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Interim Report - Report No 160, March 1977

Case No 842 (Argentina) - Complaint date: 25-MAR-76 - Closed

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  1. 394. La plainte de la Fédération syndicale mondiale était formulée dans une communication datée du 25 mars 1976. La Fédération syndicale mondiale (FSM), dans d'autres communications datées du 28 avril et du 25 juin 1976, a donné un complément d'informations et a présenté d'autres allégations en relation avec la plainte. La plainte de la Confédération mondiale du travail (CMT) était formulée dans une communication datée du 1er juin 1976. Dans d'autres lettres datées du 21 juin et du 20 octobre 1976, la CMT a présenté un complément d'informations et de nouvelles allégations en rapport avec la plainte.
  2. 395. Dans une communication datée du 27 mai 1976, la Confédération nationale des travailleurs du Pérou et un certain nombre d'autres organisations syndicales du Pérou ont soumis, conformément à l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, une réclamation aux termes de laquelle l'Argentine n'appliquerait pas d'une manière satisfaisante la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qu'elle a pourtant ratifiée. Le comité a examiné cette plainte conformément à une décision prise antérieurement par le Conseil d'administration dans une situation analogue où une réclamation faite au titre de l'article 24 se rapportait à des questions concernant la liberté syndicale.
  3. 396. Les plaintes susmentionnées, le complément d'informations et les autres allégations, ainsi que la réclamation mentionnée dans le paragraphe précédent, ont été communiqués au gouvernement pour observations, en accord avec la procédure habituelle applicable aux plaintes pour violations alléguées des droits syndicaux.
  4. 397. Le gouvernement, dans une communication datée du 20 mai 1976, a fait parvenir ses commentaires en réponse à certaines des allégations présentées contre lui. Le gouvernement a transmis de nouvelles observations et informations par des communications des 20 et 22 octobre et 9 novembre 1976.
  5. 398. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 399. Dans sa communication du 25 mars 1976, la FSM allègue que les autorités militaires sont intervenues et ont pris le contrôle de la Confédération générale du travail, suspendu toutes les activités syndicales et gelé les biens des syndicats. La FSM ajoute que le siège du syndicat des travailleurs de la métallurgie à Buenos Aires a été envahi par les militaires et qu'un certain nombre de syndicalistes, dont le secrétaire général de ce syndicat, M. Lorenzo Miguel, ont été arrêtés.
  2. 400. Dans sa communication datée du 28 avril 1976, la FSM a mentionné une nouvelle fois la suspension des activités syndicales et la prise en charge par les militaires de la Confédération générale du travail, ainsi que du groupe appelé des "62 organisations syndicales". D'après la FSM, le droit de grève a été suspendu et les syndicalistes ne jouissent plus de la protection syndicale spéciale (fuero sindical). Plus de 20 autres syndicats ont également été placés sous contrôle militaire.
  3. 401. De nombreux dirigeants et militants syndicaux ont été arrêtés, poursuit la FSM. Outre Lorenzo Miguel (paragraphe 399 ci-dessus), la FSM déclare que le secrétaire général de la section locale de la Confédération générale du travail à Catamara a été arrêté, ainsi que le secrétaire général des "62 organisations" dissoutes, M. Manuel Isaure Molina. Toujours selon la FSM, les dirigeants syndicaux suivants ont également été arrêtés: Abel Omar Cachatti, dirigeant des travailleurs du télégraphe, Jorge Triacca, dirigeant do Syndicat des travailleurs des matières plastiques et ancien membre du Comité de la Confédération générale du travail, Maximiano Castillo, ancien secrétaire général du Syndicat des travailleurs du verre et secrétaire financier de la Confédération générale du travail, Miguel Angel Davico, membre du comité exécutif de la Fédération nationale des travailleurs des administrations municipales, Rodolfo Ponce, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des entrepôts de grains, Esteban Rolando, dirigeant du Syndicat des travailleurs des chemins de fer.
