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Interim Report - Report No 125, 1971

Case No 654 (Portugal) - Complaint date: 18-DEC-70 - Closed

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  1. 66. Les plaintes figurent dans deux communications adressées au Directeur général du Bureau international du Travail par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Fédération syndicale mondiale (FSM) en date du 18 décembre 1970 et du 8 janvier 1971 respectivement. Un certain nombre de documents étaient joints à la communication de la CISL à l'appui de sa plainte. Le texte de ces communications a été transmis au gouvernement du Portugal qui, par une communication datée du 24 avril 1971, a fourni ses observations sur les allégations contenues dans les plaintes.
  2. 67. Le Portugal a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; par contre, il n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  3. 68. En outre, le comité a examiné les commentaires qui avaient été présentés par le gouvernement au sujet des recommandations adoptées par le Conseil d'administration dans le cas no 266 (Portugal) et contenues dans le 113e rapport du comité. On trouvera en annexe au présent rapport les observations du comité sur les commentaires du gouvernement.

A. Allégations relatives à la suspension de dirigeants syndicaux

A. Allégations relatives à la suspension de dirigeants syndicaux
  1. 69. Dans sa communication datée du 18 décembre 1970, la CICL a critiqué les dispositions du décret-loi no 502/70 (publié le 14 octobre 1970), en particulier celles qui régissent la suspension et la destitution de dirigeants syndicaux, déclarant que ces dispositions sont contraires aux conclusions auxquelles le comité a abouti lorsqu'il a examiné la situation syndicale au Portugal dans le cadre du cas no 266 (voir 113e rapport, paragr. 73-75). Ce décret, poursuit l'organisation plaignante, a été promulgué à titre de réglementation, en application du décret-loi no 49058 (promulgué le 28 mai 1969). Le 15 novembre 1970, selon la plainte, un certain nombre de syndicats portugais auraient envoyé au président du Conseil des ministres une note critiquant les dispositions considérées du décret-loi no 502/70. Les syndicats s'opposaient aux dispositions prévues dans les articles suivants de ce texte: l'article 3, qui dispose que, quand un membre d'une organisation syndicale ou l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale a des motifs de croire qu'un dirigeant de l'organisation syndicale a gravement porté atteinte à ses droits ou aux droits, intérêts ou principes que l'organisation est tenue de respecter, promouvoir ou défendre, il peut demander au tribunal du travail de décréter la suspension dudit dirigeant syndical jusqu'à ce qu'une décision judiciaire tranche définitivement la question de la destitution dudit dirigeant; l'article 5, qui prévoit que, si la suspension est demandée par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, cette demande doit être précédée d'une enquête menée par le Service d'inspection des organisations corporatives; l'article 6 aux termes duquel le juge est tenu de décréter la suspension dans les quarante-huit heures, si les exigences formelles de l'article 5 ont été respectées; l'article 7, qui dispose que le dirigeant syndical peut recourir contre la décision de suspension auprès du même juge, mais seulement en cas de non-observation des exigences formelles. Dans la note susmentionnée, les syndicats avancent que ces dispositions ouvrent la voie à une intervention excessive des autorités administratives dans le domaine judiciaire. Le juge, disent-ils, est tenu de prendre une décision sans être en mesure d'examiner la plainte formulée contre le dirigeant syndical quant au fond.
  2. 70. Un cas concret de suspension de dirigeants syndicaux a été cité tant par la CISL que par la FSM. Il s'agit du cas concernant le Syndicat national des techniciens, métallurgistes et métallos-mécaniciens du district de Lisbonne qui, le 8 juin 1970, a élu un nouveau bureau. Parmi les nouveaux dirigeants se trouvaient Antonio dos Santos Junior (président), Carlos Augusto das Neves Alves (secrétaire) et Luis Manuel Ferreira Faustino (trésorier). Le 13 novembre 1970, déclarent les plaignants, le tribunal du travail a suspendu de leurs fonctions les trois dirigeants susmentionnés, sous le prétexte qu'ils avaient refusé de signer une convention collective avec les transports aériens portugais négociée par la direction précédente du syndicat. En outre, ces dirigeants étaient accusés d'avoir publié un communiqué adressé aux travailleurs de la Société des transports aériens portugais en des termes jugés empreints de « mentalité de classe » et portant atteinte aux principes corporatifs de l'Etat portugais.
  3. 71. A cet égard, la CISL a fourni le texte d'une note du ministère des Corporations et de la Prévoyance sociale adressée à la presse à ce sujet, celui de la réponse des trois dirigeants suspendus de leurs fonctions à cette note gouvernementale et celui, enfin, d'un communiqué du syndicat national incriminé dans ladite note du gouvernement. Dans sa communication du 8 février 1971, la FSM fait état de cette suspension et ajoute que cette offensive du gouvernement portugais a été motivée par le fait que les travailleurs de la métallurgie, par l'intermédiaire de leurs syndicats, avaient présenté un projet pour un nouveau contrat de travail à la suite de la détérioration continue de leurs conditions de vie et de travail et que le gouvernement n'avait pas accepté les propositions des travailleurs. Les deux organisations plaignantes déclarent que l'action du gouvernement constitue une violation flagrante des principes de la liberté d'association.
  4. 72. Dans sa communication datée du 24 avril 1971, le gouvernement déclare qu'il est manifestement erroné d'affermer que la législation syndicale portugaise permet la suspension de dirigeants syndicaux par voie administrative. En effet, poursuit le gouvernement, il est expressément prévu aux paragraphes 5 et 6 de l'article 21 du décret-loi no 23050, dans sa teneur modifiée par le décret-loi no 49058, que la question est de la compétence exclusive des tribunaux du travail et la procédure appliquée est entièrement conforme à l'article 4 de la convention no 87, puisque les intéressés bénéficient de toutes les garanties inhérentes à la procédure judiciaire normale. Ainsi, poursuit le gouvernement, les dirigeants suspendus à titre préventif par les tribunaux du travail peuvent recourir devant le Tribunal administratif suprême.
  5. 73. En ce qui concerne le cas de suspension de trois dirigeants du Syndicat national des techniciens, métallurgistes et métallos-mécaniciens du district de Lisbonne, le gouvernement déclare que lesdits membres du bureau étaient entièrement dissociés de la masse des adhérents et se consacraient en fait à des activités subversives, puisqu'on avait même saisi sur eux un « mémorial » d'action révolutionnaire. La suspension de ces dirigeants syndicaux a été décrétée par le tribunal du travail compétent et les procédures visant à les destituer de leurs fonctions font actuellement l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif suprême. Le gouvernement déclare que les jugements rendus dans ces affaires seront, le moment venu, portés à la connaissance du comité.
