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Definitive Report - Report No 135, March 1973

Case No 677 (Sudan) - Complaint date: 28-JUL-71 - Closed

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  1. 136. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois lors de sa 61e session (mai 1972), à l'occasion de laquelle il a soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire figurant aux paragraphes 156 à 175 de son 131e rapport.
  2. 137. Lors de sa 62e session (novembre 1972), le comité avait ajourné son examen du cas car les renseignements fournis par le gouvernement, dans une communication du 30 octobre 1972, étaient parvenus trop tard pour être examinés au fond.
  3. 138. Le Soudan n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à l'exécution et à l'emprisonnement de dirigeants syndicaux
    1. 139 Lors de sa 61e session, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte du jugement à la suite duquel M. Shafie Ahmed et Cheikh, secrétaire général de la Fédération soudanaise des syndicats de travailleurs et vice-président de la Fédération syndicale mondiale, avait été exécuté (le 26 juillet 1971), ainsi que celui des considérants de la sentence. Le comité avait également invité le Conseil d'administration à prier le gouvernement de bien vouloir indiquer quelle était la situation actuelle de tous les syndicalistes nommément désignés par les organisations plaignantes, de préciser si ces derniers avaient comparu devant une juridiction et, dans l'affirmative, de fournir les textes des jugements rendus ainsi que celui de leurs considérants.
    2. 140 Dans une communication du 30 octobre 1972, le gouvernement se borne à répéter, au sujet de M. Shafie Ahmed et Cheikh, que son exécution a été uniquement motivée par son entière adhésion à une tentative de renversement du gouvernement par la force, mouvement auquel il participait en sa qualité de membre du Comité central du Parti communiste, qui avait organisé le coup. Son exécution, déclare le gouvernement, était sans rapport avec ses activités syndicales.
    3. 141 Les organisations plaignantes ont aussi allégué que de très nombreux dirigeants et militants syndicaux avaient été arrêtés et emprisonnés. Dans une communication du 4 août 1971, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement cite le nom de cinq dirigeants arrêtés et précise que, sauf trois, les trente-deux membres du comité exécutif de la Fédération soudanaise des syndicats d'enseignants avaient aussi tous été arrêtés. Dans sa communication du 9 août 1971, la FSM mentionnait nommément trois dirigeants arrêtés; elle en mentionnait nommément cent dans sa communication du 24 avril 1972. Dans sa communication du 31 août 1971, la FSM déclarait que le gouvernement avait décidé de faire comparaître devant le tribunal militaire six militants syndicaux, dont M. Hassan Gasmel Sayed, secrétaire général de la Fédération générale des employés du Soudan et membre suppléant du Conseil général de la FSM, et elle exprimait la crainte de voir ces personnes subir le même sort que M. Shafie Ahmed et Cheikh.
    4. 142 Dans sa communication du 30 octobre 1972, le gouvernement déclare que ces syndicalistes ont été mis en détention préventive pour avoir activement participé, en leur qualité de membre du Parti communiste soudanais, au coup d'Etat manqué contre le gouvernement. Leur arrestation, déclare le gouvernement, n'a donc rien à voir avec leurs activités syndicales. Le gouvernement ajoute que treize des cent personnes mentionnées dans le mémoire de la FSM n'ont nullement été arrêtées et que deux des noms cités sont inconnus. Cinquante et une de ces personnes ont déjà été élargie et trente-quatre demeurent incarcérées.
    5. 143 Lors de son précédent examen du cas, le comité avait attiré l'attention du gouvernement (131e rapport, paragraphes 163166) sur le fait que le comité s'est toujours fait une règle - dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicaux avaient été arrêtés ou condamnés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter de semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées, en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun - de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les mesures incriminées, en particulier en ce qui concerne les poursuites judiciaires entreprises et, notamment, le texte des jugements prononcés et de leurs attendus.
    6. 144 Par ailleurs, le comité a rappelé que, dans les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation d'un dirigeant syndical, le comité, estimant que l'intéressé devait bénéficier d'une présomption d'innocence, a considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de la personne à laquelle lesdites mesures étaient appliquées.
    7. 145 En ce qui concerne les dirigeants syndicaux qui, d'après les déclarations du gouvernement lui-même, se trouvaient en détention préventive, le comité a aussi rappelé que, dans de tels cas, estimant que des mesures de détention préventive peuvent entraîner un sérieux obstacle à l'exercice des droits syndicaux, il a toujours mis en relief le droit pour toutes les personnes détenues d'être jugées équitablement dans les délais les plus prompts.
    8. 146 A la lumière des principes ainsi rappelés, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir les renseignements demandés au paragraphe 139 ci-dessus.