  4. 402. La FSM ajoute que, dans la ville de Cordoba, 17 travailleurs d'une usine métallurgique ont été arrêtés après avoir été accusés de violer la loi promulguée par la Junte militaire et suspendant le droit de grève. En outre, un certain nombre de dirigeants syndicaux ont été arrêtés et des conseils de guerre spéciaux les ont condamnés à de longues peines de prison pour incitation à la révolte ou possession d'armes ou d'explosifs. L'un de ces conseils de guerre spéciaux a condamné Carlos Arturo Mendoza à neuf ans et six mois d'emprisonnement. Cette personne était le dirigeant des 62 organisations syndicales de la province de Mendoza. A Comodoro Rivadavia, des sentences d'emprisonnement allant de trois à dix ans ont été prononcées contre Hugo César Glez, Ricardo Cándido Alfonso et Jeronomo Fuentes, tous membres du Syndicat des travailleurs de la boulangerie, ainsi que contre Daniel Vaiga et Héctor Gaspar, du syndicat des travailleurs de l'industrie textile.
  5. 403. La FSM déclare avoir reçu des informations selon lesquelles Plus d'un millier de représentants syndicaux ont été interrogés et détenus par les militaires depuis le 24 mars 1976.
  6. 404. Dans une autre communication datée du 25 juin 1976, la FSM allègue que Juan Vasquez, dirigeant du Syndicat des travailleurs des chemins de fer et l'un des directeurs du Centre des études syndicales et sociales d'Argentine, a été arrêté à Buenos Aires. Cette personne est au secret, selon la FSM, et malgré les efforts déployés par ses avocats et sa famille, il n'a pas été possible d'obtenir des informations en ce qui concerne son lieu de détention. La FSM ajoute que l'on craint pour la vie de cette personne.
  7. 405. Dans sa plainte datée du 9 avril 1976, la Confédération; mondiale du travail (CMT) allègue que des mesures répressives ont été prises par les autorités militaires contre les travailleurs et leurs organisations. La CMT exige la libération de tous les syndicalistes arrêtés et la restauration de la liberté syndicale. Dans une autre communication, datée du let juin 1976, la CMT rappelle l'arrestation de nombreux dirigeants syndicaux sans que des charges aient été formulées contre eux. La CMT ajoute que ces personnes sont détenues dans diverses prisons et dans trois bateaux sur le Rio de la Plata.
  8. 406. D'après la CMT, les syndicalistes suivants figuraient parmi les personnes arrêtées: Adalberto Wimer et Alberto Campos, de la Confédération générale du travail; Lorenzo Miguel, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la métallurgie; Julio, Guillan et Alberto Ruggero, du Syndicat des travailleurs du téléphone; Abel Guchetti, du Syndicat des travailleurs de la radio et du télégraphe; Amilcar Gonzalez de la Fédération de la presse; Francisco Esguerra, Miguel Unamuno et Aleis Rovella, du Syndicat des employés de banque; Alfredo Moreyra, du Syndicat des travailleurs de la céramique.
  9. 407. La CMT allègue que les autorités militaires ont également placé sous contrôle plus de 20 organisations de travailleurs de la métallurgie, des industries textiles, de la banque, de la presse, des services maritimes, de l'électricité et de la céramique. A part le gel des salaires, toutes les activités syndicales ont été suspendues, y compris la négociation collective, et les grèves sont interdites. En outre, les sociétés exercent des représailles contre les travailleurs.
