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- 111. La plainte a été présentée dans une communication en date du 26 juin 1968 adressée à l'OIT par le Congrès des syndicats de Trinité-et-Tobago. Par une autre communication du 6 août 1968, l'organisation plaignante a fait parvenir des informations complémentaires. Le texte de chacune de ces communications a été envoyé au gouvernement, qui a fait part de ses observations par une lettre datée du 14 avril 1969. A sa session de tuai 1969, le comité a chargé le Directeur général d'obtenir du gouvernement certaines informations complémentaires sur des aspects spécifiques du cas. Le gouvernement a répondu à cette demande par une communication en date du 16 février 1970.
- 112. Trinité-et-Tobago a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 113. L'organisation plaignante demandait que le Comité de la liberté syndicale examine les allégations relatives à des violations de la liberté syndicale et exposées dans les observations détaillées que ladite organisation a formulées sur les rapports que le gouvernement, conformément à l'article 22 de la Constitution de l'OIT, a présentées sur l'application faite à Trinité-et-Tobago des conventions mentionnées au paragraphe 112 ci-dessus. A cet égard, il convient de signaler que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, dans son rapport présenté à la 53e session (1969) de la Conférence, indique dans une observation que, après avoir pris note des renseignements fournis par le gouvernement et des observations du Congrès des syndicats de Trinité-et-Tobago, elle a décidé de demander au gouvernement certaines informations complémentaires.
- 114. Dans le texte des observations communiquées au comité par le Congrès des syndicats de Trinité-et-Tobago sont formulées des critiques sur certaines dispositions précises des lois régissant la stabilisation dans l'industrie, l'administration civile, l'administration pénitentiaire, le service du feu et l'enseignement. Le gouvernement a fait part de ses observations détaillées sur tous les points soulevés dans la plainte et examinés ci-dessous.
- Allégations relatives à la loi de 1965 sur la stabilisation dans l'industrie (modifiée en 1967)
- a) Approbation des conventions collectives
- 115. Les plaignants allèguent que, selon cette loi, les conventions collectives doivent être approuvées par le ministre avant leur entrée en vigueur (art. 18 et 19) et que le tribunal du travail a faculté de s'ingérer dans les conventions collectives conclues entre les parties (art. 22, 23 et 24).
- 116. Le gouvernement fait remarquer qu'avant la promulgation de la loi de stabilisation dans l'industrie il n'existait pas, pour les conventions collectives, le système actuel d'enregistrement qui leur confère force de loi. De l'avis du gouvernement, la disposition (art. 18, al. 2) qui exige pour la convention une durée de validité fixée par accord entre les parties et non inférieure à trois ans ne porte atteinte ni au droit d'organisation ni au droit de négociation collective. Le gouvernement signale que, conformément à l'article 19, alinéa 3, une copie de la convention envisagée doit être présentée au ministre, pour que l'on puisse vérifier si la teneur est conforme aux conditions fixées à l'article 9, alinéa 2, et à la disposition relative à la durée minimum de validité. Certes, admet le gouvernement, on pourrait arguer que lorsqu'une convention est présentée au tribunal pour enregistrement le ministre pourra élever des objections; mais le tribunal doit, conformément à l'article 23, entendre les parties, et pourra soit enregistrer la convention sans amendement, soit y apporter, avec l'accord des parties, les amendements qu'il jugera nécessaires, soit refuser d'enregistrer la convention et renvoyer celle-ci aux parties pour de nouvelles négociations.
- 117. On peut donc voir, soutient le gouvernement, que les accords ne sont pas en réalité sujets à l'approbation du ministre, dont les objections relatives aux critères énoncés à l'article 9, alinéa 2, ou à la durée de validité doivent être présentées au tribunal.
- 118. Le comité fait observer que, aux termes de l'article 19, alinéa 3, le ministre, s'il considère que les critères en question sont respectés, notifiera son approbation aux parties. Au cas contraire, les parties pourront ou non modifier la convention avant de la présenter sous sa forme définitive au ministre avec la demande d'enregistrement, mais le ministre pourra formuler ses objections lors de la soumission de l'accord au tribunal aux fins déjà indiquées. L'article 24 dispose qu'une convention n'aura d'effet que si elle a été enregistrée par le tribunal conformément à la loi.
- 119. Parmi les huit considérations dont, conformément audit article 9, alinéa 2, le tribunal doit tenir compte figurent les suivantes: nécessité de maintenir à un niveau élevé la formation de capitaux nationaux en vue d'augmenter le taux de croissance économique et d'offrir de meilleures chances d'emploi; nécessité d'augmenter la production et d'assurer aux travailleurs une part de l'accroissement de la productivité dans les entreprises; nécessité d'établir et de maintenir une différence suffisante des taux de salaire fondés sur la qualification; nécessité d'assurer au gouvernement la possibilité de continuer à financer les programmes de développement dans le secteur public. Comme il ressort de ce même article, ces considérations sont des corollaires du principe énoncé dans la Constitution, selon lequel le système économique doit permettre de répartir les richesses matérielles de la communauté dans l'intérêt de tous.
- 120. Le comité a signalé dans des cas antérieurs l'importance qu'il attache au fait que le droit des syndicats à négocier librement les conditions de travail avec les employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et au principe selon lequel les syndicats devraient avoir le droit, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de leurs mandataires, et selon lequel aussi les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. De plus, l'article 4 de la convention no 98, ratifiée par Trinité-et-Tobago, dispose que « des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation la plus large de procédures de négociations volontaires de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler, par ce moyen, les conditions d'emploi ».