    9. 147 Le comité a noté avec intérêt que cinquante et un des syndicalistes nommément désignés par les organisations plaignantes ont été élargis. Il déplore cependant que le gouvernement se borne, comme auparavant, à répondre en termes généraux que les syndicalistes en question ont été mis en détention préventive à cause de leur participation à une tentative de coup d'Etat; il regrette également que le gouvernement n'indique pas si ces personnes ont été présentées à une instance de jugement. Sur ce point, le comité ne peut que recommander au Conseil d'administration de regretter que le gouvernement n'ait pas fourni le texte du jugement rendu en ce qui concerne M. Shafie Ahmed, le mettant ainsi dans l'impossibilité d'aboutir à une conclusion sur cet aspect du cas. En ce qui concerne les syndicalistes restants, dont le gouvernement déclare qu'ils demeurent incarcérés, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe énoncé as paragraphe 145 ci-dessus, de préciser si ces personnes ont compara devant une juridiction nationale et, dans l'affirmative, de fournir le texte des jugements rendus ainsi que celui de leurs considérants.
  • Allégations relatives à la dissolution de syndicats et à la réorganisation du mouvement syndical
    1. 148 Lors de son précédent examen du cas, le comité était saisi d'allégations concernant la dissolution, par le gouvernement, de plusieurs fédérations et des syndicats qui leur étaient affiliés. Le gouvernement a déclaré que ces fédérations et syndicats ont été dissous avec le consentement de la Fédération des syndicats des travailleurs soudanais et d'autres organisations concernées, y compris la Fédération soudanaise des syndicats d'enseignants. Cette mesure a été prise, a déclaré le gouvernement, afin de réorganiser les syndicats à la faveur d'un nouveau texte législatif promulgué le 1er août 1971 - et en vertu duquel on ne peut créer plus d'un syndicat de travailleurs et plus d'un syndicat d'employés dans chaque secteur, industrie ou branche, ni plus d'une fédération nationale de syndicats de travailleurs ou d'une fédération nationale de syndicats d'employés.
    2. 149 Le comité avait signalé que des mesures de dissolution prises par le pouvoir exécutif d'un gouvernement, en vertu d'une loi de pleins pouvoirs ou en exécution de fonctions législatives, constituent une violation des droits syndicaux, dans la mesure où elle ne permet pas d'assurer les droits de la défense, qui ne peuvent être garantis que par une procédure judiciaire normale.
    3. 150 En outre, le comité avait signalé qu'une situation dans laquelle un travailleur se voit dénier toute possibilité de choix entre diverses organisations, parce que la législation ne permet que l'existence d'une seule organisation dans le secteur professionnel où l'intéressé exerce son activité, est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, étant donné que de telles dispositions établissent, par la voie législative, un monopole syndical qu'il convient de distinguer aussi bien des clauses et pratiques de sécurité syndicale que des situations de fait dans lesquelles les travailleurs forment volontairement une seule organisation.
    4. 151 Les organisations plaignantes avaient aussi présenté certaines allégations au sujet desquelles le gouvernement n'avait pas répondu au moment où le Comité a examiné le cas pour la dernière fois. Ces allégations concernaient surtout la création, sans le consentement des travailleurs, de comités préparatoires pour les syndicats, dans certaines entreprises. Les organisations plaignantes ajoutent que, vers la fin du mois de mars 1972, le ministre des Services publics et de la Réforme administrative a pris une décision (publiée dans le numéro du 31 mars 1972 de al Ayam, journal officiel du gouvernement soudanais) dans laquelle il se référait à la loi du 1er août 1971 en affirmant qu'elle définissait clairement la tâche des comités préparatoires des syndicats. D'après les organisations plaignantes, le ministre a déclaré que les dissensions opposant les membres de certains comités préparatoires entravaient la poursuite des tâches des syndicats et que, pour mettre fin à ces conflits, il avait décidé que les comités préparatoires se consacreraient uniquement à la formation de nouvelles organisations, s'abstenant de toute autre activité, y compris le règlement des conflits, tant que les nouvelles organisations ne seraient pas constituées.
    5. 152 Dans sa communication du 30 octobre 1972, le gouvernement déclare que le système du syndicat unique n'a pas été imposé aux travailleurs, mais fondé sur leur consentement. Ce système, poursuit le gouvernement, est repris du Code du travail de 1970 et il a été institué dans la loi de 1971 sur les syndicats. Les organisations plaignantes demanderaient la remise en vigueur du Code du travail de 1970 qui prévoyait le système du syndicat unique. Le gouvernement ajoute que ce code a été rédigé par une commission de plus de 80 membres représentant les ouvriers, les employés et le gouvernement, les représentants ouvriers constituant 50 pour cent du total. Il est à noter, relève le gouvernement, que fl. Shafie Ahmed et Cheikh présidait cette commission; on voit donc que les fédérations dissoutes avaient pleinement participé aux travaux de cet organisme.
