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Definitive Report - Report No 244, June 1986

Case No 1220 (Argentina) - Complaint date: 06-JUL-83 - Closed

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  1. 27. Par une communication du 6 juillet 1983, le Syndicat des enseignants argentins (UDA) a déposé plainte contre le gouvernement de l'Argentine au sujet de la dissolution par une loi du pouvoir exécutif de la Caisse complémentaire des retraites et pensions du personnel enseignant dont il était l'administrateur. Il a envoyé des informations complémentaires les 23 août 1983, 27 mars 1984, 22 janvier 1985 et 10 avril 1986.
  2. 28. Le gouvernement d'alors avait pour sa part transmis des commentaires sur cette affaire le 13 octobre puis le 10 novembre 1983. Le nouveau gouvernement a envoyé des observations le 11 octobre 1984, les 4 et 18 février et 21 août 1985 ainsi que le 20 mai 1986.
  3. 29. A plusieurs reprises, les parties avaient informé le BIT que l'affaire dans son ensemble se trouvait en instance devant les autorités judiciaires et ont même transmis des copies des jugements déjà rendus.
  4. 30. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 31. Dans sa plainte, l'organisation plaignante (UDA), qui dit représenter tous les enseignants d'Argentine, rappelle que, par une convention de corresponsabilité corporative du 27 mai 1975, établie en application de la loi no 20155 du 12 février 1973 entre elle-même et le ministère de la Culture et de l'Education en tant qu'employeur, a été créée la Caisse complémentaire des retraites et pensions du personnel enseignant. Cette caisse a fonctionné ainsi pendant plus de sept ans sous l'administration et la gestion de l'UDA, tant bien que mal puisque les plaignants mentionnent dans une note récapitulative que depuis 1976 elle a été l'objet de tracasseries et d'ingérences administratives, climat qui a abouti finalement à la dissolution de la caisse par la loi no 22804 du 5 mai 1983.
  2. 32. D'après les documents juridiques concernant le statut de la caisse, transmis par l'organisation plaignante, la direction générale du ministère de la Culture et de l'Education était habilitée à retenir les 3 pour cent de cotisation sur les traitements des enseignants (résolution no 900 du 8 juillet 1975) et les reversait à la caisse qui pouvait recevoir des contributions financières de toute provenance, étant spécifié que les fonds ne pouvaient être utilisés à d'autres fins que celles prévues par les statuts, à savoir les prestations complémentaires de retraite et de pension. La caisse était administrée par un Conseil d'administration de six membres désignés par l'UDA, la charge de syndic étant assumée par deux représentants des administrations concernées.
  3. 33. La loi no 22804 adoptée par le pouvoir exécutif a, en vertu de son article 33, annulé la convention de corresponsabilité corporative du 27 mai 1975 dissolvant par là même la Caisse complémentaire des retraites et pensions du personnel enseignant et confisquant ses biens au profit d'une Caisse complémentaire nationale pour le personnel enseignant et non enseignant soumis à la juridiction du ministère de l'Education. L'administration et la gestion de cette nouvelle caisse sont réglementées en détail par ladite loi; un conseil d'administration de neuf membres, trois désignés par le ministère de l'Education et six par les affiliés de la caisse, est chargé de son fonctionnement.
  4. 34. L'organisation plaignante s'est élevée avec force contre ces dispositions législatives surtout lorsqu'elles ont été suivies de mesures répressives à l'encontre du syndicat détenteur des biens de la caisse: en effet, le 13 mai 1983, il y eut occupation "manu militari" du siège de la caisse et appropriation des biens par les autorités militaires; ceci a été certifié par le procès-verbal d'un notaire. A la suite de ces événements, le président de la caisse avait entamé un recours en justice pour récupérer les biens saisis, ce qui fut accordé en première instance, mais refusé en appel, le tribunal ayant confirmé l'occupation "manu militari". Lesdits biens sont restés entre les mains du ministre de l'Education qui les a confiés au nouveau conseil d'administration désigné par lui.
