651. Dans le cas no 1277, les organisations suivantes ont présenté une plainte en violation des droits syndicaux en République dominicaine: l'Organisation régionale interaméricaine du travail (ORIT) (communications des 30 avril et 8 mai 1984), la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) (communications des 30 avril et 31 août 1984), la Fédération syndicale mondiale (communications des 28 avril et 15 mai 1984), la Confédération mondiale du travail (communications des 3, 15 mai et 31 août 1984), la Confédération internationale des syndicats libres (communications des 11 mai, 31 août et 14 septembre 1984).
- 651. Dans le cas no 1277, les organisations suivantes ont présenté une plainte en violation des droits syndicaux en République dominicaine: l'Organisation régionale interaméricaine du travail (ORIT) (communications des 30 avril et 8 mai 1984), la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) (communications des 30 avril et 31 août 1984), la Fédération syndicale mondiale (communications des 28 avril et 15 mai 1984), la Confédération mondiale du travail (communications des 3, 15 mai et 31 août 1984), la Confédération internationale des syndicats libres (communications des 11 mai, 31 août et 14 septembre 1984).
- 652. Ces communications ont été transmises au gouvernement qui a d'abord répondu dans un télégramme du 21 mai 1984, puis il a envoyé certaines observations dans une lettre du 28 juin 1984.
- 653. La plainte relative au cas no 1288 est contenue dans une communication du 28 mai 1984 présentée par les cinq centrales syndicales dominicaines dont il est fait mention dans le cas no 1277, à savoir la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD), l'Union générale des travailleurs dominicains (UGTD), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) et la Confédération autonome syndicale classiste (CASC). Par la suite, la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Centrale générale des travailleurs (CGT) et le congrès permanent de l'Unité syndicale des travailleurs de l'Amérique latine (CPUSTAL) ont envoyé des informations complémentaires à l'appui de leurs plaintes et de nouvelles allégations dans les communications des 21, 22 et 28 juin, 4 juillet et 3 septembre 1984.
- 654. Le gouvernement pour sa part a envoyé une réponse très partielle dans une communication du 13 juillet 1984, et a réitéré les informations qu'il avait données dans le cas no 1277 dans une communication du 1er septembre 1984.
- 655. Face à la gravité des allégations, le Directeur général est immédiatement intervenu par câble auprès du gouvernement dominicain dans des télégrammes des 4 mai et 4 septembre 1984.
- 656. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 657. Les organisations plaignantes ont brossé un tableau général de la sévère répression dont a fait l'objet le mouvement syndical dans le cadre de la protestation déclenchée pour riposter contre le triplement du coût de la vie consécutif à un accord intervenu entre le gouvernement dominicain et le Fonds monétaire international à la fin du mois d'avril 1984.
- 658. Elles ont notamment exprimé leur profonde préoccupation à l'annonce de la mort et des blessures de nombreux travailleurs, des arrestations massives de militants et de dirigeants syndicaux, et de l'occupation des locaux syndicaux.
- 659. Selon l'ORIT et la CISL, dans leurs communications des 30 avril et 11 mai 1984, au cours des journées de protestation, conduites par le Conseil syndical dominicain (qui regroupe les cinq centrales de travailleurs de la République dominicaine), contre l'augmentation exorbitante des produits de première nécessité, 65 travailleurs seraient morts, 600 auraient été blessés et 4.000 auraient été détenus. La CMT, dans sa communication du 3 mai, estime à 37 le nombre des morts, 157 le nombre des blessés et 4.358 le nombre de personnes détenues. La FSM, dans sa communication du 28 avril 1984, confirmant les allégations des autres organisations plaignantes, insiste pour sa part particulièrement sur la nécessité pour le BIT de prendre des mesures dans le cadre du système des Nations Unies pour garantir que l'octroi de prêts par le Fonds monétaire international n'entraîne pas d'exigences telles qu'elles provoquent des événements aussi tragiques.
