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Definitive Report - Report No 152, November 1975

Case No 805 (Malta) - Complaint date: 06-NOV-74 - Closed

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  1. 6. La plainte présentée au nom des organisations susmentionnées de salariés du gouvernement a été transmise au BIT par l'Organisation européenne de la Fédération internationale du personnel des services publics dans une communication du 6 novembre 1974. Le gouvernement de Malte, auquel la plainte a été communiquée pour observations, a répondu aux allégations dans une communication du 9 décembre 1974.
  2. 7. Malte a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 8. Les plaignants déclarent que, le 31 décembre 1973, un accord a été conclu entre la Confédération des syndicats de Malte (CMTU) et le gouvernement concernant la réorganisation de la fonction publique. Cet accord prévoyait, notamment, l'introduction de la semaine de cinq jours et de quarante heures de travail pour tout le personnel du secteur public. Avant la conclusion de cet accord, le personnel du secteur public travaillait en moyenne quarante-quatre heures par semaine, alors que les agents de la fonction publique travaillaient en moyenne quarante heures, la semaine de travail étant de six jours dans les deux cas. Dans une note interprétative dudit accord, il était indiqué, au sujet de l'adoption de la semaine de quarante heures que "tous les agents dont l'activité est liée à la production auront le même horaire de travail que dans l'industrie". Les plaignants déclarent à cet égard que le mot "production" n'avait pas été défini pas plus qu'il n'était indiqué clairement quels étaient les agents dont l'activité devrait être considérée comme liée à la production.
  2. 9. Les plaignants ajoutent que, à la suite de la conclusion de cet accord et avant l'application de la semaine de cinq jours, des discussions avaient eu lieu avec un certain nombre de syndicats au sujet des détails de la mise en oeuvre de la semaine de quarante heures réparties sur cinq jours, mais qu'aucune n'avait eu lieu avec l'Association des agents de la fonction publique de Malte (MGPOA) bien que cette dernière fût étroitement intéressée à cette question. Sans avoir été consultés ni même avoir été avisés au préalable, déclarent les plaignants, les agents du Département des travaux publics, qui sont représentés par la MGPOA, reçurent l'ordre de respecter l'horaire des travailleurs de l'industrie à compter du 4 février 1974, date à laquelle le nouveau système entrait en vigueur. La MGPOA protesta immédiatement auprès du Directeur des travaux publics et l'informa que cette directive serait ignorée jusqu'à ce que des discussions aient eu lieu avec les pouvoirs publics et qu'une solution équitable ait été trouvée. D'après les plaignants, la MGPOA a continué d'insister pour qu'aient lieu des discussions et pour que soit défini le terme "production", mais les pouvoirs publics se sont abstenus de donner suite à cette demande et les intéressés ont été informés individuellement que s'ils ne se présentaient pas au travail aux mêmes heures que les travailleurs de l'industrie, ils seraient suspendus et poursuivis en vue de leur licenciement. La MGPOA a donc informé le Directeur des travaux publics qu'elle avait engagé ses membres à continuer de se conformer à ses seules directives.
  3. 10. Le 15 février 1974, les agents de la fonction publique qui avaient obéi aux instructions de la MGPOA ont été suspendus et des procédures ont été engagées en vue de leur licenciement. Les intéressés ont contesté l'accusation portée contre eux et fait valoir qu'ils n'avaient fait qu'agir conformément à des directives syndicales légitimes dans un conflit du travail. Le cas de ces agents a été finalement examiné par un conseil de discipline qui, selon les plaignants, n'avait pas été constitué conformément au règlement de la Commission (procédure disciplinaire) de la fonction publique (1972), en ce sens que le président du Conseil n'avait pas été désigné en consultation avec les syndicats et associations du personnel intéressés, comme le stipule ce règlement. Les plaignants déclarent qu'après avoir tenu un certain nombre de séances, le Conseil, sans même avoir donné aux intéressés la moindre chance de se défendre, a recommandé, en leur absence, qu'ils soient licenciés. Des dépositions écrites ont été soumises par la suite à la Commission de la fonction publique par le défenseur des agents en question.
