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Interim Report - Report No 177, June 1978

Case No 844 (El Salvador) - Complaint date: 21-FEB-76 - Closed

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  1. 234. Le comité a déjà examiné ce cas en novembre 1976 et a présenté, à cette session, au Conseil d'administration, des conclusions intérimaires qui figurent aux paragraphes 445 à 466 de son 160e rapport. Celui-ci a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 201e session (novembre 1976).
  2. 235. Depuis lors, les organisations suivantes ont adressé des communications aux dates indiquées ci-après: Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux (23 mai 1977); Union internationale des syndicats des travailleurs des industries alimentaires, tabacs, hôtels et branches connexes (21 juin et 11 août 1977); Fédération unitaire syndicale d'El Salvador et Fédération des syndicats des travailleurs des industries de l'alimentation, du vêtement, du textile, similaires et connexes d'El Salvador (21 juillet 1977); Comité d'unité syndicale des travailleurs de l'Amérique centrale et du Panama (28 octobre, 22 novembre et 23 décembre 1977). Pour sa part, le gouvernement a adressé des informations les 17 mars et 13 décembre 1977.
  3. 236. El Salvador n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • I. Examen antérieur du cas par le comité
    1. 237 La plainte initiale, contenue dans une communication du 21 février 1976, émanait de vingt-deux organisations nationales de travailleurs. Il était allégué, dans cette communication, qu'une répression systématique était exercée à l'encontre de dirigeants et militants syndicaux. A cet égard, les plaignants s'étaient référés à la mort de trois d'entre eux: Rafael Aguiñada Carranza, député à l'Assemblée nationale législative et secrétaire général de la Fédération unitaire syndicale d'El Salvador (FUSS) tué le 26 septembre 1975; Jesús Miguel Angel Hernández Rogel, ancien secrétaire général du Syndicat de l'industrie du meuble et accessoires similaires (SIMAS), dont le cadavre a été retrouvé après qu'il eut été arrêté en sortant du local de la FUSS Feliciano Sánchez Perez, dirigeant du SIMAS, retrouvé assassiné au centre touristique "La Puerta del Diablo".
    2. 238 Les plaignants citaient également des noms de dirigeants syndicaux qui auraient été arrêtés; Romeo Soto Crespo, Gilberto Ruiz Ponce, Miguel Rivera Valle, Rufino Gonzalo Avelar, Teresa Francisca, Humberto Sosa Hernández (disparu depuis lors), dirigeants du SIMAS, tous incarcérés entre le 30 juin et le 19 juillet 1975 et torturés; José Ernesto Sorto Argueta, secrétaire général de la Fédération des syndicats de travailleurs de l'alimentation, de l'habillement, du textile et similaires (FESTIAVTSCES) et représentant travailleur auprès du Conseil national du salaire minimum, arrêté le 1er octobre 1975 et détenu, selon les plaignants, à la caserne du corps de sécurité, garde nationale d'El Salvador; Ricardo Erazo, second secrétaire aux conflits de la Fédération nationale syndicale des travailleurs salvadoriens (FENASTRAS), arrêté le 5 janvier 1976 et libéré le 12 janvier 1976, après avoir été torturé (l'arrestation de ce dernier avait été niée par les forces de police).
    3. 239 D'autres allégations concernaient des attentats commis contre des locaux syndicaux. D'après les plaignants, le siège de la Fédération des syndicats de l'industrie du bâtiment, des transports et similaires (FESINCONSTRANS) a été totalement détruit, le 3 octobre 1975, par un incendie provoqué intentionnellement. Le 3 novembre 1975, le local de diverses fédérations a souffert de dommages matériels provoqués par l'éclatement d'une bombe.
    4. 240 Dans sa réponse, le gouvernement déclarait que les organisations plaignantes étaient reconnues, du fait de leurs activités, déclarations et publications, comme des organisations de gauche qui luttaient pour des changements de structure en vue d'instaurer un Etat socialiste et révolutionnaire. Le gouvernement ajoutait qu'il n'avait eu aucune connaissance officielle que les personnes citées dans la plainte auraient été arrêtées ou tuées par des membres de la police (corps de sécurité). Aucune preuve n'avait été apportée, remarquait-il, à l'appui de ces allégations et, en conséquence, il niait catégoriquement les faits rapportés par les plaignants.