- 660. La CISL, dans sa communication du 11 mai 1984, ajoute également que, le 27 avril 1984, les forces armées ont occupé le siège du Syndicat des travailleurs portuaires (POASI) et que, le 8 mai, les dirigeants syndicaux Carlos Enriquez Arias, Mariano Negrón et Francisco Guerrerro de la Confédération nationale des travailleurs dominicains (CNTD), ainsi que le secrétaire à l'éducation de l'Union générale des travailleurs dominicains (UGTD), ont été arrêtés. La FSM, dans sa communication du 15 mai 1984, précise que le secrétaire. général de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), Cristobal Duran, et le dirigeant de l'Association dominicaine des professeurs (ADP) et de la Centrale générale des travailleurs (CGT) ont également été arrêtés. Elle confirme aussi l'arrestation de Carlos Enriquez Arias et précise que le dirigeant de la CGT Julio de Peiia Valdes serait soumis à des persécutions policières.
- 661. Les secrétaires généraux des cinq centrales syndicales dominicaines, la CASC, la CMTD, l'UGTD, la CUT et la CGT, dans leurs communications jointes du 28 mai 1984, fournissent des renseignements détaillés sur le déroulement des événements. Ils expliquent que, pour défendre les travailleurs dominicains des conséquences néfastes de la crise économique qui frappait le pays et qui se traduisait par la réduction du pouvoir d'achat et par l'augmentation du chômage, leurs cinq centrales ont décidé d'un commun accord, le 26 janvier 1984, de mettre en place un plan de lutte unitaire. Des marches pacifiques ont donc été organisées pour le 4 février 1984 à Santo Domingo et Santiago ainsi qu'à l'intérieur du pays pour demander au gouvernement de rompre les négociations avec le Fonds monétaire international, de geler les prix des produits alimentaires et des médicaments, de fixer un salaire minimum mensuel de 200 dollars et un réajustement général des salaires, de réformer le système de sécurité sociale, d'effectuer une réforme agraire garantissant la propriété de la terre aux paysans et de garantir l'exercice des activités syndicales.
- 662. Le 17 avril 1984, soit dix jours après que les cinq centrales eurent effectué une journée nationale de protestation contre la faim, le Président de la République, le Dr Salvador Jorge Blanco, annonça au pays que, le gouvernement étant parvenu à un accord préliminaire avec le Fonds monétaire international pour obtenir un prêt, ceci conduirait au transfert des importations, à l'exception du pétrole et de ses dérivés, au marché parallèle des devises. Ces mesures avaient pour conséquences une augmentation des prix des produits alimentaires supérieure à 100 pour cent et une augmentation des prix des médicaments supérieure à 300 pour cent, expliquent les cinq secrétaires généraux des centrales plaignantes.
- 663. Lesdites augmentations, ajoutent-ils, provoquèrent un puissant mouvement de protestation populaire à travers tout le territoire national les 23, 24 et 25 avril 1984. Ce mouvement fut réprimé de manière criminelle par le gouvernement. Les secrétaires généraux des cinq centrales plaignantes confirment d'ailleurs que les forces armées et la police provoquèrent la mort de 64 personnes, hommes, femmes et enfants, que plus de 400 personnes furent blessées et que 4.000 personnes furent emprisonnées.
- 664. Les violations spécifiques de la liberté syndicale imputables au gouvernement, toujours selon les secrétaires généraux plaignants, ont été l'occupation policière des locaux de la CGT, de l'UGTD et du Syndicat des ouvriers du port de Arrimo (POASI) le 27 avril 1984, empêchant par la force les dirigeants et les militants syndicaux d'entrer et de sortir, ainsi que l'occupation policière des locaux de la CGT, de l UGTD, de la CNTD, de la CUT et de la CASC le 29 avril 1984; l'occupation de la résidence du secrétaire général de la CGT le 24 avril 1984; le refus du Secrétaire à l'intérieur et à la police d'autoriser une marche ouvrière le 1er mai 1984; l'arrestation pendant trois jours des dirigeants nationaux de la CNTD, de l'UGTD, de la CGT et de la CUT, MM. Arias, Valdez, Guerrerro, Galval et de la Rosa, et des syndicalistes Rámon Ramiréz et Dionisio de Leone, détenus par les agents de la police secrète le 8 mai 1984 après qu'ils eurent participé à une conférence de presse au siège du Syndicat national des journalistes professionnels (SNPP); l'arrestation à travers le pays de 300 syndicalistes adhérant aux cinq centrales du 6 au 9 mai, et les persécutions subies par Mario Vasquez, José Duran et Julio de Peña de la CASC, de la CUT et de la CGT; l'ensemble de ces mesures répressives ont eu pour but d'empêcher le déroulement de la grève nationale convoquée pour le 9 mai 1984, affirment les plaignants. En outre, indiquent-ils, des circulaires administratives du 7 mai 1984 ont été adressées aux fonctionnaires pour les menacer de licenciement s'ils s'abstenaient de travailler le 9 mai au cours de la grève nationale convoquée par les cinq centrales et par le mouvement paysan indépendant (MCI). Par ailleurs, toujours selon les cinq secrétaires généraux signataires, une tentative gouvernementale de démanteler l'UGTD aurait été lancée à partir de janvier 1984.
