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- 80. Par une communication du 5 juillet 1980 l'Union locale des syndicats de Casablanca, organisation affiliée à l'Union marocaine du travail, a porté plainte en violation des droits syndicaux au Maroc dans le cas no 992. Plus récemment, ce même syndicat a présenté une nouvelle plainte en violation des droits syndicaux dans une autre affaire par une communication du 25 décembre 1980 (cas no 1018
- 81. En l'absence d'observations du gouvernement sur ces deux affaires, le comité a dû ajourner à plusieurs reprises déjà l'examen de ces cas et, en mai 1981 d'abord, puis en novembre 1981, le comité a adressé au gouvernement du Maroc un appel pressant pour qu'il envoie d'urgence ses observations. A sa session de novembre 1981, le conseil d'administration, a avisé le gouvernement de ce que le comité pourrait, à sa prochaine session et conformément à sa procédure, présenter un rapport sur le fond de ces deux cas, même si les observations du gouvernement n'étaient pas encore parvenues. Très peu de temps avant l'ouverture de la session du comité, le gouvernement a fait parvenir certaines informations dans une communication datée du 17 février 1982.
- 82. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes- Cas no 992
- 83 L'Union locale des syndicats de Casablanca, dans sa communication du 5 juillet 1980, a fait savoir que la Fédération nationale des travailleurs de la métallurgie, de l'Union marocaine du travail, allègue des licenciements pour affiliation syndicale, des arrestations pour faits de grève ou autres activités syndicales et des interventions des forces de police à l'intérieur de certaines entreprises.
- 84 Plus précisément, explique l'organisation plaignante, la direction de la société marocaine de construction automobile (SOMACA), qui dispose du monopole de montage des voitures au Maroc, a procédé au licenciement de onze travailleurs, dont l'ensemble des membres du bureau syndical. Le personnel dudit établissement a riposté par une grève de solidarité le 3 juin 1980 et le conflit a duré deux mois sans que, pour autant, la direction revienne sur sa décision et sans que les pouvoirs publics usent de leur influence pour obtenir le rétablissement de la légalité.
- Cas no 1018
- 85 Dans une communication du 25 décembre 1980, l'Union locale des syndicats de Casablanca a indiqué qu'un conflit du travail s'est déclaré à la Société marocaine de fertilisants (FERTIMA). La direction de cette entreprise ayant refusé d'avoir des négociations sur un cahier de revendications déposé depuis deux ans, les travailleurs ont été amenés à déclencher une grève de protestation le 19 novembre 1980. Après quatre jours de grève suivie par les 700 ouvriers de l'entreprise, les autorités ont organisé une campagne de répression. Ainsi, le 27 novembre 1980, les travailleurs de la filiale BERRICHID auraient subi l'assaut des forces de l'ordre. Plusieurs travailleurs auraient été blessés et les travailleurs dont les noms suivent auraient été condamnés à quatre mois de prison ferme et à 120 dirhams d'amende: il s'agit de Miloudi Bakouch, Kacem Targhaoui, Bouchaib Ben El Korchi, Hamadi Najib, Bouchaïb Ennador, Bouchaib Ben Abdelkader et Abdelkader Hamou; parallèlement, la direction de FERTIMA a recruté de nouveaux travailleurs, ce qui est d'autant plus grave que FERTIMA, en tant que filiale de l'Office chérifien des phosphates, est une entreprise d'Etat. L'organisation plaignante demande donc l'annulation des jugements prononcés à l'encontre des syndicalistes et la réintégration de l'ensemble des travailleurs poursuivis.
- Réponse du gouvernement
- 86 Le gouvernement déclare que l'affaire qui fait l'objet du cas no 992 a été examinée par le tribunal de Casablanca le 13 février 1982 et qu'il communiquera d'autres renseignements quand il en aura connaissance.
- 87 Au sujet du cas no 1018, il indique que M. Bakouch Miloudi a été condamné à un mois de prison ferme; ceux qui l'accompagnaient ont été traduits devant le Tribunal de première instance de Settat et condamnés pour violence à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions et coups et blessures.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité- Conclusions du comité
- 88 Le comité note que ces deux affaires, qui ont des points communs, ont trait à des persécutions contre des syndicalistes dans le cadre de conflits du travail. Plus particulièrement, l'une porte sur le licenciement allégué de onze travailleurs, dont l'ensemble des membres d'un bureau syndical, l'autre sur les blessures qui auraient été infligées par les forces de l'ordre à des travailleurs en grève et des condamnations à quatre mois d'emprisonnement ferme qui auraient frappé sept travailleurs ainsi que sur le recrutement de nouveaux travailleurs pour briser une grève.
