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Interim Report - Report No 105, 1968

Case No 531 (Panama) - Complaint date: 29-AUG-67 - Closed

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  1. 276. La plainte de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C.I.S.C.) a été représentée par plusieurs communications datées du 29 août, du 6 octobre et du 28 décembre 1967, et adressées directement à l'O.I.T. Ces communications ont été transmises au gouvernement, qui a envoyé ses observations en date du 1er avril 1968.
  2. 277. Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives au refus du gouvernement d'accorder la personnalité juridique à diverses organisations syndicales
    1. 278 Les plaignants font allusion à la création de quatre organisations syndicales, le Syndicat national des travailleurs de l'alimentation et des boissons, le Syndicat des employés de la société anonyme Tagaropulos, le Syndicat authentique des employés de commerce de David et le syndicat Union des travailleurs de l'huile et des travailleurs assimilés, auxquelles le gouvernement a refusé la personnalité juridique. Selon les plaignants, le gouvernement fonde son refus sur le fait qu'il existe déjà d'autres syndicats dans la même branche d'activité. Comme preuve de leurs allégations, ils communiquent le texte des arrêtés pris par le Pouvoir exécutif et font remarquer que ce texte ne mentionne pas les dispositions de la Constitution nationale ou du Code du travail qui justifieraient le refus du gouvernement. Ces arrêtés violeraient les normes internationales applicables à la liberté syndicale et l'attitude du gouvernement serait inspirée du désir d'empêcher le développement de la Fédération isthmienne des travailleurs chrétiens, organisation panaméenne affiliée à la C.I.S.C.
    2. 279 Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît avoir refusé l'inscription, en tant que personne juridique, du syndicat Union des travailleurs de l'huile et des travailleurs assimilés, du Syndicat de l'alimentation et des boissons, du Syndicat authentique des employés de commerce de David et du Syndicat des travailleurs de commerce de Panama. Ce refus ne tiendrait néanmoins pas à une politique antisyndicale, puisque le gouvernement a ratifié les conventions nos 87 et 98 et qu'il a, en 1967, accordé la personnalité juridique à dix-huit syndicats, dont il donne la liste dans sa réponse. Les arrêtés pris à l'égard des organisations syndicales qui n'ont pas obtenu la personnalité juridique sont actuellement soumis à l'examen de la Cour suprême de justice, qui doit se prononcer. C'est pourquoi le ministère du Travail, de la Prévoyance sociale et de la Santé publique a présenté à ladite cour un rapport où sont exposés les motifs des arrêtés en question. Le gouvernement reproduit dans sa communication quelques paragraphes dudit rapport.
    3. 280 Ce rapport fait état de l'article 67 de la Constitution panaméenne, qui permet au Pouvoir exécutif de recevoir ou de refuser l'inscription d'un syndicat. Cette inscription entraîne, pour l'organisation intéressée, l'octroi de la personnalité juridique. Le ministère fait remarquer que si la Constitution reconnaît le droit à la libre organisation, il ne s'ensuit pas que l'on doive procéder à l'inscription d'un syndicat du seul fait que la demande en est présentée conformément aux dispositions de la loi. Si l'Exécutif devait accorder la personnalité juridique à tout syndicat qui en ferait la demande selon les formes, on en arriverait à une prolifération désordonnée de syndicats, contraire à une saine politique syndicale de l'Etat. C'est pourquoi l'article 305 du Code du travail confère au ministre du Travail la faculté de développer le mouvement syndical, mais à condition que ce développement se fasse toujours de façon harmonieuse et ordonnée. L'expérience acquise en la matière à Panama montre que l'existence de deux syndicats ou davantage dans une même entreprise rend difficiles les relations professionnelles et crée des problèmes de représentation, par exemple pour les négociations collectives. Le ministère fait valoir que reconnaître un syndicat nouveau dans une entreprise où il en existe déjà un reviendrait à provoquer le développement d'un mouvement syndical sans ordre ni harmonie, ce qui serait contraire à la politique d'équilibre syndical que poursuit le gouvernement. C'est pour ces raisons, et par désir d'empêcher l'émiettement des syndicats, que l'on a refusé l'inscription, et par conséquent la personnalité juridique, aux organisations en cause. Le gouvernement ajoute qu'il n'a jamais eu l'intention d'entraver le développement du mouvement syndical affilié à la Fédération isthmienne des travailleurs chrétiens.
    4. 281 Le comité a pris bonne note du texte des divers arrêtés qui refusent l'inscription, en tant que personne juridique, aux syndicats mentionnés par les plaignants. Ces arrêtés reposent en substance sur la même argumentation que la réponse du gouvernement, notamment dans le cas où il existe déjà un syndicat dans la branche pour laquelle la nouvelle organisation syndicale sollicite sa reconnaissance. Les arrêtés invitent les demandeurs à fusionner avec les syndicats existants des diverses branches d'activité, afin de présenter un front commun et de contribuer à la stabilité sociale.
    5. 282 Le comité observe que les arrêtés mis en cause par les plaignants sont actuellement à l'examen devant la Cour suprême de justice, qui doit rendre sa décision. Or il y aurait intérêt à ce que, en de tels cas, le gouvernement et le plaignant aient connaissance du point de vue du comité à l'égard des arrêtés en question avant que la Cour se prononce, afin que le gouvernement puisse prendre des mesures qui reflètent l'opinion du comité. Le comité a déjà agi de la sorte à propos de certains projets de lois, se prononçant sur le fond avant même que soient adoptés les projets, étant donné que le gouvernement, à qui revient l'initiative en la matière, a la faculté de leur apporter d'éventuelles modifications.