    5. 241 Rafael Aguiñada Carranza, poursuivait le gouvernement, a été tué le 26 septembre 1975 dans une rue de San Salvador alors qu'il conduisait l'automobile d'un autre député de l'opposition. Les tribunaux compétents en matière criminelle effectuaient des recherches, mais n'avaient pas encore découvert les mobiles et les auteurs du crime. Le gouvernement repoussait toute responsabilité dans ces événements. La disparition de José Ernesto Sorto Argueta, indiquait-il, était un fait notoire: l'intéressé n'avait pas assisté au Conseil national du salaire minimum depuis octobre 1975. Les motifs de cette absence n'étaient, d'après lui, pas connus et il niait être impliqué dans cette affaire.
    6. 242 Le comité avait, dans son 160e rapport, exprimé sa préoccupation devant la gravité de certaines allégations et signalé, d'une façon générale, qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme. Il avait souligné que l'institution d'une enquête indépendante est une méthode particulièrement appropriée, dans les cas impliquant des pertes de vies humaines, pour éclaircir les faits et déterminer les responsabilités.
    7. 243 Au sujet de l'arrestation et de la disparition alléguées de dirigeants syndicaux, il avait constaté que les déclarations des plaignants et du gouvernement étaient, à bien des égards, contradictoires, ce dernier niant que les faits allégués pussent être imputés à la police. Le comité avait noté, à ce propos, que Ricardo Erazo aurait, selon les plaignants, été trouvé dans une prison publique après que son arrestation eut été niée par les autorités. D'une manière générale, le comité avait tenu à souligner qu'un climat de violence et d'incertitude peut constituer une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux et que de telles situations appellent des mesures sévères de la part des autorités en vue de rétablir une situation normale. En l'occurrence, le comité avait estimé que le gouvernement devrait ordonner des recherches sur le sort des personnes citées dans la plainte.
    8. 244 Le comité avait également été d'avis, à propos des dommages causés à des locaux syndicaux, qu'une enquête indépendante serait utile pour déterminer les responsabilités.
    9. 245 Le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, avait demandé au gouvernement de communiquer les résultats de l'enquête sur la mort de Rafael Aguiñada Carranza et d'indiquer si une telle enquête avait été menée dans les deux autres cas de mort mentionnés dans la plainte et, dans l'affirmative, d'en communiquer les résultats. Il avait également signalé au gouvernement l'intérêt qu'il y aurait d'ordonner des recherches sur le sort des personnes mentionnées dans la plainte et de mener une enquête au sujet des dommages causés aux locaux de diverses fédérations. Enfin, le Conseil d'administration avait demandé aux plaignants de communiquer leurs observations sur la réponse du gouvernement, en particulier de fournir des précisions quant aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux auraient été arrêtés.
  • II. Réponse du gouvernement
    1. 246 Dans sa lettre du 17 mars 1977, le gouvernement déclare que les recherches concernant la mort de Rafael Aguiñada Carranza se poursuivent. On a, d'autre part, retrouvé, ajoute-t-il, le cadavre de Jesús Miguel Angel Hernández Eogel à Chinamequita (Ilopango, département de San Salvador) et celui de Feliciano Sánchez Pérez à la "Puerta del Diablo" (Panchimalco, même département); les autorités judiciaires pénales ont entamé les recherches nécessaires pour découvrir les auteurs, les motifs et les circonstances de la mort de ces personnes. Toutefois, comme il arrive en pareils cas, ces faits ne sont pas encore connus et les enquêtes continuent.
    2. 247 Quand elles ont appris la disparition des personnes citées, ajoute le gouvernement, leurs familles ont introduit un recours d"'habeas corpus" devant la Cour suprême de justice, demandant que les intéressés soient présentés. Ce recours est la voie appropriée pour rechercher une personne dont on pense qu'elle se trouve détenue légalement ou illégalement par les autorités. La Cour fit droit à leur requête et nomma des juges chargés de rechercher les personnes qui auraient disparu dans les casernes et prisons des corps de police, mais sans résultats. Le gouvernement rejette une nouvelle fois catégoriquement toute responsabilité tant pour la mort que pour la disparition des personnes mentionnées par les plaignants.