  10. 408. La CMT, dans sa communication datée du 21 juin 1976, précise que l'article 1 de la loi no 21.261 a supprimé indéfiniment le droit de grave et prévu des peines d'emprisonnement pour toute personne incitant à la grève ou organisant une grève. En vertu de cette disposition, 17 travailleurs ont été arrêtés et jugés le 7 avril 1976 à la Société Peoghi SRL, à Cordoba. A Cordoba encore, un certain nombre de travailleurs de l'automobile ont été arrêtés en vertu de cette disposition. Un autre exemple est fourni par la General Motors Company à Barracas, où un délégué syndical et deux travailleurs affectés aux réparations ont été arrêtés. En ce qui concerne la suspension des droits de négociation, la CMT allègue que le ministre des Affaires économiques a déclaré qu'il n'y aurait plus d'augmentations automatiques ou périodiques des salaires, mais qu'il appartiendrait à l'Etat de déterminer, à certaines périodes, les augmentations qui devraient être accordées aux travailleurs.
  11. 409. Dans sa communication du 20 octobre, la CMT exprime son inquiétude devant la détérioration de la situation en Argentine et dénonce formellement les graves violations des droits syndicaux qui sont perpétrées dans ce pays et qui constituent un déni des principes fondamentaux de l'OIT. La CMT allègue que des dirigeants militants syndicaux sont détenus indéfiniment sans avoir été inculpés. Des syndicalistes sont également kidnappés, torturés ou ont disparu. Toujours selon la CMT, depuis six mois, le gouvernement maintient sous contrôle de nombreux syndicats affiliés à la CGT et a supprimé les conditions et avantages acquis par les travailleurs. La situation sociale s'est détériorée par suite de l'interdiction de l'exercice des activités syndicales, de la négociation collective et du droit de grève et les travailleurs se trouvent dans une situation désespérée. Il s'en est suivi de graves conflits dans les secteurs de l'énergie, de l'automobile, de la métallurgie, des téléphones et dans d'autres industries dont les travailleurs ont fait l'objet de nouvelles représailles.
  12. 410. Dans la réclamation qu'ils ont présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, la Confédération nationale des travailleurs du Pérou et un certain nombre d'autres organisations de travailleurs péruviens allèguent que la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, est violée en Argentine. Il n'y a pas eu moins de 3.000 arrestations de syndicalistes contre la plupart desquels aucun chef d'inculpation n'a été relevé. Beaucoup d'entre eux ont été soumis à des perquisitions domiciliaires et beaucoup aussi sont tenus au secret. D'autres, qui ont été soumis à des procédures indignes et sommaires, sans avoir aucun droit de se défendre, ont été condamnés à de longues peines de prison fondées sur des accusations injustifiées. De nombreux syndicalistes ont été enlevés à leur domicile par des hommes portant des cagoules - que l'on prétend être des policiers ou des militaires - et cruellement exécutés sur le champ. D'autres ont disparu. Le secrétaire général de la Confédération générale du travail, Casildo Herreras, a également été persécuté et a cherché un asile politique.
    • Réponses du gouvernement
  13. 411. Le 20 mai 1976, le gouvernement a fait parvenir une communication dans laquelle il explique que les forces armées ont pris le pouvoir en vue d'assurer la pleine observation des principes de justice et le respect des droits de l'homme et de la dignité humaine. L'action des forces armées, déclare le gouvernement, n'est dirigée contre aucun secteur particulier de la communauté, mais contre ceux qui ont violé la loi ou qui ont commis des abus de pouvoir. Le gouvernement est en train de réorganiser la nation afin d'assurer des relations plus étroites entre l'Etat, le capital et le travail, les employeurs et les syndicats. Il est essentiel, poursuit le gouvernement, que les syndicats limitent leurs activités à la défense des intérêts de leurs membres et ne s'ingèrent pas dans des questions qui sont au-delà de leur compétence.
