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- 324. La plainte figure dans une communication de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante du 13 octobre 1982. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans des communications du 29 décembre 1982 et du 9 février 1983. Le gouvernement a répondu par une communication du 9 mars 1983.
- 325. Le Honduras a ratifié la convention. Mo 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (No. 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 326. Dans ses communications du 13 octobre et du 29 décembre 1982, le plaignant allègue qu'à la suite de la grève du 12 août des organisations groupées au sein du Front unifié des enseignants du Honduras (FUME) dans le cadre de revendications salariales, et d'une manifestation pacifique devant le siège de divers ministères et le Palais présidentiel, 300 enseignants ont été destitués (la plupart d'entre eux ont été réintégrés depuis, à l'exception de 20 enseignants qui sont toujours sans travail), des déductions de salaire ont été opérées pour les jours de grève, les écoles ont été occupées militairement et les enseignants congédiés ont été remplacés. selon le plaignant, les organisations d'enseignants ont proposé diverses solutions de compromis, mais le gouvernement, prenant prétexte de la situation économique du pays, et en particulier du chiffre de la dette extérieure, a refusé toute augmentation de salaire.
- 327. Le plaignant signale que le gouvernement a invoqué l'article 536 du Code du travail, qui dispose que les syndicats de fonctionnaires ne peuvent déclarer la grève, mais le plaignant considère que le personnel enseignant a le droit de le faire car l'article 124, paragraphe 13, de la constitution dispose que "le droit de grève et de look-out est reconnu. La loi réglemente l'exercice de ce droit et peut le soumettre à des restrictions spéciales dans les services publics".
- 328. Dans sa communication du 9 février 1983, le plaignant allègue l'intrusion, le 12 décembre 1982, lors de la séance d'ouverture de l'assemblée annuelle du Collège professionnel d'avancement du corps enseignant du Honduras (COLPROSUMAH), de 25 personnes - exclues par la suite de l'assemblée - qui ont essayé d'intervenir pour renverser la majorité existante, annuler l'assemblée ou convaincre les délégués de les suivre. Le plaignant signale que ces personnes n'avaient pas la qualité de délégués des différentes assemblées régionales et qu'elles n'étaient pas mandatées par elles: il s'agissait de membres du COLPROSUMAH proches du ministère de l'Education et des directeurs d'école qui auraient été accompagnés de membres de la police et de la sécurité publique.
- 329. Le plaignant ajoute que ces 25 personnes se sont réunies le même jour dans un bâtiment voisin appartenant à l'Etat, qu'elles ont procédé aussitôt après à l'élection d'un soi-disant comité du COLPROSUMAH et que dans le compte rendu de cette élection figurent les noms de délégués de différentes assemblées régionales qui ont démenti avoir participé à ladite élection. Les 263 délégués de l'assemblée annuelle ont procédé pour leur part à l'élection, ou plutôt à la réélection, du comité légitime du COLPROSUMAH.
- 330. Perdant que l'assemblée annuelle se déroulait à Ocotepeque, des membres de la Sûreté nationale accompagnés de forces de l'ordre ont fait irruption au siège de COLPROSUMAH où ne restait qu'un garde. Depuis lors, le siège est gardé par la police, qui a accusé le COLPROSUMAH de détenir des documents subversifs et qui en interdit l'entrée aux dirigeants légitimes du COLPROSUMAH même pour prendre leurs effets personnels. Le plaignant précise que le 15 décembre 1982 un avocat représentant, semble-t-il, la Cour suprême de justice a remis au comité exécutif nommé par les 25 personnes susmentionnées tous les biens du COLPROSUMAH. Or le plaignant signale que le mandat de l'ancien comité n'expirait que le 2 janvier 1983.
- 331. Le plaignant ajoute enfin qu'en juillet 1982 la police a perquisitionné dans les bureaux du COLPROSUMAH et qu'elle a détenu les dirigeants de cette organisation pendant 24 heures à cause d'une communication téléphonique avec le Nicaragua; les autorités reprochent aux dirigeants du COLPROSUMAH de manifester leur sympathie et leur solidarité à leurs collègues du Nicaragua et d'El Salvador.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 332. Le gouvernement déclare dans sa communication du 9 mars 1983 que le 4 avril 1982 les quatre collèges d'enseignants regroupés au sein du Front unifié des enseignants du Honduras (FUMA) ont remis au secrétariat de l'instruction publique une proposition de charte des enseignants du Honduras portant notamment sur la fixation du traitement de base des enseignants des divers degrés et sur la possibilité pour les collèges d'enseignants de diriger l'éducation nationale.