    3. 248 Le gouvernement se réfère ensuite aux dommages qu'auraient subis les locaux de certaines fédérations à la suite de l'explosion de bombes et à l'incendie du local de la FESINCONSTRANS à San Salvador. Les autorités judiciaires pénales ont entrepris, signale-t-il, une enquête mais n'ont pu identifier les auteurs et les mobiles de ces actes. Néanmoins, dans le cas de la FESINCONSTRANS, le rapport des experts montre que l'incendie a pris naissance dans un bâtiment voisin dont le système électrique était défectueux, d'où l'on peut déduire que l'incident a été fortuit.
    4. 249 Le gouvernement déclare, d'une manière générale, que, vu les actions violentes menées actuellement par des groupes subversifs dans beaucoup de pays occidentaux pour troubler l'ordre public et chercher à prendre le pouvoir par la violence, de nombreux crimes se commettent dont les auteurs et les mobiles ne peuvent être identifiés par des enquêtes; l'on ne peut savoir s'il s'agit de "purges" à l'intérieur d'un groupement, de vengeances pour des trahisons supposées, d'une élimination par des groupes rivaux d'une tendance différente ou d'autre chose. Des séquestrations, vols, attaques d'institutions bancaires, de crédit, l'assassinat de citoyens et d'agents de l'autorité, poursuit-il, ont été commis par ces groupements subversifs dont certains se font connaître et annoncent leurs actions dans des communiqués. Tel est le cas, par exemple, des groupes dénommés "Armée révolutionnaire du peuple" (ERP) et "Forces populaires de libération" (FPL). L'explosion de bombes et des incendies se sont produits, continue le gouvernement, dans des locaux commerciaux privés, dans des bâtiments et bureaux privés, dans des édifices publics, des postes de police et pas seulement dans des locaux syndicaux. D'après lui, tout ceci serait le résultat de l'action menée par des éléments subversifs appuyés par l'étranger.
    5. 250 Le gouvernement reconnaît la gravité de ces faits et déclare avoir pris les mesures nécessaires pour garantir le règne de la loi, l'intégrité des personnes et des biens, conformément à son devoir, que lui impose la Constitution nationale, de maintenir la paix et la tranquillité intérieures, ainsi que la sécurité des individus. Il est conscient, conclut-il, qu'un mouvement syndical libre et indépendant ne peut se développer que si les droits de l'homme sont respectés tant par les gouvernants que par les gouvernés.
  • III. Observations complémentaires et nouvelles allégations des plaignants
    1. 251 Dans leur communication du 21 juillet 1977, la FUSS et la FESTIAVTSCES adressent les observations demandées aux plaignants dans le 160e rapport du comité. Elles affirment en premier lieu que les pleines garanties syndicales n'existent pas à El Salvador et que les travailleurs qui présentent des revendications sont poursuivis sous l'accusation de professer des idées contraires au régime.
    2. 252 Les plaignants indiquent que les arrestations illégales effectuées par les corps de sécurité sont nombreuses et que les prisonniers politiques et syndicaux sont torturés et, dans de nombreux cas, disparaissent. Dans la majorité des cas, les détentions sont niées par les corps de police et les recours d'habeas corpus ne sont pas traités sérieusement.
    3. 253 Se référant au cas de Rafael Aguiñada Carranza, les plaignants déclarent que le gouvernement s'était engagé à effectuer les recherches nécessaires pour retrouver les assassins mais que jusqu'à maintenant, cette affaire se trouve classée.
    4. 254 Les plaignants ajoutent que les libertés syndicales sont enfreintes à chaque instant avec le consentement des autorités du travail. On permet aux employeurs d'effectuer des licenciements massifs, de violer les conventions collectives et de détruire les organisations syndicales. Ils citent à ce sujet des exemples d'entreprises où se produiraient de tels faits. D'autres entreprises prononcent de fausses accusations à l'égard de dirigeants syndicaux devant les autorités. Ainsi, l'entreprise "La Transnacional Lácteas Foremost" a contribué à l'arrestation des personnes suivantes: José Napoléon Mina, Carlos Humberto González, dirigeants du syndicat de cette entreprise, arrêtés le 14 mars; José Mauricio Gómez, dirigeant du même syndicat, arrêté le 1er avril; José Ricardo Martínez Flores, secrétaire à l'organisation de la Fédération nationale syndicale des travailleurs d'El Salvador (FENASTRAS), arrêté le 8 mars; Carlos Ernesto Marin Ayala, arrêté le 18 mai. Les entreprises d'autobus d'El Salvador SA et d'Autobus SA ont accusé d'actes de sabotage certains dirigeants syndicaux en vue de détruire l'organisation syndicale. Il s'agit de: Mauricio Ruano, Vicente Meléndez, Elias C. Aguilar, Victor M. Melara Solís, arrêtés en mars 1977; Mario Aristides Mendoza, Gregorio Guardado Platero, Antonio Campos Mendoza, Maximiliano Castro, Salomón Sánchez et Enecón Tejada, arrêtés le 13 mai 1977. Tous ces syndicalistes appartiennent au Syndicat national des travailleurs de l'industrie du transport, similaire et connexe. L'entreprise ANDA (production, distribution et évacuation des eaux) a licencié plus de 200 travailleurs, dont les dirigeants du syndicat, en vue de détruire ce dernier. En outre, le 8 mars 1977, ont été arrêtés Manuel de Jesús Cheyne, secrétaire général et Maximino Jaimes, premier secrétaire aux conflits. Ils furent libérés le 13 avril.