  4. 11. Les plaignants allèguent qu'en négligeant d'organiser des négociations collectives avec la MGPOA, qui représente les agents de la fonction publique au sujet de la modification des conditions de travail et en modifiant arbitrairement ces conditions de travail malgré les réclamations de l'association, le gouvernement a établi une discrimination à l'encontre de la MGPOA. Les plaignants allèguent en outre qu'en prenant de graves mesures disciplinaires contre vingt et un membres de la MGPOA qui s'étaient conformés à des directives syndicales légitimes, le gouvernement a violé le droit de grève des agents de la fonction publique qui ne peuvent pas, à Malte, recourir à la procédure de conciliation et d'arbitrage.
  5. 12. Dans le développement des allégations, les plaignants ajoutent que le gouvernement avait enjoint les ingénieurs civils du Département des travaux publics d'observer l'horaire pratiqué dans l'industrie alors que les ingénieurs civils d'autres départements n'avaient pas été visés par cette directive. Cela prouve, déclarent les plaignants, que l'accord ne précisait nullement quels étaient les agents "dont l'activité était liée à la production". Les plaignants ajoutent que le fait d'imposer le nouvel horaire aux agents du Département des travaux publics sans avoir consulté la MGPOA ni même l'avoir avisée à l'avance va aussi à l'encontre des dispositions prévues par le gouvernement lui-même dans sa circulaire OPM/71/71, laquelle stipule que les syndicats devraient être informés à l'avance de tout changement intervenant dans les conditions de travail de leurs membres. Les fonctionnaires du ministère, poursuivent les plaignants, se sont mis personnellement en rapport avec certains des agents en cause et leur ont assuré que, s'ils reprenaient le travail et suivaient l'horaire pratiqué dans l'industrie, toutes les sanctions disciplinaires prises contre eux seraient annulées. Deux de ces personnes ont, accepté cette offre et ont bénéficié d'une levée de leur suspension. Les dix-neuf autres ont refusé et les poursuites intentées contre eux ont été maintenues.
  6. 13. Les plaignants allèguent que les mesures prises par le Conseil disciplinaire auront des répercussions néfastes sur les membres de la MGPOA et des autres syndicats qui, de crainte d'être frappés de sanctions semblables, n'obéiront pas aux directives de leur syndicat, privant ainsi le syndicalisme libre de toute son efficacité. Les plaignants interprètent l'action menée par le gouvernement comme une tentative délibérée de nuire à ce syndicat et de le discréditer aux yeux de ses membres effectifs et en puissance.
  7. 14. Le gouvernement, dans sa réponse en date du 9 décembre 1974, réfute catégoriquement ces allégations. Il est parfaitement évident, déclare-t-il, que le Département des travaux publics de Malte ne peut être considéré comme étant autre chose qu'un service de production du gouvernement (en fait, il constitue l'un des secteurs de production essentiels de l'administration). Le gouvernement explique qu'avant la signature de l'accord susmentionné, les délégués de la Confédération des syndicats de Malte avaient proposé que la note relative à l'interprétation soit libellée comme suit: "les fonctionnaires directement liés à la production respecteront un horaire qui coïncide avec celui de l'industrie". Le gouvernement, toutefois, avait estimé qu'il était nécessaire de spécifier que tous les fonctionnaires étaient tenus de respecter l'horaire de l'industrie. Pour surmonter les difficultés qui s'opposaient encore à la conclusion de l'accord entre le gouvernement et la confédération, les délégués de la confédération avaient été conviés à une réunion avec le Premier ministre le 24 décembre 1973 et avaient été informés qu'il était bien entendu que les ingénieurs du Département des travaux publics seraient les premiers dont on exigerait qu'ils respectent l'horaire de l'industrie. Le gouvernement ajoute qu'il fut expliqué aux délégués de la confédération qu'il était absolument essentiel que le gouvernement introduise dans le Département des travaux publics les mêmes pratiques que celles qui étaient appliquées dans le secteur privé de l'industrie du bâtiment dans toute l'île de Malte où architectes et ingénieurs commençaient le travail le matin en même temps que les salariés de l'industrie afin de répartir les tâches de la journée. Le gouvernement déclare que cette proposition fut en fin de compte acceptée par les délégués de la confédération et qu'il est dit dans l'accord que "tous les fonctionnaires dont le travail a trait à la production auront des horaires de travail qui coïncideront avec ceux de l'industrie". Il avait été évident, tout au long des discussions, que le terme "production" se référait sans qu'il puisse y avoir de doute aux activités menées par le Département des travaux publics et dont les travaux étaient normalement exécutés sous le contrôle des ingénieurs. Le gouvernement signale que le Président de l'Association des fonctionnaires professionnels du gouvernement de Malte (MGPOA) se trouvait au nombre des délégués de la confédération lors de ces discussions.
