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Definitive Report - Report No 239, June 1985

Case No 1314 (Portugal) - Complaint date: 26-OCT-84 - Closed

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  1. 169. La plainte de la Confédération générale des travailleurs portugais - Intersyndicale nationale (CGTP-IN) figure dans une communication du 26 octobre 1984. Le gouvernement a répondu dans une communication du 26 avril 1985.
  2. 170. Le Portugal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

A. Allégations de la confédération plaignante
  1. 171. Dans cette affaire, la CGTP-IN allègue une ingérence du gouvernement dans le mouvement syndical pour favoriser une organisation aux dépens d'une autre, estimant avoir été l'objet d'une discrimination en matière de participation des travailleurs à un organisme d'Etat.
  2. 172. L'organisation plaignante explique que le décret no 102/84 du 29 mars 1984 a créé une commission nationale d'apprentissage dotée d'attributions importantes en matière de définition et de mise en oeuvre de la politique d'apprentissage. Or cette commission est tripartite et se compose de cinq représentants du gouvernement, deux représentants des associations patronales et deux représentants des associations syndicales (art. 29 du décret).
  3. 173. La CGTP-IN ajoute que la désignation des membres non gouvernementaux a été faite sans qu'elle ait été préalablement consultée. La totalité des représentants des organisations syndicales et de leurs suppléants a été désignée par une seule organisation, l'Union générale des travailleurs (UGT), et la CGTP-IN a ainsi été empêchée de siéger à ladite commission.
  4. 174. D'après l'organisation plaignante, le gouvernement ne s'est pas seulement borné à ignorer les droits de l'organisation la plus représentative. Il a même refusé à la CGTP-IN toute espèce de droit, l'empêchant de se faire représenter dans un organe permanent, alors qu'il reconnaissait tous les droits de l'UGT. La CGTP-IN explique que cette attitude du gouvernement contredit ses déclarations répétées devant la Conférence internationale du Travail, à propos du remplacement annuel du délégué des travailleurs portugais, où il a affirmé à la Commission de vérification des pouvoirs qu'il n'existait aucune raison objective de faire une différence entre les deux organisations. Pour l'organisation plaignante, quoique faites dans un autre contexte, ces affirmations signifiaient que, dans l'esprit du gouvernement lui-même, il n'y avait pas de doute sur l'aptitude de la CGTP-IN à représenter les travailleurs portugais.
  5. 175. Or, dans la présente affaire, le cas se résume comme suit:
    • a) La loi prévoit deux représentants des associations syndicales à la Commission nationale d'apprentissage, mais ne décrit pas la procédure de désignation.
    • b) Le gouvernement pouvait donc choisir entre deux solutions:
    • c) Soit une désignation par scrutin direct (majoritaire ou proportionnel) de toutes les associations syndicales existantes.
    • d) Soit une désignation par les associations syndicales de niveau confédéral et national.
    • e) Le gouvernement a opté pour la deuxième solution, comme le montre la nomination des représentants de l'UGT.
    • f) Mais, selon cette procédure, la CGTP-IN - organisation confédérale et nationale dont l'aptitude à représenter les travailleurs portugais était évidente de l'avis même du gouvernement - ne pouvait manquer d'être consultée et, en cas de désaccord avec l'autre organisation intéressée, de désigner au moins un des deux représentants des associations syndicales prévus par la loi.
    • g) Or la CGTP-IN n'a été ni consultée, ni invitée à désigner aucun des représentants des associations syndicales.
  6. 176. La décision du gouvernement a eu pour résultat que la CGTP-IN a été empêchée de participer à la définition des politiques de formation professionnelle du régime d'apprentissage, ce qui constitue, d'après la CGTP-IN, une violation du principe selon lequel "en instituant des comités paritaires chargés d'examiner des problèmes intéressant les travailleurs, les gouvernements devraient prendre les mesures nécessaires pour assurer une représentation équitable aux diverses sections du mouvement syndical qui s'intéressent plus particulièrement aux problèmes dont il s'agit" (La liberté syndicale, BIT, Genève, 1972, paragr. 293) et constitue donc "un cas flagrant de discrimination affectant les principes de la liberté syndicale". (op. cit, paragr. 