  14. 412. La première mesure de ce processus, poursuit le gouvernement, est de libérer les syndicats de la corruption, de la subversion et du désordre. En conséquence, les activités syndicales - à l'exception de l'administration interne et des activités sociales - ont été suspendues. Des syndicalistes élus comme il le convient pourraient agir en tant que tels dans la défense des droits individuels. Il n'y a pas eu de désaveu total des activités syndicales, ajoute encore le gouvernement, mais des mesures d'urgence ont été prises afin de faire face effectivement à une situation dans laquelle les véritables principes du syndicalisme ont subi une dégradation. Les circonstances ont imposé la prise de contrôle d'un certain nombre d'organisations syndicales. Selon le gouvernement, il était urgent de régulariser la situation dans certains syndicats, et le gouvernement a placé sous contrôle 28 syndicats sur un total de l.368 dans tout le pays.
  15. 413. Le gouvernement relève que, dans le processus de réorganisation, les forces armées étaient placées devant une situation critique. Les dirigeants syndicaux disposaient des fonds et des biens syndicaux comme ils le souhaitaient, provoquant ainsi un clivage croissant entre les intérêts authentiques des travailleurs et leurs intérêts personnels. Des actes de nature criminelle ont été commis. Ces dirigeants syndicaux ont en conséquence été arrêtés et leur conduite fait l'objet d'une enquête. Dans des cas appropriés, les jugements seront prononcés conformément au Code pénal. Ainsi, la véritable situation de ces personnes sera mise en lumière.
  16. 414. Les forces armées, poursuit le gouvernement, ont entamé une ère nouvelle et historique qui aboutira à l'instauration d'une société juste et équitable pour les travailleurs. Il est important de poursuivre ce processus de réorganisation et de restructurer la direction du mouvement syndical en se proposant d'établir un mouvement unifié qui soit capable de servir les meilleurs intérêts de la nation.
  17. 415. A cette fin, déclare le gouvernement, les lois ont été révisées non seulement pour permettre aux travailleurs de défendre leurs droits inaliénables, mais aussi de leur permettre d'en tirer les avantages correspondants dans les domaines économique et social. Preuve en est l'amendement, mis en vigueur par la loi no 21.297, à la loi sur le contrat de travail, et l'étude en cours sur la loi no 20.615 concernant les associations professionnelles et sur d'autres lois encore.
  18. 416. Le plein exercice de la démocratie intérieure, déclare le gouvernement, permettra le retour à toutes les activités syndicales. Il faudra toutefois que le fonctionnement des syndicats soit normalisé et que les échelons supérieurs du mouvement syndical soient soumis à une réglementation.
  19. 417. Le gouvernement conclut en déclarant qu'il cherchera à obtenir un complément d'informations en rapport avec les plaintes et qu'il le communiquera au comité.
  20. 418. Dans sa communication en date du 20 octobre 1976, le gouvernement se réfère à la plainte présentée par la FSM et déclare n'avoir aucune information concernant l'arrestation alléguée de Juán Vasquez.
  21. 419. Le gouvernement, dans une autre communication en date du 22 octobre 1976, se réfère d'abord à la plainte présentée par la CMT et, en particulier, à l'allégation relative à la détention de dirigeants syndicaux. Le gouvernement fait observer que certaines de ces personnes ont en effet été arrêtées et que des mesures analogues ont été prises à l'encontre de toutes les personnes, syndicalistes ou non, dont l'activité était considérée comme illégale. Le gouvernement précise que des mesures ont été prises à l'encontre de toutes ces personnes pour mettre fin aux causes du chaos moral, politique, économique et social qui régnait dans le pays le 23 mars 1976.
  22. 420. En outre, toujours selon le gouvernement, le mouvement syndical argentin présentait, ces dernières années, certaines anomalies qui se traduisaient par un mépris total de la défense des intérêts professionnels et par une divergence croissante entre les aspirations des membres des syndicats et l'activité des dirigeants syndicaux. L'absence de participation effective des travailleurs aux activités de leurs organisations et le pouvoir discrétionnaire exercé par les dirigeants des syndicats dans la gestion de ces derniers ont affecté le déroulement normal de l'activité syndicale. Il a donc fallu remédier à cette situation de manière à ce que les travailleurs puissent compter sur leurs organisations pour défendre effectivement leurs intérêts ainsi que ceux du pays en général. C'est pourquoi le gouvernement a décidé de prendre le contrôle de la Confédération générale du travail.