- 333. Il convient de signaler, ajoute le gouvernement, que l'augmentation de salaire demandée dépassait de 250 pour cent le traitement de base en vigueur, ce qui était loin de ce que pouvait faire le gouvernement hondurien: d'autre part, la Constitution de la République dispose aux articles 157 et 171 ce qui suit:
- "Article 157. L'éducation à tous les niveaux de l'enseignement, sauf le niveau supérieur, est autorisée, organisée, dirigée et surveillée exclusivement par le pouvoir exécutif, par l'intermédiaire du secrétariat de l'instruction publique, qui administre les centres d'enseignement entièrement financés par des fonds publics.
- Article 171. L'enseignement dispensé officiellement est gratuit, et l'enseignement élémentaire est, en outre, obligatoire et entièrement financé par l'Etat. L'Etat prendra les mesures nécessaires pour donner effet à la présente disposition. "
- 334. Le gouvernement ajoute que le 31 mai 1982, le secrétariat de l'instruction publique a remis au FUMH un projet de statut de l'enseignant conforme à la législation en vigueur dans le pays; néanmoins, le 2 juin 1982, les enseignants ont organisé une manifestation publique, arrêtant le travail au détriment de l'enseignement. Le gouvernement, soucieux de trouver une solution juste et équitable au problème soulevé par le FUME, a nommé le 9 juin 1982 une commission chargée d'examiner, conjointement avec une autre commission désignée par le FUME, le projet de statut de l'enseignant hondurien; malgré l'intérêt manifesté par le gouvernement, pendant que ledit document était à l'examen, les enseignants ont organisé des manifestations publiques avec arrêt de travail, et le 19 juin 1982, au moment où les commissions susmentionnées étaient en train de négocier, ils ont déclaré un arrêt de travail national pour 48 heures.
- 335. Le gouvernement signale que, par la suite, une réunion a eu lieu au siège du gouvernement avec la participation de représentants du FUMH et d'une partie du cabinet du gouvernement afin d'informer le FUMH de l'impossibilité pour le gouvernement d'accéder à ses revendications salariales pour des raisons d'ordre économique: en réponse, le FUMH a déclaré un arrêt de travail au niveau national de 48 heures. C'est pourquoi le gouvernement a averti qu'il déduirait du salaire les jours de grève et prendrait des mesures plus énergiques si les enseignants persistaient dans leur attitude; malgré cet avertissement, le 2 août 1982, les dirigeants du FUMH ont déclaré un arrêt de travail de 72 heures, et huit jours plus tard, un autre arrêt de 48 heures; les fautes commises par les enseignants sont qualifiées d'abandon de poste aux termes des articles 84 et 85 de la loi sur la fonction enseignante et, selon l'article 79 de la même loi, la sanction est la destitution pour ceux qui ont commis cette faute.
- 336. Le 13 août 1982, continue le gouvernement, le Président de la République et son cabinet, dans le but de régler le problème, ont eu un entretien de plusieurs heures avec les dirigeants du FUME au cours duquel ils leur ont expliqué que la situation économique du pays empêchait de satisfaire leurs revendications salariales, mais les dirigeants du FUMH ont décrété un arrêt de travail de durée indéterminée à partir du 16 août. Malgré cela, le Président de la République a proposé de maintenir le dialogue et de donner la priorité à la demande d'augmentation de salaire dès que la situation économique du pays s'améliorerait: cette proposition a été rejetée par les dirigeants enseignants et l'arrêt de travail s'est poursuivi.
- 337. Devant l'intransigeance manifestée par le FUME, le gouvernement a demandé aux enseignants de réfléchir et de changer d'attitude: il les a invités à reprendre les cours le 26 août 1982, en les avertissant que ceux qui n'obéiraient pas seraient révoqués et remplacés par d'autres enseignants, mesure que le gouvernement a appliquée jusqu'au 28 août, date à laquelle le FUMH a lancé un appel aux enseignants pour qu'ils reprennent le travail le 30 du même mois.
