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Definitive Report - Report No 241, November 1985

Case No 1310 (Costa Rica) - Complaint date: 16-OCT-84 - Closed

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  1. 230. La Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux au Costa Rica dans des communications des 16 et 17 octobre 1984. Le gouvernement a répondu sur cette affaire par une communication du 9 septembre 1985.
  2. 231. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

A. Allégations de la confédération plaignante
  1. 232. La Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante allègue que les locaux de l'organisation qui lui est affiliée, l'Association nationale des enseignants, ont fait l'objet d'une perquisition, et que les membres de cette association ont été victimes de poursuites judiciaires en violation d'un accord signé par le gouvernement et les syndicats d'enseignants représentés par le Front des enseignants.
  2. 233. Elle explique que, le 27 juillet 1984, un accord avait été signé entre les parties susmentionnées mettant fin à la grève organisée par le Front des enseignants. Cet accord prévoyait des négociations sur une liste de revendications pour lesquelles les enseignants avaient fait grève. Il s'agissait des salaires, des tarifs de transports scolaires, des prix de certains produits (électricité, téléphone, combustible, eau potable, transports) et de l'ajustement des augmentations de salaires des fonctionnaires publics. L'accord disposait en son article 8 que le gouvernement s'engageait à ne prendre aucune mesure de représailles à l'encontre des travailleurs du ministère de l'Education nationale, pas plus qu'à l'encontre des dirigeants enseignants ou des élèves, à cause des actions du Front des enseignants. Enfin, le gouvernement s'obligeait par cet accord à négocier avec le Front des enseignants ou, autrement, à prendre les mesures prévues par ledit accord.
  3. 234. Or, poursuit la confédération plaignante, les locaux de l'Association nationale des enseignants de la ville de Cartage ont été perquisitionnés, des documents ont été saisis par les autorités judiciaires et, par la suite, 800 enseignants ont été poursuivis pénalement pour avoir, selon l'Association nationale des enseignants, revendiqué des améliorations de salaires et de conditions sociales que le gouvernement leur devait depuis plus de deux ans.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 235. Au sujet de la perquisition des locaux syndicaux et des poursuites engagées contre certains enseignants syndicalistes, le gouvernement rétorque que le pouvoir exécutif n'a pas participé à ces actions. Elles ont été le fait du ministère public qui est un organe issu du pouvoir judiciaire et donc totalement indépendant du pouvoir exécutif.
  2. 236. Le gouvernement explique qu'au Costa Rica la grève dans le secteur public et dans l'enseignement public, considéré comme un service public de haute priorité, est illégale en vertu de la norme juridique interne. Elle porte atteinte aux droits et à l'obligation à l'éducation consacrés par l'article 78 de la Constitution. D'ailleurs, indique-t-il, le livre II, titre XV, du Code pénal, en son article 333, prévoit que le fonctionnaire ou l'employé public qui abandonne sa charge sans avoir cessé légalement ses fonctions et qui cause un préjudice à son service sera puni d'une amende de 20 à 70 jours de salaires. De même, l'article 334, qui vise l'incitation à l'abandon collectif de fonction publique, prévoit que quiconque incite à l'abandon collectif de leur travail les fonctionnaires ou employés des services publics sera puni de six mois à deux ans de prison et d'une amende de 70 à 120 jours de salaires. Enfin, l'article 61 de la Constitution reconnaît le droit de grève aux travailleurs sauf dans les services publics.
  3. 237. Le gouvernement soutient que les articles en question ont pour but de garantir aux citoyens le fonctionnement normal des services publics étant donné que, selon lui, la grève dans ces services porterait atteinte à l'existence même de l'Etat.
  4. 238. Le gouvernement annexe à sa réponse le texte de la lettre que le chef du ministère public qu'il a consulté a adressée au ministère du Travail. Dans cette lettre, ce magistrat indique notamment qu'en tant que ministère public issu du pouvoir judiciaire il dépend du pouvoir judiciaire, et qu'il agit en toute indépendance dans l'exercice de l'action pénale. En conséquence, ajoute-t-il, le pouvoir exécutif n'est aucunement intervenu dans l'action pénale qui a été engagée à l'encontre des enseignants qui ont participé à une grève qui a été déclarée illégale. Il admet que certains locaux syndicaux ont fait l'objet de perquisitions sur mandat judiciaire à la demande d'un représentant du ministère public, étant donné que la justice cherchait les preuves écrites de la relation entre le syndicat et l'acte délictueux réprimé par l'article 333 du Code pénal. Ces perquisitions se sont déroulées en conformité avec les dispositions du Code de procédure pénale, et les représentants syndicaux en cause n'ont jusqu'à présent pas démontré l'existence d'irrégularités administratives ou d'abus de pouvoir de la part des autorités. Ce magistrat réitère également dans sa lettre les déclarations du gouvernement sur le caractère illégal de la grève dans les services publics et indique que l'article 333 du Code pénal, qui réprime l'abandon collectif de travail par les fonctionnaires ou employés publics qui cause un préjudice à leur service, est semblable à l'article 330 du Code pénal italien.