  5. 35. Dans leur communication du 23 août 1983, les plaignants annoncent que la loi no 22804 a été réglementée par le décret no 1419 (sauf son article 33), que l'occupation des locaux de la caisse est maintenue par les autorités militaires et que le recours en justice pour inconstitutionnalité de l'article 33 avait conduit le juge à décider le blocage des fonds, décision qui, selon les plaignants, n'a pas été respectée par les autorités administratives.
  6. 36. Les plaignants allèguent en outre qu'afin de consolider la situation le ministre de l'Education a convoqué des élections pour le nouvel organisme que le juge a suspendues sur demande des organisations syndicales. De plus, l'UDA déclare que son recours pour inconstitutionnalité de l'article 33 de la loi no 22804 a abouti à un jugement favorable du tribunal et qu'elle a tenté en vain de faire exécuter cette décision en demandant aux autorités administratives concernées l'application de la convention de corresponsabilité corporative du 27 mai 1975. Par la suite, le 13 août 1983, les plaignants ont voulu récupérer leurs biens mais en ont été empêchés par la police. L'UDA allègue que la situation représente une violation de la convention no 87 et demande que le comité envoie un représentant à Buenos Aires pour intercéder auprès du gouvernement argentin et constater les faits.
  7. 37. Dans une communication du 22 janvier 1985, l'UDA déclare qu'aucune action judiciaire en inconstitutionnalité de la loi no 22804 n'est pendante devant les tribunaux, et que le gouvernement démocratique nouvellement en fonction n'a pas encore tenu sa promesse de réparer les dommages causés par cette loi adoptée par le gouvernement militaire, et que la situation demeure en l'état. L'organisation syndicale ajoute que la confiscation de la caisse administrée par l'UDA a restreint le programme d'action du syndicat concernant les travailleurs retraités de l'enseignement, confisquant un patrimoine estimé à 25 millions de dollars.
  8. 38. Dans une lettre plus récente, datée du 10 avril 1986, l'organisation plaignante indique qu'après avoir été déboutée dans des actions judiciaires présentées devant des juges locaux pour vices de forme sans traiter des problèmes de fond, elle a entamé une action judiciaire devant un tribunal de contentieux administratif fédéral afin que celui-ci intervienne auprès de l'OIT pour non-application de la convention no 87 (article 3), mais que le juge n'a pas donné suite à cette demande d'intervention.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 39. Dans ses diverses communications, le gouvernement en place à l'époque des faits, c'est-à-dire celui qui a adopté la loi incriminée, n'a pas expliqué les raisons qui l'ont conduit à prendre des mesures drastiques concernant la Caisse complémentaire du personnel enseignant. Les informations données dans la lettre du 13 octobre 1983 sont relatives au déroulement de la procédure judiciaire engagée par l'organisation plaignante: l'UDA. En appel, le tribunal de contentieux administratif a, révoquant un jugement de première instance, ordonné qu'aucune application ne soit faite de l'article 33 de la loi no 22804 par le pouvoir exécutif national. Une autre instance concernant la demande d'inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi a abouti à une sentence prudente du tribunal, à savoir qu'il a ordonné de "suspendre la répartition des valeurs et de l'argent de la caisse dissoute laissant interdite sa distribution". Le gouvernement a fait savoir également qu'à la demande de l'UDA les élections du conseil d'administration de la nouvelle Caisse complémentaire de prévoyance ont été annulées par le juge au motif qu'elles auraient été une application de l'article 33. Le gouvernement fait remarquer que les tribunaux ont examiné le fond de l'affaire et se sont prononcés sur la valeur intrinsèque de la décision administrative, mais que le ministère de la Culture et de l'Education a fait appel des jugements déjà rendus par les tribunaux. D'autre part, dans cette communication, le gouvernement avait insisté sur le fait que l'UDA avait pu faire valoir ses droits et intérêts devant les instances judiciaires, et que même l'application de la loi a été suspendue, jusqu'à ce que toutes les procédures judiciaires d'appel soient épuisées et qu'une décision exempte de tout recours soit rendue.