- 121. Dans certains cas, le comité a déjà eu à se prononcer sur des questions proches de celles qui sont évoquées dans le présent document, à examiner des législations qui prévoyaient l'approbation préalable des accords collectifs de la part des autorités avant leur entrée en vigueur, ces autorités ayant faculté de modifier ces conventions ou d'en refuser l'approbation pour des raisons de politique économique. Le comité avait estimé que de telles dispositions étaient contraires au principe de libre négociation énoncé dans la convention no 98.
- 122. Le comité a considéré que l'opposition au principe de l'approbation préalable des conventions collectives par le gouvernement ne signifie pas que des moyens ne puissent être mis sur pied en vue d'inciter les parties aux négociations collectives à tenir compte volontairement, dans leurs négociations, de considérations relatives à la politique économique et sociale du gouvernement et à la sauvegarde de l'intérêt général. Ainsi, par exemple, plutôt que de subordonner la validité des conventions collectives à l'approbation gouvernementale, on pourrait prévoir que toute convention collective qui serait déposée auprès du ministère du Travail entrerait normalement en vigueur dans un délai raisonnable suivant son dépôt; si l'autorité publique estimait que les termes de la convention proposée sont manifestement contraires aux objectifs de la politique économique reconnus comme souhaitables dans l'intérêt général, le cas pourrait être soumis pour avis et recommandation à un organisme consultatif approprié, dans lequel seraient représentées les organisations de travailleurs et d'employeurs, et qui pourrait signaler à l'attention des parties les considérations d'intérêt général qui appelleraient de leur part un nouvel examen des conditions envisagées, étant entendu cependant que les parties devraient rester libres dans leur décision finale.
- 123. Toutefois, dans le cas présent, il s'agit d'une loi de caractère général, dont les dispositions relatives à l'enregistrement et à la durée de validité des conventions collectives prévoient un système qui équivaut à l'approbation préalable quant au fond, que ce soit de la part du ministre ou du tribunal. Cette approbation dépend d'un examen fait à la lumière de considérations énoncées dans la loi et qui, si elles semblent laisser au tribunal la décision dernière, accordent encore au ministre une grande marge d'appréciation. A cet égard, il serait bon de savoir, grâce à des informations complémentaires, dans quelle mesure et de quelle manière il est fait usage de ces facultés dans la pratique.
- 124. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée aux normes et principes mentionnés au paragraphe 120 ci-dessus;
- b) de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer des informations sur le nombre et l'importance relative des conventions collectives dont l'enregistrement a été refusé en vertu de la loi, ainsi que sur les raisons précises du refus.
- b) Effets de la reconnaissance d'un syndicat aux fins de négociations collectives
- 125. Les plaignants allèguent que, en vertu de la loi, le syndicat reconnu aux fins de négociations collectives continuera à jouir de cette qualité sans égard à sa représentativité (art. 3 A, al. 2 et 3, de la loi). De l'avis des plaignants, étant donné que les conventions collectives sont d'application obligatoire, il n'existe aucune juste raison de lier la reconnaissance du syndicat à la validité de la convention. D'autre part, le syndicat reconnu par l'employeur a le droit de soumettre un différend au ministre (art. 16, al. 1 b)), alors que les autres syndicats n'auraient pas cette faculté et ne pourraient par conséquent pas défendre les intérêts de l'un ou de plusieurs de leurs membres, même dans des cas tels que le congédiement injustifié.
- 126. Dans sa réponse, le gouvernement fait remarquer que l'intention de cette loi est d'assurer qu'un syndicat, lorsqu'il est représentatif de la majorité des travailleurs d'une unité de négociation donnée, représente ces travailleurs lors des négociations collectives et à d'autres fins, cela pour une durée fixée par la convention collective et à l'expiration de laquelle tout autre syndicat peut postuler la reconnaissance. Il ajoute que la loi et ses règlements d'application établissent un critère sans équivoque pour l'obtention de la reconnaissance et prévoient la possibilité d'en appeler en justice contre la décision éventuelle du ministre. Il fait également remarquer que la loi, telle qu'elle a été promulguée en 1965, accordait, tant aux syndicats reconnus qu'aux autres, la même possibilité de saisir le ministre d'un différend. Il a été dit de ce texte qu'il était défavorable aux syndicats reconnus et donnait lieu à dissensions entre syndicats. Après modification du texte en 1967, on a objecté qu'un syndicat minoritaire ne peut pas présenter de différends affectant individuellement ses membres. En effet, dit le gouvernement, cette disposition paraît trop restrictive, et dans un projet d'amendement actuellement à l'étude il est prévu que, sous réserve de l'autorisation des membres intéressés, les syndicats minoritaires pourront eux aussi demander le règlement de différends individuels. Les amendements envisagés ont été soumis aux organisations de travailleurs et d'employeurs pour observations.
- 127. Il convient de signaler que les plaignants ne s'en prennent pas au critère ni à la procédure en vertu desquels tel syndicat doit être reconnu comme agent négociateur dans l'unité de négociation, mais au fait que le syndicat qui aura été reconnu le restera pendant toute la durée de validité de la convention collective, même s'il a cessé d'être le plus représentatif. A cet égard, il appert, de la lecture de l'article 18, alinéa 2, de la loi, que le principe général selon lequel la durée minimum de ces conventions est de trois années. Aux termes de l'article 3 A, alinéa 3, s'il existe une convention collective enregistrée et en vigueur, un autre syndicat peut demander à être reconnu comme agent de négociation, mais seulement lorsque la convention approche de son expiration, c'est-à-dire pas plus de quatre mois, ni moins de trois mois avant l'expiration.
- 128. Dans des cas précédents, le comité a fait observer que, lorsque la législation établit une distinction entre les organisations les plus représentatives et d'autres à des fins telles que les négociations collectives et les consultations avec les autorités, cette distinction ne doit pas avoir pour effet de priver les organisations syndicales non reconnues comme appartenant aux plus représentatives des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres et du droit d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action. L'article 3 de la convention no 87, ratifiée par Trinité-et-Tobago, prévoit que les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action, et l'article 8, paragraphe 2, de cette même convention prévoit que la législation nationale ne devra porter atteinte, ni être appliquée de manière à porter atteinte, aux garanties prévues par l'article 3.