  6. 74. Le comité avait précédemment observé (113e rapport, paragr. 74) qu'aux termes de l'article 21 du décret-loi no 23050, tel que modifié, la suspension et la destitution de membres de l'organe de direction d'un syndicat peuvent intervenir à la suite d'une action intentée par un membre du syndicat ou par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale auprès du tribunal du travail compétent. Pareille action, notait le comité, ne peut être fondée que sur une violation, par l'intéressé, des dispositions du décret-loi no 49058 et plus particulièrement de l'article 20 et de l'article 10, lequel prévoit notamment que les syndicats s'acquitteront de leurs activités au niveau national tout en respectant « les intérêts supérieurs de la nation et le bien commun ». Le comité, en ce qui concerne cette question, avait recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur l'opportunité de supprimer les dispositions contenues dans l'article 10 étant donné qu'elles sont rédigées en termes si larges qu'elles ne peuvent fournir de critères précis pour les décisions judiciaires (paragr. 170 c) ii) du 113e rapport).
  7. 75. Le comité note l'explication donnée par le gouvernement selon laquelle ces dispositions doivent être interprétées et comprises dans le contexte des dispositions fondamentales de l'organisation économico-sociale portugaise et des principes qui régissent cette organisation. Le gouvernement déclare que les dispositions telles que celles mentionnées plus haut ne font rien de plus que de classer l'activité syndicale dans le cadre des principes consacrés par la Constitution politique et par le Statut du travail national, principes auxquels doivent se reporter l'interprète de la législation et les tribunaux. En outre, poursuit le gouvernement, « il semble que l'unité nationale ne pourra être qu'une simple unité d'ordre, consistant en un ensemble de comportements et de relations organisés en vue d'un bien commun national, et c'est ainsi qu'il convient d'entendre la référence faite, à l'article 1er du statut, aux buts et aux intérêts nationaux ». « En particulier, ajoute le gouvernement, en ce qui concerne l'organisation corporative, il sied de détacher, d'une part, l'autonomie des organismes corporatifs face à l'Etat et, d'autre part, l'existence d'un pouvoir de coordination qui, fonctionnant en quelque sorte comme contrepartie de l'autonomie, permet audit Etat de rassembler les efforts de tous en vue de la réalisation du bien commun national. »
  8. 76. Le comité observe que les cas où la suspension des dirigeants syndicaux est demandée par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, cette suspension est décrétée par une autorité judiciaire. Il semble toutefois que cette autorité ne peut pas examiner les motifs de la suspension tels qu'ils sont établis par une enquête administrative menée par les services d'inspection. Le juge aurait pour seule fonction de prononcer le décret de suspension à la réception de la demande émanant de l'institut et des résultats de l'enquête. Son rôle semble donc limité à vérifier que la formalité de l'enquête a été remplie.
  9. 77. Le comité a antérieurement été d'avis que les principes inscrits dans la convention no 87 n'empêchent pas la surveillance ou le contrôle des actes internes d'un syndicat dans le but de vérifier si ces actes sont en contradiction avec la législation nationale; dans le même temps, celle-ci doit être conçue de manière à ne pas enfreindre les principes de la liberté d'association. Néanmoins, le comité a également estimé qu'il est de la plus haute importance que, pour garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure, le contrôle soit exercé par l'autorité judiciaire compétente. Compte tenu des circonstances exposées au paragraphe précédent, le comité est d'avis que, dans le présent cas, le contrôle judiciaire est inadéquat en ce qui concerne la suspension des dirigeants syndicaux.
  10. 78. En outre, le comité estime que la législation devrait comprendre des dispositions fixant des critères suffisamment précis pour permettre à l'autorité judiciaire de déterminer si un dirigeant syndical s'est rendu coupable d'actes de nature à justifier sa suspension ou sa destitution. Le comité persiste à croire que des dispositions telles que celles figurant à l'article 10 du décret-loi no 49058 sont vagues et ne peuvent fournir de critère précis pour l'adoption de décisions judiciaires objectives.
  11. 79. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur les considérations ci-dessus et de signaler qu'il serait souhaitable de réexaminer la législation concernant la suspension ou la destitution des dirigeants syndicaux de leurs fonctions, afin de sauvegarder le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants ainsi que le droit des syndicats d'organiser leur gestion et leur activité.
  12. 80. En ce qui concerne les procédures de recours entamées par les trois dirigeants syndicaux du Syndicat national de techniciens, métallurgistes et métallos-mécaniciens du district de Lisbonne par-devant le Tribunal administratif suprême, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte des jugements rendus dans ces affaires ainsi que celui de l'exposé des motifs sur lesquels ces jugements sont fondés.
    • Allégations relatives à la négociation collective
  13. 81. Dans sa communication, la CISL avance que, le 15 novembre 1970, vingt-trois syndicats portugais se sont réunis en assemblée générale pour examiner les dispositions du décret-loi no 492/70, publié le 22 octobre 1970, dont l'objet était, selon les plaignants, de combler les lacunes et déficiences du décret-loi no 49212 sur la négociation de contrats collectifs de travail. Selon les allégations formulées dans la plainte, ces dispositions annulent pratiquement la liberté de négociation de contrats collectifs de travail. L'organisation plaignante ajoute que les observations de l'assemblée sur ce décret ont été envoyées au ministre des Corporations et de la Prévoyance sociale le même jour, en l'occurrence le 15 novembre 1970. Une photocopie de cette communication a été jointe à la plainte. Les deux décrets en cause, déclarent les plaignants, constituent une ingérence de l'Etat dans la libre négociation de conventions collectives et, tant dans la lettre que dans l'esprit, sont contraires à la convention no 98 ratifiée par le Portugal. La FSM, dans sa lettre du 8 janvier 1971, s'est également référée à la restriction du droit de négociation collective qui résulte du fait que l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale continue d'exercer des pressions inadmissibles sur les parties. Tout récemment, selon les allégations contenues dans la plainte, les délais pour le renouvellement des conventions collectives ont été prolongés, ce qui étend les possibilités d'intervention du gouvernement. En outre, l'homologation obligatoire des conventions par le ministère avant leur entrée en vigueur a, en fait, habilité celui-ci à décider de la validité d'une convention.