- 665. Dans une communication ultérieure du 28 juin 1984, la CUT affiliée à la FSM fait état de 100 morts au cours des journées tragiques des 23, 24 et 25 avril 1984, et insiste sur l'occupation de ses locaux et de ceux des autres centrales et sur l'arrestation des dirigeants syndicaux, MM. De la Rosa et Galvan. Elle ajoute que, le 14 juin, son siège de Santiago a été occupé par la police et qu'Antonio Cruzy a été arrêté de même que le dirigeant syndical, Robles Fortuna, qui a été arrêté à son domicile le 19 juin 1984; la dirigeante du Département de la femme travailleuse a également été arrêtée à son retour de Cuba où elle avait participé à un cours de formation syndicale. En outre, toujours selon la CUT, la police secrète espionnerait et persécuterait des dirigeants syndicaux de son organisation, ce qui l'aurait conduite à mettre fin à ses activités d'éducation ouvrière à partir du 24 juin 1984.
- 666. Dans une communication du 4 juillet 1984, la CGT indique que, le 20 juin 1984, des agents du service secret de la police nationale ont arrêté des centaines de dirigeants et de militants syndicaux dont Julio Peña Valdez et Carlos Enriquez Arias, secrétaires généraux de la CGT et de la CNTD, ainsi que Juan José Jerez, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Nord (affiliée à la CGTD). Les intéressés contre lesquels aucune charge n'a été retenue ont été libérés le 22 juin à 19 heures. Le 23 juin, les agents de la police secrète ont occupé le siège de la CGT et arrêté le secrétaire général de l'Association dominicaire des professeurs (ADP), Raphaël Santos, ainsi que le secrétaire à l'éducation de l'ADP, Juan Pastor Minaya, le secrétaire de la Fédération CGT des travailleurs du sucre (FENAZUCAR) et Victor Rufino Alvarez, le trésorier du syndicat de l'INDRHI, Raphaël Rodriguez, le trésorier de l'UGTD, et Raphaël Rondol qu'ils ont gardés à vue jusqu'au 25 juin 1984, date à laquelle ils ont été remis en liberté sans qu'aucune charge non plus n'ait été retenue contre eux.
- 667. Enfin la CUT, dans une communication du 3 septembre 1984, réitère ses allégations concernant l'occupation de ses locaux et l'espionnage de ses communications téléphoniques, ainsi que l'arrestation de José Francisco Ramoz, de la CUT, Gabriel del Rio Doñe, de la CASC, Carlos Enrique Arias, de l'UGTD, Juan Pablo Reyes, de l'UGTD, et Barbarin Mojica, de la POASI. La résidence de José Cristobal Duran et de Julio de Peña Valdez, secrétaires généraux de la CUT et de la CGT, aurait à nouveau été perquisitionnée. Les plaignants précisent que les arrestations et les détentions mentionnées ci-dessus ont duré du 29 août au 2 septembre 1984.
- 668. En outre, par des communications télégraphiques du 31 août 1984, la CISL, la CMT et la CLAT avaient dénoncé l'arrestation des cinq secrétaires généraux des centrales du Conseil syndical, alors que ces dirigeants s'étaient réunis le 29 août dans la nuit pour décider d'une grève générale si le gouvernement autorisait la hausse des prix des combustibles et des services essentiels. Au matin du 30 août, les cinq secrétaires généraux des centrales en question ont donc été arrêtés.