- 338. Selon le gouvernement, tout ce qui précède prouve qu'il a épuisé tous les moyens dont il disposait pour trouver un point de convergence avec les enseignants, mais que tous ses efforts ont été vains à cause de l'intransigeance manifestée au cours des négociations par les dirigeants enseignants. Le gouvernement ajoute que les faits démontrent qu'il a été logique avec les enseignants qui ont enfreint la loi car les fautes répétées qu'ils ont commises (abandon de poste sans autorisation, actes répétés d'indiscipline, inexécution fréquente et injustifiée de leurs obligations, manquements à la retenue et à la dignité de la charge) donnaient lieu à leur révocation sans préavis. les mesures disciplinaires susmentionnées étaient applicables vu la gravité de la faute dûment établie dans le cas d'espèce; cependant, le gouvernement a réintégré les enseignants révoqués dans la quasi-totalité des cas.
- 339. De l'avis du gouvernement, l'allégation de l'organisation plaignante concernant des violations de la liberté syndicale au Honduras est dénuée de fondement, car aucune organisation enseignante n'est considérée comme syndicat: ce sont des organisations professionnelles et, à supposer qu'elles se constituent en syndicat, ces organisations seraient assujetties à certaines restrictions imposées par la législation nationale étant donné que les syndicats de fonctionnaires ne bénéficient pas des mêmes droits et fonctions que les autres organisations syndicales de travailleurs, en particulier du droit reconnu par l'article 492, paragraphe 4, du Code du travail, c'est-à-dire du droit de déclarer la grève conformément aux dispositions de la loi. L'article 536 du Code renferme les dispositions suivantes concernant les syndicats de fonctionnaires:
- Article 536. Les syndicats de fonctionnaires ne pourront présenter des cahiers de revendications ni conclure des conventions collectives; toutefois, les syndicats groupant les autres travailleurs des services publics auront toutes les attributions des syndicats de travailleurs et présenteront leurs cahiers de revendications dans les mêmes conditions que les autres, même s'ils n'ont pas la faculté de déclarer ou de faire la grève.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 340. Les allégations formulées dans le présent cas se rapportent aux mesures et sanctions prises par les autorités à la suite des grèves de protestation organisées par des enseignants depuis le début de juin 1982, devant le refus des autorités d'accorder des augmentations de salaire; à l'intrusion dans les bureaux du COLPROSUMAH et à la détention de dirigeants syndicaux pendant 24 heures; ainsi qu'aux actes d'ingérence qui auraient eu lieu pendant l'assemblée annuelle du CCLPROSUMAH en décembre 1982.
- 341. S'agissant des mesures et sanctions prises par les autorités à la suite des grèves de protestation des organisations d'enseignants (révocation de 300 enseignants dont 20 n'ont pas encore retrouvé de poste, déductions de salaire pour les jours de grève, militarisation des écoles et remplacement des grévistes révoqués), le comité note que, selon le gouvernement, les sanctions imposées ont été dictées par l'intransigeance du Front unifié des enseignants pendant et après les négociations salariales qui ont eu lieu entre les organisations d'enseignants et les autorités, les enseignants rejetant en particulier la proposition que leur avait faite le Président de la République de donner priorité à la demande d'augmentation de salaire si la situation économique du pays - s'améliorait et procédant à divers arrêts de travail et manifestations publiques. Le comité note que, bien que les fautes commises (abandon de poste sans autorisation, actes répétés d'indiscipline, etc.) donnent lieu selon la législation en vigueur à la destitution des responsables, la quasi-totalité des enseignants révoqués ont été réintégrés. Le comité note aussi que selon le plaignant 20 enseignants sont toujours destitués et que le gouvernement a refusé toute augmentation de salaire bien que diverses solutions de compromis lui aient été proposées.
