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Definitive Report - Report No 151, November 1975

Case No 799 (Türkiye) - Complaint date: 21-AUG-74 - Closed

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  1. 1. PLAINTE PRESENTEE PAR LA CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE TURQUIE (TURK-IS) ET LA FEDERATION DES SYNDICATS TURCS CYPRIOTES CONTRE LE GOUVERNEMENT DE CHYPRE (CAS No 798) et
  2. 2. PLAINTE PRESENTEE PAR LA CONFEDERATION DES TRAVAILLEURS DE CHYPRE CONTRE LE GOUVERNEMENT DE TURQUIE (CAS No 799)

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 1. Cas no 798
  2. 89. Le 12 août 1974, le Directeur général a reçu une plainte dé la Confédération des syndicats des travailleurs de Turquie dans laquelle il était allégué qu'au moins trois dirigeants syndicaux de la Fédération des travailleurs turcs de Chypre étaient détenus en otage depuis le 20 juillet à Limassol et à Larnaka par la Garde nationale grecque. Dans ces deux villes, poursuivent les plaignants, les Grecs ont pénétré par effraction dans les locaux du syndicat et les ont mis à sac. Les dirigeants syndicaux en question sont Huseyin Gurcuoglu, secrétaire du Syndicat de Larnaka, Erdogan Niyazi de Limassol, tous deux membres du comité exécutif de la fédération, et Dogan Hakki président du Syndicat de la police auxiliaire et des employés des forces aériennes royales. Les plaignants ajoutaient ne disposer d'aucune information concernant le sort des autres syndicalistes dans ces deux villes. Dans d'autres communications datées du 23 août et du 9 septembre 1974, figuraient les noms d'autres syndicalistes turcs qui avaient été pris en otage et faits prisonniers de guerre par les forces grecques; des informations de caractère plus général ont été fournies au sujet de la situation qui prévalait dans le secteur turc de Chypre où, d'après les plaignants, de nombreuses villes et villages avaient été occupés par les forces grecques.
  3. 90. Dans une communication ultérieure datée du 29 août 1974, les plaignants fournissaient un récit plus détaillé des événements qui se sont produits à Chypre, en particulier de la situation qui a suivi le coup d'Etat organisé le 15 juillet 1974 par la Garde nationale cypriote grecque et l'intervention des forces turques à Chypre le 20 juillet 1974.
  4. 91. Les communications mentionnées ci-dessus ont été dûment transmises au gouvernement de Chypre, qui a présenté ses observations dans des communications du 30 août 1974, du 25 septembre 1974 et du 20 novembre de la même année.
  5. 92. Chypre a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  6. 93. Le gouvernement de Chypre, dans sa communication du 30 août 1974, se réfère à l'intervention militaire des forces turques à Chypre, aux destructions qui s'ensuivirent et au fait que des dizaines de milliers de Cypriotes grecs étaient soit portés disparus soit détenus en otage. Le gouvernement déclare en particulier qu'un certain nombre de Cypriotes turcs qui ont pris part à cette destruction ont été faits prisonniers par les forces armées de la République. Tel est le cas d'Erdogan Niyazi et de Dogan Hakki qui, déclare le gouvernement, se trouvent à l'heure actuelle en bonne santé et bien traités. Le sort de Huseyin Gurcuoglu, ajoute le gouvernement, n'est pas connu.
  7. 94. Dans une autre communication datée du 25 septembre 1974, le gouvernement de Chypre présente un récit des effets dévastateurs qu'ont eus les opérations militaires sur l'économie de Chypre ainsi que sur le pays lui-même et sur sa population. Dans sa dernière communication, datée du 20 novembre 1974, le gouvernement déclare que les syndicalistes, dont les noms figurent dans la plainte, ont été relâchés à la suite de l'accord conclu entre le gouvernement et les autorités turques pour l'échange de prisonniers. Une liste des syndicalistes relâchés à ce titre et des dates de leur libération a été fournie par le gouvernement. En ce qui concerne les deux syndicalistes mentionnés par les plaignants, à savoir Huseyin Gurcuoglu et Osman Kaymakam, le gouvernement ajoute que ces deux personnes ne figuraient sur aucune de ses listes. Le gouvernement insiste sur le fait que ces Cypriotes turcs, qui avaient rallié l'armée turque d'invasion, ont été faits prisonniers et qu'ils ont été emprisonnés pour avoir participé à l'invasion et non en raison d'une activité syndicale quelconque.