  23. 421. En outre, explique le gouvernement, 5 pour cent au maximum de l'ensemble des organisations syndicales (soit l.373 organisations) ont été touchées par ces mesures. Il faut également faire observer, déclare le gouvernement, que les fonctionnaires désignés pour prendre le contrôle des syndicats assument leurs fonctions avec le concours d'un groupe de conseillers, parmi lesquels des syndicalistes. Dès lors, la question n'est pas celle de la dissolution des syndicats, mais plutôt celle de la prise de mesures d'urgence, à titre temporaire, dans le dessein de donner une direction aux syndicats concernés et de rétablir une situation normale, au moyen de procédures qui tiennent compte des aspirations véritables des travailleurs affectés.
  24. 422. Le gouvernement ajoute qu'il doit être précisé que les mesures dont il est question affectent uniquement les dirigeants de certains syndicats; les branches locales des syndicats, les adhérents et les délégués des travailleurs continuent à avoir la même direction que par le passé. Le gouvernement a consulté des spécialistes sur cette question, y compris des autorités judiciaires, des employeurs et des syndicalistes, ce qui prouve que le gouvernement veut trouver des solutions aux problèmes posés, et qu'il adopte à cet effet une méthode de travail appropriée et, en particulier, qu'il cherche à faire en sorte que la législation sur les organisations professionnelles soit conforme aux normes fixées dans la convention no 87, notamment en ce qui concerne les points que les organes de contrôle de l'OIT ont déclaré ne pas être conformes aux principes énoncés dans la convention.
  25. 423. Le gouvernement ajoute que la présence de la délégation de travailleurs à la 61e session de la Conférence internationale du Travail et à la Conférence mondiale de l'emploi qui se sont tenues à Genève en juin 1976 apportait la preuve de ses véritables intentions et de la reconnaissance totale de la direction syndicale en Argentine; il n'était pas question et il ne faisait aucun doute que la délégation en question était totalement représentative, sa composition ayant fait l'objet de consultations. Le gouvernement précise encore que, en dépit du fait que la CGT a été mise sous contrôle, sept commissions représentant différentes branches d'activité ont été créées dès le départ et elles élisent leurs propres représentants.
  26. 424. Un dialogue constant et permanent est entretenu avec les travailleurs, en particulier pour ce qui est de la Confédération générale du travail, entre les dirigeants de cette organisation et les dirigeants syndicaux. Il s'agit là d'un fait généralement connu et des informations sont données quotidiennement dans la presse au sujet des réunions qui ont lieu pour traiter des problèmes sociaux qui se posent dans le pays et pour leur trouver des solutions. Toujours selon le gouvernement, il est indispensable que des mesures soient prises pour accroître la production et cela nécessite l'application de restrictions temporaires de certains droits dont l'exercice pourrait affecter la production, la paix, la sécurité et l'ordre intérieur. C'est pourquoi des mesures temporaires ont été prises pour suspendre les droits des travailleurs comme des employeurs ainsi que de leurs organisations.
  27. 425. Le gouvernement fait observer que l'Argentine n'a jamais connu une situation aussi grave, l'inflation s'étant élevée à 566,3 pour cent entre mars 1975 et mars 1976. Le plan d'action pour la solution des problèmes posés par la situation économique critique comprenait l'application de mesures destinées à supprimer les causes de l'inflation. Le gouvernement, à cet égard, rappelle l'obligation de maintenir ou de réduire les prix, la suspension temporaire du droit de fixer les salaires au moyen de la négociation collective et les arrêtés spéciaux qui fixaient, pour mai et août 1976, les augmentations salariales et d'autres prestations. Toutefois, ajoute le gouvernement, les conventions collectives, qui sont régies par la loi no 14.250, demeurent en vigueur en ce qui concerne d'autres points, par exemple les conditions de travail, etc.
