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Definitive Report - Report No 112, 1969

Case No 528 (Morocco) - Complaint date: 09-JUL-67 - Closed

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  1. 97. La présente affaire a déjà fait l'objet de deux rapports intérimaires de la part du comité, contenus respectivement aux paragraphes 250 à 286 de son cent troisième rapport et aux paragraphes 246 à 275 de son cent cinquième rapport. Le premier de ces rapports a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 171ème session (février-mars 1968), le second à sa 172ème session (mai-juin 1968).
  2. 98. Le cas comportait trois séries d'allégations: allégations relatives à la grève du mois de juillet 1967; allégations relatives à l'arrestation et à la condamnation de M. Mahjoub Benseddik, secrétaire général de l'Union marocaine du travail (UMT) et président de l'Union syndicale panafricaine; allégations relatives à des mesures prises à l'encontre du journal L'Avant-garde, organe de l'UMT.
  3. 99. Les deux premières séries d'allégations ayant fait l'objet, de la part du comité, de conclusions définitives, il n'y sera pas revenu dans les paragraphes qui suivent. En ce qui concerne la dernière série d'allégations, le comité a recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement certaines informations complémentaires.
  4. 100. Depuis la session du mois de mai 1969 du comité, à l'occasion de laquelle celui-ci a présenté au Conseil d'administration son cent cinquième rapport, le Directeur général a reçu sur les questions soulevées dans l'affaire dont il s'agit des communications émanant de cent onze sections locales de l'UMT. Le Directeur général a reçu en outre quatre communications émanant de l'UMT en tant que telle.
  5. 101. Par une communication en date du 11 février 1969, complétée par une communication du 14 avril 1969, le gouvernement a fait parvenir les informations complémentaires qui lui avaient été demandées.
  6. 102. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié, par contre, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à des mesures prises à l'encontre du journal L'Avant-garde, organe de l'Union marocaine du travail
    1. 103 Il était allégué que, depuis l'arrestation et la condamnation de M. Benseddik, la police, hors de toute légalité, aurait pénétré dans les locaux du journal de l'UMT, L'Avant-garde, et, sans explication, aurait détruit les formes et saccagé les plombs du journal en préparation, empêchant ainsi sa publication.
    2. 104 Le gouvernement n'ayant pas présenté ses observations sur cet aspect de l'affaire, le comité, à sa session de février 1968, avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir les fournir. Le gouvernement a donné suite à cette demande par une communication en date du 2 mars 1968.
    3. 105 Dans ses observations, le gouvernement déclarait que l'hebdomadaire L'Avant-garde, qui relève de l'UMT, n'était pas une publication purement syndicale « et se permet de ce fait de traiter souvent de questions n'intéressant nullement le sort des ouvriers ».
    4. 106 La conséquence de cet état de choses - poursuivait le gouvernement - est que le journal de l'UMT publie de temps à autre des articles de nature à troubler l'ordre public, ce qui motive les décisions prises à son encontre. Le gouvernement déclarait que ces décisions étaient du reste conformes aux stipulations de l'article 77 du Code de la presse, stipulations qui autorisent le ministère de l'Intérieur à saisir un journal et le Premier ministre à en interdire par décret la publication, chaque fois que ce journal porte atteinte aux institutions politiques, religieuses, etc., du Royaume.
    5. 107 Saisi du cas à sa session du mois de mai 1968, le comité a rappelé que, dans plusieurs affaires, lorsque des gouvernements avaient répondu à des allégations concernant l'interdiction ou la suspension de journaux syndicaux que les mesures prises l'avaient été parce que ces journaux avaient publié des articles séditieux ou de caractère antinational, le comité n'avait formulé ses recommandations au Conseil d'administration qu'après avoir eu devant lui les extraits des publications en cause, par lesquels les gouvernements justifiaient les mesures prises à l'encontre desdites publications, et il avait demandé aux gouvernements de lui fournir ces extraits lorsqu'ils ne l'avaient pas déjà fait en présentant leurs observations.