    6. 153 Le gouvernement déclare que tous les syndicats du pays ont été déclarés dissous le 1er août 1971, afin de mettre en oeuvre la loi de 1971 sur les syndicats. Le Code du travail de 1970 avait été suspendu car il devait être révisé à cause de certains défauts techniques qui entraînaient des charges financières excessives pour les employeurs et le gouvernement. Néanmoins, le Code du travail et la loi sur les syndicats prévoyaient tous deux que l'on unifierait le mouvement syndical en général en regroupant de multiples syndicats, petits et faibles, en un nombre raisonnable de grands syndicats à ramifications principales et secondaires. Les comités directeurs des syndicats ont été reconnus en qualité de comités préparatoires chargés de reconstituer les syndicats dans le sens prescrit par la loi de 1971 et de faire procéder à des élections sous le contrôle de commissions présidées par des juges pour assurer le bon déroulement des scrutins. La plupart des syndicats, affirme le gouvernement, ont parachevé leur réorganisation et déposé leurs dossiers auprès du greffier des syndicats, après avoir procédé à leurs élections. Les comités préparatoires des syndicats ouvriers auraient déjà constitué un secrétariat chargé de coordonner leurs activités et de préparer la création de leurs fédérations.
    7. 154 Pour ce qui est de la déclaration faite par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, le gouvernement déclare que le but en était de recommander aux membres des comités préparatoires de s'abstenir de querelles personnelles et de limiter leurs activités à la reconstitution de leurs organisations, comme le voulait la nouvelle loi. Les comités préparatoires étaient invités à confier le soin de résoudre leurs conflits à l'assemblée générale de chacun des syndicats institués par la nouvelle loi - et cela dans le dessein de stimuler la constitution d'un syndicalisme robuste. Le gouvernement ajoute que cette déclaration a atteint ses buts, comme le montre la diligence des syndicats à soumettre leurs nouveaux statuts et à tenir leurs élections. Les mesures prises par le gouvernement, avec le consentement général des travailleurs, pour réorganiser le mouvement syndical tendraient, en fait, bien plus à garantir la liberté syndicale qu'à l'amoindrir.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 155. Appelant, une fois de plus, l'attention du gouvernement sur les principes énoncés aux paragraphes 149 et 150 ci-dessus, le comité tient aussi à rappeler que, comme il l'a déjà souvent signalé, si les travailleurs peuvent avoir généralement avantage à éviter la multiplication du nombre des organisations syndicales, l'unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention de l'Etat par voie législative, une telle intervention étant contraire au principe selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier. La Commission d'experts de l'OIT pour l'application des conventions et recommandations a souligné à cet égard que: "Il existe une différence fondamentale vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection du droit syndical entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays, où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont en général avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat et, notamment, l'intervention de celui-ci par voie législative." Tout en appréciant pleinement le désir que pourrait avoir un gouvernement de promouvoir un mouvement syndical fort, en évitant les défauts résultant d'une multiplicité injustifiée de petits syndicats qui se font concurrence et dont l'indépendance peut être mise en danger par leur faiblesse, le comité a attiré l'attention sur le fait qu'il est plus souhaitable, dans de tels cas, pour un gouvernement, de chercher à encourager les syndicats à se grouper volontairement pour former des organisations fortes et unies, plutôt que de leur imposer par la loi une unification obligatoire qui prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va ainsi à l'encontre des principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 156. Dans ces conditions et en ce qui concerne ce cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet de l'exécution et de l'emprisonnement de dirigeants syndicaux:
    • i) de noter avec intérêt que cinquante et un des syndicalistes nommément désignés par les organisations plaignantes ont été élargis;
    • ii) de déplorer que le gouvernement n'ait pas fourni le texte du jugement prononcé à l'égard de M. Shafie Ahmed et Cheikh, plaçant ainsi le comité dans l'impossibilité d'aboutir à une conclusion sur cet aspect du cas;
    • iii) au sujet des autres syndicalistes encore incarcérés, d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe énoncé au paragraphe 145 ci-dessus et de prier à nouveau le gouvernement de faire savoir si ces personnes ont comparu devant un tribunal et, dans l'affirmative, de communiquer le texte des jugements prononcés et celui de leurs considérants;
    • b) au sujet de la dissolution des syndicats et de la réorganisation du mouvement syndical, d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes et les considérations mentionnés aux paragraphes 149, 150 et 155 ci-dessus, et de souligner que, quels que puissent être les avantages d'un mouvement syndical unique lorsque celui-ci est librement constitué par les travailleurs eux-mêmes, le fait que l'unité dans le mouvement syndical soit imposée par la législation prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va par-là même à l'encontre des principes de la liberté syndicale.
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