  2. 40. Le 11 octobre 1984, le nouveau gouvernement a transmis des informations sur l'affaire indiquant notamment que les tribunaux judiciaires en étaient saisis et qu'il convenait d'attendre leurs décisions, informations qu'il a réitérées les 4 et 18 février 1985 et le 21 août 1985.
  3. 41. Le gouvernement a transmis au comité une dernière communication datée du 20 mai 1986 concernant les procédures judiciaires en cours par laquelle il fait savoir que, dans le procès intenté par la Caisse complémentaire dissoute contre l'Etat national devant le juge national de première instance - contentieux fédéral administratif no 5 -, le Syndicat des enseignants argentins (UDA) a été considéré comme partie tierce ayant un intérêt dans l'instance, à la demande de ladite caisse.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 42. La présente plainte a pour objet la dissolution par la loi no 22804 du 5 mai 1983 adoptée par le gouvernement militaire antérieur de la Caisse complémentaire des retraites et pensions du personnel enseignant administrée jusqu'alors par l'organisation plaignante UDA, en vertu d'un protocole d'accord entre elle et le ministère de la Culture et de l'Education du 27 mai 1975.
  2. 43. Le comité note que les plaignants ont pu exercer toutes les voies de recours judiciaire possibles pour défendre et faire valoir leurs droits et intérêts, et qu'en conséquence l'application de la loi a été suspendue et le patrimoine financier bloqué.
  3. 44. Le comité rappelle que, dans un cas antérieur (cas no 111, 23e rapport du comité, paragr. 227 3), il a estimé qu'il lui appartient de se prononcer sur l'opportunité de confier la gestion des assurances sociales et le contrôle de l'application des lois sociales aux syndicats professionnels plutôt qu'à des organes administratifs de l'Etat que pour autant qu'une telle mesure impliquerait une restriction au libre exercice des droits syndicaux. Dans le cas présent, au vu des éléments analysés, le comité n'a pas été convaincu de quelque restriction que ce soit à l'exercice des droits syndicaux de l'UDA, ou d'une ingérence quelconque des autorités administratives dans sa gestion et ses activités syndicales.
  4. 45. Le comité relève que tant la situation juridique qui a donné lieu à la plainte, à savoir l'administration et la gestion de la Caisse complémentaire des retraites et pensions du personnel enseignant par l'organisation syndicale UDA soustraite par voie législative, que les faits qui se sont produits sous le régime militaire antérieur, occupation "manu militari" des locaux de ladite caisse et appropriation de ses biens ne revêtent un caractère syndical au sens de la compétence du comité étant donné qu'ils ne sont ni des locaux syndicaux, ni des biens syndicaux. De l'avis du comité, les fonds d'une caisse de pensions qui proviennent des cotisations sur les traitements à titre de prévoyance sociale ne peuvent être considérés comme des fonds syndicaux. En effet, le comité considère que si l'administration et la gestion d'une caisse de prévoyance peuvent être du ressort d'un syndicat par accord de celui-ci avec le gouvernement, elles ne sont pas un aspect de ses activités syndicales propres mais sont du domaine des régimes de prévoyance ou de sécurité sociale. En outre, le comité relève que la nouvelle loi n'exclut pas le personnel enseignant de la gestion et de l'administration de la nouvelle caisse puisque sur les neuf membres de son conseil d'administration six sont élus par les affiliés à la caisse, qui continuent ainsi d'être représentés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 46. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité estime que les fonds de l'ancienne caisse complémentaire, objets de litige provenant de cotisations de prévoyance sociale, ne sont pas des fonds syndicaux.
    • b) Le comité considère que la présente affaire n'entre pas dans le champ de sa compétence, et qu'elle n'appelle donc pas un examen plus approfondi.
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