- 669. Par la suite, dans un télégramme du 14 septembre 1984, la CISL a fait savoir que les cinq secrétaires généraux arrêtés le 30 août ont été libérés les 2 et 3 septembre 1984.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 670. Dans un télégramme du 21 mai 1984, le gouvernement a signalé qu'aucun syndicaliste n'est détenu et que ceux qui ont été arrêtés aux fins d'enquête ont été immédiatement mis en liberté en vertu des pouvoirs qui appartiennent au gouvernement pour faire face à l'éventualité de troubles de l'ordre public. Le gouvernement dominicain soulignait en outre qu'il était respectueux des libertés publiques et des libertés syndicales.
- 671. Puis dans des communications ultérieures des 28 juin et 1er septembre 1984, le gouvernement a expliqué que ces négociations avec le Fonds monétaire international avaient eu pour conséquence la mise en oeuvre de diverses mesures économiques qui avaient entraîné des ajustements nécessaires pour permettre au pays de disposer des fonds correspondant aux engagements pris à l'égard de la Banque internationale et obtenir les crédits qui étaient vitaux pour le développement du pays. Néanmoins, le gouvernement avait pris des mesures conservatoires pour que les classes sociales les plus défavorisées ne supportent pas la totalité du fardeau consécutif à ces changements structurels de l'économie.
- 672. Dans cet ordre d'idée, le gouvernement a déclaré avoir récemment promulgué une loi accordant une augmentation du salaire minimum de 40 pour cent aux travailleurs. En outre, les prix de plusieurs produits de première nécessité ont été gelés et, a-t-il annoncé, d'autres mesures de caractère social ont été prises, dont l'installation de plus de 600 magasins ou pharmacies populaires où seront vendus à prix coûtants plus de 200 médicaments classés par les organismes internationaux de la santé comme prioritaires pour la population, de même que la création de marchés populaires installés pour que les produits de première nécessité parviennent à la population à des prix accessibles.
- 673. Le gouvernement confirme néanmoins qu'au cours des journées des 23 et 25 avril 1984 des troubles violents ont perturbé la paix et la tranquillité publiques tant dans la capitale qu'à l'intérieur du pays: il s'agissait notamment de mises à sac et incendies de propriétés publiques et privées, et d'agressions ouvertes contre les autorités responsables de l'ordre public. Celles-ci agissant dans le cadre de la légalité ont repoussé ces agressions, ce qui a malheureusement eu pour conséquence un bilan de plusieurs morts et blessés. Ces agissements des forces armées et de la police n'ont été dirigés contre aucun secteur particulier, qu'il s'agisse de syndicalistes, d'étudiants ou d'autres citoyens, affirme le gouvernement.
- 674. Il ajoute par contre que les organisations syndicales,; profitant du mécontentement créé par les nécessaires ajustements économiques, ont présenté au gouvernement, comme elles l'indiquent elles-mêmes dans leurs plaintes, une série de demandes correspondant à un programme de gouvernement impossible à mettre en oeuvre dans l'immédiat, compte tenu de multiples facteurs. Ce programme à caractère démagogique allait au-delà du social et tombait dans le politique. Aussi le gouvernement dominicain ne pouvait-il admettre que des organisations syndicales, politiques ou de petits noyaux de la population troublassent la paix et l'ordre publics auxquels le gouvernement avait le devoir de veiller dans le cadre de son mandat constitutionnel.
- 675. En conséquence, explique-t-il, le Conseil syndical profitant de la conjoncture surgissant des troubles engendrés par les forces d'opposition a lancé un appel à la grève les 27 avril et 1er mai accompagnée de manifestations qui se seraient soldées par un véritable échec, étant donné que, selon le gouvernement, la population n'y aurait pas participé. Le gouvernement déclare en outre que les grèves, manifestations et arrêts de travail effectués sans l'autorisation des autorités légalement constituées sont une violation, flagrante de la loi, et que ces agissements deviennent dangereux quand ils s'inscrivent dans un climat non approprié tel que celui qu'il a décrit. Selon lui, la politisation des organisations syndicales a causé un grave dommage au mouvement syndical en République dominicaine.
