Display in: English - Spanish
- 203. Par une communication en date du 4 mai 1974, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a présenté une plainte concernant les atteintes qui auraient été portées à l'exercice des droits syndicaux au Guatemala. La CLAT a en outre adressé des informations complémentaires dans une communication datée du 29 mai 1974.
- 204. Les communications précitées ont été transmises au gouvernement qui a indiqué dans une communication du 24 janvier 1976 qu'il n'y avait eu aucune violation des droits syndicaux et qu'il fournirait plus tard ses observations. Ces dernières ont été envoyées dans une communication datée du 18 juin 1976.
- 205. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 206. Dans sa communication du 4 mai 1974, la Centrale latino-américaine des travailleurs, au nom de l'organisation qui lui est affiliée au Guatemala, la Centrale nationale des travailleurs (CNT), allègue qu'à l'occasion de la manifestation unitaire du 1er mai, les forces de l'armée nationale G2 et des polices du gouvernement ont assailli le défilé, faisant quatre morts et de nombreux blessés grièvement atteints, dont le nombre total n'avait pas été encore déterminé.
- 207. La CLAT ajoute que, parmi les morts et les blessés, figurent des membres de la Centrale nationale des travailleurs, dont, en particulier, Julio Celso de León, dirigeant national et membre du comité exécutif de la CLAT. Selon l'organisation plaignante, ce dirigeant syndical, dont la vie aurait été en danger, a été grièvement blessé de trois balles, alors qu'il défilait pacifiquement devant le palais du Congrès national.
- 208. Dans sa communication du 29 mai 1974, la CLAT dresse une liste de personnes qui, parmi d'autres, auraient été tuées ou blessées. Elle cite ainsi, parmi les morts, les noms de Roberto Casimiro Estrada L, de la Ligue paysanne de Zacatón; de Rafael Caal Inocente, de la Ligue paysanne de Mzatenango, et de Clemente Hernández Garcia, du Syndicat municipal. La CLAT mentionne, parmi les blessés, Julio Celso de León, déjà cité dans sa première communication, ainsi que le nom de quatorze autres personnes, dont on ne savait pas si elles exerçaient des responsabilités syndicales. La CLAT joint en outre à sa communication des coupures de presse faisant état des événements survenus le 1er mai 1974.
- 209. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que la plainte présentée par la CLAT n'est pas fondée et demande qu'il soit mis un terme à la procédure en décidant qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de la plainte. A titre d'information, le gouvernement cite un rapport du ministère de l'Intérieur sur les événements du 1er mai 1974.
- 210. Ce rapport indique que le défilé des travailleurs avait été autorisé par la préfecture à la demande du secrétaire général de la Fédération autonome syndicale guatémaltèque (FASGUA). En vue de faciliter le déroulement de la manifestation, un vaste secteur urbain fut fixé comme lieu du défilé.
- 211. Alors que le défilé suivait, sans aucun incident, son itinéraire, un groupe de 150 à 200 personnes emmené par des dirigeants du parti politique "Démocratie chrétienne guatémaltèque" apparut subitement et interrompit la manifestation en essayant de l'obliger à modifier son parcours pour se diriger vers le parc central.
- 212. Comme le nouvel itinéraire contrevenait à l'autorisation donnée par la préfecture, la police nationale indiqua aux organisateurs qu'ils ne devaient pas changer l'itinéraire autorisé. A ce moment, commença à tomber sur les forces de police une pluie de pierres qui blessa deux agents, brisa les vitrines de plusieurs commerces et détruisit complètement les feux du carrefour et l'éclairage électrique. En dépit des dommages déjà provoqués et de la mise en garde des forces de sécurité, un groupe de personnes persistait à vouloir emprunter un parcours non autorisé. Devant une telle situation, la police nationale n'eut d'autre solution que de lancer des gaz lacrymogènes afin d'obliger les manifestants à revenir vers la direction prévue. Il y eut alors un moment de dispersion parmi les manifestants et, à cet instant précis, on entendit des coups de feu provenant de personnes qui s'étaient infiltrées flans la manifestation. Ce moment de tension passé, les forces de l'ordre contrôlèrent la situation et le meeting prévu se déroula sans autre incident.
- 213. Le rapport du ministère de l'Intérieur indique que la police nationale a prêté une large collaboration au défilé et a assuré une surveillance appropriée. L'emploi des gaz lacrymogènes est dû à l'action de la colonne qui tenta de dévier la manifestation et un groupe profita de ce moment pour commettre des actes de vandalisme. Pour ce qui est des coups de feu, le rapport rejette la responsabilité de la police nationale, étant donné que celle-ci avait reçu l'ordre exprès de ne pas faire usage de ses armes à feu. La responsabilité de ces actes de violence incombe aux personnes infiltrées dans la manifestation. En dernier lieu, le rapport signale qu'un groupe de personnes qui participait au défilé avait indiqué aux chefs de la police qu'elles déploraient cette interruption provoquée par des personnes qui n'avaient rien à voir avec le défilé qu'elles avaient organisé. Le gouvernement joint à sa communication un extrait de presse faisant état de l'ordre dans lequel avait été célébrée la fête du travail.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 214. Le comité note que la plainte concerne des incidents survenus lors d'un défilé organisé à l'occasion du 1er mai, au cours duquel une intervention des forces de l'ordre aurait provoqué la mort de syndicalistes et aurait fait également plusieurs blessés. Le comité remarque que le gouvernement rejette la responsabilité des événements sur un groupe de Personnes qui aurait tenté de détourner le cortège de son itinéraire autorisé. En outre, selon le gouvernement, les coups de feu provenaient de personnes infiltrées dans la manifestation et non des forces de police qui n'auraient pas fait usage de leurs armes à feu. Enfin, le comité remarque que le gouvernement ne se réfère pas dans ses observations aux syndicalistes dont les plaignants alléguaient qu'ils étaient morts ou blessés.
- 215. Dans des cas antérieurs, le comité a estimé que le droit d'organiser des réunions publiques et des cortèges à l'occasion du 1er mai constitue un aspect important des droits syndicaux. Toutefois, les organisations syndicales sont tenues de respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques applicables à tous et de se conformer aux limites raisonnables que pourraient fixer les autorités en vue d'éviter des désordres sur la voie publique.
- 216. Dans le cas présent, l'autorisation d'organiser un cortège avait été accordée sous réserve d'emprunter un itinéraire préalablement fixé. Le comité considère qu'une telle réserve ne constitue pas une atteinte à l'exercice des droits syndicaux.
- 217. Pour ce qui est des événements ayant provoqué la mort de syndicalistes et fait de nombreux blessés, le comité doit rappeler qu'il a maintes fois souligné que l'institution d'une enquête indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir les faits et déterminer les responsabilités lorsque se sont déroulés des troubles ayant entraîné des pertes de vie humaine. Il n'apparaît pas au vu de la réponse du gouvernement si une enquête indépendante a été effectuée. En particulier, le gouvernement ne précise pas si les personnes infiltrées dans la manifestation, qui auraient été à l'origine des coups de feu et auraient ainsi tué et blessé des syndicalistes, ont été retrouvées et si leur responsabilité a été établie par les organes judiciaires compétents.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 218. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 215 et 216 ci-dessus;
- b) de demander au gouvernement si une enquête indépendante a été effectuée en vue d'éclaircir les faits et d'établir les responsabilités à propos des événements qui auraient entraîné la mort de syndicalistes et fait de nombreux blessés et, dans l'affirmative, d'en communiquer les conclusions et d'indiquer si les responsables ont été traduits devant la justice;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il aura obtenu les informations sollicitées du gouvernement.