  8. 15. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le gouvernement s'était refusé à tout entretien avec la MGPOA après la signature de l'accord précité, le gouvernement déclare que, le 17 janvier 1974, le Secrétaire principal adjoint (Etablissements) du bureau du Premier ministre et son assistant avaient rencontré une délégation de la Confédération des syndicats de Malte (au sein de laquelle se trouvait encore le Président de la MGPOA) et qu'à cette occasion ils avaient décidé de l'horaire précis qui serait introduit en application de la semaine de quarante heures et de cinq jours. Pendant cette réunion, le gouvernement explique qu'il avait été fait allusion au problème du personnel non industriel qui serait tenu de respecter l'horaire de l'industrie et qu'aucun des délégués de l'association n'avait laissé entendre que la moindre instruction à cet égard pourrait être inacceptable, de leur point de vue, ou que de nouvelles consultations seraient nécessaires. Malgré cela, poursuit le gouvernement, une nouvelle réunion eut lieu le 12 février 1974 avec la MGPOA sous la présidence du ministre des Travaux publics.
  9. 16. A cette réunion, le ministre avait expliqué que les instructions qui avaient été données (et que les fonctionnaires intéressés avaient négligées) étaient parfaitement en harmonie avec l'esprit et avec le libellé de l'accord et qu'il était absolument nécessaire que les ingénieurs du Département des travaux publics respectent l'horaire de l'industrie. D'après le gouvernement, étant donné que les délégués n'avaient pu avancer aucune raison valable pour expliquer que cette règle ne devrait pas être observée, et que le refus des fonctionnaires de suivre les ordres du service constituait une infraction continue que l'on ne pouvait tolérer plus longtemps, le ministre a fait savoir qu'il accordait aux fonctionnaires intéressés un délai de deux jours pour se conformer aux instructions, faute de quoi il entamerait la procédure de congédiement.
  10. 17. Le gouvernement ajoute que les fonctionnaires ont continué de passer outre à ces instructions et qu'en conséquence les procédures disciplinaires furent engagées le 14 février 1974. Il est important de noter, déclare le gouvernement, qu'aucune des réunions évoquées ci-dessus n'a été mentionnée dans la plainte.
  11. 18. Le gouvernement nie catégoriquement que le Conseil disciplinaire qui a été saisi du cas n'ait pas été constitué conformément au règlement de la Commission (procédure disciplinaire) de la fonction publique (1972). Conformément à ce règlement, les consultations nécessaires ont eu lieu avec l'association intéressée (à savoir la MGPOA) avant que le président du conseil disciplinaire n'ait été désigné. En réalité, déclare le gouvernement, cette question a été soulevée par la MGPOA devant le conseil disciplinaire et à nouveau devant la Commission des services publics au stade de l'appel, mais le point de vue de l'association n'a pas été retenu.
  12. 19. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la décision du conseil avait été rendue en l'absence des fonctionnaires ôtant à ces derniers toute chance de se défendre, le gouvernement explique que durant toute la procédure, les fonctionnaires intéressés décidèrent de n'assister à aucune des audiences du Conseil. Ils y étaient, néanmoins, représentés par le Président de leur Association et par leur conseiller juridique qui, ajoute le gouvernement, s'efforçaient de retarder et d'entraver le plus possible la procédure. Le 18 septembre 1974, alors que la procédure avait atteint une phase cruciale, les représentants des fonctionnaires déclarèrent qu'ils ne pourraient se présenter à la prochaine audience que le Président du Conseil avait fixée pour le jour suivant. Il convient de noter, ajoute le gouvernement, que bien que les représentants de ces fonctionnaires n'aient pu ignorer que la procédure s'était poursuivie et qu'elle avait atteint sa phase finale, ils n'ont même pas cherché à s'enquérir des réunions suivantes du Conseil jusqu'au 27 septembre 1974, date à laquelle la recommandation de ce dernier leur a été communiquée.