- 129. Lors de l'examen d'autres allégations qui présentaient une certaine analogie avec le cas présent, le comité avait fait remarquer a que bien qu'il ne soit pas nécessairement incompatible avec l'article 3 de la convention no 87 de prévoir la délivrance d'un certificat au syndicat le plus représentatif dans une unité donnée pour le reconnaître comme agent exclusif de négociation au nom de cette unité, encore fallait-il qu'un certain nombre de garanties soient assurées. Le comité remarquait que dans plusieurs pays où la procédure d'octroi de certificats à des syndicats, comme agents exclusifs de négociation, a été établie, il a été considéré comme essentiel que ces garanties comprennent notamment:
- a) l'octroi du certificat par un organisme indépendant;
- b) le choix de l'organisation représentative par un vote de la majorité des travailleurs dans l'unité considérée;
- c) le droit pour une organisation qui n'obtient pas un nombre de voix suffisant de demander une nouvelle élection après une durée déterminée;
- d) le droit pour une organisation autre que les organisations ayant reçu un certificat de demander une nouvelle élection au bout d'une période déterminée, souvent douze mois après l'élection précédente.
- 130. Dans le cas présent, le comité note que, dans son libellé actuel, la législation accorde aux syndicats représentatifs de la majorité des travailleurs non seulement le droit exclusif de négocier avec les employeurs, mais encore l'exclusivité pour traiter de toute autre question du travail au nom des travailleurs. En pareille situation, les syndicats minoritaires ne peuvent pas défendre les droits et intérêts de leurs propres membres, ce qui affecterait indirectement la faculté reconnue aux travailleurs par l'article 2 de la convention no 87 de choisir librement les organisations qu'ils désirent constituer ou auxquelles ils désirent adhérer.
- 131. Dans ces conditions, le comité considère que l'amendement qui, selon le gouvernement, se trouve à l'étude atténuerait la distinction existant entre les syndicats reconnus et les autres, en accordant à ces derniers le droit de représenter leurs membres dans les conflits individuels. A cet égard, à sa session de mai 1969, le comité a prié le gouvernement de le tenir au courant du projet de législation qui octroie certaines facultés aux syndicats minoritaires. Dans sa communication du 16 février 1970, le gouvernement donne le texte du projet d'amendements aux articles pertinents de la loi de stabilisation dans l'industrie, projet qui autorise les syndicats minoritaires à représenter leurs membres dans les cas de conflits individuels avec les employeurs.
- 132. En ce qui concerne la durée pendant laquelle le syndicat conserve son caractère d'agent de négociation, conformément à la loi en vigueur, le comité juge que cette durée peut créer des difficultés si on conserve trop longtemps l'exclusivité à un syndicat qui a cessé d'être représentatif.
- 133. Par conséquent, et compte tenu des considérations qui précèdent, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel, lorsque la législation établit une distinction entre les organisations les plus représentatives et d'autres organisations à des fins telles que la négociation collective, ladite distinction ne devra pas avoir pour conséquence de priver les organisations syndicales qui n'auront pas été reconnues comme les plus représentatives des moyens essentiels de défendre les intérêts professionnels de leurs membres;
- b) de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant des innovations susceptibles d'être apportées au projet de loi octroyant certaines facultés aux syndicats minoritaires;
- c) de suggérer au gouvernement qu'il conviendrait de réexaminer la disposition relative à la période pendant laquelle il est impossible de disputer aux syndicats reconnus leur caractère d'agents exclusifs de négociation, afin de réduire la période fixée.
- c) Procédure de résolution des conflits du travail et dispositions relatives à la grève
- 134. Les plaignants allèguent que la loi interdit la grève dans les services essentiels (art. 36) et qu'il n'y existe pas de disposition praticable pour la solution des conflits du travail dans leur ensemble. Ils ajoutent que le ministre n'est pas légalement tenu de soumettre un différend à la décision du Tribunal du travail. Ils font remarquer, d'autre part, que les décisions du tribunal en matière de différends sont finales et obligatoires, mais que les membres de ce tribunal sont désignés par le gouverneur général, sans que les syndicats ni les employeurs participent à ladite désignation.
- 135. Le gouvernement formule entre autres les considérations résumées ci-après. La loi de stabilisation dans l'industrie établit un mécanisme complet pour la résolution amiable des conflits dans les services essentiels, ces conflits pouvant être soumis au ministre tout comme des conflits du travail. L'article 16 A de la loi prévoit la conciliation et, en cas d'échec de celle-ci, la présentation du cas au tribunal. En dépit de l'emploi du verbe « pouvoir » (à propos du ministre), à l'alinéa 5 de cet article, le tribunal a en pratique à connaître tous les conflits qui s'élèvent dans les services essentiels et qui n'ont pas pu être résolus par conciliation. Les parties, dit le gouvernement, jouissent à toutes les étapes de la procédure de la possibilité de présenter et défendre leur point de vue. La loi (art. 13, al. 1 c)) autorise le tribunal à se dessaisir d'une question ou d'un élément de celle-ci s'il juge, sur la base des faits et allégations présentés, que la question ne mérite pas examen. C'est, poursuit le gouvernement, une faculté dont jouit tout organisme d'arbitrage, et les plaignants ne sauraient prouver que, depuis la promulgation de la loi, le tribunal ait considéré un seul cas comme ne méritant pas examen.