  14. 82. Les observations soumises au ministère par l'assemblée des syndicats mentionnée plus haut comprenaient des allégations concernant l'obligation d'obtenir l'approbation administrative des conventions collectives. D'autres allégations mentionnaient qu'aux termes de l'article 12 du décret-loi no 49212, dans sa teneur modifiée, les employeurs bénéficient d'un délai maximum de cent cinq jours pour répondre aux réclamations des travailleurs. A partir de la date de réception de cette réponse, le processus de négociation collective doit être mené à terme dans un délai de six mois, bien que cette période puisse être prolongée de six mois au maximum par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale.,
  15. 83. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que l'article 10 du décret-loi no 49212 (dans sa teneur modifiée par le décret-loi no 492/70 du 22 octobre 1970) prévoit que « l'Institut du travail et de la prévoyance sociale pourra collaborer avec les parties intéressées à la conclusion d'une convention collective ou à sa révision, ainsi qu'avec les organismes chargés de la conciliation et de l'arbitrage, en particulier en leur fournissant une assistance juridique et en contribuant à l'étude et à l'analyse des statistiques et de l'indice de l'évolution du coût de la vie ». C'est à la lumière de ce qui précède, déclare le gouvernement, qu'il faut comprendre l'intervention de l'institut qui ne s'opère que sur l'initiative des intéressés et ne limite nullement leur liberté d'action. Quant à la possibilité de prolonger les délais applicables aux négociations collectives ou à l'adoption de décisions arbitrales, le gouvernement fait observer qu'il s'agit là d'une solution admise par les législations de la plupart des pays.
  16. 84. Dans sa réponse, le gouvernement déclare aussi qu'en ce qui concerne l'homologation ministérielle des conventions collectives on continue d'estimer, en droit interne, qu'elle est indispensable à des fins d'enregistrement et de publication, à l'exemple de ce qui se fait dans d'autres législations nationales. De toute façon, poursuit le gouvernement, l'homologation ministérielle ne permet en aucun cas au ministre de remplacer ou de modifier les textes arrêtés librement, d'un commun accord, entre les parties.
  17. 85. En cas d'impossibilité d'homologation de la convention, motivée par l'existence d'une irrégularité ou d'une injustice, l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale peut renvoyer la convention pour modification ou, si celle-ci comprend des dispositions illégales, le gouvernement peut se trouver dans l'obligation de promulguer un arrêté de réglementation du travail faisant l'objet de ladite convention. De toute façon, poursuit le gouvernement, chaque fois qu'il a dû recourir à la voie réglementaire, il a toujours cherché à se déterminer d'après les solutions arrêtées d'un commun accord ou décidées par voie d'arbitrage qui accordent aux travailleurs les plus grands avantages. Toute décision de non-homologation, poursuit le gouvernement, est susceptible de recours contentieux devant le Tribunal administratif suprême.
  18. 86. Le comité note avec intérêt les explications fournies par le gouvernement à ce sujet. Le comité note, toutefois, que le décret-loi no 492/70 réaffirme le principe établi par la législation antérieure en ce qui concerne la subordination de l'entrée en vigueur d'une convention collective à l'homologation du ministre. Le comité note également que l'article 3 du décret no 49212 prévoit comme motif de refus d'homologation l'incorporation dans une convention collective d'une clause portant atteinte « au droit réservé à l'Etat de coordonner et de réglementer, en tant qu'autorité supérieure, la vie économique de la nation ». Le comité estime qu'une telle disposition risque de restreindre sérieusement la négociation volontaire de conventions collectives.
  19. 87. Par ailleurs, étant donné qu'au Portugal les travailleurs ne peuvent recourir à la grève à l'appui de leurs revendications, le comité estime qu'il serait opportun que le gouvernement examine la possibilité de réduire le délai accordé aux employeurs pour répondre aux demandes des travailleurs, de même que le délai fixé pour la conclusion d'une convention, afin d'encourager et de promouvoir le développement des négociations volontaires.
  20. 88. En conséquence, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur les considérations ci-dessus et d'inviter le gouvernement à envisager la possibilité de modifier sa législation de manière à encourager l'utilisation la plus large de procédures de négociation volontaire de conventions collectives.
    • Allégations relatives au droit de réunion
  21. 89. Dans sa communication datée du 18 décembre 1970, la CISL allègue que les autorités ont pris des mesures pour empêcher les syndicats de tenir des réunions. Elle déclare qu'à l'assemblée générale mentionnée plus haut les syndicats avaient examiné la décision des autorités administratives d'empêcher les assemblées et réunions convoquées par plusieurs syndicats conformément à la loi et aux statuts des syndicats eux-mêmes. Une note de protestation, déclare l'organisation plaignante, a été signée et envoyée au président du Conseil des ministres. Le texte de cette note a également été joint à la communication de l'organisation. Celle-ci a également fourni le texte de circulaires du Syndicat des employés de banque et du Syndicat national des employés de commerce du district de Lisbonne, protestant contre les mesures prises par les autorités pour empêcher un certain nombre d'organisations syndicales de tenir des réunions. Ces circulaires reproduisent le texte de communications adressées, notamment, au ministre des Corporations et de la Prévoyance sociale, donnant des exemples concrets de cas où les organisations syndicales ont été empêchées par les autorités d'exercer leur droit de réunion. L'interdiction par les autorités administratives des réunions et des assemblées organisées par les syndicats pour la discussion des conditions de vie et de travail constitue, aux termes de la plainte, une autre atteinte aux dispositions de la convention no 87.
  22. 90. Le gouvernement, dans sa réponse relative à cet aspect de la plainte, déclare que, dans les cas où les autorités sont intervenues pour donner leur autorisation préalable aux assemblées convoquées, elles l'ont fait compte tenu des dispositions générales qui régissent toutes les réunions publiques. Ce faisant, ajoute le gouvernement, elles ont entièrement respecté les principes de liberté syndicale. Il appartient aux gouvernements de décider si, dans des circonstances particulières, les réunions - y compris les réunions syndicales - peuvent mettre en danger l'ordre et la sûreté publics, et de prendre toutes mesures préventives appropriées.