  13. 20. Le gouvernement poursuit en disant que les fonctionnaires intéressés se sont prévalus de leur droit d'appel devant la Commission des services publics pour recourir contre la décision du conseil disciplinaire. La commission, après avoir entendu les dépositions des représentants des fonctionnaires concernés, les a jugés coupables des charges portées contre eux et a recommandé au Premier ministre de: i) leur infliger une amende équivalant à 5 pour cent de leur salaire, ii) leur confisquer la part du salaire qui leur avait été retenue à la suite de leur interdiction, iii) lever leur interdiction et iv) leur permettre de reprendre leurs fonctions sans délai, à condition qu'ils se conforment aux horaires de travail fixés par le département.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 21. Le comité note que la plainte porte essentiellement sur les sanctions disciplinaires dont ont été frappés vingt et un fonctionnaires du Département des travaux publics pour n'avoir pas respecté les termes d'une convention collective conclue entre le gouvernement et la Confédération des syndicats de Malte le 31 décembre 1973. Selon les plaignants, le refus du gouvernement de négocier la mise en oeuvre dudit accord avec l'Association des agents de la fonction publique de Malte (MGPOA) et l'instruction d'une procédure disciplinaire contre vingt et un de ses membres constituaient un acte de discrimination antisyndicale contre la MGPOA. De plus, les plaignants ont allégué qu'en engageant une procédure disciplinaire contre les fonctionnaires qui avaient obéi à des directives légitimes de leur syndicat, le gouvernement avait violé le droit de grève des agents de la fonction publique qui, à Malte, ne peuvent pas recourir à la procédure de conciliation et d'arbitrage.
  2. 22. Le comité note, s'agissant d'une partie de la convention collective précitée relative à l'introduction de la semaine de quarante heures et de cinq jours pour tous les salariés de la fonction publique, l'interprétation de l'expression "fonctionnaires dont le travail a trait à la production" étant donné que l'accord prévoyait un horaire différent pour lesdits fonctionnaires. Le comité note, en particulier, que pour surmonter tout problème d'interprétation de cette clause avant l'entrée en vigueur de l'accord, des négociations avaient eu lieu avec la confédération le 24 décembre 1973 au cours desquelles il avait semblé que l'on soit parvenu à un accord sur le fait que tous les fonctionnaires dont le travail a trait à la production (y compris, en particulier, les fonctionnaires des travaux publics) seraient tenus de respecter l'horaire appliqué dans l'industrie. En outre, il semble qu'une autre réunion ait eu lieu le 17 janvier 1974 entre le Secrétaire principal adjoint du bureau du Premier ministre et une délégation de la confédération pour décider de l'horaire précis qui serait introduit en application de la semaine de quarante heures et de cinq jours. Lors d'une autre réunion, tenue le 12 février 1974, avec la MGPOA, il semble que la question ait été à nouveau discutée et qu'une possibilité ait été donnée aux fonctionnaires en question de se conformer à l'horaire convenu. A chacune de ces réunions avec la Confédération, la MGPOA parait avoir été représentée par son Président.
  3. 23. Compte tenu des renseignements dont il dispose, le comité considère qu'il n'a pas été établi que le gouvernement ait, à un moment quelconque, manqué de négocier les termes de l'accord ou son application. En conséquence, le comité estime que la décision du gouvernement d'instituer, conformément au règlement, des procédures disciplinaires contre les fonctionnaires qui, en se conformant à une directive de leur syndicat, avaient omis de respecter l'horaire qui, de toute évidence, semblait avoir été pleinement négocié et accepté par la Confédération dans son ensemble, ne constituait pas, dans le cas présent, une violation des droits syndicaux. A son avis, les questions soulevées dans ce cas sont affaire de négociations entre les parties et tout différend surgissant à leur sujet devrait être résolu par voie de conciliation ou d'arbitrage. Dans des cas analogues, le comité a estimé que l'attitude conciliante ou intransigeante de l'une des parties vis-à-vis des revendications présentées par l'autre est affaire de négociation entre ces deux parties dans le cadre de la loi du pays.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 24. Dans ces conditions et compte tenu du cas dans son ensemble, le comité recommande au conseil d'administration de décider que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
    • Genève, 28 mai 1975 (Signé) A. PARODI, Président.
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