    6. 108 A sa session de mai 1968, le comité a en conséquence recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir les extraits de l'hebdomadaire L'Avant-garde qui, à ses yeux, avaient justifié les mesures prises contre cette publication en précisant la nature desdites mesures.
    7. 109 Cette recommandation ayant été approuvée par le Conseil d'administration, la demande d'informations qu'elle comportait a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 4 juin 1968.
    8. 110 Le gouvernement a fourni les informations qui lui avaient été demandées par une communication en date du 11 février 1969.
    9. 111 Cette communication consiste essentiellement en d'assez nombreux extraits du journal L'Avant-garde par lesquels le gouvernement entend démontrer que cet organe était sorti de son rôle de porte-parole syndical, justifiant ainsi, de la part des autorités, les mesures de saisie dont il a été l'objet.
    10. 112 Il ressort de la documentation fournie par le gouvernement que, bien que traitant de questions syndicales, l'hebdomadaire dont il s'agit a souvent abordé aussi des problèmes sortant du cadre proprement syndical. Il y est question, par exemple, d'une « mobilisation de l'appareil policier et militaire de l'Etat pour assurer aux Israéliens une victoire sur les Arabes du Maroc »; il y est question des « profiteurs de l'indépendance » qui « n'ont fait que remplacer les colons ou bien se sont associés à eux », de « la mainmise impérialo-sioniste sur l'appareil économique du pays », de « parlement fantoche », de « réaction dominée par le néo-colonialisme », de « liquidation de la cinquième colonne sioniste », de dénonciation de « l'appui apporté par le gouvernement marocain aux agents de l'impérialo-sionisme », etc.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 113. Le comité estime qu'il peut certes y avoir là une outrance dans le langage dont on ne saurait trop inciter les rédacteurs de publications syndicales à s'abstenir. Le rôle premier de telles publications devrait être de traiter dans leurs colonnes de questions intéressant essentiellement la défense et la promotion des intérêts des syndiqués et, plus généralement, du monde du travail. Cela posé, on se doit de reconnaître, cependant, que la frontière entre ce qui est politique et ce qui est proprement syndical est difficile à tracer avec netteté. Les deux notions s'interpénètrent en effet et il est inévitable et parfois normal que les publications syndicales comportent des prises de position sur des questions ayant des aspects politiques comme sur des questions strictement économiques et sociales.
  2. 114. Pour aussi malheureuses, voire déplacées, qu'elles puissent être, c'est dans ce contexte que les expressions relevées plus haut doivent en fait être situées.
  3. 115. Il n'en reste pas moins que le journal L'Avant-garde semble parfois, par ses allusions et ses accusations à l'encontre du gouvernement, avoir dépassé les limites admissibles de la polémique.
  4. 116. Néanmoins, il apparaît que les saisies opérées par le gouvernement revêtent un caractère quasi automatique puisque, selon les dernières informations des plaignants, L'Avant-garde a été saisie à soixante-dix-sept-reprises consécutives. Si l'on songe qu'il s'agit d'un hebdomadaire, la publication dont il est question aurait ainsi été empêchée de paraître depuis près d'un an et demi. S'il est possible d'admettre que la saisie occasionnelle d'une publication syndicale puisse trouver sa justification, l'attitude des autorités à l'encontre de L'Avant-garde, de par son caractère systématique, ne paraît pas en l'occurrence compatible avec le principe, maintes fois soutenu par le comité, selon lequel le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 117. A la lumière des considérations qui précèdent, le comité croit devoir recommander au Conseil d'administration:
    • a) d'appeler l'attention sur l'intérêt qu'il y a à ce que les responsables de l'élaboration de publications syndicales veillent à ce que ces publications ne dépassent pas les limites admissibles d'une polémique;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux;
    • c) d'exprimer l'espoir que tous les intéressés tiendront compte des observations contenues aux deux alinéas précédents de manière à permettre que la liberté de la presse syndicale puisse dorénavant s'exercer dans des conditions normales.
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