- 676. En conclusion, le gouvernement affirme qu'aucun siège d'organisation syndicale n'est actuellement occupé, que les mesures de sécurité adoptées autour des locaux syndicaux ont eu un caractère préventif pour éviter la répétition des graves incidents survenus auparavant face aux appels à la grève et à la manifestation lancés par les organisations syndicales plaignantes, et il affirme à nouveau que, sur tout le territoire, pas un seul syndicaliste n'est emprisonné pour avoir exercé des activités syndicales, et que ceux qui ont été détenus ont été immédiatement relâchés après avoir été entendus par les services de sécurité. Selon lui, les faits dénoncés par les plaignants ont été grandement exagérés, et certains ne correspondent même pas à la réalité. Au contraire, estime-t-il, les activités syndicales dans le pays sont complètement normales, et le gouvernement garantit leur maintien et leur renforcement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 677. Cette affaire porte essentiellement sur les graves incidents survenus au cours des journées de protestation d'avril-mai 1984 déclenchées par les cinq centrales syndicales dominicaines regroupées au sein du conseil syndical, contre l'augmentation très importante du coût de la vie provoquée par l'accord signé entre le gouvernement dominicain et le Fonds monétaire international à la fin d'avril 1984. Le mouvement a entraîné la mort de nombreuses personnes ainsi que des blessures pour beaucoup d'autres, l'arrestation de dirigeants syndicaux et l'occupation temporaire des sièges syndicaux. Le comité doit, en premier lieu, exprimer sa vive préoccupation et sa réprobation face à la gravité particulière de ces incidents, spécialement de la mort de plusieurs personnes.
- 678. Le comité observe que le gouvernement admet que les négociations avec le Fonds monétaire international ont entraîné l'adoption de mesures économiques et d'ajustements visant à permettre au pays de disposer des fonds correspondant aux engagements pris à l'égard de la Banque internationale et à obtenir des crédits vitaux pour l'économie du pays. Néanmoins, selon le gouvernement, des mesures ont été prises pour que les classes sociales les plus défavorisées ne supportent pas la totalité du fardeau consécutif à ces changements structurels et il a évoqué l'augmentation du salaire minimum de 40 pour cent et le gel de produits de première nécessité ainsi que l'installation de 600 magasins et pharmacies populaires vendant à prix coûtant les médicaments essentiels à la santé et de marchés populaires vendant à des prix accessibles les produits de première nécessité à la population.
- 679. Il n'en demeure pas moins que le gouvernement confirme qu'au cours des journées troublées du 23 au 25 avril 1984 les autorités ont été conduites à agir et à repousser les agressions populaires. Selon le gouvernement, l'appel à la grève des 27 avril et 1er mai lancé par le conseil syndical a eu un caractère démagogique et politique, et le gouvernement a été contraint d'adopter des mesures de sécurité autour des locaux des syndicats pour éviter la répétition des graves incidents qui avaient déjà eu lieu. En outre, toujours selon le gouvernement, les arrestations n'ont duré que peu de temps, les intéressés ayant été immédiatement relâchés après avoir été entendus par les services de sécurité.
- 680. Le comité observe néanmoins que les plaignants, pour leur part, allèguent que les actions en cause ont été déclenchées à l'appui de revendications sociales. Il s'agissait de demander au gouvernement, face aux conséquences néfastes de la crise économique qui frappait le pays et qui se traduisait par la réduction du pouvoir d'achat et l'augmentation du chômage, de rompre les négociations avec le Fonds monétaire international, de geler les prix des produits alimentaires et des médicaments, de fixer un salaire minimum mensuel à un certain taux et de réajuster les salaires.
- 681. Le comité estime que l'ensemble des revendications des cinq centrales dominicaines avait essentiellement un caractère syndical. En conséquence, le comité regrette profondément que l'augmentation des produits alimentaires et des médicaments ait conduit à un mouvement de protestation sociale qui s'est soldée par des morts et des blessés et de nombreuses arrestations et il rappelle que, dans les cas où la dispersion de manifestation pour des raisons d'ordre public a entraîné des pertes de vies humaines et des blessures, il attache une grande importance à ce qu'il soit procédé à une enquête approfondie pour déterminer les responsabilités et il demande au gouvernement de prendre des mesures pour éviter le renouvellement de telles actions, et de fournir des informations sur le résultat de l'enquête.