- 136. En ce qui concerne le Tribunal du travail, le gouvernement fait observer qu'il s'agit d'un tribunal supérieur présidé par un juge de la Cour suprême qui est désigné par le président de cette dernière après consultation avec le premier ministre, les autres membres étant nommés par le gouverneur général. Le gouvernement déclare ne pas comprendre en quoi la nomination des juges peut restreindre l'application des conventions nos 87 et 98, qui ne disposent nullement que les syndicats doivent être consultés en pareil cas.
- 137. Le comité considère que cet aspect de la plainte ne soulève pas de question relative aux droits syndicaux.
- 138. En ce qui concerne la question soulevée à propos de la grève et des procédures de solution des conflits du travail, le comité fait d'abord remarquer qu'il s'est toujours tenu au principe selon lequel les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles affectent l'exercice des droits syndicaux et qu'il a souligné à maintes reprises que le droit de grève est pour les travailleurs et leurs organisations généralement reconnu comme un moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels.
- 139. Le comité a également relevé que, dans l'exercice du droit de grève, les travailleurs et leurs organisations doivent tenir compte des restrictions temporaires qui peuvent frapper ce droit, par exemple l'interruption de la grève pendant une procédure de conciliation et d'arbitrage, à laquelle les parties peuvent prendre part à tout moment. Toutefois, le comité a insisté sur le fait que, dans les cas où des restrictions de ce genre frappent l'exercice du droit de grève, la procédure de conciliation et d'arbitrage doit être appropriée, impartiale et expéditive.
- 140. Le comité a rappelé l'importance qu'il attribue lorsque les grèves sont interdites ou sujettes à limitation dans les services essentiels, à ce que des garanties adéquates soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs, ainsi privés d'un moyen essentiel de défendre leurs intérêts professionnels, et il a ajouté que les restrictions devraient s'accompagner des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux différentes étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer.
- 141. Lorsqu'une loi comporte directement ou indirectement l'interdiction absolue de la grève, le comité, comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, a estimé qu'une telle interdiction risquait de constituer une limitation importante des possibilités d'action des organisations syndicales, ce qui irait à l'encontre des principes généralement admis en matière de liberté syndicale.
- 142. Du texte de la loi (art. 36), il ressort que le lock-out et la grève sont interdits dans les services essentiels. Sont considérés comme essentiels les services énumérés dans l'appendice de la loi (services d'électricité, de lutte contre l'incendie, de santé, services hospitaliers, services sanitaires et services des eaux). Hormis cette interdiction, les conflits qui se produisent dans ces services sont l'objet de la même procédure établie par la loi à l'égard des autres activités.
- 143. Cette procédure est définie par les articles 16, 16A, 16B et 17 de la loi, qui contiennent entre autres les dispositions résumées ci-dessous. Un différend ne peut être porté devant le ministre que dans les six mois qui suivent les faits dont il découle et il doit être présenté par écrit. Le ministre cherchera à résoudre la question par les moyens prévus dans la convention conclue entre les parties, s'il juge que cette convention offre de tels moyens; si les parties ne peuvent s'accorder, elles en aviseront le ministre. Si ce dernier juge que les moyens de conciliation n'ont pas été épuisés, il pourra renvoyer le différend devant les parties pour qu'elles continuent à rechercher une solution. Si, en revanche, le ministre juge qu'il n'existe pas de mécanisme contractuel adéquat, ou une fois que les parties l'auront avisé de l'impossibilité de conclure un accord, il pourra, dans les quarante-deux jours suivants, prendre des mesures tendant à régler la question par voie de conciliation. Si les dispositions prises par le ministre échouent, il pourra saisir de la question le tribunal (art. 16A, al. 5) dans un délai de quatorze jours.
- 144. De l'article 34 il ressort que toute grève est illégale si elle est déclenchée avant que soient passés vingt-huit jours depuis le moment où le ministre a reçu avis que la solution était impossible et si le ministre s'est abstenu de saisir le tribunal de la question. La décision de faire grève doit être communiquée au ministre quatorze jours à l'avance.
- 145. Aux termes de l'article 16 B, si un règlement intervient par l'entremise du ministre, ce dernier en étudiera les termes et les communiquera au tribunal, avec ses recommandations, aux fins de confirmation. Le tribunal agira comme s'il s'agissait d'une convention collective et, une fois confirmé, le règlement aura les mêmes effets qu'une convention collective homologuée.
- 146. Compte tenu des restrictions considérables que cette procédure semble impliquer pour les grèves (restrictions tenant, d'une part, à la durée de l'interdiction de grève qui précède le moment où le ministre décide de saisir le tribunal et, d'autre part, au fait que l'exercice du droit de grève dépend en définitive de la décision du ministre), le comité, à sa session de mai 1969, a prié le gouvernement de bien vouloir lui faire savoir:
- a) quel laps de temps s'écoule normalement dans la pratique avant que le ministre puisse décider de saisir le tribunal d'un conflit et quelles dispositions réglementaires sont uniformément applicables en matière de conciliation;
- b) combien de conflits non résolus ont été soumis au tribunal et pour combien de conflits cette procédure n'a pas été suivie, permettant ainsi l'exercice légal du droit de grève.
- 147. Dans sa communication du 16 février 1970, le gouvernement indique qu'il existe une période de cinquante-six jours avant qu'un conflit puisse être soumis au tribunal et qu'en pratique c'est le laps de temps qui s'écoule normalement avant que le ministre prenne dans ce sens sa décision. En ce qui concerne la conciliation, il n'existe pas d'autres dispositions que celles examinées plus haut. Toutefois, la procédure mentionnée ci-dessus ayant toujours été suivie, il n'a jamais été nécessaire de recourir à la grève.