  8. 2. Cas no 799
  9. 95. Le 21 août 1974, le Directeur général a reçu une plainte de la confédération des travailleurs cypriotes, dans laquelle il était allégué qu'à la suite de l'invasion des troupes turques à Chypre, plus de 200 000 Cypriotes grecs avaient été déplacés et que les droits syndicaux avaient été violés dans les zones occupées. Des dirigeants syndicaux avaient été arrêtés et exécutés, des responsables à plein temps déplacés et plus de 10 000 membres de la Confédération s'étaient vus contraints d'abandonner leur foyer et leur travail.
  10. 96. Une autre communication datée du 24 février 1975, présentée par la Confédération des travailleurs cypriotes et signée par un certain nombre d'organisations de travailleurs et d'employeurs de Chypre, contenait des allégations concernant le travail de sape mené à l'encontre des syndicats, l'anéantissement de leurs activités syndicales normales et la violation des libertés et des droits syndicaux dans les régions de Chypre occupées par la Turquie. Les plaignants se référaient aussi au pillage et à la destruction, à la possession illégale et à l'occupation des locaux appartenant à des organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'aux obstacles mis à la liberté de mouvement des représentants des employeurs, des responsables syndicaux et des syndicalistes dans les régions occupées par les forces turques.
  11. 97. Le gouvernement de la Turquie, auquel la plainte a été transmise pour observations, a répondu dans une communication en date du 27 mars 1975.
  12. 98. La Turquie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  13. 99. Dans la communication susmentionnée, le gouvernement donne un récit de l'intervention militaire de la Turquie qui a eu lieu le 20 juillet 1974 et des effets des opérations militaires sur la population. Il souligne, en ce qui concerne les allégations présentées par les plaignants, que celles-ci sont complètement hors de propos et sans fondement.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Conclusions du comité
    1. 100 Compte tenu des circonstances qui ont donné lieu dans ces deux cas aux plaintes concernant la situation des mouvements syndicaux grecs et turcs à Chypre, le comité estime opportun d'émettre certaines conclusions générales qui, à son avis, sont également applicables aux deux cas.
    2. 101 Conformément aux principes généraux suivis par l'Organisation internationale du Travail dans l'examen des allégations relatives aux droits syndicaux, bien que des situations qui sont d'origine politique peuvent présenter des aspects sociaux que l'Organisation internationale du Travail pourra être appelée à examiner selon les procédures appropriées, il ne convient pas que l'Organisation internationale du Travail discute de questions politiques en relation directe avec la sécurité internationale. En effet, une telle action de la part de l'Organisation serait contraire à ses traditions et porterait préjudice au rôle utile qu'elle remplit dans le domaine qui lui est propre. Plus particulièrement, dans nombre d'autres cas, le comité a décidé que, même si les cas peuvent avoir une origine politique ou présenter certains aspects politiques, ils devraient être étudiés de façon plus approfondie s'ils soulèvent des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux. Dans ces conditions, le comité estime, comme il l'a fait dans des cas antérieurs, où des allégations avaient trait à une situation de grave tension politique suivie de la proclamation d'un état de siège ou d'exception, qu'il doit se borner à l'examen des aspects purement syndicaux de l'affaire, sans perdre toutefois de vue les principes rappelés ci-dessus et la situation politique générale existant à Chypre.
    3. 102 Les plaintes déposées dans les deux cas examinés sont motivées par la situation politique extrêmement grave de Chypre qui débuta par le coup d'Etat du 15 juillet 1974 et fut suivie de l'intervention à Chypre des forces militaires turques. Ces événements ont conduit à des opérations militaires dont les effets sur tout le pays et sur sa population ont été dévastateurs. Dans tout le pays, il y eut de vastes destructions de biens et de propriétés, et plusieurs milliers de personnes se sont trouvées sans logis et déplacées. Le comité note que, d'après des allégations générales formulées dans les deux cas, les mouvements syndicaux auraient subi de graves pertes matérielles et que des milliers de leurs membres se trouveraient au nombre des personnes déplacées. Dans la plainte déposée contre le gouvernement de Chypre, il est allégué plus spécifiquement que certaines personnes dont les noms figurent dans la plainte ont été prises en otage par les forces grecques. Le comité note, à cet égard, que la plupart de ces personnes ont été relâchées à la suite d'accords intervenus entre les gouvernements de Chypre et de Turquie pour l'échange des prisonniers et que l'on n'a pu trouver aucune trace de deux des personnes mentionnées.