- 682. Par ailleurs, le comité a toujours considéré le droit de grève comme un moyen légitime et même essentiel dont disposent les travailleurs pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Ce droit, a-t-il ajouté, ne devrait pas être restreint aux seuls différends du travail susceptibles de déboucher sur une convention collective particulière: les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester, le cas échéant, dans ut% cadre plus large leur mécontentement éventuel sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres. [Voir 172e rapport, cas no 885 (Equateur), paragr. 385; 181e rapport, cas no 899 (Tunisie), paragr. 242.] Le comité est conscient que le fait d'exercer une activité syndicale ou de détenir un mandat syndical n'implique aucune immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire mais il rappelle qu'il lui appartient de vérifier lui-même si les intéressés ont été arrêtés pour des délits de droit commun ou pour des activités syndicales. or, dans le cas d'espèce, étant donné que les dirigeants syndicaux ont été arrêtés à plusieurs reprises et remis en liberté après quelques jours de détention sans qu'aucune charge ait été retenue contre eux, le comité croit utile d'indiquer au gouvernement qu'il devrait assurer que les autorités reçoivent des instructions appropriées en vue de faire disparaître le danger que les arrestations représentent pour les activités syndicales. [Voir 147e rapport, cas no 777 (Inde), paragr. 214; et cas no 753 (Uruguay), paragr. 345.]
- 683. Pour ce qui concerne l'allégation relative à l'interdiction de la manifestation du 1er mai, le comité rappelle que le droit d'organiser des réunions publiques et des cortèges à l'occasion du 1er mai constitue, comme il l'a signalé à maintes reprises, un aspect important des droits syndicaux. Néanmoins, le comité a également. souligné qu'il appartient au gouvernement en tant que responsable du maintien de l'ordre de déterminer, dans l'exercice de ses pouvoirs de sécurité, si, dans des circonstances données, des manifestations même syndicales peuvent mettre en danger la tranquillité et la sécurité publiques, et de prendre les mesures préventives nécessaires pour écarter ce danger. Cependant, si pour éviter des désordres les. autorités décident d'interdire une manifestation, elles devraient, de l'avis du comité, s'efforcer de s'entendre avec les organisateurs de la manifestation afin de permettre sa tenue en un autre lieu (éventuellement privé) où des désordres ne seraient plus à craindre. [Voir, par exemple, 139e rapport, cas no 660 (Mauritanie), paragr. 60; et 204e rapport, cas no 962 (Turquie), paragr. 255.]
- 684. Pour ce qui est de l'occupation temporaire des locaux de plusieurs syndicats, le comité estime qu'une telle occupation peut constituer une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales. Dans le cas d'espèce, le gouvernement prétend que ses occupations temporaires ont eu un caractère préventif et affirme que les locaux ne sont plus occupés par les forces de l'ordre. Le comité souhaite, cependant, insister sur la grande importance qu'il attache à l'inviolabilité des locaux syndicaux pour garantir la liberté syndicale et veut croire que le gouvernement prendra des mesures pour éviter le renouvellement de tels faits sans mandat judiciaire.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 685. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité exprime sa vive préoccupation devant la portée et la gravité des allégations formulées dans ce cas et qui concernent la mort et les blessures de nombreuses personnes intervenues au cours de manifestations de protestation syndicale contre des augmentations importantes du coût de la vie.
- b) Au sujet des morts violentes et des blessures de nombreuses personnes, le comité rappelle l'importance de procéder à une: enquête approfondie pour déterminer les responsabilités et de prendre des mesures pour éviter le renouvellement de telles actions. Le comité prie donc le gouvernement de fournir des informations sur le résultat de cette enquête.
- c) Au sujet des arrestations de dirigeants syndicaux relâchés après qu'aucune charge n'eut été retenue contre eux, le comité rappelle que le gouvernement devrait garantir que les autorités reçoivent des instructions spéciales appropriées pour faire disparaître le danger que les arrestations représentent pour les activités syndicales.
- d) Au sujet de l'occupation temporaire des locaux syndicaux, le comité insiste sur l'importance qu'il attache à l'inviolabilité des locaux syndicaux pour garantir la liberté syndicale et veut croire que le gouvernement prendra les mesures appropriées pour éviter le renouvellement de tels faits sans mandat judiciaire.
- e) Au sujet de l'interdiction de la manifestation du 1er mai, le comité rappelle que le droit d'organiser des réunions et des cortèges à l'occasion du 1er mai constitue un aspect important des droits syndicaux et que les autorités devraient s'entendre avec les organisateurs afin de permettre la tenue normale de réunion ou de manifestation.