  28. 426. Pour ce qui est de l'application de sanctions pénales au titre de la loi no 21.261, le gouvernement fait observer que les allégations formulées sont erronées. Ainsi, toujours selon lui, les dix-sept travailleurs de la "Ploghi SRL" ont été relâchés, aucun motif n'ayant été retenu contre eux et les procédures dont ils faisaient l'objet ont été totalement arrêtées. Ces procédures avaient été engagées le 8 avril 1976 et ont été interrompues sur ordre des autorités judiciaires compétentes le 11 avril 1976. En fait, précise le gouvernement, le ministère public, sur instruction du ministre de la Justice, avait engagé des procédures légales à l'encontre de M. José Dlomer et de M. Angel A. Ghighiano, directeurs de l'entreprise "Ploghi SRL".
  29. 427. Selon le gouvernement, toutes les mesures prises ont un caractère d'urgence et sont temporaires. Le gouvernement s'efforce de créer en droit et en fait une situation qui permette le retour à une activité syndicale normale.
  30. 428. Le gouvernement explique que les personnes qui ont été arrêtées l'ont été en vertu des pouvoirs conférés au gouvernement national en raison de l'état d'urgence qui avait été déclaré aux termes de l'article 23 de la Constitution. Les droits et garanties individuels ont été suspendus et les arrestations et la mise à la disposition des autorités des personnes arrêtées sont autorisées. Après avoir fait procéder à des enquêtes, les autorités ont transféré le dossier de certaines personnes aux autorités judiciaires, cependant que d'autres personnes étaient relaxées.
  31. 429. Le gouvernement cite en exemple le cas de M. Miguel Unamuno qui, selon lui, a été arrêté par les autorités et remis en liberté le 18 juillet 1976. Par la suite, il a été inculpé de fraude par le fonctionnaire qui avait été désigné pour prendre le contrôle du syndicat des employés de banque. Le cas (no 12.830) a été traité par le tribunal (no 20), secrétariat no 162, de la capitale fédérale. Le 20 août 1976, une sentence de détention préventive était prononcée, et le 23 août, l'intéressé fut remis en liberté contre paiement d'une caution de 400.000 pesos (1.600 dollars E.U.). Le ministère public a fait appel de cette décision, mais a été débouté, le 21 septembre 1976, par la Cour d'appel au criminel.
  32. 430. De même, poursuit le gouvernement, Juán Francisco Esquerra et Aleis Rovella ont été inculpés de falsification de documents et de gestion frauduleuse. Une procédure a été engagée contre eux le 15 octobre 1976 et une sentence de détention préventive a été prononcée contre eux par jugement du tribunal no 20, secrétariat no 162 (cas no 12.830). Dans le même temps, leurs biens, qui se montaient à 2 millions de pesos, furent mis sous séquestre.
  33. 431. Pour ce qui est des allégations présentées par la FSM, le gouvernement déclare une fois encore que les décisions de mise sous contrôle des syndicats avaient été prises pour normaliser l'activité syndicale et rétablir une véritable direction syndicale, totalement représentative. Le gouvernement souligne encore que seuls les cadres supérieurs syndicaux avaient été affectés par ces mesures et que les branches syndicales ou les syndicats régionaux affiliés continuent à exercer normalement leurs activités.
  34. 432. En ce qui concerne la réclamation présentée par la Confédération nationale des travailleurs du Pérou et par un certain nombre d'autres organisations péruviennes, le gouvernement renvoie le comité aux explications qu'il a fournies au sujet d'autres Plaintes. Quant à l'allégation selon laquelle Casildo Herreras avait cherché un asile politique, le gouvernement déclare qu'il s'agit, en l'occurrence, d'une décision personnelle de l'intéressé qui ne lui avait été dictée, en aucune manière, par un acte du gouvernement argentin.
