en raison de leurs activités syndicales, le gouvernement affirme que l'un d'eux fut renvoyé pour voies de fait contre son contremaître et l'autre, un chauffeur, pour n'avoir pas signalé un accident dans lequel il avait été impliqué. Le gouvernement déclare, en outre, que rien ne permet d'affirmer que les employés du P.W.D aient craint des représailles au cas où ils décideraient de se syndiquer.
  14. 53. Le gouvernement déclare que la décision de reconnaître l'U.G.I.E comme seul agent de négociations collectives s'est fondée sur l'examen des registres de ce syndicat, qui ont montré que le nombre de ses affiliés s'élevait à 69 pour cent du personnel du P.W.D. Il déclare, de plus, que le B.I.U a refusé de présenter ses registres au Conseil des travaux publics pour permettre à celui-ci de reconnaître son importance au sein du P.W.D. Quant à son refus d'accorder un vote secret, le gouvernement précise qu'il était conforme à la politique suivie en pareil cas, selon laquelle « il n'est pas nécessaire de procéder à un vote au scrutin secret pour reconnaître un syndicat qui représente une forte majorité des travailleurs d'un département lorsque ce fait ne saurait être mis en doute ». Le gouvernement indique, en outre, qu'il a appliqué la même politique à l'égard des travailleurs des postes, en octobre 1966, ce qui eut pour résultat la reconnaissance du B.I.U dans cette branche d'activité.
  15. 54. Le gouvernement expose ensuite les circonstances qui ont entouré la décision prise de payer le jeudi 18 mai 1967, plutôt que le jour suivant, les arriérés de salaire et les primes dus aux employés du P.W.D. Selon la procédure normale, déclare-t-il, les arriérés de salaire sont payés aussitôt que l'octroi des fonds nécessaires a été décidé par le Conseil législatif et approuvé par le gouverneur. C'est par pure coïncidence que les fonds sont devenus disponibles la veille du scrutin secret. Le directeur des travaux publics, poursuit le gouvernement, a proposé de surseoir au règlement jusqu'au lendemain, mais il reçut l'ordre de procéder à ces paiements le jeudi. Lorsque le B.I.U fit une démarche auprès de lui, le gouverneur estima également qu'il ne convenait pas de modifier la procédure normale sur la demande de ce syndicat. Le gouvernement déclare en outre que c'est le B.I.U lui-même qui était responsable de l'ajournement du vote au 19 mai 1967. Le scrutin aurait pu avoir lieu avant même que la loi soit présentée au Conseil législatif, si le B.I.U l'avait désiré.
  16. 55. Le gouvernement rejette ensuite les allégations selon lesquelles des irrégularités auraient été commises au cours du scrutin lui-même et on aurait tenté d'influer indûment sur le résultat du vote. Il déclare que toutes les protestations ont fait l'objet d'une enquête et qu'elles se sont révélées entièrement dépourvues de fondement. Le gouvernement répond séparément et en détail à chacune des allégations. En ce qui concerne l'une des plus sérieuses, le gouvernement affirme que, « dès qu'elle fut formulée sur place, le président du Conseil des travaux publics a invité tous les salariés à s'avancer sans crainte de discrimination ou d'intimidation et à déclarer sous serment si l'ingénieur mécanicien avait essayé d'influencer leur vote. Cette invitation n'a provoqué aucune réaction. »
  17. 56. Le gouvernement déclare enfin qu'il n'accepte pas l'allégation selon laquelle il aurait exercé une influence indue ou aurait adopté une attitude qui puisse prêter à critique et qu'il n'y a pas eu violation de la convention no 98.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 57. Tout en reconnaissant que les plaignants ont pu donner certaines indications d'où il semblerait ressortir que le gouvernement aurait accordé certaines facilités à un syndicat par rapport à un autre, le comité estime néanmoins que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes tendant à démontrer qu'il y aurait véritablement eu en l'occurrence une violation des droits syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 58. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    • Genève, 9 novembre 1967. Roberto AGO, président.
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