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- 282. La plainte figure dans une communication de la Fédération syndicale mondiale du 24 août 1984. Le gouvernement a répondu par une communication du 15 novembre 1984.
- 283. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 284. L'organisation plaignante allègue que le gouvernement a réprimé brutalement la grève entamée le 10 juillet 1984 par plus de 3.000 travailleurs des plantations de bananiers de la Société bananière du Costa Rica (appartenant principalement à "United Brands" et "Standard Fruit Company") pour demander des augmentations de salaire et la négociation d'une nouvelle convention collective.
- 285. L'organisation plaignante signale que "United Brands" et "Standard Fruit Company" ont obtenu du gouvernement la déclaration d'illégalité de la grève. Sur la base de cette déclaration, le 24 juillet 1984, la police est intervenue contre les grévistes, tuant Franklin Guzmán et blessant un nombre indéterminé de grévistes. Après 38 jours de grève, la police a fait feu, provoquant la mort des grévistes Luis Rosales et Jesús Rosales, et blessant dix autres personnes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 286. Le gouvernement déclare qu'il n'est pas vrai qu'il ait eu une conduite répressive à l'égard du mouvement syndical costaricien, ni avant ni au moment de la grève des travailleurs des bananeraies au mois de juillet 1984. Il n'est pas vrai non plus que le gouvernement ait accordé à la "United Brands" et à la "Standard Fruit Company" une déclaration d'illégalité de la grève, car cette déclaration est du ressort exclusif des autorités judiciaires. L'illégalité du mouvement de grève en question - ajoute le gouvernement - a été déclarée par des décisions du Tribunal du travail de Golfito (10 juillet 1984) et du Tribunal du travail de Osa - Ciudad Cortés (11 juillet 1984), confirmées par des décisions du Tribunal supérieur du travail des 12 et 17 juillet 1984, respectivement. Le gouvernement envoie copie des décisions judiciaires en question dans lesquelles il est dit que la déclaration d'illégalité est fondée sur le fait que le syndicat n'a pas engagé les procédures de conciliation et d'arbitrage prévues par la législation et que les syndicalistes ont empêché les travailleurs qui voulaient travailler d'entrer dans les centres. En vertu des dispositions en vigueur, les autorités judiciaires ont donné l'ordre aux autorités de police "de garantir par tous les moyens possibles la continuation du travail, en veillant à la sécurité des travailleurs qui ne veulent pas s'associer au mouvement illégal et qui désirent se présenter pour effectuer leur travail et, enfin, d'assurer la protection des biens de la Compagnie bananière du Costa Rica". Le gouvernement se réfère à cet égard à l'article 381 du Code du travail, lequel dispose que: "En cas de grève ou de lock-out, légalement déclarés, les tribunaux du travail donneront immédiatement ordre aux autorités de police de maintenir fermés les établissements affectés par le différend et d'assurer la protection des personnes et des biens. En cas de grève illégale ou de lock-out illégal, les tribunaux du travail ordonneront aux autorités de police d'assurer par tous les moyens dont elles disposent la poursuite des travaux ..."
- 287. S'agissant du déroulement de la grève et de ses conséquences, le gouvernement fait les déclarations suivantes:
- - Au mois de juillet a été entreprise, dans les plantations de bananiers et de palmiers à huile de la Compagnie bananière du Costa Rica, dans la zone de Coto et de Palma Sur, une grève qui a pris un caractère inhabituellement violent.
- - Le mouvement de grève s'est caractérisé dès le début par une violence inhabituelle, inconnue depuis un certain temps dans ce genre de manifestation, qui a conduit les participants à se livrer à divers affrontements avec les autorités de la garde civile qui essayaient d'assurer l'accès aux plantations des travailleurs qui voulaient de leur plein gré reprendre le travail.
- - C'est au cours de l'un de ces affrontements que, malheureusement, le 24 juillet 1984, M. Franklin Guzmán a perdu la vie, et le 15 août 1984, M. Luis Rosales Villegas, morts tout à fait inattendues pour les gardes civils, lesquels n'y ont nullement contribué, mais se sont vus dans la nécessité d'affronter l'action violente des grévistes.
- - Au cours des jours précédant l'incident, les éléments de la garde civile avaient traversé l'endroit où ont eu lieu les faits, passant devant les grévistes organisés en groupes de dimension normale sans qu'il y ait eu le moindre harcèlement ou violence. A ce moment, l'attitude était celle d'un dialogue franc et de coopération de la part des grévistes. - Le jour où se sont produits les faits qui ont eu pour conséquence le décès de M. Franklin Guzmán, le nombre de travailleurs en grève réunis depuis le matin tôt sur les lieux des faits était inhabituel, se chiffrant à environ 200 au moment de l'affrontement.