  35. 433. Le gouvernement signale, par sa communication du 9 novembre 1976, que M. Alberto Ignacio Campos a été remis en liberté le 5 novembre (voir le paragraphe 406 ci-dessus). Il ajoute qu'il étudie les autres cas de détention et que les résultats seront immédiatement communiqués au BIT.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Conclusions du comité
    1. 434 Le comité note que les plaintes contiennent des allégations d'un caractère particulièrement grave, faisant état de l'arrestation et de l'emprisonnement de syndicalistes, de la mainmise des autorités militaires sur un grand nombre de syndicats et, en particulier, sur la Confédération générale du travail, et de la suspension de l'activité syndicale dans le pays, y compris de la négociation collective et du droit de grève. Le comité prend note des explications fournies par le gouvernement au sujet des raisons qui l'ont conduit à prendre de telles mesures.
    2. 435 Dans sa réponse préliminaire, le gouvernement déclare, en termes généraux, qu'après la prise du pouvoir par les autorités militaires, le 23 mars 1976, un certain nombre de syndicalistes cités dans les plaintes ont été arrêtés et que l'on procède actuellement à des enquêtes sur leur cas. Le gouvernement reconnaît également que les autorités militaires ont, en effet, pris le contrôle de quelque 28 organisations syndicales et que, d'une manière générale, les activités syndicales ont été suspendues temporairement.
    3. 436 En ce qui concerne, en particulier, les allégations relatives à l'arrestation et à la détention de syndicalistes, le comité note que le gouvernement, dans sa dernière réponse, plus détaillée, donne des précisions sur les cas de Miguel Unamuno, Francisco Esquerra et Aleis Rovella, qui appartiennent tous au syndicat des employés de banque. Il ressort des informations fournies par le gouvernement que ces personnes ont été inculpées d'actes frauduleux et que des sentences ont été prononcées contre eux par des tribunaux ordinaires. Selon la procédure habituelle, le comité souhaite que le gouvernement lui transmette le texte de ces jugements.
    4. 437 Le comité note que le gouvernement n'a fourni aucune information concernant les allégations relatives à l'arrestation et à la détention du grand nombre de syndicalistes expressément cités par les plaignants, reconnaissant seulement que certains d'entre eux ont, en effet, été arrêtés. En ce qui concerne l'un d'entre eux, toutefois, à savoir Juán Vasquez (voir paragraphe 404 ci-dessus), le gouvernement déclare n'avoir aucune information relative à cette personne. Au sujet des dix-sept travailleurs de la "Ploghi SRL", entreprise de Cordoba, mentionnés par le plaignant comme ayant été arrêtés, le gouvernement déclare que ces personnes ont été arrêtées et relâchées peu après par l'autorité judiciaire, aucune charge n'ayant été retenue contre elles.
    5. 438 D'une manière générale, le comité fait observer que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels finalement aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale, et les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent, pour les activités syndicales, les mesures d'arrestation.
    6. 439 Le comité a également insisté sur l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de son arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre luit. En outre, le comité a souligné l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel toute personne arrêtée devrait faire l'objet d'une procédure judiciaire régulière, conformément aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et conformément à ce qui est reconnu comme un droit fondamental de l'individu, à savoir que toute personne détenue doit être traduite dans le plus court délai devant le juge compétent, droit énoncé dans des instruments tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme et la Convention américaine sur les droits de l'homme.
    7. 440 En ce qui concerne la mise sous contrôle par le gouvernement de la Confédération générale du travail et d'organisations syndicales dans tout le pays, le comité a estimé, dans le passé, que si certains événements d'un caractère assez exceptionnel pouvaient justifier une intervention de la part des autorités, la mise sous contrôle d'un syndicat à laquelle il a été procédé doit, pour être admissible, n'être que tout à fait temporaire et viser uniquement à permettre l'organisation d'élections libres.