  23. 91. Le comité a souvent, dans le passé, exprimé l'avis que le droit de tenir librement des réunions est une partie intégrante du droit des syndicats d'exercer librement leurs activités et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. En recommandant au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur ce principe, le comité recommande également au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire parvenir des informations concernant les circonstances qui, de l'avis du gouvernement, justifiaient le refus d'autorisation des réunions syndicales mentionnées dans la plainte.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 92. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives à la suspension des dirigeants syndicaux:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement sur les considérations figurant aux paragraphes 77 et 78 ci-dessus et de signaler qu'il serait souhaitable de réexaminer la législation concernant la suspension ou la destitution des dirigeants syndicaux de leurs fonctions, afin de sauvegarder le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants ainsi que le droit des syndicats d'organiser leur gestion et leur activité;
    • ii) de prier le gouvernement de fournir le texte des décisions judiciaires prises par le Tribunal administratif suprême en ce qui concerne les recours présentés par les trois dirigeants syndicaux du Syndicat national des techniciens, métallurgistes et métallos-mécaniciens du district de Lisbonne ainsi que celui de l'exposé des motifs sur lesquels ces jugements sont fondés;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à la négociation collective:
      • d'appeler l'attention du gouvernement sur les considérations figurant aux paragraphes 86 et 87 ci-dessus et d'inviter le gouvernement à envisager la possibilité de modifier sa législation afin d'encourager l'utilisation la plus large de procédures de négociation volontaire de conventions collectives;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives au droit de réunion:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel le droit de tenir des réunions fait partie intégrante du droit des syndicats d'exercer librement leurs activités et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
    • ii) de prier le gouvernement de fournir des informations précises concernant les circonstances qui, de l'avis du gouvernement, justifiaient le refus d'autorisation des réunions mentionné dans la plainte;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations complémentaires demandées au gouvernement dans les sous-alinéas a) ii) et c) ii) du présent paragraphe.
      • Genève, 26 mai 1971. Roberto AGO, président.

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • Cas no 266: Portugal
    1. 1 Dans son 113e rapport, entièrement consacré au dernier examen du cas no 266 (Portugal), le comité, à la suite de la promulgation d'une nouvelle législation et à la lumière de celle-ci, a repris l'examen de la situation syndicale au Portugal en suivant, pour l'essentiel, les têtes de chapitres découlant de la plainte originairement déposée par la Confédération internationale des syndicats libres en 1961
    2. 2 Dans ce 113e rapport, le comité a repris chacun des points ayant émergé de ses examens précédents en rappelant les allégations formulées et les réponses fournies à leur endroit par le gouvernement, en rappelant également les conclusions antérieures auxquelles il avait abouti, en évaluant la portée des changements législatifs intervenus et en formulant des observations et recommandations.
    3. 3 Par une communication en date du leu mai 1970, le gouvernement a présenté des commentaires sur l'argumentation et les conclusions du comité au sujet de chacune des questions évoquées. Ces commentaires sont analysés plus bas.
    4. 4 Il convient toutefois de noter dès à présent que, tout au long de son argumentation, le gouvernement insiste sur le fait qu'il n'est pas lié par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qu'il n'a pas ratifiée, mais uniquement, dans le domaine traité par elle, par les principes généraux de la Déclaration de Philadelphie.
    5. 5 Le gouvernement déclare notamment à cet égard: « ... à partir du moment où il est prouvé que la législation portugaise respecte ces principes, il n'y a aucune raison de prolonger l'appréciation de cette plainte, sous le prétexte que le système adopté n'est pas expressément prévu dans une convention non ratifiée et utilisée uniquement comme élément de comparaison ».
    6. 6 Il est apparu qu'il convenait ici pour le comité de dissiper ce qui paraît être un malentendu. Dans son 113e rapport, en effet, le comité n'entend pas accuser le Portugal de violer des obligations internationales formelles découlant de conventions ratifiées. Il s'est efforcé d'apprécier une situation de fait et de droit et d'indiquer les mesures qui, à son avis, devraient être prises pour que la liberté syndicale soit pleinement respectée par le Portugal, en se fondant pour ce faire sur les critères découlant des principes généralement admis en la matière.
    7. 7 Il y a lieu de rappeler à cet égard que le comité a toujours considéré qu'il devrait, en s'acquittant de la responsabilité qui lui a été confiée d'appliquer les principes de la Déclaration de Philadelphie, « être guidé dans sa tâche en s'inspirant entre autres des dispositions en rapport avec ces principes que la Conférence a approuvées et incorporées dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui permettent d'établir une base de comparaison lorsqu'il s'agit d'examiner telle ou telle allégation ».
    8. 8 C'est dans l'esprit indiqué aux deux paragraphes précédents que le comité a examiné dans le passé l'affaire dont il est saisi et c'est dans cet esprit également qu'il entend en poursuivre l'examen. Il croit devoir rappeler à ce propos que c'est précisément pour compléter les mécanismes de contrôle prévus pour veiller à l'application des conventions ratifiées qu'a été institué le mécanisme spécial dont le Comité de la liberté syndicale est un des rouages et qui - partant du principe selon lequel, « en ce qui concerne les droits syndicaux, l'Organisation internationale du Travail a pour fonction de contribuer à l'application effective du principe général de la liberté d'association, qui est l'une des principales sauvegardes de la paix et de la justice sociale » - est habilité à examiner les plaintes déposées en la matière contre les Etats Membres de l'Organisation, que ceux-ci aient ou n'aient pas ratifié les conventions relatives à la liberté syndicale.
    9. 9 Dans ces conditions et compte tenu du fait que le gouvernement a présenté des observations sur le fond de l'affaire, le comité a jugé opportun, à la lumière des considérations exposées ci-dessus, d'en reprendre l'examen.
  • Examen de l'affaire quant au fond
    • a) Limitation du nombre des organisations syndicales qui peuvent être constituées
      1. 10 A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note des modifications suivantes introduites dans la législation:
    • i) les dispositions de l'article 1 du décret-loi no 23050, aux termes desquelles un syndicat ne pouvait être créé que par plus de cent travailleurs exerçant la même profession, ont été abrogées;
    • ii) les dispositions de l'article 3 ont été modifiées de façon à permettre aux syndicats d'avoir un ressort territorial dépassant les limites du district;
    • iii) l'article 3 a été modifié en outre de façon à permettre à un syndicat de représenter plus d'une catégorie professionnelle dans le même district ou à deux syndicats, voire davantage, de représenter la même catégorie professionnelle dans le même district;
    • b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que, de l'avis du comité, pour donner effet au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer des organisations de leur choix et celui de s'affilier à ces organisations sans autorisation préalable, il serait nécessaire de prendre les mesures suivantes:
    • i) supprimer les dispositions de l'article 3 en vertu desquelles l'agrément d'un organisme gouvernemental doit être obtenu avant qu'un syndicat puisse représenter plus d'une catégorie professionnelle dans le même district ou que deux syndicats, voire davantage, puissent représenter la même catégorie professionnelle dans le même district;
    • ii) éliminer les restrictions mises aux syndicats par l'article 4, aux termes duquel seuls peuvent exister légalement des syndicats ayant une dimension et une capacité financière d'un niveau minimum.
