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- 253. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de mai 1981 au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Depuis lors, le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une lettre du 30 septembre 1981.
- 254. Haïti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 255. La plainte initiale de la Confédération mondiale du travail (CMT) portait tout d'abord sur le refus de reconnaissance juridique de la Confédération autonome des travailleurs haïtiens (CATH) constituée conformément aux prescriptions légales, l'occupation par la police du siège de ladite confédération, la confiscation de ses avoirs bancaires, l'arrestation le 22 décembre 1980 de son secrétaire général, M. Yves Richard, l'expulsion de ce dernier à curaçao ainsi que l'arrestation d'autres dirigeants syndicaux. En outre, la même plainte faisait mention de la mise à pied sans motif de 48 travailleurs de la Brasserie nationale, de 6 travailleurs de "Textile Look" et de 3 travailleurs de "Dress Martin".
- 256. Plus récemment, la CMT avait également allégué la mort violente du syndicaliste Jean-Baptiste Siméon, abattu par la force publique alors qu'il sortait d'une réunion syndicale, et l'emprisonnement de 45 syndicalistes de la CATH dont elle communiquait les noms.
- 257. A sa session de mai 1981, le comité, ayant pris connaissance des observations partielles fournies par le gouvernement sur certains aspects du cas, l'avait prié, en l'absence d'indications sur certains points, de transmettre ses commentaires sur les allégations relatives au décès de M. Jean-Baptiste Siméon, à l'emprisonnement de 45 syndicalistes mentionnés par l'organisation plaignante, à la violation des locaux syndicaux et au gel d'avoirs bancaires.
- 258. Le comité avait également constaté à propos du défaut de reconnaissance de la CATH que cette confédération ne s'était pas conformée aux formalités légales normales prévues par la législation, mais il avait cru comprendre, qu'en tout état de cause, elle avait apparemment poursuivi ses activités sans être enregistrée.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 259. Dans une communication du 30 septembre 1981, le gouvernement déclare que les dispositions du Code du travail réglementant le fonctionnement des organisations syndicales sont conformes à la convention no 87 et que si la CATH a poursuivi ses activités sans être enregistrée, elle l'a fait illégalement et sans avoir à aucun moment le statut d'organisation syndicale. Aucun syndicat enregistré ne s'est réclamé de cette confédération, qui ne semble être qu'un projet ou un voeu des responsables, et, en aucun cas, les activités de la CATH ne peuvent être assimilées à des activités syndicales.
- 260. Sur les divers griefs invoqués par l'organisation plaignante, le gouvernement rétorque, au sujet de l'occupation du siège de la CATH et du gel de ses avoirs bancaires, que, si les faits allégués étaient prouvés, il ne s'agirait pas là du siège d'un syndicat. De plus, le gouvernement ne voit pas à quel titre ce groupement aurait été autorisé à percevoir des cotisations syndicales et à ouvrir un compte en banque au nom d'un syndicat.
- 261. Le gouvernement déclare, à propos de l'emprisonnement de 45 membres de la CATH dont la liste nominative lui a été communiquée, que l'enquête qu'il a menée lui a permis de constater qu'aucun des travailleurs en question n'était en état d'arrestation et que tous vaquaient à leurs occupations.
- 262. Pour ce qui concerne la mort, le 22 décembre 1980, du syndicaliste Jean-Baptiste Siméon, le gouvernement admet que cette mort est intervenue au cours d'une descente de police effectuée, selon lui, à l'occasion d'un complot contre la sûreté intérieure de l'Etat. Cette mort, prétend le gouvernement, a été justifiée par la résistance de l'intéressé à la force publique, et M. Siméon, militant actif de l'opposition et anarchiste notoire, n'était pas syndicaliste puisque son nom ne figure dans aucune archive syndicale.
