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Definitive Report - Report No 230, November 1983

Case No 1214 (Bangladesh) - Complaint date: 17-JUN-83 - Closed

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  1. 335. Dans des communications du 17 juin 1983, les confédérations syndicales nationales suivantes ont présenté des plaintes pour violations des droits syndicaux au Bangladesh; la Fédération Bangladesh Sanjukta Sramik, la Centrale syndicale du Bangladesh, le Front Samajtantrik Sramik, la Fédération des ouvriers du Bangladesh, le Jatio Sramik Jote, la Fédération Bangla Sramik, le Bangladesh Ganatantrik Sramik Andola, la Fédération Sramik du Bangladesh, la Ligue Jatio Sramik, la Fédération Jatio Sramik et la Confédération du travail du Bangladesh. Le 19 juillet 1983, la Confédération mondiale du travail (CMT) a introduit une plainte similaire. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 21 août 1983.
  2. 336. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 337. Dans leur lettre du 17 juin 1983, les 11 fédérations syndicales nationales allèguent qu'un certain nombre d'ordonnances prises dans le cadre de la loi martiale violent les conventions no 87 et 98, ratifiées par le Bangladesh. Elles se réfèrent en particulier à l'ordonnance (no XXVI) du 30 août 1982 portant sur la réglementation des relations professionnelles et aux "directives concernant le choix des agents pour les négociations collectives" promulguées dans le cadre de cette ordonnance le 6 septembre 1982.
  2. 338. Les plaignants citent les dispositions suivantes de l'ordonnance; article 4 (interdiction de toute élection pour la désignation des agents chargés de la négociation collective; pouvoir discrétionnaire du Greffier des syndicats pour désigner tout syndicat officiellement reconnu comme agent chargé de la négociation collective; impossibilité de faire appel de cette désignation devant les tribunaux); article 4(3) (nécessité, pour être désigné agent chargé de la négociation collective pour un syndicat, de représenter au moins un tiers de l'effectif total des salariés de (ou des) établissement (s)); article 7 (interdiction d'organiser toute réunion, même pour l'élection du comité exécutif, sans le consentement préalable du gouvernement, sous peine de deux ans de prison ou d'une amende maximum de 5 000 taka ou des deux); article 8 (interdiction des grèves et des lock-out, sous peine de deux ans de prison ou d'une amende maximum de 5 000 taka ou des deux).
  3. 339. Les plaignants invoquent les dispositions suivantes des "directives"; section 2(d) (si, lorsqu'il est procédé à la vérification des chiffres avancés par les syndicats en ce qui concerne leur effectif en vue de la désignation de l'agent chargé de la négociation collective, en cas de double appartenance la date d'affiliation la plus récente sera seule retenue).
  4. 340. En outre, les plaignants se réfèrent en général à d'autres limitations des droits syndicaux de caractère législatif ; le Greffier des syndicats peut arbitrairement annuler l'enregistrement de tout syndicat représentant moins du tiers de l'effectif total de (ou des)établissement(s) concernés; les fonctionnaires et les salariés des "services essentiels" n'ont aucun droit syndical; il est interdit aux travailleurs qui ne sont pas salariés d'une entreprise donnée d'occuper une charge syndicale ou de s'affilier au syndicat concerné; il n'est pas possible de faire appel auprès d'une instance supérieure des décisions des tribunaux du travail, mais seulement auprès de l'administrateur en chef de la loi martiale.
  5. 341. Enfin, les plaignants indiquent en général que des membres de syndicats et des militants syndicaux ont été arrêtés et maintenus en état d'arrestation sans avoir été jugés et que, depuis que la loi martiale a été instaurée, la commission tripartite nationale, dont les 11 fédérations nationales sont membres, n'a tenu aucune réunion.
  6. 342. La CMT, dans sa communication du 19 juillet 1983, reprend ces allégations à l'encontre de l'ordonnance no XXVI et prie les autorités gouvernementales d'abroger cette loi et de lever toutes les mesures ayant pour effet de restreindre les droits et libertés syndicaux des travailleurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 343. Dans sa lettre du 21 août 1983, le gouvernement déclare que les dispositions limitatives en question ont un caractère temporaire et font l'objet d'une attention constante en vue de les assouplir ou de les modifier et même en vue de les abroger, une fois venu le moment du rétablissement des dispositions constitutionnelles du pays.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 344. Le comité note que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a examiné à sa réunion de mars 1983 la législation mise en question dans cette affaire et qu'elle a fait parvenir au gouvernement du Bangladesh ses observations concernant l'incompatibilité de l'ordonnance (no XXVI) du 30 août 1982 concernant (la réglementation) des relations du travail avec les articles 2, 3, 8 et 10 de la convention no 87. Le comité note en outre que la Commission d'experts a adressé une demande directe au gouvernement à ce même sujet en application de la convention no 98.
  2. 345. Malgré les assurances données par le gouvernement selon lesquelles les dispositions limitatives en question ont un caractère temporaire et font l'objet d'une attention constante en vue de les assouplir et de les modifier, le comité, examinant ces dispositions, ne peut qu'approuver sans réserves la demande formulée par la commission d'experts dans ses observations formulées en 1983 à propos de la convention no 87 par laquelle cette commission prie le gouvernement de modifier sa législation à l'effet de la rendre conforme aux principes de la liberté syndicale.