      1. 11 Dans ses observations, le gouvernement souligne que le principe de la liberté d'association contenu dans la Déclaration de Philadelphie «ne paraît pas autoriser des exigences de la nature de celles que recommande le comité, puisque l'absence de réglementation n'y a pas été établie comme règle et puisque les normes en cause n'affectent pas ce principe ».
      2. 12 Répondant au point b) i) cité ci-dessus, le gouvernement fait observer que l'article 3 modifié du décret-loi no 23050 exige expressément de prêter attention à « la volonté des travailleurs clairement manifestée » et qu'il impose à cette fin l'obligation d'« entendre les intéressés ». L'intervention de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, indique le gouvernement, devient donc nécessaire pour éviter la désorganisation qui affecterait tout le système « si l'on ne tenait pas compte également d'autres intérêts ». En effet, précise le gouvernement, les syndicats s'intègrent dans une structure corporative complexe dans laquelle il faut maintenir la représentation paritaire des travailleurs et des employeurs. Il ajoute que les syndicats ont en outre des fonctions publiques qui doivent être garanties lors de la création d'organismes parallèles. Enfin, déclare le gouvernement, l'intervention de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale donne au gouvernement la possibilité de protéger les syndicats contre les actes d'ingérence éventuelle des organismes patronaux.
      3. 13 En ce qui concerne l'article 4, le gouvernement déclare « qu'il ne contient pas une restriction, mais une demande presque formelle destinée à assurer la représentation efficace des travailleurs ». Pareille exigence, affirme le gouvernement, ne limite en rien l'organisation des membres d'une profession puisque les paragraphes 2 et 3 dudit article rendent toujours possible la constitution de noyaux ayant la structure et le régime que les intéressés tiennent dans chaque cas pour appropriés et bénéficiant cependant de l'utilisation de services communs. « En résumé - déclare le gouvernement -, il s'agit d'une structure que la loi envisage comme possible pour faciliter l'association des travailleurs et non pour l'entraver et qui tend, par ailleurs, à leur assurer l'indépendance financière. »
      4. 14 La conclusion des observations du gouvernement sur cet aspect de l'affaire est ainsi libellée: « Le gouvernement portugais, qui commence maintenant à étudier les premiers résultats de cette nouvelle réglementation légale, très différente de la précédente, estime que rien ne justifie pour l'instant une modification quelconque du régime institué, qui respecte entièrement le principe de la liberté d'association. »
      5. 15 En ce qui concerne les commentaires du gouvernement analysés au paragraphe 12 ci-dessus, on pourrait certes concevoir que le système corporatif en vigueur au Portugal rende nécessaire une certaine forme de contrôle de la part de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale pour que le mécanisme institué puisse fonctionner de la manière et pour les buts dans lesquels il a été conçu. Si tous les effets du système ne sont pas nécessairement négatifs (en particulier quant à la protection contre les actes d'ingérence de la part des organismes patronaux), le comité constate néanmoins que la législation en vigueur a pour conséquence de subordonner la création des syndicats à une autorisation préalable d'un organisme gouvernemental, ce qui n'est pas conforme aux principes généralement admis en matière de liberté syndicale.
      6. 16 En ce qui concerne les observations du gouvernement analysées au paragraphe 13, le comité estime que les mesures tendant à assurer l'indépendance financière des syndicats ne peuvent être appréciées que dans le cadre et en fonction du régime syndical dans lequel elles se situent. De ce point de vue, il doit constater que, malgré les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 4 mentionné au paragraphe 10 ci-dessus sous le point b) ii), les « noyaux » syndicaux qui peuvent être créés restent intégrés aux syndicats existants tels que la législation les conçoit et que cette législation a néanmoins pour effet de limiter, par les restrictions qu'elle impose, le droit des travailleurs de créer les organisations « de leur choix » et celui de s'affilier a ces organisations, ce qui, ici encore, est contraire aux principes généralement acceptés en matière de liberté syndicale.
      7. 17 Le comité note enfin la déclaration du gouvernement d'où il ressort que ce dernier n'a pas l'intention de modifier, sur les points soulevés dans la présente section, les dispositions de sa législation.
      8. 18 Dans ces conditions, le comité prend note des explications fournies par le gouvernement et regrette que ce dernier estime inopportun d'envisager une adaptation de sa législation en la matière; pour les raisons indiquées aux paragraphes 15 et 16 ci-dessus, le comité maintient les conclusions auxquelles il avait précédemment abouti et qui sont citées au point b) dans le paragraphe 10 ci-dessus.
    • b) Obligation de soumettre les statuts des syndicats à l'approbation des autorités
      1. 19 A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note des modifications suivantes apportées à l'article 15 du décret-loi no 23050:
    • i) suppression de l'alinéa e), qui portait qu'un syndicat ne pouvait se faire verser par ses sections plus de 50 pour cent des cotisations perçues par elles;
    • ii) suppression des alinéas b) et c), qui demandaient l'insertion, dans les statuts des syndicats, d'un engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale et la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise, ainsi que la reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes;
    • b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il serait nécessaire, à son avis, pour donner effet aux principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'organiser leur activité et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, la législation nationale ne devant porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte à l'exercice effectif de ce droit, de prendre encore les mesures suivantes:
    • i) supprimer les dispositions de l'article 9 du décret-loi no 23050 aux termes desquelles « les syndicats nationaux doivent subordonner leurs intérêts respectifs aux intérêts de l'économie nationale »;
    • ii) supprimer les dispositions de l'article 18, paragraphe 3, du décret-loi no 23050, selon lesquelles les statuts d'un syndicat ne peuvent être approuvés que sur le vu d'un rapport de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale indiquant que l'organisation syndicale projetée « est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté ».