    8. 441 Le comité note que le gouvernement a souligné, dans sa réponse relative aux plaintes, que les mesures prises, en ce qui concerne les syndicats qui ont été mis sous contrôle, ont un caractère temporaire et visent à normaliser le mouvement syndical dans le pays.
    9. 442 Les plaignants font également état des restrictions générales dont font l'objet les activités syndicales. Le décret no 9 du 24 mars 1976 suspend provisoirement toutes les activités professionnelles des organisations de travailleurs et d'employeurs, abstraction faite des activités relatives à la gestion interne de ces organisations et de leurs activités sociales. La loi no 21.356 du 22 juillet 1976 englobe dans les restrictions l'élection des cadres syndicaux et l'organisation de réunions. Ces réunions ne peuvent avoir lieu qu'avec l'autorisation du ministre, à des fins liées à la gestion interne des organisations et à leurs programmes sociaux. Le comité tient à faire observer que ces dispositions restreignent considérablement le droit, garanti par l'article 3 de la convention no 87, des organisations de travailleurs et d'employeurs d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leurs programmes d'action. A cet égard, le comité note, en particulier, que, selon le gouvernement, toutes les mesures prises ont un caractère d'urgence et sont temporaires et qu'il s'efforce de créer en droit et en fait des conditions qui permettent le retour à une activité normale des syndicats.
    10. 443 Le comité note également que le gouvernement a déclaré que la restriction du droit de négociation collective et du droit de grève est une mesure temporaire et qu'elle a été rendue nécessaire par la grave situation économique dans laquelle se trouve le pays. Le comité tient à rappeler que l'interdiction générale des grèves constitue une restriction importante à l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels et que cette interdiction doit être imposée exclusivement comme mesure temporaire dans une situation de crise nationale aiguë. De même, le comité a également estimé que si, au nom d'une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut être fixé librement par la voie des négociations collectives, cette restriction devra être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable; elle ne devra pas excéder une période raisonnable et elle devra être accompagnée des garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 444. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet de la mise sous contrôle par le gouvernement de la Confédération générale du travail et d'un certain nombre d'autres organisations syndicales, et des restrictions générales appliquées aux activités des organisations de travailleurs et d'employeurs,
    • i) de prendre note des explications et des déclarations du gouvernement, à propos en particulier du caractère temporaire et d'urgence de ces mesures et de son intention de rétablir une situation syndicale normale;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations énoncés aux paragraphes 440, 442 et 443, en particulier sur le droit de ces organisations d'élire leurs représentants en toute liberté, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leurs programmes d'action, conformément à l'article 3 de la convention no 87, ratifiée par l'Argentine;
    • iii) de demander au gouvernement d'indiquer les mesures qu'il entend prendre ou qu'il a prises à cet égard et de tenir le Conseil d'administration informé de tout fait nouveau en la matière et d'attirer l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas;
    • b) au sujet de l'arrestation et de la détention de syndicalistes,
    • i) de noter la libération d'Alberto Ignacio Campos;
    • ii) de noter que Miguel Unamuno, Francisco Esquerra et Aleis Rovella ont été inculpés d'actes frauduleux et de demander au gouvernement de communiquer les textes des jugements rendus par les tribunaux concernant ces personnes;
    • iii) de noter que les dix-sept travailleurs de la "Ploghi SRL", entreprise de Cordoba, ont été remis en liberté et d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé au paragraphe 438 concernant l'arrestation de syndicalistes contre lesquels finalement aucun chef d'inculpation n'est relevé;
    • iv) de demander au gouvernement de fournir d'autres informations, aussi précises que possible, concernant tous les syndicalistes cités par les plaignants comme ayant été arrêtés (y compris Juán Vasquez), et d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé au paragraphe 439 selon lequel toute personne arrêtée devrait faire l'objet, dans les plus brefs délais, d'une procédure judiciaire régulière;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport une fois qu'il aura reçu les informations demandées ci-dessus.
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