    6. 283 A l'occasion de plusieurs cas antérieurs, le comité a fait remarquer que l'article 2 de la convention no 87 - ratifiée par Panama - prévoit pour les travailleurs et pour les employeurs le droit de constituer les organisations « de leur choix », ainsi que de s'affilier à ces organisations, et que cette disposition de la convention ne constitue en aucune manière une prise de position en faveur de l'unité ou de la pluralité syndicale. Il y a cependant lieu de considérer, d'une part, le fait qu'en bien des pays il existe plusieurs organisations entre lesquelles aussi bien les travailleurs que les employeurs peuvent choisir librement de s'affilier et, d'autre part, le fait que les travailleurs comme les employeurs peuvent créer des organisations différentes dans les pays où il n'existe pas une telle diversité. C'est-à-dire que si, aux termes de la convention, la pluralité syndicale n'est pas obligatoire, elle doit du moins rester possible en toutes circonstances, de sorte que toute pratique gouvernementale qui aboutit à « l'imposition » d'une organisation syndicale unique est contraire aux dispositions de l'article 2 de la convention no 87.
    7. 284 Néanmoins, étant donné les difficultés que crée en certains cas l'existence de plusieurs syndicats dans une même branche d'activité et pour une même catégorie de travailleurs, le comité a admis que la législation d'un pays établisse une distinction entre les organisations syndicales les plus représentatives et les autres. Une telle distinction ne doit pas avoir pour conséquence d'accorder aux organisations les plus représentatives - caractère qui découle notamment du nombre plus important de leurs affiliés - des avantages allant au-delà d'une priorité qui est dans certains pays accordée en matière de représentation aux fins de négociations collectives, de consultations par les gouvernements, ou encore en matière de désignation de délégués auprès d'organismes internationaux. Elle ne devrait pas non plus aboutir à priver les organisations syndicales non reconnues comme appartenant aux plus représentatives des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres et du droit d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action, prévu par la convention no 87.
    8. 285 En conséquence, le comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes exposés dans les paragraphes 283 et 284, en soulignant l'importance des normes énoncées à l'article 2 de la convention no 87 ratifiée par le Panama, et selon lesquelles les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations;
      • b) de prier le gouvernement de bien vouloir réexaminer son attitude en ce qui concerne le refus d'inscription des syndicats en question et adopter les mesures voulues pour que l'application de la législation respecte les normes précédemment citées et de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé à cet égard.
    9. Allégations relatives à la non-admission des syndicalistes dans les commissions de réforme du Code du travail
    10. 286 Les plaignants font savoir qu'en vue de la réforme du Code du travail le gouvernement a constitué en janvier 1967 trois commissions, sans consulter à cet égard les organisations syndicales représentatives du pays et sans qu'aucun représentant syndical fasse partie desdites commissions. La Fédération isthmienne des travailleurs chrétiens, la Fédération syndicale des travailleurs de la République de Panama et la Fédération nationale des travailleurs des transports ont donc constitué un comité, qui a demandé au vice-ministre du Travail et à l'inspecteur général du travail que les représentants syndicaux soient admis dans les trois commissions. Cette demande fut rejetée, ces hauts fonctionnaires la considérant de nature à gêner les travaux des commissions. Par la suite, un décret du gouvernement nommait aux commissions, pour y représenter les syndicats ouvriers, deux avocats et le chef du service de production d'une entreprise. Aucune organisation représentative des travailleurs n'a été consultée pour la nomination de ces personnes. Une nouvelle réclamation, adressée au ministre du Travail, de la Prévoyance sociale et de la Santé publique pour que trois représentants ouvriers soient admis aux commissions, est restée sans réponse. A la date de soumission de la plainte, soit le 6 octobre 1967, aucune centrale syndicale n'avait été informée des travaux de révision du code ni n'avait reçu le texte des avant-projets, à la préparation desquels avait collaboré un expert du B.I.T. Les plaignants jugent cette attitude du gouvernement contraire aux principes de l'O.I.T et nuisible aux bonnes relations entre les représentants syndicaux et les pouvoirs publics.
    11. 287 Le comité constate que le gouvernement, dans sa réponse, n'a fait aucune mention de cet aspect du cas. En conséquence, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir faire parvenir ses observations sur les faits allégués par les plaignants.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 288. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne le refus du gouvernement d'accorder la personnalité juridique à certaines organisations syndicales:
    • i) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes exposés aux paragraphes 283 et 284, en soulignant l'importance des normes énoncées à l'article 2 de la convention no 87 ratifiée par Panama, et selon lesquelles les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations;
    • ii) de prier le gouvernement de bien vouloir réexaminer son attitude en ce qui concerne le refus d'inscription des syndicats en question et adopter les mesures voulues pour que l'application de la législation respecte les normes précédemment citées, et de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé à cet égard;
    • b) en ce qui concerne la non-admission des syndicalistes dans les commissions de réforme du Code du travail: de prier le gouvernement de bien vouloir faire parvenir ses observations sur les faits allégués par les plaignants;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les observations complémentaires demandées au gouvernement.
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