      1. 20 Dans ses observations, le gouvernement rappelle que la convention no 87 a été conçue comme constituant non pas un code de réglementation du droit syndical mais comme se bornant à énoncer certains principes fondamentaux et, par suite, comme laissant les Etats libres de prévoir dans leur législation telles formalités qui leur semblent propres à assurer le fonctionnement normal des organisations professionnelles. « S'il en est ainsi pour les pays qui ont ratifié la convention no 87 - poursuit le gouvernement -, on a d'autant plus de raisons de l'accepter pour ceux qui, n'ayant pas ratifié cet instrument comme le Portugal, ne doivent prendre en considération que les principes généraux. » Le gouvernement rappelle aussi que la convention no 87 elle-même, dans son article 8, fait une réserve en faveur du respect de la légalité « qui peut ou doit être assurée par voie de règlement ».
      2. 21 Le gouvernement déclare que c'est la raison pour laquelle la législation portugaise a suivi cette voie en établissant, dans le nouvel article 15 du décret-loi no 23050, le principe général de la liberté d'élaboration des statuts en réservant dans les articles 9 et 18 l'obligation de vérifier si un syndicat en voie de constitution n'a pas pour but d'enfreindre les normes générales établies pour la défense de l'économie du pays. C'est la même condition, précise le gouvernement, qui est fixée pour la constitution des associations patronales et qui vise à éviter la violation des normes fondamentales qui découlent, entre autres, des lois sur les monopoles, sur les trusts, sur les conventions illicites, sur les contrats collectifs, sur les salaires minima, sur la sécurité sociale, sur la durée du travail, etc.
      3. 22 « L'approbation des statuts des syndicats - affirme le gouvernement - se traduit donc par une formalité équivalant à celle de l'enregistrement qui existe dans de nombreux pays. » « La rédaction des articles 9 et 18 - poursuit le gouvernement - pourrait, il est vrai, être améliorée et la chose sera certainement faite à un autre moment. Mais l'interprétation qui a toujours été donnée à ces dispositions n'a pas imposé, dans la réforme partielle introduite par le décret-loi no 49058, une modification du texte. »
      4. 23 A titre indicatif, le gouvernement déclare que, depuis 1933 (date de la promulgation du décret-loi no 23050), « on n'a pas eu connaissance d'un seul cas d'interdiction, ce qui paraît suffisant à démontrer la signification que depuis toujours le gouvernement donne aux dispositions mentionnées ». Le gouvernement précise enfin que, conformément à la loi ordinaire, les intéressés ont la possibilité de recourir contre les décisions de refus devant les tribunaux compétents.
      5. 24 D'après les explications fournies par le gouvernement, il semblerait que les organisations professionnelles entendant se créer puissent librement élaborer leurs statuts et que l'approbation nécessaire de ces derniers par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale ne soit qu'une simple formalité équivalant à l'enregistrement.
      6. 25 Il n'y aurait certes pas atteinte à la liberté syndicale si la règle ci-dessus n'avait qu'un caractère formel et ne visait que d'éventuels vices de forme auxquels il est possible de remédier ou si elle n'avait pour objectif que de vérifier que les statuts respectent des dispositions législatives elles-mêmes conformes aux principes de la liberté syndicale.
      7. 26 Il en irait cependant autrement si cette règle donnait aux autorités publiques un pouvoir d'appréciation plus étendu et leur permettait de refuser l'approbation des statuts et, par là, d'interdire la création d'une organisation, en vertu d'exigences légales portant elles-mêmes atteinte aux principes de la liberté syndicale.
      8. 27 Or il apparaît que les notions d'« intérêts de l'économie nationale » et d'« intérêts économiques et sociaux de la communauté », incorporées dans les articles 9 et 18 du décret-loi no 23050, de par leur caractère général et mal défini, risquent d'ouvrir la porte à des interprétations extensives comportant un danger certain.
      9. 28 En effet, le but des syndicats étant essentiellement de défendre et de promouvoir les intérêts de leurs membres - intérêts qui ne coïncideront pas nécessairement toujours avec ce que les autorités publiques considéreront comme l'intérêt général -, il est évident qu'une interprétation large des notions mentionnées au paragraphe précédent et une exigence qu'elles soient expressément respectées dans les statuts syndicaux pourraient aller à l'encontre du principe généralement admis selon lequel les syndicats doivent pouvoir élaborer librement leurs statuts et, par la suite, exercer librement leur fonction de défense des intérêts de leurs membres.
      10. 29 Il ne semble pas, d'après les déclarations du gouvernement, que ce soit là le but visé par les dispositions mises en cause et, dans la pratique, aucun cas de refus de statuts n'aurait été constaté.
      11. 30 Dans ces conditions, étant donné que le gouvernement lui-même (voir paragr. 22) reconnaît que la rédaction des articles dont il est question pourrait être améliorée, le comité prend note des explications qui lui ont été fournies et estime qu'il serait souhaitable que le gouvernement envisage de modifier sa législation de manière qu'il ne puisse subsister aucune ambiguïté quant à l'interprétation et à la portée véritable des dispositions dont il s'agit et, à cette fin, de supprimer les dispositions de l'article 9 et de l'article 18, paragraphe 3, du décret-loi no 23050 qui sont mentionnées aux points b) i) et b) ii) cités au paragraphe 19 ci-dessus.
    • c) Restrictions mises au droit des syndicats d'élire leurs représentants
      1. 31 A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note des changements apportés à la législation, mentionnés ci-après:
    • i) le décret-loi no 25116 a été abrogé et l'article 15, paragraphe 5, du décret-loi no 23050 a été modifié, l'ancien système d'homologation ministérielle des résultats des élections syndicales étant remplacé par un système de vérification des conditions d'éligibilité des candidats par des commissions de vérification élues lors des assemblées générales des syndicats;
    • ii) le décret-loi no 32820 a été abrogé et l'article 21 du décret-loi no 23050 a été modifié, l'ancien système, qui permettait de substituer aux organes de direction élus des syndicats des personnes désignées par le gouvernement, étant remplacé par un nouveau système prévoyant la suspension et la destitution des membres des organes de direction par voie d'action en justice;
    • b) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'opportunité des mesures suivantes:
    • i) pour éviter le risque de limiter gravement le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, les plaintes présentées aux tribunaux du travail par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, conformément au paragraphe 8 du nouvel article 15, pour contester les résultats d'élections syndicales ne devraient pas avoir pour effet - avant l'achèvement des procédures judiciaires - de suspendre la validité desdites élections;
    • ii) pour éviter un risque analogue en ce qui concerne le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, ainsi que le droit des syndicats d'organiser leur administration et leurs activités, il serait nécessaire de supprimer les dispositions contenues dans le nouvel article 10 qui prescrivent le respect « des intérêts supérieurs de la nation et du bien commun », sur la base desquelles les tribunaux du travail doivent décider si la conduite des responsables syndicaux justifie leur destitution, étant donné que lesdites dispositions sont rédigées en termes si larges qu'elles ne peuvent fournir de critères précis pour les décisions judiciaires.