  5. 239. Le gouvernement ajoute que le juge d'instruction de Puntarenas, qui a instruit l'affaire en première instance en novembre 1984, a rendu une ordonnance de non-lieu et que, par la suite, il a prorogé à titre exceptionnel l'instance pour une période d'une année. En outre, le juge d'instruction de Cartage, qui a également été saisi de l'affaire, a aussi rendu une ordonnance de non-lieu, mais le ministère public s'est pourvu en appel contre cette décision et il a gagné son pourvoi devant le Tribunal supérieur pénal (seconde chambre). Cependant, poursuit le gouvernement, le juge pénal de Cartage qui a de nouveau jugé l'affaire quant au fond a acquitté les enseignants au motif que l'arrêt de leurs cours n'a pas causé de préjudice au système d'enseignement et que, bien que la grève ait été déclarée illégale par le Tribunal supérieur civil, un grand nombre d'élèves s'étaient abstenus de se rendre en classe. Le gouvernement annexe à sa réponse la copie des jugements susmentionnés.
  6. 240. En ce qui concerne les conversations avec le Front des enseignants, le gouvernement admet qu'elles ne se sont pas poursuivies avec cette organisation, mais il explique que cela a tenu à ce qu'il existait des divergences au sein même de cette organisation. Il ajoute qu'il est parvenu à des accords en février et en juillet 1985 avec l'Association nationale des enseignants, et il annexe à sa réponse la copie desdits accords qui portent sur des augmentations de salaires pour les fonctionnaires publics et la mise en place d'une commission paritaire pour déterminer l'augmentation des articles à ajouter au panier de la ménagère.
  7. 241. Par ailleurs, le gouvernement communique un décret du 20 juin 1985 portant révision dudit panier de la ménagère dans lequel 14 articles ont été ajoutés par rapport à 1984 en application de l'accord du 19 février 1985 conclu entre les représentants de l'Association nationale des enseignants et le gouvernement. Il communique également un autre accord portant remise au président et au secrétaire général de l'Association nationale des enseignants du Manuel descriptif des classes des postes d'enseignants, élaboré par la Direction générale du service civil en accord avec le syndicat et qui, une fois ces incidences financières étudiées, sera inclus dans le projet de budget pour 1986.
  8. 242. En conclusion, le gouvernement estime que dans la présente affaire, contrairement à ce qui est allégué par les plaignants, il a agi avec sérieux et responsabilité à l'égard des enseignants de son pays.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 243. La présente affaire porte sur des représailles qui auraient frappé des syndicalistes enseignants à la suite d'une grève qu'ils avaient déclenchée pour obtenir l'acceptation de revendications de caractère essentiellement économique et professionnelle. Les syndicalistes en question ont été poursuivis pénalement en application de la loi du Costa Rica pour avoir participé à une grève, et les locaux de leur syndicat ont été perquisitionnés afin de découvrir le lien existant entre le syndicat et la grève. Le gouvernement ne nie pas les faits mais il explique qu'aux termes de la législation interne du Costa Rica les enseignants sont des agents du secteur public qui n'ont pas le droit de grève. En conséquence, la grève a été déclarée illégale par voie judiciaire et, toujours par voie judiciaire, les locaux syndicaux ont été perquisitionnés et les enseignants ont été poursuivis pénalement. Toutefois, ils ont été acquittés par les tribunaux. Le gouvernement affirme en outre que des accords sont intervenus avec les intéressés pour mettre fin à ce conflit du travail.
  2. 244. Le comité note avec intérêt que, selon le gouvernement, les syndicalistes poursuivis ont été acquittés et que des accords sont intervenus avec l'Association nationale des enseignants pour mettre fin à ce conflit du travail.
  3. 245. Cependant, le comité se doit de signaler au gouvernement l'importance qu'il a toujours attachée au droit de grève comme moyen légitime de défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs et de leurs organisations (voir notamment 4e rapport, cas no 5 (Inde), paragr. 27).
  4. 246. Bien que le comité ait admis le principe selon lequel le droit de grève peut faire l'objet de restrictions, voire d'interdictions dans la fonction publique ou les services essentiels, qu'ils soient publics, semi-publics ou privés, il a signalé à plusieurs reprises que ce principe perdrait tout son sens si la législation retenait une définition trop extensive de la fonction publique ou des services essentiels. Le comité, de même que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, estime en conséquence que toute interdiction ou restriction devrait être limitée aux fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique ou aux services essentiels dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. (Voir 230e rapport, cas no 1173, Canada (Colombie britannique), paragr. 577, et cas no 1225 (Brésil), paragr. 668.) Le comité est d'avis que les enseignants ne tombent pas dans cette définition. (Voir, par exemple, 221e rapport, cas no 1097 (Pologne), paragr. 84; 226e rapport, cas no 1164 (Honduras), paragr. 343; et 230e rapport, cas no 1173 (Canada, Colombie britannique, paragr. 577 déjà cité).)
  5. 247. En conséquence, le comité invite le gouvernement à réexaminer la législation et, en particulier, les dispositions du Code du travail (article 369, alinéa a)) et du Code pénal (articles 333 et 334), afin que la liste des activités dans laquelle la grève est interdite soit limitée à la fonction publique et aux services essentiels entendus au sens strict du terme.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 248. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité note avec intérêt que, dans le présent cas, les enseignants syndicalistes poursuivis pour avoir participé à une grève ont été acquittés, et que des accords sont intervenus avec l'Association nationale des enseignants pour mettre fin à ce conflit du travail.
    • b) Le comité invite le gouvernement à réexaminer la législation afin que la liste des activités dans lesquelles la grève est interdite soit limitée aux fonctionnaires agissant en tant qu'organes de la puissance publique ou aux services essentiels dont l'interruption mettrait en danger dans l'ensemble ou dans une partie de la population la vie, la sécurité et la santé de la personne.
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