- - Les membres de la garde civile n'étaient que 20 en tout, face à la multitude de grévistes ayant participé à l'agression. Les quelques gardes civils qui ont fait l'objet de l'agression ont épuisé les moyens dont ils disposaient pour dissuader les grévistes, utilisant pour ce faire uniquement les quelques bombes lacrymogènes qu'ils avaient sur eux. En dernier recours, se voyant pratiquement encerclés par les travailleurs hostiles, et plusieurs de leurs compagnons ayant été déjà blessés par les pierres lancées de différents endroits des broussailles, ils ont fait usage de leurs armes réglementaires, en tirant en l'air pour intimider les grévistes et obtenir qu'ils se dispersent, ce que ces derniers firent finalement.
- - A aucun moment, pendant le déroulement des troubles, ni les officiers ni les simples gardes qui se trouvaient sur les lieux des faits n'ont vu tomber un travailleur blessé par balle. Ce n'est qu'une heure après la fin de l'affrontement qu'est arrivé sur les lieux un autobus dans lequel se trouvait, encore vivant, M. Guzmán blessé et qui est mort peu avant d'arriver à l'hôpital de Neuilly où un véhicule de la police l'a finalement conduit.
- - Le travailleur qui a été tué avait été obligé de suivre le mouvement de grève tôt le matin du même jour, lorsqu'il a pratiquement été poussé de force hors de chez lui, malgré les protestations de sa femme, pour se joindre à la grève.
- - Selon une déclaration verbale du médecin de l'hôpital de Neilly, spécialiste de ce genre de lésions, le décès du blessé est dû en définitive au retard apporté à son transfert à l'hôpital car il aurait été possible de lui sauver la vie par une intervention en temps voulu, avant de l'envoyer dans un hôpital comportant un équipement médical et chirurgique spécialisé à San José.
- - Au cours du même affrontement, ont été également blessés MM. Freddy Bustamante Mata, José Pérez Pérez, Lorenzo Muñoz Esquivel et Eusebio Ruíz Noguera. Cependant, dans aucun de ces cas, les lésions n'ont été provoquées par des tirs d'armes à feu de la police.
- - S'agissant des événements du 15 août 1984, qui ont eu pour conséquence la mort de M. Luis Rosales Villegas, les faits se sont produits de la façon suivante: un groupe tumultueux de travailleurs s'est placé entre les bananeraies 2 et 4 de Palmar afin d'empêcher les autorités de la garde civile de passer, lançant des pierres et des bâtons contre ces dernières et contre quelques maisons, probablement les maisons de travailleurs qui ne s'étaient pas joints à la grève. Dans ces conditions, pour protéger la propriété privée, la sécurité des personnes et l'intégrité même de la garde civile, et après avoir épuisé les moyens de dialogue et de persuasion, les autorités n'ont pas eu d'autre choix que de faire usage de gaz lacrymogènes, sans obtenir le résultat désiré, de sorte qu'elles ont dû se résoudre à tirer des coups de feu en l'air.
- - Dans tous les cas d'affrontement, la garde civile accomplissait des travaux de routine au moment de l'agression: il ne s'agissait nullement d'une opération préparée dans le but délibéré de réprimer le mouvement de grève. De même, les personnes qui ont été blessées l'ont été à la suite de la confusion provoquée par les heurts ou les affrontements, jamais à la suite d'actions isolées ou délibérées de la garde civile.
- 288. Le gouvernement signale que plusieurs instances judiciaires (chambres d'instruction) sont saisies de diverses procédures pour élucider tous les faits concernant les décès et les lésions de grévistes et établir, le cas échéant, la responsabilité pénale. Selon le gouvernement, jusqu'à présent la façon ou les circonstances dans lesquelles se sont produits les décès n'ont pu être établies de façon certaine.
- 289. Le gouvernement déclare en conclusion que les objectifs du mouvement de grève ont cessé d'être des revendications économico-sociales pour prendre un caractère purement politique, comme on peut le constater facilement puisque certains travailleurs, qui ont été obligés de faire grève, prétendent réclamer par la voie judiciaire aux dirigeants et aux députés communistes les salaires qu'ils ont cessé de percevoir à la suite du mouvement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 290. Le comité note que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue que, sur la base d'une déclaration d'illégalité de la grève entamée le 10 juillet 1984 par les travailleurs de la Compagnie bananière du Costa Rica, la police est intervenue à diverses occasions contre les grévistes, provoquant la mort de trois grévistes et blessant un nombre indéterminé de grévistes. Selon l'organisation plaignante, le patronat aurait obtenu du gouvernement ladite déclaration d'illégalité.