      1. 32 Dans ses observations, le gouvernement déclare que les suggestions formulées dans le rapport du comité « se rapportent à des questions de procédure qui peuvent, naturellement, être soumises à discussion si elles se révèlent inadéquates dans la pratique; mais, pour le moment, elles ne présentent aucun intérêt puisque les tribunaux n'ont eu à se prononcer sur aucun cas ». « De toute manière - poursuit le gouvernement -, elles ne doivent pas être appréciées dans le cadre de cette plainte puisqu'elles ne violent pas le principe général » contenu dans la Déclaration de Philadelphie.
      2. 33 Dans ces conditions, le gouvernement n'ajoutant aucun élément nouveau sur le fond de la question, le comité croit devoir maintenir les conclusions auxquelles il avait abouti et qui figurent aux points cités sous b) au paragraphe 31 ci-dessus.
    • d) Suspension et dissolution d'organisations syndicales par voie administrative
      1. 34 A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note des modifications apportées à l'article 10 du décret-loi no 23050, dont les dispositions sur la dissolution « immédiate » des syndicats par voie administrative ont été supprimées;
    • b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, pour assurer une meilleure application du principe selon lequel les organisations syndicales ne doivent pas être dissoutes ou suspendues par voie administrative, il serait nécessaire de modifier le nouvel article 20 du décret-loi no 23050 dans le sens suivant: Toute décision prise par une autorité non judiciaire telle que le Conseil corporatif et visant à dissoudre un syndicat ne pourra prendre effet que lorsque le délai d'appel sera écoulé sans qu'aucun appel contre cette décision ait été effectivement interjeté, ou lorsque la décision considérée aura été confirmée par un jugement du tribunal.
      1. 35 Dans ses commentaires, le gouvernement déclare que « la dissolution des syndicats ne peut plus résulter que de la décision de l'assemblée générale des organismes eux-mêmes ou, lorsque l'intervention du gouvernement est devenue nécessaire, d'une décision du Conseil des ministres; dans ce dernier cas, la possibilité est prévue d'un recours judiciaire qui devrait avoir un effet suspensif chaque fois qu'il en serait fait la demande. C'est cette construction qui a été adoptée en entier dans le décret-loi no 49058 et elle respecte sans conteste les principes généraux qui régissent la Constitution de l'OIT. Il est possible que la ratification de la convention no 87 par le Portugal obligerait à rejeter, en vertu des dispositions de l'article 4, la dissolution envisagée dans la seconde hypothèse, fort prudente, cependant, et prévue dans la loi actuelle. Mais le Comité de la liberté syndicale a reconnu que la non-ratification par le Portugal de la convention no 87 a pour effet de ne pas soumettre le pays aux mêmes obligations que s'il était partie audit instrument. Et c'est dans ces termes que le décret-loi no 49058 prévoit l'intervention du Conseil corporatif (qui est un conseil de ministres), mais assortie de règles qui garantissent aux syndicats la poursuite de leur activité normale, sans modifications, chaque fois qu'ils le demandent au tribunal compétent et que celui-ci défère à leur demande. »
      2. 36 Le comité a pris note avec intérêt des explications fournies par le gouvernement sur cet aspect de l'affaire, notamment en ce qui concerne l'effet suspensif des recours devant les tribunaux contre les décisions du Conseil corporatif en matière de dissolution. Le comité relève toutefois à ce propos que, d'après les déclarations du gouvernement, cet effet suspensif ne paraît être effectif que si les tribunaux défèrent à la demande présentée dans ce sens par les intéressés.
      3. 37 Le comité estime que l'effet suspensif devrait revêtir un caractère automatique, d'une part, tant que court le délai de recours, d'autre part, dès l'instant où un recours contre une décision de dissolution a été formé et c'est le sens qu'il entendait attacher à l'observation citée au point b) du paragraphe 34 ci-dessus.
    • e) Cotisations syndicales obligatoires
      1. 38 A la suite de son dernier examen du cas, la comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, pour assurer une application plus complète du principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et d'y adhérer, il serait nécessaire de modifier le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, dans le sens d'une suppression de l'obligation imposée à tous les travailleurs de la catégorie visée de verser des cotisations à un syndicat national unique qui aurait été autorisé à se constituer dans une branche professionnelle et dans un district donnés.
      1. 39 Dans ses observations, le gouvernement déclare que le système légal qui consiste à imposer une cotisation obligatoire aux travailleurs non membres d'un syndicat n'est pas un élément essentiel du système corporatif portugais. Il précise qu'il a été établi au cours de la dernière guerre pour tenir compte des conditions économiques provoquées par le conflit et affirme que seules des raisons d'ordre pratique ont conduit au maintien du système. Le gouvernement reconnaît toutefois que « la cotisation syndicale obligatoire peut donner lieu à l'annulation du principe de la liberté de l'affiliation syndicale ».
      2. 40 Dans ces conditions, prenant note des explications fournies par le gouvernement, le comité, se fondant sur les critères qui ont toujours été les siens dans son appréciation d'une situation donnée, ne peut que confirmer la conclusion citée au paragraphe 38 ci-dessus pour les motifs mêmes qui y sont exposés.
    • f) Contrôle des négociations collectives et homologation des conventions collectives par l'autorité gouvernementale
      1. 41 A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter qu'en vertu du décret-loi no 49212 l'intervention obligatoire de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, dans l'élaboration des conventions collectives, la direction des négociations et la rédaction des clauses, a été remplacée par une intervention facultative pouvant être demandée par l'organisme corporatif et destinée à octroyer, en particulier, une assistance de caractère juridique et technique aux parties;
    • b) de signaler à l'attention du gouvernement que le décret-loi no 49212 n'a pas modifié la situation antérieure en ce qui concerne la nécessité de l'homologation ministérielle pour l'entrée en vigueur d'une convention collective, et d'inviter une fois de plus le gouvernement à bien vouloir indiquer si le ministre compétent peut refuser ladite homologation et, dans l'affirmative, dans quelles conditions et pour quels motifs, et s'il existe des voies de recours contre le refus d'homologation.