    5. 255 Selon les plaignants, il existe une discrimination exercée à l'encontre des syndicalistes. Les entreprises ne leur procurent pas d'emploi ou elles préfèrent leur payer les salaires en les maintenant en dehors de l'entreprise afin qu'ils ne puissent entrer en contact avec les travailleurs. En conclusion, les plaignants insistent pour qu'une commission ou un représentant du Directeur général soit envoyé sur place afin d'enquêter sur les faits mentionnés dans la plainte.
    6. 256 La plainte de l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux concerne la disparition de José Ernesto Sorto Argueta, déjà mentionnée dans la plainte initiale, ainsi que celle de Rafael Antonio Martinez, membre de la direction du syndicat du cuir dont on est sans nouvelles depuis janvier 1976.
    7. 257 Dans sa communication du 21 juin 1977, l'Union internationale des syndicats des travailleurs des industries alimentaires, tabacs, hôtels et branches connexes se réfère également à la disparition de José Ernesto Sorto Argueta. L'organisation plaignante ajoute que les dirigeants de la Fédération des syndicats des travailleurs de l'alimentation, de l'habillement, du textile et similaires sont poursuivis pour le seul fait de défendre les intérêts économiques et sociaux des travailleurs affiliés à la fédération.
    8. 258 Dans sa lettre du 11 août 1977, l'Union internationale des syndicats des travailleurs des industries alimentaires, tabacs, hôtels et branches connexes déclare que le gouvernement d'El Salvador n'a toujours pas fourni de réponse sur la situation de José Ernesto Sorto Argueta, secrétaire général de la FESTIAVTSCES. Elle se réfère également à l'arrestation de dirigeants syndicaux de l'entreprise Foremost déjà mentionnée dans une plainte antérieure. De graves mesures répressives seraient exercées à l'encontre des syndicats dans les entreprises "Galletas Florida" et "Panadería Iliana". Selon l'organisation plaignante, les dirigeants et militants licenciés sont inscrits sur des listes noires et de ce fait aucune entreprise ne leur procure du travail.
    9. 259 Le Comité d'unité syndicale des travailleurs d'Amérique centrale et du Panama (CUSCA) joint à sa communication du 28 octobre 1977 une lettre qu'il a adressée au gouvernement d'El Salvador. Cette lettre fait référence aux incidents survenus lors d'une grève des travailleurs de l'usine El León. Des travailleurs de cette entreprise qui se préparaient à organiser une collecte en vue de soutenir le mouvement furent attaqués par la police et deux d'entre eux perdirent la vie. Les plaignants ajoutent que le 27 octobre 1977, Hector Antonio Acevedo, secrétaire à la culture du syndicat de l'entreprise Cosmos a été arrêté à Santa Ana.
    10. 260 Dans sa communication du 22 novembre 1977, le CUSCA allègue que, le 18 novembre 1977, la garde nationale a donné l'assaut aux locaux du syndicat des travailleurs des pêcheries de Puerto El Triunfo, département d'Usulután. Sans qu'aucun motif ne soit donné et sans mandat judiciaire, il fut procédé à l'arrestation du président du syndicat, Alyandro Molina Lara et d'autres dirigeants et militants à savoir Julio C. Salazar, Oscar L. Chaves, Delia Cristina Hernandez et Juan Francisco Alvarenga.