- 263. Pour ce qui concerne l'allégation selon laquelle M. Yves Richard aurait été secrétaire général de la CATH au moment de son arrestation, le gouvernement conteste à l'intéressé la validité d'un tel titre, en rappelant que l'article 276, alinéa 5, du Code du travail haïtien, fait obligation aux membres du comité directeur d'un syndicat d'appartenir à la profession pendant au moins six mois; or M. Yves Richard ne remplissait pas cette condition pour occuper ce poste. Le gouvernement ajoute que les activités reprochées aux quelques personnes qui auraient constitué la centrale sans le statut juridique dont il est question étaient de rature subversive et que ces personnes menaçaient la sûreté intérieure de l'Etat. Ainsi, les sanctions prises contre M. Yves Richard, présumé secrétaire général de la CATH, n'ont pu être adoptées en raison de ses activités syndicales ou de la violation de dispositions légales réglementant le fonctionnement des organisations syndicales.
- 264. A propos du licenciement de 48 travailleurs à la Brasserie nationale, de 6 travailleurs de "Textile Look" et de 3 travailleurs de "Dress Martin", le gouvernement admet que, selon les procès-verbaux dressés par le service de conciliation et d'arbitrage de la Direction générale du travail, les travailleurs mis à pied à la Brasserie nationale l'ont été pour cause de grève illégale, conformément aux dispositions du Code du travail. En effet, la grève illégale met fin au contrat de travail sans qu'il en résulte aucune responsabilité pour l'employeur et sans préjudice des sanctions que peuvent prendre les autorités publiques contre les grévistes. Relativement aux révocations enregistrées dans les deux autres entreprises, 3 et 6 travailleurs respectivement, il s'agit de conséquences des variations de la production et de raisons administratives autorisant l'application des dispositions du code. En l'occurrence, la majeure partie des travailleurs mis à pied ont accepté librement les indemnités de licenciement qui leur étaient dues. Ceux qui ont préféré ester en justice pour résiliation abusive ont par la suite renoncé à leur action et accepté les prestations légales qui leur étaient dues, conclut le gouvernement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 265. Dans cette affaire, la Confédération mondiale du travail (CMT) a porté plainte sur la base des informations qu'elle a reçues de l'Organisation nationale haïtienne affiliée à la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et qui lui est affiliée: la Confédération autonome des travailleurs haïtiens (CATH), organisation qui représente une des tendances du mouvement syndical de ce pays.
- 266. Le comité rappelle que ladite confédération s'était vu refuser l'enregistrement de ses statuts par les autorités administratives le 2 juin 1980. Il observe néanmoins que la CATH a continué à exercer des activités de fait et que, selon les plaignants, par la suite, des dirigeants et des membres de cette organisation ont fait l'objet de mesures répressives, y compris la mort d'un syndicaliste, l'arrestation de nombreux membres et l'expulsion de son secrétaire général.
- 267. Pour le gouvernement, la CATH n'a pas d'existence légale puisqu'elle n'a pas été enregistrée et en aucun cas ses activités ne peuvent être assimilées à des activités syndicales.
- 268. A cet égard, le comité veut rappeler que, lors de sa première réunion en janvier 1952, il a lui-même posé en principe qu'il possède une entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme une organisation professionnelle au sens de la Constitution de l'OIT, et il ne se considère lié par aucune définition nationale de ce terme. Le comité estime en l'occurrence que le fait qu'une organisation de travailleurs n'ait pas obtenu l'enregistrement de ses statuts, ainsi que peut le requérir la loi nationale, ne saurait suffire pour rendre sa plainte sans objet, étant donné que les principes de la liberté syndicale exigent justement que les travailleurs puissent, sans autorisation préalable, constituer des organisations professionnelles de leur choix.
- 269. Sur le fond, le comité observe que des mesures répressives ont été prises à la suite d'une tentative de constitution d'une organisation syndicale et d'une réunion que tenait cette organisation.
- 270. De l'avis du comité, la gravité des mesures répressives adoptées a entraîné au sein de cette organisation un climat d'intimidation qui n'a pu être que préjudiciable au développement des activités de l'organisation et même peut-être à de nouvelles démarches nécessaires à sa légalisation. Le comité estime en conséquence qu'il y a eu violation du principe selon lequel les travailleurs doivent pouvoir constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable.