- 342. Le comité note que le motif principal des mesures et sanctions prises par les autorités est lié au fait que la législation ne reconnaît pas le droit de grève aux fonctionnaires (parmi lesquels figurent les enseignants) et à leurs organisations. Le comité fait observer d'autre part que les organisations d'enseignants qui ont conduit les grèves et les manifestations publiques mentionnées dans les allégations sont des organisations de travailleurs au sens de l'article 10 de la convention No. 87 ("toute organisation de travailleurs ... ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ."), de sorte que les garanties de ladite convention leur sont pleinement applicables.
- 343. Le comité a signalé en de multiples occasions que le droit de grève étant l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels', il ne peut faire l'objet d'interdiction ou de restrictions importantes que dans la fonction publique et les services essentiels au sens strict. la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a précisé à cet égard que l'interdiction devrait être limitée aux fonctionnaires agissant en tant qu'organes de la puissance publique ou aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; autrement, si la législation retenait une définition trop extensive de la fonction publique ou des services essentiels, le principe selon lequel le droit de grève peut être limité, voire interdit dans la fonction publique ou les services essentiels, perdrait tout son sens. Par ailleurs, le comité a eu l'occasion de se prononcer sur la question de l'enseignement et il a considéré que les travailleurs de l'enseignement n'exercent pas des activités essentielles au sens strict du terme.
- 344. Dans ces conditions, le comité estime que les travailleurs de l'enseignement devraient jouir du droit de grève du fait qu'ils ne peuvent être considérés comme des fonctionnaires agissant en tant qu'organes de la puissance publique, et qu'ils ne travaillent pas non plus dans un service essentiel au sens strict du terme (lesquels devraient bénéficier de garanties compensatoires en cas de déni du droit de grève). En conséquence, le comité regrette vivement le grand nombre de destitutions d'enseignants effectuées à la suite des faits de grève et prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de réintégrer les enseignants qui sont encore destitués (20 selon le plaignant) ainsi que les mesures nécessaires en vue de reconnaître le droit de grève aux travailleurs de l'enseignement.
- 345. En ce qui concerne les autres mesures prises à la suite des grèves de protestation des organisations d'enseignants, le comité considère que les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d'objection du point de vue des principes de la liberté syndicale, mais il tient à signaler que l'occupation militaire des centres scolaires n'est pas une mesure propre à favoriser le climat de confiance et de respect qui doit prévaloir dans toute procédure de négociation, surtout quand la négociation s'inscrit dans le cadre d'un conflit collectif. En conséquence, les autorités ne devraient pas avoir recours à ce genre de mesures.
- 346. Enfin, le comité fait observer que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations contenues dans la communication de l'organisation plaignante du 9 février 1983 concernant l'intrusion de la police dans les locaux du COLPROSUMAH et la détention des dirigeants de cette organisation pendant 24 heures au mois de juillet 1982, ainsi que les actes d'ingérence qui se seraient produits lors de l'assemblée annuelle du COLPROSUMAH. Le comité prie le gouvernement de lui envoyer ses observations à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 347. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité rappelle que les travailleurs de l'enseignement devraient bénéficier du droit de grève, du fait qu'ils ne peuvent être considérés comme fonctionnaires agissant en tant qu'organes de la puissance publique et qu'ils ne travaillent pas non plus dans un service essentiel au sens strict du terme.
- b) Le comité regrette vivement le grand nombre de destitutions d'enseignants effectuées à la suite des grèves et prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de réintégrer les enseignants qui sont encore destitués (20 selon le plaignant) ainsi que les mesures nécessaires en vue de reconnaître le droit de grève aux travailleurs de l'enseignement.
- c) Le comité signale à l'attention du gouvernement que l'occupation militaire des centres scolaires n'est pas une mesure propre à favoriser le climat de confiance et de respect qui doit prévaloir dans toute procédure de négociation, surtout quand la négociation s'inscrit dans le cadre d'un conflit collectif. En conséquence, les autorités ne devraient pas avoir recours à ce genre de mesures.
- d) Le comité prie le gouvernement d'envoyer ses observations sur les allégations contenues dans la communication de l'organisation plaignante du 9 février 1983 concernant l'intrusion de la police dans les locaux du COLPROSUMAH, la détention des dirigeants de cette organisation pendant 24 heures au mois de juillet 1982, et les actes d'ingérence qui auraient eu lieu lors de l'assemblée annuelle du COLPROSUMAH.