- 148. Il semble ressortir de ces informations complémentaires que tout différend non réglé par accord entre les parties et par voie de conciliation est soumis au Tribunal du travail pour décision. Ainsi, le ministre exerçant toujours la possibilité que lui offre la loi, dans la pratique, tous les conflits collectifs dans les services essentiels, où la grève est interdite, sont soumis à arbitrage; pour la même raison, les travailleurs qui n'appartiennent pas aux services essentiels paraissent privés de la possibilité d'avoir recours à la grève. Cela équivaut à une restriction générale du droit de grève pour ces travailleurs, ce qui est incompatible avec ce qui a été dit au paragraphe 141 ci-dessus et avec le principe établi à l'article 3 de la convention no 87, ratifiée par Trinité-et-Tobago, selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit de formuler leur programme d'action sans intervention des autorités publiques de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
- 149. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider que l'allégation relative au mode de désignation des juges du Tribunal du travail n'appelle pas un examen plus approfondi;
- b) tenant compte du fait que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à la compétence du comité dans la mesure où elles affectent les droits syndicaux, de rappeler l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels;
- c) de souligner l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel, lorsque les grèves sont sujettes à des restrictions temporaires, ou lorsqu'elles sont interdites dans les services essentiels, ces limitations doivent s'accompagner de la création de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, impartiales et expéditives,
- d) de noter, au vu des informations fournies par le gouvernement, qu'en pratique tous les différends du travail non réglés par les parties où par voie de conciliation, tant dans les services essentiels que dans les autres secteurs, sont soumis au Tribunal du travail pour décision, dans un délai de cinquante-six jours, conformément à la procédure prévue par la loi de stabilisation dans l'industrie;
- e) tenant compte du fait que, dans de telles conditions, les travailleurs qui ne sont pas occupés dans les services essentiels semblent être privés de la possibilité d'avoir recours à la grève, d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, lorsqu'une législation, directement ou indirectement, aboutit à une interdiction absolue de la grève, une telle interdiction peut constituer une limitation importante des possibilités d'action des organisations syndicales, ce qui n'est pas conforme aux principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
- c) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opportunité qu'il y aurait à examiner les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique nationales en pleine harmonie avec les principes rappelés plus haut, et de le prier de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de tout ce qui aura pu être fait dans ce sens.
- Allégations relatives aux lois de 1965 sur l'administration publique, les services d'incendie, les services pénitentiaires et l'enseignement
- a) Restrictions au droit de constituer des associations de fonctionnaires
- 150. Le Congrès des syndicats de Trinité-et-Tobago signale que certaines dispositions de la loi de 1965 sur les fonctionnaires - et d'autres dispositions correspondantes des lois sur les services d'incendie, sur le personnel pénitentiaire et sur l'enseignement - paraissent enfreindre les normes de la convention no 87. Il faut remarquer, par exemple, qu'en vertu de l'article 24 de ladite loi les fonctionnaires sont dans l'impossibilité d'exercer leur droit d'adhérer à une association de leur choix, ce qui confère à une association existante un quasi-monopole. Conformément aux dispositions de l'article 27 et de l'annexe 4 de la loi, les associations devront inclure dans leurs règlements une disposition interdisant l'admission d'un fonctionnaire public qui est membre d'une autre association reconnue.
- 151. Le gouvernement fait observer que l'un des objectifs de la loi de 1965 sur l'administration publique est d'établir des procédures de négociation et de consultation entre le gouvernement et les fonctionnaires pour la solution des conflits et d'autres questions qui affectent les relations entre le gouvernement et les fonctionnaires. Après avoir énuméré les six catégories parmi lesquelles sont répartis les fonctionnaires, le gouvernement déclare qu'une association appropriée et reconnue peut représenter n'importe quelle catégorie à condition que celle-ci ne soit pas déjà représentée par une autre association dûment reconnue. Le gouvernement explique que cette disposition a pour objet d'éviter la double affiliation, qui empêche les associations de bien s'occuper de leurs fonctions de représentation dans les négociations collectives. Rien n'empêche les fonctionnaires de renoncer à leur qualité de membres d'une organisation pour adhérer à une autre. Le gouvernement indique en un autre passage de ses observations que, lorsqu'il préparera le règlement qui établira les conditions et procédures de reconnaissance, il consultera les associations reconnues.
- 152. De la lecture de l'article 24 de la loi, il semble ressortir que toute association déjà existante peut continuer à représenter une ou plusieurs catégories de fonctionnaires et, dans la limite des dispositions de la loi, sera reconnue par le ministre des Finances comme l'association habilitée aux fins de consultation et de négociation en ce qui concerne toute question précisée dans l'article 14 (classification des tâches, réclamations, rémunération et conditions d'emploi). D'autre part, toute association existante, ou qui serait constituée, et voudrait représenter une ou plusieurs catégories de fonctionnaires déjà représentées par une association reconnue ne pourra le faire et ne pourra accepter comme membres les fonctionnaires affiliés à ladite association reconnue.
- 153. Le comité constate que, selon ces dispositions, lorsqu'une catégorie de fonctionnaires est déjà représentée par une organisation il reste possible à ces fonctionnaires de constituer d'autres organisations ou de s'affilier à d'autres associations. Toutefois, de telles associations n'auraient pas faculté pour représenter leurs membres du seul fait qu'il existerait déjà une organisation reconnue habilitée à représenter tous les fonctionnaires de la catégorie intéressée.
- 154. Le comité estime que cette législation a des effets semblables à ceux d'une loi qu'il a eue à examiner en d'autres circonstances, et à propos de laquelle il s'est rangé à l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations; cette opinion était qu'une disposition donnant droit au « greffer » des syndicats de refuser l'enregistrement des syndicats, lorsqu'il est d'avis qu'un autre syndicat déjà enregistré est suffisamment représentatif du métier ou de la profession considérés, signifie que, dans certains cas, ces salariés peuvent se voir refuser le droit de s'associer. Le principe selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de créer les organisations de leur choix et d'y adhérer est énoncé à l'article 2 de la convention no 87.