  3. 346. Le comité souhaite plus précisément attirer l'attention du gouvernement sur les aspects suivants de l'ordonnance no XXVI:
    • - l'article 4 retire aux travailleurs le droit de désigner en toute liberté leurs représentants en vue de la négociation collective;
    • - l'article 4 (3) impose un nombre trop élevé de membres à un syndicat (un tiers) pour obtenir le statut d'agent négociateur;
    • - l'article 7 retire aux travailleurs le droit de réunion indispensable au libre exercice des droits syndicaux et, de plus, leur refuse le droit d'élire en toute liberté leurs représentants et d'organiser leur administration et leurs activités; lue conjointement, une telle interdiction dénie aux travailleurs le droit de créer les organisations de leur propre choix et de s'y affilier;
    • - l'article 8 retire aux travailleurs le droit de grève, qui est un des moyens essentiels dont ils disposent pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels et, lues conjointement avec l'article 6 sur l'arbitrage obligatoire pour le règlement des conflits du travail, ces dispositions ont pour effet de limiter gravement le droit des travailleurs d'organiser leurs activités et de définir leurs programmes;
    • - cette interdiction du droit de grève et le pouvoir discrétionnaire de soumettre les conflits directement aux tribunaux du travail en évitant la conciliation comportent un autre risque d'abus, si l'on se fonde sur les allégations des plaignants selon lesquelles les appels des décisions des tribunaux du travail ne peuvent, aux termes de la loi martiale, être transmis qu'à l'administrateur en chef de la loi martiale autorité gouvernementale. Cette pratique est contraire à l'un dés principes durables de la liberté syndicale, à savoir que l'examen final des conflits du travail doit être du ressort de la justice et non de celui des autorités de la loi martiale.
  4. 347. Le comité note que les plaignants invoquent d'autres limitations de caractère législatif à l'exercice des droits syndicaux sans citer pour autant de texte précis. Il fait observer que ces allégations sont particulièrement graves: le Greffier des syndicats peut arbitrairement annuler l'enregistrement de tout syndicat dont l'effectif est inférieur au tiers du nombre total de salariés de l'établissement considéré; les fonctionnaires et les salariés des "services essentiels" ne peuvent exercer leurs droits syndicaux; les travailleurs non salariés d'une entreprise donnée ne peuvent occuper une charge syndicale ni s'affilier au syndicat de cette entreprise.
  5. 348. La commission d'experts a également formulé des observations au sujet de ces restrictions. Cette commission a en particulier prié le gouvernement de modifier la règle concernant l'effectif du syndicat (article 10(g) de l'ordonnance sur les relations professionnelles de 1969) et de réexaminer la question de l'interdiction faite aux travailleurs non salariés (article 7A(1)(a)(ii) et (b) de l'ordonnance de 1969, telle qu'elle a été modifiée). La commission d'experts a en outre demandé au gouvernement de fournir d'autres renseignements quant aux droits des fonctionnaires de créer des syndicats. Le comité reprend à son compte ces informations et demandes.
  6. 349. Vu l'imprécision des allégations relatives à la détention sans jugement de syndicalistes dans le cadre de la loi martiale et à l'absence de réunions de la Commission tripartite nationale et vu, d'autre part, le silence du gouvernement à ce sujet, le comité ne peut que rappeler d'une manière générale que l'une des libertés civiles indispensables au libre exercice des droits syndicaux est le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial. Pour ce qui est de l'absence de réunions tripartites, le comité désire rappeler au gouvernement ses obligations au titre de la convention (no 144) concernant les consultations tripartites destinées à promouvoir la mise en oeuvre des normes internationales du travail, 1976 - ratifiée récemment par le Bangladesh - pour qu'il organise des consultations efficaces.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 350. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et en particulier les conclusions suivantes:
    • a) Etant donné que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a examiné récemment l'ordonnance (no XXVI) sur les relations du travail de 1982, ainsi que les autres restrictions de caractère législatif qui font l'objet de cette plainte, et qu'elle les a jugées incompatibles avec les principes de liberté syndicale énoncés dans les conventions nos 87 et 98, que le Bangladesh a ratifiées, le comité approuve la demande des experts priant le gouvernement de modifier sa législation, en particulier les dispositions interdisant les grèves et supprimant la liberté de réunion.
    • b) Le comité soumettra les questions législatives touchant à cette affaire à la commission d'experts afin que cet organe continue d'exercer son contrôle dans ce domaine dans le cadre du mécanisme de contrôle régulier de l'OIT.
    • c) Vu l'imprécision de l'allégation selon laquelle des syndicalistes seraient maintenus en détention sans avoir été traduits en justice dans le cadre de la loi martiale et vu le silence du gouvernement à ce sujet, le comité ne peut que rappeler d'une manière générale que l'une des libertés essentielles pour le libre exercice des droits syndicaux est le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial.
    • d) De même, vu l'imprécision de l'allégation selon laquelle il n'y aurait pas de réunion tripartite et vu le silence du gouvernement à ce sujet, le comité ne peut que rappeler au gouvernement qu'il doit organiser des consultations efficaces, conformément aux obligations qu'il a prises en ratifiant la convention no 144.
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