    11. 261 D'après la communication du 23 décembre 1977 émanant du CUSCA, le gouvernement a promulgué une "loi contre le terrorisme" destinée à légaliser la répression contre les travailleurs à El Salvador. Ainsi, le 16 décembre 1977, douze travailleurs de l'entreprise "Cuality Food d'Amérique centrale" ont été arrêtés, puis relâchés le lendemain, après avoir été torturés. Le 17 décembre 1977, ont été arrêtés Rodolfo Hernández Rosales, secrétaire général du syndicat des travailleurs de l'entreprise "Alianza", Miguel Guzmán, secrétaire à l'organisation de ce même syndicat et Daniel Garcia Guevara, secrétaire général du syndicat des travailleurs de l'entreprise "Famosa".
  • IV. Réponse du gouvernement aux observations complémentaires et nouvelles allégations des plaignants
    1. 262 Dans sa communication du 13 décembre 1977, le gouvernement nie en premier lieu qu'il n'y aurait pas de garanties à l'exercice de la liberté syndicale. Il cite à cet égard diverses dispositions du Code du travail qui interdisent aux employeurs d'influencer les travailleurs dans l'exercice de leur droit syndical et qui accordent une protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La liberté d'expression est pleinement respectée dans le pays sans autres limitations que celles établies par la loi, à savoir qu'on ne doit pas porter atteinte au moral et à la vie privée des personnes, ni propager des doctrines anarchistes ou contraires à la démocratie.
    2. 263 Le gouvernement se réfère ensuite au Conseil national du salaire minimum, composé de sept membres dont deux représentent les travailleurs (le gouvernement précise que l'un de ces représentants est le secrétaire général d'une des organisations plaignantes, la FESTIAVSCES). Par la négociation collective, les syndicats ont réussi à dépasser les salaires minimums. Au cours des conflits collectifs, les travailleurs disposent de moyens légaux de pression pour la signature des contrats collectifs ou pour la défense de leurs intérêts professionnels, tels que les grèves déclenchées conformément au Code du travail.
    3. 264 Au sujet de l'enquête sur la mort de Rafael Aguiñada Carranza, le gouvernement précise que le deuxième juge de paix de San. Salvador a commencé l'instruction le 27 septembre 1975, quelques instants après la mort de cette personne. Le juge a inspecté les lieux, rencontré des témoins, fait procéder à un examen médical du cadavre. Deux jours après, le dossier fut remis au magistrat instructeur. La veuve de la victime a été entendue mais n'a apporté aucune information qui aurait pu contribuer à éclaircir les faits. La police nationale a également enquêté sur cette affaire et a remis les informations recueillies au magistrat instructeur. L'ensemble du dossier se trouve à la seconde justice pénale de San Salvador et peut être consulté par tout intéressé.
    4. 265 Le gouvernement remarque que les plaignants ne précisent pas les cas dans lesquels les autorités du travail auraient permis aux employeurs de violer les contrats collectifs et de détruire les organisations syndicales. Au sujet de l'entreprise ANDA, le gouvernement indique que les travailleurs ont quitté progressivement leur emploi du fait que les travaux pour lesquels ils avaient été engagés étaient terminés. Le syndicat des travailleurs de cette entreprise fonctionne pleinement et est dirigé par un comité dont le mandat expire en février 1978.
    5. 266 Le gouvernement ajoute qu'avant les élections présidentielles de février 1977, des minorités avaient organisé des désordres dans la rue qui avaient dégénéré en actes de vandalisme. Par exemple, à l'entreprise d'Autobus SA, le 23 février 1977, les travailleurs et les dirigeants syndicaux empêchèrent, par un mouvement d'ordre politique, le fonctionnement du service en bloquant les entrées, cassant les vitres et crevant les pneus des véhicules. Le représentant légal de l'entreprise porta plainte auprès de la justice de paix de San Salvador contre certains des dirigeants syndicaux mentionnés dans la communication de la FUSS et de la FESTIAVTSCES. Le magistrat instructeur effectua une enquête en se rendant dans l'entreprise et en procédant à l'audition des témoins. Le juge pénal de San Salvador ordonna la détention provisoire des accusés. Enfin, la participation des intéressés au délit n'ayant pas été établie, le juge prononça une ordonnance de non-lieu.