- 291. En ce qui concerne la déclaration d'illégalité de la grève, le comité note que, selon le gouvernement, ces déclarations relèvent de l'autorité judiciaire et non du gouvernement. Le comité note à cet égard que le gouvernement a communiqué le texte des décisions judiciaires déclarant l'illégalité de la grève entamée par les travailleurs des bananeraies le 10 juillet 1984, illégalité motivée par le non-respect des prescriptions légales, à savoir, en particulier, que le syndicat n'a pas engagé les procédures de conciliation et d'arbitrage prévues par la loi et que les syndicalistes ont empêché les travailleurs qui voulaient travailler d'entrer dans les centres de travail. Le comité note que, selon ce qui ressort desdites décisions judiciaires et du Code du travail, les travailleurs de la Compagnie bananière du Costa Rica peuvent exercer le droit de grève et la procédure d'arbitrage ne s'applique que par accord entre les parties.
- 292. A cet égard, le comité a signalé dans des cas antérieurs voir, par exemple, 134e rapport, cas no 702 (Costa Rica), paragr. 36] que l'on ne saurait considérer comme attentatoire à la liberté syndicale une législation imposant l'obligation de recourir aux procédures de conciliation et d'arbitrage dans les conflits collectifs en tant que condition préalable à une déclaration de grève, pour autant que les décisions d'arbitrage ne présentent pas un caractère obligatoire et n'empêchent pas, en pratique, le recours à la grève. Dans ces conditions, le comité considère que la déclaration d'illégalité de la grève entamée le 10 juillet 1984 par les travailleurs des bananeraies ne soulève pas d'objection du point de vue des principes de la liberté syndicale.
- 293. En ce qui concerne l'intervention de la garde civile pendant le mouvement de grève, le comité note que, selon ce qui est indiqué dans les décisions judiciaires fournies par le gouvernement, les autorités judiciaires, en application de la législation en vigueur en matière de grèves illégales, ont donné l'ordre à la police de garantir la continuation du travail, en veillant à la sécurité des travailleurs qui ne voulaient pas se joindre à la grève et d'assurer la protection des biens de la Compagnie bananière du Costa Rica.
- 294. Pour ce qui est des conséquences alléguées de l'intervention de la garde civile pendant la grève qui, selon l'organisation plaignante, aurait entraîné la mort et des atteintes à l'intégrité physique de grévistes, le comité observe que le gouvernement n'a fourni des informations que sur deux des trois travailleurs qui, selon les plaignants, seraient morts (MM. Franklin Guzmán et Luis Rosales). Le comité observe également que, selon le gouvernement, la façon ou les circonstances dans lesquelles ces deux travailleurs sont morts n'ont pu être établies avec certitude et que les membres de la garde civile n'ont joué aucun rôle dans ces décès. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur l'allégation relative à la mort du gréviste Jésús Rosales, auquel il ne s'est pas référé dans sa réponse.
- 295. Le comité relève aussi que le gouvernement reconnaît que les jours où s'est produite la mort des deux travailleurs, la police a tiré des coups de feu en l'air après avoir été attaquée et après avoir utilisé des gaz lacrymogènes; cependant, les affirmations du gouvernement ne permettent pas d'établir l'existence d'un lien causal entre les coups de feu et les décès. Dans le cas de M. Franklin Guzmán, le gouvernement signale qu'il a été transporté dans un autobus, alors qu'il était blessé mais encore en vie, au lieu où s'est produit l'affrontement entre les grévistes et la police, le 10 juillet 1984, une heure après la fin de cet affrontement. Dans le cas de M. Luis Rosales, mort le jour même où s'est produit l'affrontement entre les grévistes et la police, le 15 août 1984, le gouvernement n'apporte pas de précision de fond sur la mort de ce travailleur.
- 296. Dans ces conditions, le comité déplore vivement la mort des travailleurs Franklin Guzmán et Luis Rosales et les atteintes à l'intégrité physique qui ont eu lieu pendant le mouvement de grève des travailleurs des bananeraies, aux mois de juillet et d'août 1984. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les résultats des enquêtes judiciaires actuellement en cours sur les morts et les lésions qui ont eu lieu.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 297. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité considère que la déclaration d'illégalité de la grève entamée le 10 juillet 1984 par les travailleurs des bananeraies ne soulève pas d'objection du point de vue des principes de la liberté syndicale étant donné que, selon ce que l'autorité judiciaire a pu constater, le syndicat n'a pas rempli l'obligation légale d'engager les procédures de conciliation et d'arbitrage prévues dans le Code du travail.
- b) Le comité déplore profondément la mort des travailleurs Franklin Guzmán et Luis Rosales et les atteintes à l'intégrité physique qui ont eu lieu pendant ladite grève. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les résultats des diverses enquêtes judiciaires actuellement en cours sur les décès et les lésions qui ont eu lieu.
- c) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur l'allégation relative à la mort du gréviste Jésús Rosales, auquel il ne s'est pas référé dans sa réponse.