- 155. Le comité considère en conséquence que, pour aligner la législation sur les normes internationales tout en maintenant le système de la représentation de toute une catégorie de travailleurs par une seule association aux fins de consultation et de négociation, il faudrait établir des critères objectifs permettant de déterminer les associations les plus représentatives pour s'acquitter de ces fonctions, en se fondant sur ce qui est exposé plus haut au paragraphe 129. D'autre part, il serait également nécessaire de bien établir le fait que les fonctionnaires pourront librement constituer les organisations de leur choix et y adhérer, et que lesdites organisations, bien que n'ayant pas un caractère de représentativité majoritaire, seront autorisées à défendre les droits et intérêts de leurs membres.
- 156. Le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur les conclusions énoncées au paragraphe précédent.
- b) Interdiction de l'inscription des associations de fonctionnaires au registre des syndicats
- 157. Les plaignants allèguent que l'article 24, alinéa 5, de la loi sur l'administration publique interdit que les associations de fonctionnaires soient enregistrées en tant que syndicats et que les lois relatives à l'enseignement, aux services pénitentiaires et aux services d'incendie contiennent des dispositions semblables.
- 158. Le gouvernement fait valoir que seules les associations « nouvelles » sont privées, en vertu de la disposition mentionnée, de la possibilité de s'inscrire en tant que syndicats. L'Association des fonctionnaires publics et le Syndicat des enseignants de Trinité-et-Tobago ont été et restent enregistrés en tant que syndicats. Dans la pratique, poursuit le gouvernement, les autres associations qui se forment conformément à la loi peuvent toutefois représenter leurs membres et défendre leurs intérêts, bien que n'étant pas enregistrées comme syndicats.
- 159. La distinction faite par la législation entre les deux genres d'associations de fonctionnaires n'apparaît pas nettement. Le comité, à sa session de mai 1969, a demandé au gouvernement de bien vouloir lui donner des éclaircissements sur les effets de cette distinction.
- 160. Dans sa réponse, le gouvernement indique essentiellement que par « association existante » il entend l'Association des fonctionnaires publics et tout autre syndicat reconnu comme agent négociateur d'une catégorie ou de catégories quelconques de fonctionnaires publics avant l'entrée en vigueur de la loi pertinente (c'est-à-dire avant le 22 janvier 1966). Le gouvernement déclare qu'en ce qui concerne les effets de la consultation et de la négociation prévues à l'article 14 de la loi il n'existe aucune différence entre les « associations existantes » - qui sont enregistrées en tant que syndicats - et les « nouvelles associations », qui ne peuvent pas s'inscrire en tant que syndicats.
- 161. Le comité croit comprendre que l'égalité entre les associations ne s'applique qu'à celles - existantes ou nouvelles- qui ont été « reconnues » par le ministre des Finances (voir paragr. 152 ci-dessus) et a trait à la possibilité de négocier ou d'être consultées sur les questions relatives aux fonctionnaires publics. Néanmoins, le comité souhaiterait savoir si la distinction établie par la loi entre associations « enregistrées » en tant que syndicats et celles qui ne sont « pas enregistrées » implique ou non une différence entre l'un et l'autre type d'association du point de vue de l'exercice des droits et garanties reconnus aux organisations de travailleurs, en particulier, dans la convention no 87 (par exemple le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action; la garantie selon laquelle ces organisations ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative; le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier; la garantie selon laquelle l'acquisition de la personnalité juridique par ces organisations ne doit pas être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des articles 2 à 4 de la convention). Le comité tient à souligner que toutes les organisations de fonctionnaires publics auxquelles se réfère la plainte doivent jouir des garanties et droits qui viennent d'être mentionnés, à l'instar des autres organisations.
- 162. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir clarifier les points mentionnés au paragraphe précédent.
- c) Procédure de règlement des différends
- 163. Les plaignants déclarent qu'en vertu de l'article 37, alinéa 1, de la loi de stabilisation dans l'industrie la grève est interdite dans la fonction publique. Se référant au règlement de 1966 sur la Commission de la fonction publique, ils affirment que malgré l'interdiction de la grève aucune autre disposition adéquate n'a été adoptée pour la solution des différends suscités en cas de congédiement, que le Comité de révision est nommé par la commission, et que celle-ci se réserve le droit d'accepter ou de rejeter les conclusions du comité.
- 164. En un autre passage de leurs allégations, les plaignants déclarent que, conformément à l'article 17 de la loi sur la fonction publique, une question ne peut être considérée comme faisant matière à conflit (et par conséquent être examinée par un tribunal spécial) que si le Département du personnel se concerte et négocie avec les représentants de l'association reconnue. Le gouvernement se trouverait donc en mesure d'empêcher qu'une question soit soumise au tribunal par le simple refus de la discuter avec l'association reconnue. Selon les plaignants, ni le refus du gouvernement de consulter ou de négocier, ni le retard excessif qu'il met à entamer les négociations ne sont, au regard de la loi, une cause de différend. Le gouvernement aurait eu recours à cet expédient dans au moins quatre différends importants soulevés par l'association reconnue, c'est-à-dire l'Association de la fonction publique.
- 165. Dans un paragraphe de ses observations, le gouvernement fait remarquer que les conditions de travail des fonctionnaires sont régies par la loi (la Constitution, la loi sur la fonction publique, le règlement de la Commission de la fonction publique et le règlement du personnel des administrations publiques). On a reconnu comme normal, dit le gouvernement, de refuser le droit de grève aux fonctionnaires dont les conditions de travail sont fixées par la loi. La Constitution confère à la Commission de la fonction publique la faculté de nommer les fonctionnaires et d'exercer les fonctions disciplinaires et lui octroie le pouvoir d'élaborer un règlement pour la révision de ses décisions en matière disciplinaire.