- 89 En ce qui concerne le licenciement de onze travailleurs de la Société marocaine de construction automobile, le comité note que le gouvernement, sans nier les allégations, déclare que l'affaire est en instance devant le tribunal. Cependant, selon les plaignants, cette mesure visait tous les membres du comité directeur du syndicat de l'entreprise. Faute d'autres informations, le caractère général de cette mesure peut laisser à penser qu'elle a été prise pour des raisons antisyndicales. Le comité a toujours estimé qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection contre tous actes de discrimination antisyndicale liés à leur emploi, par exemple le licenciement. Dans le cas d'espèce, le comité observe que le Maroc a précisément ratifié la convention no 98 dont l'article 1er prévoit expressément que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. Or le comité constate que 'es faits allégués constituent le type même de situation que la convention no 98 vise à éviter. En conséquence, le comité, ayant pris connaissance de la législation nationale en la matière et ayant constaté l'absence de dispositions spécifiques suffisantes pour appliquer l'article 1er de la convention, exprime l'espoir que le gouvernement pourra adopter toutes mesures utiles afin d'éviter d'une manière générale que des actes de discrimination antisyndicale tels que ceux qui font l'objet de la présente plainte puissent à l'avenir se reproduire. Le comité estime utile de porter cette question à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- 90 En ce qui concerne les blessures dont auraient été victimes des travailleurs grévistes à la Société marocaine de fertilisants, frappés par les forces de l'ordre, le comité note l'absence de réponse du gouvernement sur ce point. Il note aussi que, selon le gouvernement, certaines personnes ont été condamnées pour violence à un fonctionnaire. Le comité ne peut que rappeler l'importance qu'il attache à ce que l'emploi des forces de l'ordre soit limité au maintien de l'ordre public. Le comité a toujours insisté, dans de tels cas, sur la nécessité de procéder à une enquête judiciaire pour déterminer le bien-fondé de l'action prise par la police, éclaircir les faits et déterminer, le cas échéant, les responsabilités policières.
- 91 En ce qui concerne les peines d'emprisonnement ferme infligées à quatre travailleurs grévistes nommément désignés et le recrutement de nouveaux travailleurs pour briser la grève, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas communiqué ses observations sur la question du recrutement de travailleurs ni sur les peines de prison qui auraient frappé MM. Targhacui, Ben El Korchi, Najih, Ennador, Ben Abdelkader et Hamou. Le gouvernement a néanmoins admis que l'un des grévistes a été condamné à un mois de prison ferme. Le comité rappelle que le droit de grève constitue un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Aussi le comité note avec préoccupation que, selon l'organisation plaignante, des peines de quatre mois de prison ferme auraient été infligées aux grévistes. En outre, dans un cas relatif au Maroc examiné dans le présent rapport, le comité a déjà signalé au gouvernement que, si la grève est par ailleurs légale, le recours à une main-d'oeuvre étrangère à l'entreprise pour remplacer les grévistes comporte le risque d'une atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 92. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne la réponse tardive du gouvernement aux allégations de l'organisation plaignante, le comité déplore que, malgré les demandes réitérées qui lui ont été adressées, le gouvernement n'ait communiqué ses observations que très peu de temps avant l'ouverture de sa session.
- b) Pour ce qui est des allégations relatives à des licenciements discriminatoires, notamment de dirigeants syndicaux, le comité, ayant noté l'absence de dispositions législatives suffisantes pour appliquer l'article 1er de la convention no 98 ratifiée par le Maroc, exprime l'espoir que le gouvernement adoptera toutes mesures utiles afin d'éviter que des actes de discrimination antisyndicale tels que ceux qui font l'objet de la présente plainte puissent à l'avenir se reproduire. Le comité estime utile de porter cette question à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- c) Pour ce qui est des allégations de persécutions de syndicalistes (blessures et condamnation à l'emprisonnement ferme) infligées à des travailleurs en grève dans le cadre d'un conflit du travail, le comité note que le gouvernement ne nie pas les allégations mais déclare que certaines personnes ont été condamnées pour violence à un fonctionnaire. Au plan des principes, le comité rappelle que le droit de grève constitue un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Le comité note donc avec préoccupation que, selon l'organisation plaignante, la grève à la Société marocaine de fertilisants a été ainsi réprimée. Le comité rappelle en outre que, si la grève est légale, le recours à une main-d'oeuvre étrangère à l'entreprise pour remplacer les grévistes comporte le risque d'une atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux.