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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 246, November 1986

Case No 1266 (Burkina Faso) - Complaint date: 10-MAR-84 - Closed

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  1. 141. Le comité a examiné ce cas à ses sessions de novembre 1984 et 1985 où il a présenté des rapports intérimaires au Conseil d'administration. (Voir 236e rapport du comité, paragr. 553 à 579, et 241e rapport, paragr. 649 à 687.)
  2. 142. Postérieurement au dernier examen du cas, par une communication du 14 avril 1986, le gouvernement du Burkina Faso a invité le BIT à venir constater sur place la situation des relations professionnelles dans le pays. A sa réunion de juin 1986, le comité s'est réjoui de ce que le gouvernement soit disposé à accepter une mission sur place et à décider d'ajourner l'examen de ce cas en attendant les résultats de cette mission. (Voir 244e rapport, paragr. 11.)
  3. 143. Des dispositions ont donc été prises pour qu'une mission de contacts directs se rende au Burkina Faso à la fin du mois de septembre 1986. Le Directeur général a nommé M. B. Gernigon, chef adjoint du Service de la liberté syndicale comme son représentant pour effectuer cette mission. Cette dernière a séjourné à Ouagadougou du 22 au 30 septembre 1986. Au cours de la mission de contacts directs, le représentant du Directeur général était accompagné de Mme A.J. Pouyat, membre du Service de la liberté syndicale. M. A. Malu, conseiller régional pour les normes internationales du travail, avait pris préalablement les contacts nécessaires pour préparer la mission. Le rapport de la mission figure à l'annexe I à la fin du présent rapport.
  4. 144. Depuis le retour de la mission, le gouvernement a envoyé un câble en date du 1er octobre 1986.
  5. 145. Le Burkina Faso a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 146. Les allégations se référaient, d'une part, à l'internement administratif de quatre dirigeants syndicaux du Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta (SNEAHV) et, d'autre part, au licenciement d'environ 2.600 enseignants pour avoir participé, en mars 1984, à une grève de solidarité de 48 heures avec leurs dirigeants emprisonnés. Par ailleurs, le gouvernement avait procédé au recrutement de travailleurs pour remplacer les enseignants grévistes et avait publié une circulaire interdisant l'embauche de ces derniers par les établissements privés. En outre, selon les allégations, le gouvernement aurait suscité la réunion d'un Congrès extraordinaire du SNEAHV du 28 au 30 août 1984 et, au cours de ce congrès, une direction syndicale illégale aurait été élue.
  2. 147. Le gouvernement, dans ses réponses écrites, n'avait pas nié avoir procédé aux internements administratifs de dirigeants syndicaux et aux licenciements d'enseignants grévistes, mais il avait expliqué que les mesures prises avaient été motivées par les activités politiques et non syndicales des intéressés et par le caractère putschiste et réactionnaire de la grève. Pour preuve, il avait envoyé une copie de la motion du Congrès du SNEAHV du 7 août 1983, dans laquelle ce syndicat critiquait sur un ton dur l'action du gouvernement.
  3. 148. Les plaignants, dans une communication du 28 mars 1985, avaient indiqué que, bien que le gouvernement ait commencé à procéder à la réintégration d'une centaine de grévistes sur les 2.600 personnes licenciées, les enseignants admis à reprendre leur travail avaient été soumis à un contrôle politique comme condition de leur réintégration, ainsi qu'en témoignait la photocopie d'un formulaire de demande de reprise dans la fonction publique burkinabé jointe à la documentation. Cette documentation faisait également état de l'interdiction faite aux enseignants licenciés d'exercer toute activité syndicale dès lors qu'ils avaient perdu la qualité d'instituteur et donc de membre du Syndicat des enseignants.
  4. 149. Le gouvernement, dans une communication du 29 mai 1985, avait rétorqué que 500 enseignants avaient reconnu, dans des autocritiques, avoir été manipulés par une direction syndicale qui les avait engagés à leur insu ou en faisant pression sur eux dans un combat politique contre la révolution démocratique et que le SNEAHV, réuni en congrès au mois d'août 1984, avait changé de nom et de direction pour s'appeler désormais Syndicat national des enseignants burkinabé (SNEB), ses militants ayant condamné les actes de l'ancienne direction.
  5. 150. Dans une communication ultérieure du 18 juillet 1985, les plaignants avaient annoncé que deux des quatre syndicalistes arrêtés avaient été libérés sans avoir été jugés le 17 juin 1985 après 16 mois de détention. A l'époque, les deux autres syndicalistes, à savoir Jean Pagnimda Bila, secrétaire général du syndicat plaignant, et Batiémoko Kome, secrétaire chargé des problèmes pédagogiques, étaient toujours en détention.
  6. 151. Lors de son dernier examen du cas, le comité avait noté que deux des dirigeants internés avaient recouvré la liberté et il avait lancé un appel pressant au gouvernement pour qu'il libère les deux autres dirigeants syndicaux encore internés administrativement et qu'il réintègre la totalité des enseignants licenciés. En outre, il avait demandé au gouvernement de restituer et de garantir, tant aux enseignants grévistes qui avaient été licenciés et n'avaient pas encore été réintégrés qu'aux enseignants qui avaient été contraints de signer des déclarations de loyauté, le droit de participer pleinement aux activités syndicales pour la défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Enfin, il avait demandé au gouvernement de fournir le compte rendu du Congrès extraordinaire d'août 1984.

B. Informations écrites communiquées par le gouvernement

B. Informations écrites communiquées par le gouvernement
  1. 152. Par un câble du 1er octobre 1986, le gouvernement indique qu'à la suite de la venue de la mission du BIT le Conseil des ministres du 1er octobre a levé l'interdiction d'embaucher les enseignants grévistes licenciés dans les établissements d'enseignement privé et autres.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 153. Compte tenu de ce que les informations recueillies par le représentant du Directeur général au cours de la mission figurent dans le rapport de mission annexé au présent rapport, le comité se propose de formuler directement ses conclusions sur les divers aspects du cas.
  2. 154. Le comité estime, tout d'abord, que le rapport détaillé du représentant du Directeur général prouve l'utilité de telles missions pour un examen approfondi et objectif des plaintes.
  3. 155. Le comité se félicite en particulier de l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et des facilités qui ont été accordées sans réserve à la mission. Le comité relève notamment avec satisfaction que la mission a pu obtenir toutes les informations désirées et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir pour le bon accomplissement de sa tâche.
  4. 156. Sur le fond de l'affaire, s'agissant de l'internement administratif des quatre dirigeants du SNEAHV , le comité note avec intérêt que tous les intéressés ont recouvré la liberté depuis plus d'un an. Il n'en demeure pas moins que ces dirigeants sont restés en détention dans un camp militaire à Koudougou ou au siège de la gendarmerie de Ouagadougou, que leurs conditions de détention se sont détériorées pendant les sept mois qui ont suivi le déclenchement de la grève des enseignants et qu'il n'ont recouvré la liberté qu'après 16 ou 18 mois de détention en juin ou en août 1985 selon les cas.
  5. 157. Le comité note également que le gouvernement a déclaré à la mission que l'arrestation de ces dirigeants syndicaux était motivée par la politisation du mouvement syndical et, en particulier, du mouvement syndical enseignant. En effet, selon le gouvernement, lorsque le Conseil national de la révolution a pris le pouvoir le 4 août 1983, le SNEAHV réuni en congrès à Bobo Dioulasso a adopté une motion condamnant le nouveau gouvernement du capitaine Sankara, l'accusant de pratiques fascistes et en appelant au peuple voltaïque pour qu'il se démarque du Conseil national de la révolution. En revanche, les dirigeants arrêtés et maintenant libérés prétendent qu'ils ont été détenus parce qu'ils avaient gardé la majorité au congrès de Bobo Dioulasso contre un courant minoritaire favorable au nouveau gouvernement et qu'ils ont dû se défendre publiquement contre les attaques de ce courant minoritaire par des tracts signés. Le comité observe donc que les versions du gouvernement et des plaignants sont contradictoires mais il relève que le gouvernement n'a pas fait état d'actes subversifs concrets commis par les intéressés avant leur détention, même s'il considère que la grève des 20 et 21 mars 1984 intervenue postérieurement à leur arrestation avait un caractère d'hostilité au régime du Conseil national de la révolution.
  6. 158. Dans ces conditions, le comité rappelle que tout prévenu doit jouir d'une présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'est pas prouvée et il déplore la détention pendant de longs mois de dirigeants syndicaux contre lesquels aucun chef d'inculpation n'a été retenu.
  7. 159. Au sujet des mesures de licenciement qui ont frappé les enseignants grévistes, le comité note que le gouvernement a reconnu que 1.380 enseignants, dont les noms ont été publiés au journal officiel, ont été licenciés à la suite de la grève de deux jours des 20 et 21 mars 1984. Il a expliqué à la mission que, dès le 13 février 1985, 100 enseignants ont été repris et que, le 20 octobre 1985, le Conseil national de la révolution a annoncé de nouvelles réintégrations en application d'une procédure de demande de reprise important une fiche d'information sur le comportement social de l'intéressé. A la suite de l'instauration de cette procédure, 800 demandes ont été déposées par les enseignants et 250 ont été acceptées le 15 janvier 1986. Les enseignants ainsi réintégrés ont été repris à leur ancien grade mais leurs salaires ont été alignés sur la grille des enseignants temporaires, dont les salaires sont sensiblement inférieurs, pendant une période probatoire de trois mois. Enfin, une vingtaine d'enseignants ont été embauchés comme correcteurs dans le secteur de l'information. Le gouvernement a en outre indiqué que certains enseignants ont trouvé un emploi et qu'ils ne souhaitent pas être repris dans l'enseignement.
  8. 160. Le gouvernement a manifesté son intention de continuer à réintégrer les enseignants qui en font la demande mais il a souligné que ceux-ci devraient également faire des efforts pour s'amender et s'insérer. En outre, les autorités se heurtent à deux problèmes majeurs: des difficultés d'ordre budgétaire et l'impossibilité de licencier des enseignants recrutés pour remplacer les grévistes licenciés.
  9. 161. Enfin, le comité note avec intérêt qu'à la suite de la mission le Conseil des ministres a levé l'interdiction d'embaucher les enseignants licenciés dans les établissements privés d'enseignement et autres.
  10. 162. Le comité observe néanmoins qu'il ressort des informations recueillies par la mission qu'un grand nombre d'enseignants n'ont pas encore été réintégrés, et que les reprises sont effectuées sous réserve du dépôt de déclaration de loyauté, de l'assentiment des comités de défense de la révolution et à des conditions salariales inférieures pendant une période probatoire. Il relève également que les enseignants licenciés et leurs ayants droit ont perdu leur droit à pension. Le comité, tout en prenant note des assurances données par le gouvernement concernant ses intentions en matière de réintégration, veut croire que le gouvernement poursuivra son effort en vue de la réintégration pleine et entière de tous les enseignants qui souhaitent retrouver leur poste, et il insiste sur l'importance qu'il attache à l'abrogation des déclarations de loyauté pour obtenir la réintégration. Il exprime également le ferme espoir que, comme le gouvernement l'a déclaré, la situation des enseignants licenciés et de leurs ayants droit en matière de droit à pension sera examinée favorablement. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tous développements qui interviendront dans ces domaines.
  11. 163. S'agissant du Congrès extraordinaire du SNEAHV, qui s'est tenu à Ouagadougou du 28 août au 1er septembre 1984, le comité observe que la mission s'est fait remettre sur place le compte rendu de ce congrès au cours duquel l'ancienne direction du SNEAHV a été critiquée. Une nouvelle direction a été élue comprenant deux dirigeants du Bureau national du SNEAHV qui s'étaient désolidarisés du mouvement de grève et le nom du syndicat a été changé pour devenir le Syndicat national des enseignants burkinabé (SNEB). Les dirigeants du SNEB ont, lors du congrès, manifesté leur intention de négocier avec le gouvernement en faveur de la reprise des enseignants licenciés. Par la suite, le 21 novembre 1984, la passation de service entre la nouvelle direction du SNEB et la direction sortante du SNEAHV a eu lieu en présence d'un représentant de l'Inspection du travail et de la sécurité sociale.
  12. 164. Le comité observe cependant avec regret que, d'après les informations recueillies pendant la mission, un petit nombre seulement d'anciens adhérents du SNEAHV ont participé aux travaux de ce congrès, étant donné que les enseignants licenciés avaient été privés par leur licenciement du droit d'y participer. En effet, aux termes des statuts du SNEAHV, seuls les enseignants actifs sont membres du syndicat. En outre, le gouvernement avait informé, le jour même de l'ouverture du congrès, les enseignants licenciés qu'ils ne pourraient mener d'activités syndicales. Force est donc de constater que les enseignants licenciés ne pouvaient plus s'affilier à une organisation syndicale susceptible de défendre et de promouvoir leurs intérêts. A ce sujet, le comité rappelle que la perte de qualité de syndicaliste résultant d'un licenciement pour faits de grève n'est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. Le comité estime donc que tous les adhérents et les dirigeants du SNEAHV qui ont perdu leur qualité de syndicaliste du fait de leur licenciement devraient avoir le droit de militer dans le syndicat de leur choix pour la défense de leurs intérêts.
  13. 165. A cet égard, le comité a d'ailleurs noté que certains dirigeants du SNEAHV qui ont été détenus ont été reçus par le ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique et que le ministre faisant suite à une suggestion de la mission avait même accepté le principe d'une réunion avec eux pour discuter des mesures concrètes à prendre en faveur des enseignants licenciés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 166. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité se félicite de l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et des facilités qui ont été accordées à la mission qui a pu obtenir toutes les informations qu'elle désirait et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir.
    • b) Le comité note avec intérêt que les dirigeants syndicaux qui ont été internés administratifs ont recouvré la liberté depuis plus d'un an. Observant cependant qu'aucun acte subversif concret n'a été retenu contre eux, il ne peut que déplorer que les intéressés soient restés en détention pendant de longs mois. Le comité attire donc l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel tout prévenu doit jouir d'une présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'a pas été prouvée.
    • c) Le comité note également avec intérêt que les autorités ont déclaré publiquement à plusieurs reprises qu'il était dans leur intention de favoriser la réintégration des enseignants licenciés. Il note, en particulier, que 350 enseignants ont été repris et que 20 autres ont été embauchés dans le secteur de l'information en 1985 et en 1986. Il note également avec intérêt que le Conseil des ministres vient de lever l'interdiction d'embaucher les enseignants licenciés dans les établissements privés d'enseignement et autres.
    • d) Le comité relève cependant qu'un grand nombre d'enseignants n'ont toujours pas été réintégrés, que les reprises sont effectuées sous réserve de déclaration de loyauté et à des conditions salariales inférieures pendant une période probatoire et que les droits à pension des intéressés leur sont déniés. Il veut croire que le gouvernement poursuivra son effort en vue de la réintégration pleine et entière de tous les enseignants licenciés qui souhaitent retrouver leur poste, et il attire l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à la suppression des déclarations de loyauté comme condition préalable à la réintégration et à la nécessité de réexaminer favorablement la situation des enseignants licenciés et de leurs ayants droit en matière de droits à pension. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tous développements intervenus dans ces domaines.
    • e) Le comité regrette que le congrès d'août 1984, qui a changé le nom du SNEAHV en SNEB, ne regroupait qu'un petit nombre d'anciens adhérents du SNEAHV étant donné que les syndicalistes licenciés pour faits de grève n'ont pas pu participer à ce congrès. Relevant que, dès l'ouverture de ce congrès, le gouvernement avait informé les enseignants licenciés qu'ils ne pouvaient plus exercer d'activités syndicales, le comité rappelle que tous les adhérents et les dirigeants du SNEAHV , qui ont perdu leur qualité de syndicaliste du fait de leur licenciement, devraient avoir le droit de militer dans le syndicat de leur choix pour la défense de leurs intérêts.

ANNEXE I

ANNEXE I
  1. RAPPORT SUR UNE MISSION DE CONTACTS DIRECTS EFFECTUEE AU BURKINA FASO
  2. (23-30 septembre 1986)
  3. (Cas no 1266)
  4. Introduction
  5. Par des communications datées de mars 1984, le Syndicat
  6. national des
  7. enseignants africains de Haute-Volta (SNEAHV) et la
  8. Confédération mondiale des
  9. organisations de la profession enseignante (CMOPE) ont
  10. présenté des plaintes
  11. en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de
  12. la Haute-Volta,
  13. devenu depuis lors gouvernement du Burkina Faso.
  14. Sur la base de ces plaintes, des informations complémentaires
  15. envoyées par les
  16. organisations plaignantes et des réponses écrites fournies par
  17. le
  18. gouvernement, en mars et juin 1984 ainsi qu'en mai 1985, le
  19. Comité de la
  20. liberté syndicale a examiné à deux reprises le cas en question
  21. (en novembre
  22. 1984 et novembre 1985) et a abouti à chacune de ces
  23. réunions à des conclusions
  24. intérimaires (voir 236e rapport, paragr. 553 à 578, et 241e
  25. rapport, paragr.
  26. 649 à 687, approuvés par le Conseil d'administration à ses
  27. 228e et 231e
  28. sessions, respectivement).
  29. Le 14 avril 1986, le ministre du Travail, de la Sécurité sociale
  30. et de la
  31. Fonction publique a adressé une lettre au Directeur général,
  32. l'invitant à
  33. envoyer une mission au Burkina Faso en vue de constater
  34. "sur place la
  35. situation des relations professionnelles".
  36. A sa réunion de mai 1986, le Comité de la liberté syndicale
  37. s'est réjoui de ce
  38. que le gouvernement soit disposé à accepter une mission sur
  39. place et a décidé
  40. d'ajourner l'examen du cas no 1266 en attendant les résultats
  41. de cette mission
  42. dont il espérait qu'elle pourrait avoir lieu à une date prochaine.
  43. Le Directeur général a désigné M. Bernard Gernigon, chef
  44. adjoint du Service de
  45. la liberté syndicale, et Mme Anna Juliette Pouyat, fonctionnaire
  46. de ce même
  47. service, pour effectuer cette mission qui a eu lieu du 23 au 30
  48. septembre
  49. 1986. Juste avant le début de la mission, M. Anatole Malu,
  50. conseiller régional
  51. pour les normes internationales du travail, qui se trouvait à
  52. Ouagadougou,
  53. avait pris les contacts nécessaires pour préparer la mission et
  54. en assurer le
  55. bon déroulement.
  56. Le déroulement de la mission
  57. Au cours de son séjour au Burkina Faso, la mission a eu, à
  58. plusieurs reprises,
  59. des entretiens avec M. Fidèle Toé, ministre du Travail, de la
  60. Sécurité sociale
  61. et de la Fonction publique; M. Pierre Béléko Kaboré, directeur
  62. central du
  63. travail, de l'emploi et de la sécurité sociale, et M. Hama Diallo,
  64. directeur
  65. du travail.
  66. La mission a également rencontré des délégations des
  67. différentes
  68. confédérations syndicales de travailleurs existant dans le pays,
  69. à savoir la
  70. Confédération nationale des travailleurs burkinabé (CNTB),
  71. l'Organisation
  72. nationale des syndicats libres (ONSL), l'Union syndicale des
  73. travailleurs
  74. burkinabé (USTB), la Confédération syndicale burkinabé (CSB)
  75. et le Front
  76. syndical, regroupant diverses organisations autonomes.
  77. La mission s'est en outre entretenue plusieurs fois avec des
  78. dirigeants du
  79. Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta
  80. (SNEAHV),
  81. organisation nationale plaignante dans le présent cas. Enfin,
  82. elle a eu un
  83. entretien avec une délégation conjointe du Syndicat national
  84. des enseignants
  85. burkinabé (SNEB) et du Syndicat national de l'enseignement
  86. secondaire (SNES).
  87. On trouvera la liste des personnes rencontrées par la mission à
  88. la fin du
  89. présent rapport.
  90. La mission tient à souligner qu'elle a bénéficié de la plus
  91. grande coopération
  92. de toutes les personnes avec lesquelles elle s'est entretenue.
  93. Elle a pu
  94. accomplir sa tâche en toute liberté et en toute indépendance
  95. et a reçu du
  96. gouvernement du Burkina Faso toutes les facilités nécessaires
  97. à la meilleure
  98. réalisation de la visite sur place.
  99. Etat du cas en instance devant le comité avant la mission
  100. Les allégations présentées devant le Comité de la liberté
  101. syndicale faisaient
  102. état, tout d'abord, de l'arrestation, en mars 1984, et de
  103. l'internement
  104. administratif de quatre dirigeants du Syndicat national des
  105. enseignants
  106. africains de Haute-Volta (SNEAHV), à la suite d'une motion
  107. adoptée par le
  108. congrès de ce syndicat, le 7 août 1983, critiquant vivement la
  109. proclamation du
  110. Conseil national de la révolution qui avait pris le pouvoir trois
  111. jours
  112. auparavant. Pour obtenir la libération des dirigeants du
  113. SNEAHV, le syndicat
  114. avait organisé une grève de protestation et d'avertissement les
  115. 20 et 21 mars
  116. 1984. Le Conseil national de la révolution avait alors répliqué
  117. en licenciant,
  118. dès le 23 mars 1984, tous les enseignants qui avaient participé
  119. à la grève (au
  120. nombre de 2.600, selon les plaignants) et en publiant, le 24
  121. avril 1984, une
  122. circulaire du ministre de l'Education nationale, des Arts et de la
  123. Culture qui
  124. interdit l'embauche des enseignants licenciés par les
  125. établissements privés.
  126. Le gouvernement avait indiqué que les dirigeants arrêtés
  127. étaient coupables de
  128. manoeuvres politiques et putschistes. Par la suite, une
  129. centaine d'enseignants
  130. avaient été réintégrés après avoir signé des déclarations de
  131. loyauté et deux
  132. des dirigeants détenus avaient été libérés en juin 1985 après
  133. seize mois de
  134. détention. Enfin, les dernières allégations formulées se
  135. référaient à la tenue
  136. d'un congrès extraordinaire du SNEAHV, en août 1984, qui
  137. avait changé le nom
  138. de l'organisation en Syndicat national des enseignants
  139. burkinabé (SNEB) et
  140. procédé au renouvellement des organes directeurs sans que
  141. les enseignants
  142. licenciés puissent y participer. Le gouvernement avait fait
  143. observer à cet
  144. égard que le SNEAHV n'existait plus non pas parce que le
  145. gouvernement l'avait
  146. dissous administrativement mais parce que le congrès de
  147. l'organisation en
  148. avait décidé ainsi.
  149. Lors de son dernier examen du cas en novembre 1985, le
  150. Comité de la liberté
  151. syndicale avait lancé un appel pressant au gouvernement
  152. pour qu'il libère les
  153. deux autres dirigeants encore internés et qu'il réintègre la
  154. totalité des
  155. enseignants licenciés. Il avait, en outre, demandé instamment
  156. au gouvernement
  157. de restituer et de garantir le droit des enseignants, tant
  158. licenciés que
  159. réintégrés, de participer pleinement aux activités syndicales
  160. pour la défense
  161. de leurs intérêts économiques et sociaux. Il avait enfin
  162. demandé au
  163. gouvernement de fournir le compte rendu du congrès syndical
  164. extraordinaire
  165. d'août 1984.
  166. Informations recueillies au cours de la mission
  167. a) Arrestation et internement des quatre dirigeants du SNEAHV
  168. Il a été confirmé à la mission, tant par les autorités
  169. gouvernementales que
  170. par trois des dirigeants arrêtés (MM. Bila, Sib et Kindo; le
  171. quatrième M.
  172. Komé, résidant actuellement en Côte d'Ivoire), que MM. Jean
  173. Pagnindma Bila,
  174. secrétaire général du SNEAHV, Bahiéba Joachim Sib,
  175. secrétaire aux relations
  176. extérieures, et Batiémoko Komé, secrétaire chargé des
  177. relations pédagogiques,
  178. avaient été arrêtés le 9 mars 1984. L'autre dirigeant, Ismaël
  179. Ousmane Kindo,
  180. secrétaire général adjoint du SNEAHV, a été à son tour arrêté
  181. le 13 mars 1984
  182. après s'être rendu à la gendarmerie. Ils ont été ensuite
  183. emmenés au bataillon
  184. d'infanterie aéroporté de Koudougou, à 100 km de
  185. Ouagadougou. M. Batiémoko
  186. Komé a été libéré peu de temps après car, selon le ministre de
  187. la Défense, il
  188. ne se serait livré qu'à des activités purement syndicales, avant
  189. d'être à
  190. nouveau interné le 3 avril 1984 à la gendarmerie de
  191. Ouagadougou. Deux des
  192. dirigeants internés, Ismaël Ousmane Kindo et Bahiéba Joachim
  193. Sib, ont été
  194. libérés le 17 juin 1985 et les deux autres Jean Pagnindma Bila
  195. et Batiémoko
  196. Komé ont recouvré la liberté le 6 août 1985.
  197. Sur les motifs de ces arrestations, le ministre du Travail a
  198. expliqué à la
  199. mission qu'il convenait de situer ces mesures dans le cadre de
  200. la politisation
  201. du mouvement syndical burkinabé et en particulier du
  202. mouvement syndical
  203. enseignant. Le SNEAHV a, par exemple, organisé une grève
  204. de cinquante-quatre
  205. jours en 1980 qui a abouti à la chute du régime alors au
  206. pouvoir. Lorsque le
  207. Conseil national de la révolution a pris le pouvoir le 4 août
  208. 1983, le SNEAHV
  209. était alors réuni en congrès à Bobo-Dioulasso. Selon le
  210. ministre, les
  211. dirigeants du SNEAHV auraient souhaité que le pouvoir soit
  212. pris par le parti
  213. politique dont ils étaient proches. Ils ont alors fait adopter au
  214. congrès une
  215. motion condamnant le nouveau gouvernement du capitaine
  216. Sankara et l'accusant
  217. même de pratiques "fascistes" et ont lancé un appel au
  218. peuple voltaïque pour
  219. qu'il se démarque du Conseil national de la révolution. Pour les
  220. dirigeants
  221. arrêtés, les mesures prises à leur encontre ont été prises car ils
  222. avaient
  223. gardé la majorité au Congrès de Bobo-Dioulasso d'août 1983
  224. contre un courant
  225. minoritaire favorable au nouveau gouvernement. Etant sans
  226. arrêt attaqués par
  227. ce groupe minoritaire, ils ont dû se défendre publiquement
  228. dans des tracts
  229. signés et ont finalement été arrêtés après qu'on les eut
  230. prévenus une semaine
  231. avant leur détention qu'ils seraient incarcérés s'ils
  232. poursuivaient leurs
  233. activités.
  234. Les trois dirigeants du SNEAHV ayant été détenus et
  235. rencontrés par la mission
  236. lui ont expliqué que les conditions de détention étaient
  237. correctes dans un
  238. premier temps jusqu'au mouvement de grève du 20 mars. Ils
  239. partageaient le
  240. régime alimentaire des soldats et pouvaient recevoir la visite
  241. de parents et
  242. d'amis. Après les deux jours de grève, les conditions ont
  243. changé et ils n'ont
  244. plus reçu de visites ni de lettres pendant sept mois. Ils ont été
  245. mis au
  246. régime alimentaire militaire sévère. Bien qu'ils n'aient subi
  247. aucune
  248. contrainte physique, leurs conditions de vie étaient misérables
  249. et ils ont dû
  250. être emmenés à l'hôpital pour consultations plusieurs fois.
  251. Leurs conditions
  252. de détention se sont améliorées après le premier remaniement
  253. ministériel et
  254. ils ont pu à nouveau recevoir à tour de rôle des visites de leurs
  255. familles et
  256. écouter la radio.
  257. Depuis qu'ils ont été libérés, ils bénéficient d'une liberté de
  258. mouvement dans
  259. le pays, bien que certains aient été convoqués à la sûreté à
  260. deux reprises
  261. pour être interrogés sur leurs activités et que leur domicile soit
  262. surveillé.
  263. En revanche, les déplacements à l'étranger sont plus difficiles.
  264. Ainsi, M. Sib
  265. s'est fait opposer une fin de non-recevoir à une demande de
  266. sortie de
  267. territoire et M. Bila n'a pu obtenir son passeport que quelques
  268. heures avant
  269. son départ, fin février 1986, pour Berlin où il se rendait pour
  270. assister au
  271. congrès de la Fédération internationale syndicale de
  272. l'enseignement.
  273. b) Licenciement des enseignants grévistes
  274. A la suite du mouvement de grève de quarante-huit heures
  275. organisé par le
  276. SNEAHV les 20 et 21 mars 1984, le Conseil national de la
  277. révolution a diffusé
  278. le 23 mars une déclaration à la radio télévision annonçant le
  279. licenciement de
  280. tous les enseignants qui avaient participé à la grève. En effet,
  281. selon les
  282. autorités, ce mouvement déclenché sans préavis répondait à
  283. des objectifs
  284. tendant à rééditer la grève de 1980 qui avait débouché sur un
  285. changement de
  286. régime. Pour le SNEAHV, il ne s'agissait, au contraire, que
  287. d'un acte
  288. d'avertissement et de protestation contre les mesures
  289. d'arrestations
  290. intervenues à l'encontre de ses dirigeants.
  291. L'estimation du nombre d'enseignants touchés par ces
  292. licenciements varie selon
  293. les interlocuteurs de la mission. Pour le ministre du Travail, ces
  294. mesures ont
  295. affecté 1.380 enseignants, dont les noms ont été publiés dans
  296. le Journal
  297. officiel du 3 mai 1984. A l'appui de sa déclaration, le ministre
  298. du Travail a
  299. remis à la mission un document du 1er avril 1984 émanant du
  300. SNEAHV lui-même et
  301. faisant le bilan de la participation à la grève. Selon ces
  302. statistiques -
  303. qualifiées toutefois de partielles puisque certaines sections
  304. n'avaient pas
  305. encore envoyé d'informations -, le nombre des grévistes était
  306. de 1.343. Le
  307. ministre du Travail réfute donc totalement le nombre de 2.600
  308. licenciés avancé
  309. par le SNEAHV. Le Syndicat national des enseignants
  310. burkinabé chiffre, quant à
  311. lui, les licenciés à 1.396.
  312. Pour les dirigeants du SNEAHV, la différence existant entre le
  313. nombre de 2.600
  314. licenciements qu'ils déclarent - soit environ la moitié des
  315. adhérents du
  316. syndicat - et la liste publiée au Journal officiel s'explique par le
  317. fait que
  318. des licenciements sont intervenus par notification individuelle
  319. avant la
  320. publication. Cet argument est rejeté par le ministre du Travail
  321. qui soutient
  322. que tous les licenciements liés au mouvement de grève ont
  323. été officiellement
  324. publiés. Quoi qu'il en soit, les dirigeants du SNEAHV ont
  325. indiqué à la mission
  326. qu'ils étaient prêts à discuter de la réintégration des licenciés
  327. sur la base
  328. du nombre officiel de congédiements.
  329. Comme suite à ces licenciements, le ministre de l'Education
  330. nationale, des
  331. Arts et de la Culture a adressé, le 24 avril 1984, une circulaire
  332. aux
  333. fondateurs d'établissements privés primaires et secondaires les
  334. invitant à
  335. n'utiliser les services d'aucun gréviste dans leurs
  336. établissements.
  337. Les enseignants licenciés ont été remplacés à partir du 16 avril
  338. 1984 par des
  339. "enseignants révolutionnaires" recrutés, selon les dirigeants du
  340. SNEAHV, sur
  341. la base de convictions idéologiques et politiques et n'ayant
  342. bénéficié
  343. d'aucune formation pédagogigue.
  344. Le ministère de l'Intérieur ayant notifié aux enseignants
  345. licenciés que, du
  346. fait de leur congédiement, ils avaient perdu leur qualité de
  347. membre du
  348. syndicat et donc le droit de participer à des activités
  349. syndicales, ceux-ci
  350. ont créé un Comité de réflexion des enseignants licenciés de
  351. huit membres. Ce
  352. comité a adressé, le 23 janvier 1985, une lettre au chef de
  353. l'Etat lui
  354. rappelant qu'il avait décidé une mesure de clémence dès le 4
  355. août 1984, mais
  356. que cette déclaration n'avait été jusqu'alors suivie d'aucun
  357. effet.
  358. Le 13 février 1985, 100 des enseignants licenciés ont été
  359. repris en service.
  360. Parmi ces travailleurs réintégrés ne figurait aucun cadre de
  361. l'Education
  362. nationale (conseillers pédagogiques ou inspecteurs).
  363. Le 2 octobre 1985, le Conseil national de la révolution a
  364. annoncé, par la voix
  365. du ministre de la Défense populaire, qu'une nouvelle vague
  366. d'enseignants
  367. licenciés seraient réintégrés. Les candidats à la réintégration
  368. devaient
  369. présenter un dossier de demande de reprise comportant
  370. notamment une fiche où
  371. le Comité de défense de la révolution (CDR) du lieu de
  372. résidence devait
  373. fournir des informations sur le comportement social de
  374. l'intéressé
  375. (participation aux assemblées générales du CDR et aux
  376. travaux d'intérêt
  377. commun). Le CDR local devait, en outre, donner son avis sur
  378. la reprise, de
  379. même que le CDR départemental et le préfet, le CDR régional
  380. et le
  381. Haut-commissaire et, enfin, le Secrétariat général national des
  382. CDR. La
  383. décision finale de réintégration appartenait au Conseil des
  384. ministres. Outre
  385. cette fiche de renseignement, l'intéressé devait remplir un
  386. imprimé par lequel
  387. il reconnaissait avoir mérité la sanction infligée et s'engageait à
  388. faire du
  389. Discours d'orientation politique du 2 octobre son guide. Le
  390. ministre du
  391. Travail a indiqué à la mission que, suite à l'instauration de
  392. cette procédure,
  393. 800 demandes de réintégration ont été déposées par les
  394. enseignants et, sur ces
  395. 800 demandes, 250 environ ont été acceptées le 15 janvier
  396. 1986. La liste des
  397. enseignants réintégrés a été publiée dans le Kiti no 86-038
  398. CNR/PRES du 13
  399. février 1986. Les enseignants ainsi repris l'ont été à leur ancien
  400. grade, mais
  401. leurs salaires ont été alignés sur la grille des enseignants
  402. temporaires
  403. recrutés dans le cadre des programmes populaires de
  404. développement,
  405. sensiblement moins élevée que le salaire des enseignants. Le
  406. ministre du
  407. Travail a indiqué à cet égard que les enseignants étaient repris
  408. à l'essai
  409. dans l'enseignement trois mois et que ce n'était qu'après cette
  410. période, s'ils
  411. donnaient satisfaction, qu'au terme des programmes populaires
  412. de développement
  413. prévus pour cette année les enseignants retrouveraient leurs
  414. salaires normaux.
  415. Outre ces réintégrations dans le secteur de l'éducation, une
  416. vingtaine
  417. d'enseignants ont été embauchés comme correcteurs dans le
  418. secteur de
  419. l'information. Selon le ministre du Travail, le nombre des
  420. demandes de
  421. réintégration a été plus faible que le nombre des enseignants
  422. licenciés, car
  423. certains d'entre eux ont trouvé un emploi dans le secteur privé,
  424. dans des
  425. organisations non gouvernementales ou à l'étranger et ne
  426. souhaitent pas être
  427. repris dans l'enseignement. Pour les dirigeants du SNEAHV,
  428. en revanche, cette
  429. différence s'explique par le refus de nombre d'enseignants de
  430. signer les
  431. déclarations de loyauté et non par le fait qu'ils ne
  432. souhaiteraient pas être
  433. reintégrés.
  434. Les dirigeants du SNEAHV ont, en outre, indiqué à la mission
  435. que sur les
  436. enseignants déclarés comme repris une vingtaine ont
  437. finalement été refusés. Il
  438. s'agit de membres dirigeants du SNEAHV et de cadres de
  439. l'enseignement.
  440. Interrogé par la mission sur les intentions du gouvernement
  441. quant à la
  442. situation des enseignants non encore réintégrés, le ministre du
  443. Travail a
  444. souligné que les autorités avaient déclaré publiquement, à
  445. plusieurs reprises,
  446. qu'il était dans leur intention de favoriser leur réintégration.
  447. Toutefois,
  448. ces mesures se heurtent à deux problèmes majeurs: des
  449. difficultés d'ordre
  450. budgétaire, d'une part, et l'impossibilité de licencier les
  451. enseignants
  452. recrutés pour remplacer les grévistes licenciés, d'autre part.
  453. A propos des mesures qui seraient envisagées pour la rentrée
  454. scolaire de cette
  455. année, le ministre du Travail a signalé, ce qui a d'ailleurs été
  456. confirmé par
  457. les organisations syndicales, que 1.400 postes seront vacants
  458. dans le
  459. primaire, du fait que de nombreux établissements scolaires ont
  460. été construits
  461. et qu'il manque également 247 professeurs du second degré.
  462. Une partie de ces
  463. postes serait comblée par le recours au Service national
  464. populaire, sorte de
  465. service civique que doivent effectuer les jeunes gens et les
  466. jeunes filles. Le
  467. ministre n'a pu indiquer, toutefois, dans quelle proportion les
  468. vacances
  469. seraient ainsi pourvues. Il a estimé que des enseignants
  470. licenciés pourraient
  471. être repris au niveau des provinces, ce qui, selon les dirigeants
  472. du SNEAHV,
  473. ne constituerait pas une solution car les enseignants ainsi
  474. engagés ne sont
  475. généralement pas payés.
  476. L'ensemble des organisations syndicales que la mission a
  477. rencontrées se sont
  478. déclarées en faveur de la réintégration, d'une part, pour une
  479. raison de
  480. principe parce qu'elles estiment que ces sanctions ont été
  481. injustement
  482. prononcées pour faits de grève et, d'autre part, pour des
  483. raisons liées à la
  484. qualité de l'enseignement, celle-ci ayant, selon elles, régressé
  485. depuis les
  486. mesures de licenciement. La délégation du Syndicat national
  487. des enseignants
  488. burkinabé (SNEB) s'est également prononcée en faveur de la
  489. réintégration et a
  490. indiqué que le congrès extraordinaire d'août 1984 avait adopté
  491. une motion en
  492. ce sens et que le SNEB s'est adressé à ce sujet, en octobre
  493. 1984, au chef de
  494. l'Etat.
  495. Face aux arguments de contraintes budgétaires qui pourraient
  496. freiner le
  497. processus de réintégration, les confédérations syndicales
  498. interprofessionnelles ont estimé que l'important était que le
  499. gouvernement ait
  500. la volonté politique de reprendre les intéressés. Selon elles, en
  501. effet, des
  502. solutions peuvent être trouvées pour remédier aux difficultés
  503. financières:
  504. arrêt de la formation de nouveaux maîtres pendant un certain
  505. temps,
  506. utilisation des enseignants révolutionnaires dans d'autres
  507. secteurs d'activité
  508. tels que l'agriculture ou la gendarmerie, mise à la retraite des
  509. enseignants
  510. âgés, etc. Toutes ces questions ont été évoquées notamment
  511. lors de quatre
  512. rencontres entre la Confédération nationale des travailleurs
  513. burkinabé et un
  514. groupe créé par le Conseil national de la révolution, dans
  515. lequel siège le
  516. ministre du Travail, pour maintenir des contacts avec les
  517. organisations
  518. syndicales.
  519. A propos de ces déclarations des organisations syndicales, le
  520. ministre du
  521. Travail a réaffirmé la volonté du gouvernement de trouver une
  522. solution au
  523. problème des enseignants licenciés, mais il a souligné que
  524. ceux-ci devraient
  525. également faire un effort pour s'amender et s'insérer dans un
  526. processus
  527. généreux au profit des masses. Les solutions proposées pour
  528. surmonter les
  529. obstacles budgétaires présentent certaines difficultés: la
  530. formation des
  531. nouveaux maîtres est prise en charge par un programme de la
  532. Banque mondiale et
  533. il n'est pas certain que les enseignants révolutionnaires soient
  534. mieux
  535. utilisés dans d'autres secteurs que celui de l'éducation.
  536. Les dirigeants du SNEAHV ont enfin souligné auprès de la
  537. mission que les
  538. enseignants licenciés ayant atteint l'âge de la retraite et les
  539. veuves
  540. d'enseignants licenciés ne pouvaient toucher les pensions
  541. auxquelles ils
  542. avaient droit. Ils ont communiqué à l'appui de leur dire une
  543. lettre du
  544. Coordonnateur général de la présidence du Faso d'août 1986
  545. indiquant que tous
  546. les enseignants licenciés pour faits de grève n'ont aucun droit
  547. à pension ni à
  548. remboursement des retenues pour pension.
  549. c) Congrès extraordinaire d'août 1984
  550. La mission a reçu le compte rendu des travaux du Congrès
  551. extraordinaire du
  552. SNEAHV qui s'est tenu à Ouagadougou du 28 août au 1er
  553. septembre 1984. Au cours
  554. du congrès, l'ancienne direction du SNEAHV a été vivement
  555. critiquée pour ses
  556. agissements politiques. Une nouvelle direction a été élue
  557. comprenant deux
  558. anciens membres de l'ancienne direction du SNEAHV qui
  559. s'étaient désolidarisés
  560. du mouvement de protestation des 20 et 21 mars 1984, MM.
  561. Flatré Victor Sanfo
  562. et Augustin Gampene. L'appellation du syndicat a été
  563. changée pour devenir le
  564. Syndicat national des enseignants burkinabé (SNEB),
  565. conformément à
  566. l'ordonnance portant changement d'appellation des noms et
  567. symboles de la
  568. nation. Le SNEB a, en outre, manifesté son intention de
  569. négocier avec le
  570. Conseil national de la révolution afin que le maximum
  571. d'enseignants soit
  572. repris pour résoudre les conséquences sociales de ces
  573. licenciements et pour
  574. permettre un encadrement pédagogique plus efficace.
  575. A la suite du congrès, le 21 novembre 1984, a eu lieu la
  576. passation de service
  577. entre la nouvelle direction (SNEB) et la direction sortante
  578. (SNEAHV) en
  579. présence d'un représentant de l'inspection du travail et de la
  580. sécurité
  581. sociale.
  582. Les dirigeants du SNEAHV ont contesté devant la mission la
  583. validité de ce
  584. congrès auquel n'ont pas pu participer les enseignants
  585. licenciés. En revanche,
  586. parmi les délégués figuraient des enseignants révolutionnaires
  587. remplaçant les
  588. grévistes et qui n'étaient même pas encore intégrés dans la
  589. fonction publique.
  590. Selon eux, il y avait 227 délégués présents au congrès, dont
  591. seulement 30
  592. anciens enseignants, et 197 enseignants révolutionnaires.
  593. Pour les enseignants
  594. du SNEAHV, le SNEB n'existe donc pas et ils demandent que
  595. le bureau national
  596. du SNEAHV puisse reprendre ses activités et qu'il récupère les
  597. archives du
  598. SNEAHV que détient actuellement le bureau du SNEB. lls
  599. mettent en doute la
  600. sincérité des revendications du SNEB tendant à la
  601. réintégration des licenciés
  602. puisque le secrétaire général a déclaré, au cours du congrès,
  603. qu'il ne "se
  604. ferait l'avocat d'aucun diable". Pour les dirigeants du
  605. SNEAHV, le SNEB a été
  606. obligé de se prononcer pour la réintégration afin de donner
  607. une apparence de
  608. crédibilité à l'organisation auprès de l'opinion publique
  609. burkinabé. Ils ont
  610. remarqué, à cet égard, que le SNEB avait attendu la venue au
  611. Burkina Faso de
  612. la mission du BIT pour manifester son existence par la
  613. publication des travaux
  614. de son congrès tenu il y a plus de deux ans.
  615. Le nombre de délégués avancé par les dirigeants du SNEAHV
  616. est contesté par le
  617. secrétaire général du SNEB qui a déclaré à la mission que le
  618. congrès avait
  619. réuni près de 500 participants regroupant des enseignants non
  620. licenciés et des
  621. enseignants nouvellement recrutés.
  622. Les autres organisations syndicales ont déclaré qu'elles ne
  623. contestaient pas
  624. l'existence du SNEB bien qu'elles ne maintiennent aucune
  625. relation avec ce
  626. syndicat. Il s'agit pour elles d'une organisation minoritaire et
  627. elles
  628. estiment qu'il n'est pas normal que le SNEAHV soit interdit
  629. d'action et de
  630. réunion.
  631. Pour le ministre du Travail, les changements intervenus au
  632. sein du syndicat
  633. des enseignants l'ont été conformément à la volonté des
  634. adhérents de base qui
  635. souhaitaient d'énoncer les agissements de l'ancienne
  636. direction. Le
  637. gouvernement ne s'est pas ingéré dans cette affaire interne du
  638. syndicat et n'a
  639. accordé aucun traitement de faveur au SNEB. pour preuve de
  640. cette affirmation,
  641. le ministre a indiqué à la mission qu'il n'avait reçu qu'une seule
  642. fois la
  643. direction du SNEB.
  644. Perspectives d'avenir
  645. Après avoir recueilli les opinions des différentes parties
  646. concernées, la
  647. mission a suggéré au ministre du Travail que des mesures
  648. concrètes soient
  649. prises rapidement pour résoudre les problèmes posés par la
  650. situation des
  651. enseignants licenciés. Ainsi, sur la base des recommandations
  652. formulées par le
  653. Comité de la liberté syndicale dans ses rapports intérimaires sur
  654. la présente
  655. affaire, la mission a proposé qu'une ordonnance d'amnistie
  656. posant le principe
  657. général de la réintégration soit adoptée; que les modalités
  658. pratiques de
  659. réintégration (calendrier et conditions de reprise) soient
  660. négociées avec les
  661. intéressés; que la circulaire interdisant l'embauche des
  662. licenciés dans le
  663. secteur de l'enseignement privé soit abrogée; que la pratique
  664. des déclarations
  665. de loyauté pour obtenir la réintégration soit abandonnée et que
  666. la situation
  667. des enseignants licenciés et de leurs ayants droit en matière
  668. de pension soit
  669. réexaminée.
  670. Le ministre du Travail a estimé, à cet égard, que le discours
  671. prononcé le 3
  672. octobre 1985 par le ministre de la Défense populaire au nom
  673. du chef de l'Etat,
  674. qui tendait la main aux enseignants licenciés et prévoyait la
  675. mise en marche
  676. d'un processus de réintégration, constitue déjà une déclaration
  677. d'amnistie. Il
  678. a, en outre, indiqué que des mesures seront prises au niveau
  679. du Conseil des
  680. ministres pour que l'interdiction de l'embauche dans le secteur
  681. privé soit
  682. levée et que les questions liées aux retraites et aux pensions
  683. soient
  684. examinées dans un souci humanitaire et de justice sociale.
  685. La mission a, en outre, proposé qu'avant son départ de
  686. Ouagadougou une réunion
  687. puisse se tenir en sa présence entre le ministre et les dirigeants
  688. du SNEAHV
  689. pour discuter des mesures concrètes qui pourraient être prises
  690. en faveur des
  691. enseignants licenciés. Une telle réunion s'était déjà tenue le
  692. 17 septembre
  693. 1986 sur l'initiative de M. Georget, membre du Conseil
  694. d'administration, et de
  695. M. Malu, conseiller régional pour les normes internationales,
  696. alors présents à
  697. Ouagadougou. Le ministre a accepté de participer à une telle
  698. réunion pour
  699. autant que le Syndicat national des enseignants burkinabé
  700. (SNEB) y soit
  701. également représenté en tant qu'organisation syndicale
  702. concernée par les
  703. questions à discuter. Les dirigeants du SNEAHV, consultés à
  704. ce sujet, ont
  705. réaffirmé qu'ils se tenaient à la disposition de toutes les
  706. autorités du
  707. Burkina Faso pour rechercher une solution juste et durable aux
  708. problèmes posés
  709. par les licenciements, mais ont estimé qu'ils ne pouvaient
  710. négocier en
  711. présence du SNEB. Ils ont souligné qu'ils ne mettaient pas en
  712. cause le fait
  713. que les autorités reçoivent cette organisation, mais qu'ils se
  714. refusaient à la
  715. reconnaître par un acte de quelque nature que ce soit.
  716. Le ministre du Travail a déclaré à la mission qu'il regrettait
  717. cette attitude
  718. des dirigeants du SNEAHV, d'autant que le SNEB s'est
  719. clairement prononcé en
  720. faveur de la réintégration des enseignants licenciés.
  721. Néanmoins, le ministre a
  722. assuré à la mission que le gouvernement allait continuer
  723. d'examiner le
  724. problème des enseignants licenciés et que le Comité de la
  725. liberté syndicale
  726. serait tenu informé des développements de la situation dès sa
  727. prochaine
  728. réunion de novembre 1986.
  729. Genève, 9 octobre 1986.
  730. B. Gernigon,
  731. A.J. Pouyat.
  732. Liste des personnes rencontrées
  733. Ministère du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique.
  734. - M. Fidèle Toé, ministre du Travail, de la Sécurité sociale et
  735. de la Fonction
  736. publique.
  737. - M. Pierre Béléko Kaboré, directeur central du travail, de
  738. l'emploi et de la
  739. sécurité sociale.
  740. - M. Hama Diallo, directeur du travail.
  741. Confédération nationale des travailleurs burkinabé
  742. - M. Emmanuel Ouedraogo, secrétaire général.
  743. - M. Gabriel Sebgo.
  744. Organisation nationale des syndicats libres
  745. - M. Boniface D. Kaboré, secrétaire général.
  746. - M. Paul N. Kaboré.
  747. - M. Abdou Ouedraogo.
  748. - M. Justin Zongo.
  749. Union syndicale des travailleurs burkinabé
  750. - M. Albert Ouedraogo.
  751. Confédération syndicale burkinabé
  752. - M. Salifou Caboré, secrétaire à l'organisation.
  753. - M. Arba Ousmane Diallo, secrétaire administratif.
  754. - M. Idrissa Koné, secrétaire chargé du secteur privé.
  755. - M. Sami Ouattara, secrétaire général du Syndicat national de
  756. l'agriculture.
  757. Front syndical (regroupant dix organisations autonomes)
  758. - M. Tolè Sagnon, Syndicat des travailleurs de la géologie, des
  759. mines et
  760. hydrocarbures.
  761. - M. Djiguimbé Tiga, Fédération syndicale des boulangers.
  762. - M. Hubert Yaméogo, Syndicat des travailleurs de la santé
  763. humaine et animale.
  764. - M. Ignace Yerbanga, Syndicat autonome des magistrats
  765. burkinabé.
  766. Syndicat national des enseig-nants africains de Haute-Volta
  767. - M. Jean F. Bila, secrétaire général.
  768. - M. Ismaël Ousmane Kindo, secrétaire général adjoint.
  769. - M. Joachim S. Sib, secrétaire aux relations extérieures.
  770. - M. Jean Pascal Sougue, membre du Bureau national.
  771. - M. Aimé Da Méliman, membre du Comité de réflexion des
  772. enseignants licenciés.
  773. Syndicat national des enseignants burkinabé
  774. - M. Flatré Victor Sanfo, secrétaire général.
  775. Syndicat national de l'enseignement secondaire
  776. - M. Etienne Traoré, secrétaire général.
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