- 271. Dans ces conditions, le comité déplore en particulier la mort violente de M. Jean-Baptiste Siméon qui, selon les déclarations du secrétaire général de la CATH, était un syndicaliste qui sortait d'une réunion syndicale, et l'arrestation, suivie de l'expulsion, du secrétaire général de cette organisation.
- 272. Pour ce qui est des 45 membres de la CATH arrêtés, le comité note que ces personnes sont en liberté. Il lui apparaît cependant que les déclarations du gouvernement n'apportent pas de démenti formel aux déclarations de l'organisation plaignante selon lesquelles les intéressés avaient été victimes de mesures d'arrestation. Sur ce point, le comité rappelle l'importance qu'il attache au principe selon lequel l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est ultérieurement relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale, et que les autorités devraient prendre des mesures appropriées pour prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, les mesures d'arrestation.
- 273. Pour ce qui concerne le licenciement de 48 travailleurs grévistes de la Brasserie nationale, le comité constate que, selon le gouvernement, ces travailleurs ont été mis à pied pour avoir participé à une grève illégale. Sur ce point, après avoir pris connaissance de la législation nationale en matière de conflits du travail actuellement en vigueur, le comité observe que les dispositions des articles 195, 199 et 212 du Code du travail permettent de restreindre considérablement l'exercice légal du droit de grève. En effet, aux termes de cette législation, les conflits du travail peuvent être résolus par l'arbitrage obligatoire du Conseil supérieur d'arbitrage. Or le comité a toujours considéré le droit de grève comme l'un des moyens essentiels de défense des intérêts économiques des travailleurs. Le comité a, néanmoins, admis que ce droit pourrait faire l'objet de restriction, voire d'interdiction, dans certains services essentiels parce que la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale. Mais il a estimé que ce principe risquerait de perdre tout son sens s'il était interprété comme permettant d'interdire une grève dans une entreprise qui ne fournit pas un service essentiel au sens strict du terme, c'est-à-dire un service dont l'interruption risque de mettre en danger la vie ou les conditions normales d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population. Dans le cas d'espèce, il apparaît au comité que la Brasserie nationale ne constitue pas un service essentiel d'après ce critère.
- 274. Dans ces conditions, le comité estime qu'il serait approprié que le gouvernement prenne des mesures en vue de favoriser la réintégration des travailleurs licenciés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 275. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
- Le comité déplore les mesures répressives qui ont été prises à la suite d'une tentative de constitution d'une organisation syndicale, la Confédération autonome des travailleurs haïtiens, et en particulier la mort violente de M. Jean-Baptiste Siméon qui, selon le secrétaire général de ladite confédération, était un syndicaliste, l'arrestation puis l'expulsion de M. Yves Richard, le secrétaire général de la CATH, organisation affiliée à l'organisation plaignante, ainsi que l'arrestation alléguée de nombreux syndicalistes. Sur ce dernier point, le comité note cependant que, selon le gouvernement, ces personnes sont en liberté.
- Dans cette affaire, le comité estime que ces actes constituent des violations du principe de la liberté syndicale selon lequel les travailleurs doivent pouvoir créer des organisations de leur choix sans autorisation préalable, et il souhaite signaler cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- Le comité considère en outre, en ce qui concerne le licenciement de 48 travailleurs de la Brasserie nationale accusés d'avoir participé à une grève illégale, qu'il n'apparaît pas que la Brasserie nationale soit un service essentiel au sens strict du terme.
- En conséquence, et compte tenu de l'importance qu'il attache à l'exercice du droit de grève comme l'un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs pour défendre leurs intérêts professionnels, le comité estime qu'il serait approprié que le gouvernement adopte des mesures en vue de favoriser la réintégration des travailleurs licenciés et il le prie de le tenir informé des mesures qu'il prendra dans ce sens.