      1. 42 Dans ses observations, le gouvernement déclare que l'appréciation portée par le ministère des Corporations a pour but de veiller à ce que la convention collective respecte les lois de l'ordre public et les normes de caractère impératif promulguées pour la défense des droits minima des travailleurs. « L'homologation ministérielle ne peut jamais remplacer ni modifier les textes arrêtés librement, d'un commun accord, entre les parties. » Le gouvernement précise que le décret-loi no 49212 ne prévoit même pas l'hypothèse du refus d'homologation et se limite, dans ses articles 2 et 3, à établir quelles sont les règles qui ne peuvent être violées par les conventions collectives. « Il s'ensuit - conclut le gouvernement - qu'il n'est possible légalement de refuser l'homologation que si ces règles viennent à être violées. Comme un refus éventuel ne pourrait avoir lieu que sur décision ministérielle, il est évident qu'il est possible de présenter un recours au Tribunal administratif suprême conformément aux règles générales du droit. »
      2. 43 Le comité remercie le gouvernement des explications qu'il a fournies sur cet aspect de l'affaire et en prend note avec intérêt. Il attire toutefois l'attention du gouvernement sur le risque de limitations à la négociation volontaire de conventions collectives que comportent des dispositions telles, par exemple, que celles de l'article 3 du décret-loi no 49212 qui fait d'une clause « contraire au droit réservé à l'Etat de coordonner et réglementer au degré supérieur la vie économique de la nation » un motif de refus d'homologation.
    • g) Restriction du droit des syndicats de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs
      1. 44 A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il serait, à son avis, nécessaire, afin de donner plein effet au principe généralement accepté selon lequel les organisations syndicales doivent avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, de supprimer les dispositions du nouvel article 10 [du décret-loi no 23050] subordonnant l'exercice de ce droit au pouvoir discrétionnaire de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale.
      1. 45 Dans ses commentaires, le gouvernement fait valoir que l'intervention de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale a pour but d'éviter une double représentation (par la corporation et par les syndicats) d'intérêts identiques. Cette intervention de l'institut - ajoute le gouvernement - permet encore d'éviter que la représentation par l'intermédiaire de grands blocs n'empêche la représentation individuelle des organismes de moindre dimension. C'est la structure même de la pyramide corporative - poursuit le gouvernement - qui explique la nécessité d'une intervention de l'Etat, en cas de conflit, pour trouver la solution la mieux appropriée et la plus équilibrée.
      2. 46 Outre ces explications, le gouvernement fait observer une nouvelle fois que, le Portugal n'ayant pas ratifié la convention no 87, les dispositions de l'article 5 de ladite convention ne lui sont pas applicables. Par ailleurs, ajoute le gouvernement, on ne peut en aucune manière déduire des simples principes contenus dans la Déclaration de Philadelphie « que les organismes ont le droit de s'affilier à des organisations internationales et encore moins que ce droit, à supposer qu'il existe, doit être exempt de certaines conditions légales. Cette position ne signifie pas que le gouvernement portugais a l'intention de considérer la règle dudit article 5 comme moins justifiée. Il prétend seulement affirmer une fois encore que la divergence possible de la législation portugaise sur ce point ne représente pas une violation d'une norme qu'il doit respecter. » En conclusion, le gouvernement déclare ne voir aucune raison de modifier le texte de la loi en vigueur.
      3. 47 Le comité regrette la position prise par le gouvernement et maintient l'opinion qu'il avait exprimée, selon laquelle il serait plus conforme au principe généralement admis d'après lequel les organisations syndicales devraient avoir le droit de s'affilier librement à des organisations professionnelles internationales, de supprimer les dispositions du nouvel article 10 du décret-loi no 23050 qui subordonnent l'exercice de ce droit au pouvoir de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale.
    • h) Interdiction des grèves d'après la législation portugaise
      1. 48 A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait abouti sur ce point aux conclusions suivantes:
    • ... le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler une fois de plus l'attention du gouvernement sur le fait que le droit de grève des travailleurs et de leurs organisations est, à son avis, un moyen légitime de défendre leurs intérêts professionnels et qu'il serait par conséquent nécessaire de modifier la législation actuelle, le décret-loi no 23870 en particulier, qui interdit toute grève.
      1. 49 Dans ses observations, le gouvernement rappelle qu'il existe au Portugal des mécanismes de conciliation et d'arbitrage pour la solution des conflits collectifs de travail et que le décret-loi no 49212, notamment, établit à cet égard des règles détaillées, fixe des normes et prévoit des délais.
      2. 50 Le gouvernement justifie le système en vigueur en la matière au Portugal par le fait que « toute la législation portugaise se fonde sur le principe défendu par l'Organisation internationale du Travail qui se résume ainsi: si les grèves sont interdites ou sujettes à des restrictions, les travailleurs doivent avoir des garanties suffisantes pour défendre leurs intérêts; des processus de conciliation et d'arbitrage impartial et rapide appropriés doivent être établis aux diverses étapes desquels les intéressés devraient pouvoir participer ».
      3. 51 Il semble que le gouvernement portugais ait interprété de façon erronée la pensée du comité en paraissant faire une règle de ce que celui-ci entendait comme une exception. La règle, en effet, aux yeux du comité, est que le droit de grève, exercé pour la défense et la promotion des intérêts des travailleurs, devrait être reconnu à ces derniers et à leurs organisations en tant que moyen d'action légitime. Ce n'est que dans des cas particuliers, tels que ceux des services essentiels et de la fonction publique, que le comité a admis que le droit de grève puisse ne pas être reconnu; et c'est dans ces cas-là seulement qu'il a souligné que, les travailleurs étant privés d'un moyen d'action essentiel normalement à leur disposition, des procédures de conciliation et d'arbitrage devraient les compenser de la privation d'un tel moyen d'action.
      4. 52 Etant donné ce qui précède, le comité ne peut que maintenir la position qui avait été la sienne antérieurement et réaffirmer la conclusion citée au paragraphe 48 ci-dessus.
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