    6. 267 Des désordres se produisirent également dans d'autres entreprises où travaillaient des sympathisants des partis de l'opposition. Ceux-ci agissaient en vue d'une grève générale non reconnue par le Code du travail et, à cette fin, empêchaient parfois violemment l'entrée des travailleurs dans les entreprises et menaçaient les employeurs. Ainsi, à l'entreprise d'autobus d'El Salvador SA, des véhicules furent incendiés et subirent des dommages.
    7. 268 Au sujet des allégations relatives à l'entreprise Lácteas Foremost SA, le gouvernement précise que l'entreprise avait demandé à l'inspection générale du travail l'autorisation de suspendre perdant 30 jours certains dirigeants syndicaux. L'inspection convoqua la direction et les dirigeants syndicaux à une réunion à la suite de laquelle l'entreprise retira sa demande et les dirigeants syndicaux s'engagèrent à essayer de résoudre les problèmes conformément aux lois en vigueur.
    8. 269 A propos des actes de discrimination antisyndicale, le gouvernement déclare ne pas être disposé à permettre des violations de la liberté syndicale exercée dans les limites fixées par la loi. Le gouvernement ajoute que, si des employeurs ou des autorités ont commis des actes discriminatoires ou ont pris des mesures de représailles contre des travailleurs en raison de leur affiliation syndicale, les intéressés devraient porter ces faits à la connaissance de l'inspection générale du travail pour que celle-ci enquête et sanctionne.
    9. 270 Le gouvernement fournit également des informations sur les deux fédérations syndicales nationales plaignantes, la FUSS et la FESTIAVSCES. Ces deux fédérations préparent actuellement la constitution d'une confédération, opération pour laquelle les autorités du travail leur ont fourni les informations qu'elles avaient demandées. Le gouvernement indique en outre qu'un représentant de chacune de ces organisations siège au Conseil national du salaire minimum.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • V. Conclusions du comité
    1. 271 Le comité observe que les plaintes qui émanent de plusieurs organisations nationales et internationales de travailleurs ont trait à la mort, à l'arrestation ou à la disparition de syndicalistes, à des actions entreprises contre des locaux syndicaux ainsi qu'à des pratiques fréquentes de discrimination antisyndicale.
    2. 272 Au sujet de la mort de syndicalistes, le comité note que l'enquête menée à propos du décès de Rafael Aguiñada Carranza n'a pas permis de retrouver les coupables. Il note également que les recherches effectuées à propos des deux autres cas de mort mentionnés dans la plainte initiale n'ont jusqu'à ce jour pas abouti. Le comité doit regretter l'absence de résultats des recherches entreprises dans ces affaires par les autorités judiciaires compétentes. Le comité doit en outre constater que le gouvernement n'a pas répondu au sujet des allégations formulées quant à la mort de deux travailleurs lors d'incidents survenus au cours d'une grève à l'usine El León.
    3. 273 Au sujet des allégations relatives à des disparitions de dirigeants syndicaux, le comité note que le gouvernement rejette une nouvelle fois toute responsabilité dans la disparition des personnes mentionnées dans la plainte initiale. Le comité doit constater, cette fois encore, le caractère contradictoire des déclarations des plaignants et du gouvernement au sujet de ces disparitions, les premiers mettant en cause le corps de sécurité et les forces de police alors que le gouvernement nie que les faits allégués puissent être imputés aux autorités. Enfin, le comité relève sur ce point qu'aucune information n'a été reçue du gouvernement au sujet de la disparition de Rafael Antonio Martinez.
    4. 274 Le gouvernement a fourni des informations au sujet d'arrestations mentionnées dans des plaintes ultérieures et concernant des syndicalistes de l'entreprise d'Autobus SA. Le comité note que ces personnes, accusées d'avoir commis des délits liés à des dommages provoqués aux biens de l'entreprise, ont bénéficié d'un non-lieu devant la justice pénale et ont été libérés. En revanche, le gouvernement n'a pas communiqué d'informations sur les allégations spécifiques d'arrestation de dirigeants syndicaux des entreprises Lácteas Foremost SA, Cosmos et pêcheries de Puerto El Triunfo. Le gouvernement n'a pas encore non plus répondu aux allégations les plus récentes concernant des dirigeants syndicaux des entreprises Cuality Food d'Amérique centrale, Alianza et Famosa qui, selon les plaignants, auraient été arrêtés en vertu d'une nouvelle loi de défense et de garantie de l'ordre public.