    4. 103 En ce qui concerne les aspects purement syndicaux de ces cas, le comité estime qu'il est clair, compte tenu de la situation qui prévaut à Chypre, où toute la population a gravement souffert des opérations militaires, que les mouvements syndicaux et leurs membres ont également subi de graves pertes et que leurs activités ont été fortement entravées. Il est clair aussi, néanmoins, que dans aucun des cas il n'a pu être établi (et aucune allégation n'a été formulée à ce sujet), que les actes qui ont donné lieu à ces plaintes ont visé tout spécialement les syndicats ou leurs activités.
    5. 104 Le comité estime opportun de noter que les aspects politiques de la situation à Chypre ont été examinés par le Conseil de sécurité et par l'Assemblée générale des Nations Unies qui ont adopté un certain nombre de résolutions à ce sujet. Il convient également de noter que dans une communication émanant d'un certain nombre d'organisations d'employeurs et de travailleurs cypriotes grecs, adressée au Directeur général du BIT en date du 27 octobre 1974, l'Organisation internationale du Travail était priée d'intervenir auprès du gouvernement turc pour qu'il retire ses troupes de Chypre. 21 était également proposé dans cette communication de constituer un comité mixte cypriote grec et cypriote turc des représentants des employeurs et des travailleurs, présidé par un haut fonctionnaire du BIT et chargé d'oeuvrer en vue de la restauration de la paix et de la normalisation de la situation, sous leurs divers aspects.
    6. 105 Ces propositions furent dûment communiquées au Secrétaire général des Nations Unies par le Directeur général qui indiqua que quelques-unes des mesures proposées par les signataires de la communication susmentionnée échappaient à la compétence de l'Organisation internationale du Travail et que, vraisemblablement, aucune de ces propositions ne pouvait être séparée du règlement politique global de la crise de Chypre dans laquelle les Nations Unies avaient un rôle clé à jouer. Par ailleurs, le Directeur général souligna qu'il avait conscience que des mesures concrètes prises par des organismes non gouvernementaux, en particulier par des organisations d'employeurs et de travailleurs, pourraient apporter une contribution précieuse en faveur de la paix. Le secrétaire général fut informé que les membres du bureau du Conseil d'administration avaient décidé que les propositions qui lui avaient été faites seraient transmises aux Nations Unies accompagnées de l'assurance que l'OIT était disposée à contribuer à leur mise en oeuvre par tous les moyens que les gouvernements intéressés jugeraient appropriés.
    7. 106 Ultérieurement, le Secrétaire général des Nations Unies informa le Directeur général, par une communication du 7 décembre 1974, qu'il était d'accord que probablement aucune des propositions ne pouvait être séparée du règlement politique global du problème cypriote, dans lequel les Nations unies ont un rôle clé à jouer. Le Secrétaire général a également déclaré que, manifestement, le comité mixte cypriote grec et cypriote turc de délégués employeurs et travailleurs sous la présidence d'un représentant du BIT pourrait seulement être établi avec l'accord des intéressés, accord qui, en l'occurrence, ne pourrait être facile à obtenir. Le Secrétaire général a ajouté qu'il avait transmis des copies de la correspondance pertinente à son représentant spécial à Chypre, M. Luis Weckman-Muñoz, qui serait en mesure de porter à l'attention des dirigeants des deux communautés, les propositions faites par les organisations cypriotes grecques, les observations du Directeur général au sujet de la contribution précieuse que les organisations d'employeurs et de travailleurs pourraient apporter et l'avis des membres du bureau du Conseil d'administration.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 107. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration, en ce qui concerne ces deux cas:
    • a) de rappeler les principes énoncés au paragraphe 101 ci-dessus;
    • b) de décider, pour les raisons énoncées au paragraphe 103 ci-dessus, qu'il ne résulte pas de l'examen des éléments disponibles qu'il y ait eu violation des droits syndicaux, mais qu'il s'agit d'une affaire de nature essentiellement politique dont s'occupent les Nations Unies;
    • c) de noter, au sujet de la proposition d'un certain nombre d'organisations d'employeurs et de travailleurs cypriotes grecs, de constituer un comité mixte cypriote grec et cypriote turc, présidé par un représentant du BIT, et chargé d'oeuvrer en vue de la restauration de la paix et de la normalisation, sous leurs divers aspects, que cette proposition a été communiquée aux Nations Unies.
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