- 166. D'après le gouvernement, aucune disposition de la convention n, 98 ne pourrait exiger que l'on consulte les organisations représentant les travailleurs à propos de nominations telles que celles qui sont effectuées par la commission aux comités de révision. De plus, il faut tenir compte du fait que la convention no 98 ne s'applique pas à des fonctionnaires de l'administration publique.
- 167. En ce qui concerne les consultations et les négociations avec les associations reconnues, le gouvernement communique le texte des articles 16, 17 et 18 de la loi sur l'administration civile. L'article 16 dispose que le Département du personnel devra consulter périodiquement les représentants de ces associations à propos des questions précisées à l'article 14, soit sur demande desdits représentants, soit lorsque, de l'avis du ministre du Travail, une telle consultation serait nécessaire ou commode. Aux termes de l'article 17, si au bout de vingt et un jours le Département du personnel et l'association n'ont pu parvenir à un accord sur une question quelconque, l'une ou l'autre des parties pourra faire part de ce désaccord au ministre et, sur la foi de cette communication, on considérera qu'il existe un différend. L'article 18 se rapporte aux cas dans lesquels le Département du personnel n'aura pas consulté l'association avant de formuler des propositions et dispose que ces propositions doivent être soumises à l'étude et à l'approbation de l'association; si l'accord ne se fait pas, le cas sera soumis au ministre selon la procédure prévue à l'article 17.
- 168. Le gouvernement déclare ignorer que quatre différends soulevés par l'Association des fonctionnaires publics aient été distraits de l'examen du tribunal par suite d'un refus du gouvernement d'en discuter avec l'association; il déclare également que toutes les questions soulevées par l'association ont été examinées à fond, celles qui n'ont pas été résolues ayant été déférées au tribunal spécial. Quant à l'impartialité des membres de ce tribunal, le gouvernement fait remarquer que le président et les membres jouissent d'une indépendance identique à celle que la Constitution de Trinité-et-Tobago garantit aux juges de la Cour suprême.
- 169. Le comité prend note des informations et observations du gouvernement sur la procédure de consultation et de négociation entre le gouvernement et l'association reconnue, à l'égard des questions spécifiées à l'article 14 de la loi (c'est-à-dire la classification des tâches, les réclamations, la rémunération et les conditions d'emploi).
- 170. A cet égard également, il ressort de l'article 20 de la loi que, lorsqu'il se présente un différend répondant aux termes des articles 17 et 18, le ministre saisira le tribunal spécial de ce différend dans un délai de vingt et un jours et que, s'il s'en abstient, l'association, reconnue ayant part au différend pourra le faire.
- 171. Les dispositions législatives citées par le gouvernement et les informations qu'il a communiquées sur leur application pratique semblent donc contredire les allégations formulées, dans la mesure où elles se rapportent à des questions précisées dans l'article 14 de la loi; les plaignants font état de quatre cas dans lesquels l'association intéressée aurait été empêchée de faire appel au tribunal, mais ils ne donnent aucun détail à ce propos, et le gouvernement nie en avoir eu connaissance.
- 172. D'autre part, les plaignants déclarent qu'il n'existe pas de moyen adéquat pour la solution des différends suscités par les congédiements. Or le règlement no 132 de 1966 concernant la Commission de la fonction publique contient entre autres des dispositions relatives au congédiement et autres sanctions disciplinaires, et à la procédure de révision de ces mesures. La plainte concerne donc un règlement d'application générale pour tous les fonctionnaires. Le comité a déjà eu l'occasion de conclure que des allégations telles que celles dont il est question paraissent échapper à sa compétence; à l'occasion d'un certain cas, le comité a jugé que la rupture du contrat de travail par congédiement est une question sur laquelle il ne lui appartient de se prononcer que dans les cas où le régime de congédiement implique une discrimination syndicale.
- 173. Pour les raisons indiquées dans les paragraphes 171 et 172, le comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen des allégations résumées dans les paragraphes 163 et 164 et recommande au Conseil d'administration d'en décider ainsi.
- d) Intervention du « greffier des syndicats » dans les affaires internes de l'Association du service pénitentiaire
- 174. Les plaignants allèguent que l'article 29 de la loi de 1965 sur les services des prisons contrevient aux dispositions de la convention no 87 en ce qu'il octroie au « greffier des syndicats » le pouvoir de s'ingérer indûment dans les affaires d'une association et permet que les efforts de la majorité soient rendus vains par une minorité dissidente. Les plaignants estiment que tout pouvoir octroyé au greffier d'intervenir en de telles questions doit être limité aux questions de procédure dans la mesure où elles se rapportent aux règlements de l'association.
- 175. Le gouvernement déclare qu'en vertu de l'article cité le greffier ne pourra agir que lorsqu'une plainte aura été formulée par au moins cinquante membres de l'association. Le nombre des fonctionnaires du service pénitentiaire étant actuellement de trois cent soixante-dix-neuf, le gouvernement juge qu'un groupe de cinquante personnes ne constitue pas une minorité aussi négligeable qu'on voudrait le laisser croire. Les points sur lesquels ils peuvent présenter une réclamation au greffier doivent se rapporter spécifiquement aux règlements et activités de l'association, et cet article constitue une garantie pour le bien de l'association et de ses membres.
- 176. Le gouvernement ajoute que le « greffier des syndicats » est aussi le greffier de la Cour suprême, et ne dépend donc pas des autorités administratives; il s'ensuit, sans que la loi ait à le préciser, qu'on peut en appeler de ses décisions que devant la Cour suprême.