    5. 275 Au sujet des allégations relatives à des actions entreprises contre des locaux syndicaux, le comité note que, dans un cas, celui de la FESINCONSTRANS, les incidents survenus semblent avoir une origine accidentelle. Dans les cas des autres fédérations mentionnées par les plaignants, les enquêtes entreprises n'ont pas permis d'identifier les auteurs et les mobiles des actes commis. Le comité relève en outre que le gouvernement n'a pas répondu au sujet des allégations relatives à l'assaut des locaux du Syndicat des pêcheries de Puerto El Triunfo par la garde nationale.
    6. 276 Au sujet des allégations concernant des pratiques de discrimination antisyndicale, le comité note que le Code du travail contient des dispositions tendant à protéger les travailleurs et les dirigeants syndicaux contre de tels actes. Il relève en particulier que les infractions à ces dispositions constituent des délits punis par le Code pénal et que les travailleurs intéressés peuvent saisir l'inspection générale du travail en vue d'enquêtes et de sanctions éventuelles. L'une des plaintes présentées contenait des allégations spécifiques sur le licenciement de travailleurs de l'entreprise ANDA, dont le but aurait été de détruire le syndicat. Le comité note que, selon le gouvernement, les licenciements en question étaient dus à la fin de programmes de travaux de l'entreprise et que le syndicat de cette entreprise fonctionne pleinement. Le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu aux affirmations des plaignants selon lesquelles les syndicalistes licenciés sont inscrits sur des listes noires et ne peuvent, de ce fait, retrouver un emploi. Le comité croit utile de rappeler à cet égard que l'existence de dispositions législatives interdisant les actes de discrimination antisyndicale est insuffisante si celles-ci ne s'accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique. Les plaintes pour des actes de discrimination antisyndicale devraient être examinées dans le cadre d'une procédure nationale qui, outre qu'elle devrait être prompte, devrait être non seulement impartiale, mais considérée comme telle par les parties intéressées; ces dernières devraient participer à cette procédure d'une façon appropriée et constructive. En outre, le comité estime que toutes pratiques de "listes noires" de dirigeants syndicaux mettent gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux et il considère, d'une manière générale, que les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l'égard de telles pratiques.
    7. 277 En examinant ce cas, le comité a relevé la gravité des allégations formulées par les plaignants. Il a noté que l'ensemble des faits allégués s'est déroulé dans un climat de violence qui, selon le gouvernement, résulte de l'action menée par des groupements subversifs. Le comité doit cependant exprimer sa préoccupation du fait que nombre des actions commises à l'égard des syndicats (attentats, assauts aux locaux) ou de leurs dirigeants (assassinats, disparitions) n'ont pas été éclaircies. De l'avis du comité, il ne peut en résulter qu'un climat d'incertitude et d'insécurité préjudiciable au fonctionnement des organisations syndicales et au développement des relations professionnelles dans le pays. Comme il l'a déjà signalé, le comité estime que de telles situations appellent des mesures fermes de la part des autorités en vue de rétablir une situation normale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 278. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer sa vive préoccupation au sujet des actions commises à l'encontre des syndicats ou de leurs dirigeants qui n'ont pas été éclaircies et de leurs conséquences préjudiciables au fonctionnement des organisations syndicales et au développement des relations professionnelles;
    • b) de noter avec intérêt que certains des syndicalistes arrêtés ont été libérés;
    • c) de regretter cependant que le gouvernement n'ait pas encore adressé ses observations au sujet des allégations relatives à la mort de deux travailleurs lors de la grève à l'entreprise El León (paragr. 259 ci-dessus), aux tortures exercées contre certains dirigeants syndicaux (paragr. 238 ci-dessus); à la disparition de Rafael Antonio Martinez (paragr. 256 ci-dessus) et à l'arrestation de nombreux dirigeants syndicaux des entreprises Lácteas Foremost SA, Cosmos, pêcheries de Puerto El Truinfo, Cuality Food d'Amérique centrale, Alianza et Famosa (paragr. 254, 259, 260 et 261 ci-dessus), et de prier le gouvernement d'adresser ses commentaires sur ces questions le plus vite possible;
    • d) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes, exposés au paragraphe 276 ci-dessus, relatifs à la protection contre les actes de discrimination antisyndicale;
    • e) de noter que le comité a décidé d'ajourner l'examen de la demande présentée par les plaignants au sujet d'une enquête sur place à propos de cette affaire;
    • f) de noter le présent rapport intérimaire.
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