- 177. De la lecture de l'article 29 de la loi de 1965 sur les services pénitentiaires, il ressort que le « greffier des syndicats » peut recevoir des réclamations écrites signées par au moins cinquante membres cotisants d'une association appropriée et reconnue, ces réclamations devant porter sur les règlements ou le fonctionnement de l'association. Le greffier enquêtera et si, après avoir oui les auteurs de la plainte et les représentants de l'association, il considère la réclamation comme justifiée, il pourra préciser les mesures que doit prendre l'association pour y satisfaire. En cas de non-exécution, le ministre des Finances pourra retirer la reconnaissance accordée à l'association.
- 178. Le comité estime que, étant donné qu'il s'agit d'un contrôle exercé de l'extérieur, une disposition de ce genre ne devrait être appliquée que dans des cas exceptionnels, lorsqu'il existe des circonstances graves pour les justifier, car on courrait autrement le risque de restreindre le droit qu'ont, en vertu de l'article 3 de la convention no 87, les organisations de travailleurs d'organiser leur gestion et leur activité sans ingérence des pouvoirs publics de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
- 179. Toutefois, étant donné que la loi confère le droit d'intervention à un fonctionnaire du pouvoir judiciaire, contre les décisions duquel il existe un recours devant la Cour suprême, et étant donné que la pétition déclenchant ladite intervention doit être appuyée par une fraction importante de la catégorie professionnelle intéressée, le comité, sous réserve de ce qui est dit au paragraphe précédent, recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 180. Dans ces conditions et quant au cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- 1) en ce qui concerne les allégations relatives à la loi de 1965 sur la stabilisation dans l'industrie (modifiée en 1967)
- a) en ce qui a trait à l'approbation des conventions collectives:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée à ce que l'on reconnaisse aux syndicats le droit de négocier librement avec les employeurs en ce qui concerne les conditions de travail, ce qui est un élément essentiel de la liberté syndicale, et au principe de la négociation volontaire énoncé à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par Trinité-et-Tobago;
- ii) de prier le gouvernement, afin de poursuivre l'examen de cet aspect du cas, de bien vouloir indiquer le nombre et l'importance relative des conventions collectives dont l'enregistrement a été refusé en vertu de la loi, et de lui donner les raisons précises sur lesquelles le tribunal a fondé son refus;
- b) en ce qui a trait à la reconnaissance d'un syndicat aux fins de négociation collective:
- i) d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel, lorsque la législation établit une distinction entre les organisations les plus représentatives et d'autres organisations à des fins telles que la négociation collective, ladite distinction ne devra pas avoir pour conséquence de priver les organisations syndicales qui n'auront pas été reconnues comme les plus représentatives des moyens essentiels de défendre les intérêts professionnels de leurs membres;
- ii) de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant des innovations qui pourront être apportées au projet de législation qui octroie certaines facultés aux syndicats minoritaires;
- iii) de suggérer au gouvernement l'opportunité de réexaminer la disposition relative à la période pendant laquelle il n'est pas possible de contester à un syndicat reconnu sa qualité d'agent exclusif de négociation, afin de réduire éventuellement le délai fixé;
- c) en ce qui a trait à la procédure de règlement des différends collectifs et aux dispositions relatives à la grève:
- i) de décider que l'allégation relative au mode de nomination des membres du Tribunal du travail n'appelle pas un examen plus approfondi;
- ii) de souligner, compte tenu du fait que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à la compétence du comité dans la mesure où elles touchent à l'exercice des droits syndicaux, l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel les travailleurs et leurs organisations ont normalement le droit de recourir à la grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels;
- iii) de souligner l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel, lorsque les grèves sont sujettes à des restrictions temporaires, ou lorsqu'elles sont interdites dans les services essentiels, ces limitations doivent s'accompagner de la création de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, impartiales et expéditives;
- iv) de noter, au vu des informations fournies par le gouvernement, qu'en pratique tous les différends du travail non réglés par les parties ou par voie de conciliation, tant dans les services essentiels que dans les autres secteurs, sont soumis au Tribunal du travail pour décision, dans un délai de cinquante-six jours, conformément à la procédure prévue par la loi de stabilisation dans l'industrie;
- v) tenant compte du fait que, dans de telles conditions, les travailleurs qui ne sont pas occupés dans les services essentiels semblent être privés de la possibilité de recourir à la grève, d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, lorsqu'une législation, directement ou indirectement, aboutit à une interdiction absolue de la grève, une telle interdiction peut constituer une limitation importante des possibilités d'action des organisations syndicales, ce qui n'est pas conforme aux principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
- vi) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opportunité qu'il y aurait à examiner les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique nationales en pleine harmonie avec les principes rappelés plus haut, et de le prier de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de tout ce qui aura pu être fait dans ce sens;
- 2) en ce qui concerne la loi de 1965 sur l'administration publique et les autres lois analogues:
- a) de décider que, pour les motifs exposés dans les paragraphes 171 et 172, il serait sans objet de poursuivre l'examen des allégations relatives à la procédure de règlement des conflits;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement sur les conclusions formulées au paragraphe 155 concernant les conditions à respecter pour la reconnaissance de l'association autorisée à représenter toute catégorie de fonctionnaires et sur le droit qu'ont les fonctionnaires à librement constituer les organisations de leur choix et à y adhérer;
- c) en ce qui concerne l'interdiction d'inscrire les nouvelles associations de fonctionnaires au registre des syndicats, de demander au gouvernement de bien vouloir indiquer quels sont les effets de la distinction opérée entre les associations enregistrées et celles qui ne le sont pas, du point de vue de la jouissance des droits et garanties mentionnés au paragraphe 161 ci-dessus;
- d) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que les dispositions relatives à l'intervention du « greffier des syndicats » dans les affaires d'une association devraient être appliquées uniquement dans des cas exceptionnels et, sous cette réserve, de décider que l'allégation relative à cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi;
- 3) d'attirer l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les conclusions qui précédent;
- 4) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport une fois reçues les informations complémentaires demandées au gouvernement.