359) L'organisation plaignante relève que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, dans son étude d'ensemble de 1983, a précisé: "l'action du gouvernement peut avoir pour résultat d'influencer le libre choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres. A cet égard, le Comité de la liberté syndicale a rappelé qu'en favorisant ou en défavorisant une organisation par rapport aux autres, un gouvernement peut influencer, directement ou indirectement, le choix des travailleurs ... tant il est vrai que ces derniers seront enclins à adhérer au syndicat le plus apte à les servir, alors que, pour des raisons d'ordre professionnel, confessionnel, politique ou autre, leurs préférences les auraient portés à s'affilier à une autre organisation" (Liberté syndicale et négociation collective, BIT, Genève, 1983, paragr. 146, p. 50).
  7. 177. Il s'y ajoute d'après la CGTP-IN que, en l'empêchant de participer à la Commission nationale de l'apprentissage et donc à la définition de la politique de formation professionnelle du régime d'apprentissage, le gouvernement s'est livré à une intervention susceptible de limiter ou d'entraver l'exercice légal des droits reconnus aux organisations de travailleurs d'organiser librement leur gestion et leurs activités et de formuler librement leur programme d'action. Selon l'organisation plaignante, le gouvernement a donc ainsi violé l'article 3 de la convention no 87.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 178. Dans sa réponse du 26 avril 1985, le gouvernement se réfère aux dispositions constitutionnelles et législatives qui régissent la liberté syndicale de façon démocratique au Portugal. Il explique qu'aujourd'hui deux centrales syndicales soutenant des lignes politiques et syndicales différentes ont été légalement enregistrées au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, à savoir la Confédération générale des travailleurs portugais (CGTP-IN) et l'Union générale des travailleurs (UGT). Cependant, ni la Constitution, ni la législation ne comportent de critère d'appréciation de la représentativité syndicale. Ce qui a conduit en pratique à la quasi-impossibilité de procéder à l'estimation souhaitée et toutes les fois que des questions concrètes comportant l'application de critères de représentativité se posent, les deux centrales refusent systématiquement de procurer au gouvernement des éléments indubitables qui légitimeraient une option claire.
  2. 179. Le gouvernement signale, à titre d'exemple, que des consultations relatives à des arrêtés d'extension ont été vainement menées auprès des structures syndicales affiliées à des institutions associées à l'une ou à l'autre des centrales syndicales. Il explique qu'en conséquence il a choisi de considérer les deux centrales comme étant dotées d'une représentativité considérable.
  3. 180. Cependant, il regrette que la CGTP-IN se soit d'elle-même mise à l'écart des actions tripartites du gouvernement. Ainsi la CGTP-IN a rejeté toute participation au Conseil permanent de concertation sociale, une institution créée en 1984 par le décret-loi no 74184 pour analyser et discuter les problèmes sociaux, notamment ceux de l'apprentissage. Ce conseil, aux termes de l'article 5 du décret-loi se compose de trois représentants, au niveau de la direction de la CGTP-IN, l'un d'entre eux étant le secrétaire coordonnateur et de trois représentants, au niveau du secrétariat national de l'UGT, l'un d'entre eux étant le secrétaire général. Il a pour mission de se prononcer sur les politiques de restructuration et de développement socio-économique et sur leurs mises en oeuvre par l'émission d'avis sur la demande du gouvernement ou par l'adoption de propositions ou de recommandations de sa propre initiative. Il a également pour mission de proposer des solutions tendant au fonctionnement régulier de l'économie compte tenu notamment de ses répercussions dans le domaine socio-professionnel. Or, dès le début, la CGTP-IN n'a pas tenu la place à laquelle elle avait droit conformément à l'article 5 susmentionné et elle a rendu ainsi impraticable la consultation simultanée de tous les partenaires sociaux.
  4. 181. Par ailleurs, d'après le gouvernement, des indices révélés par les structures syndicales des affiliés à la CGTP-IN ont indiqué clairement l'absence d'intérêt de la CGTP-IN à l'égard de sa participation à la Commission nationale de l'apprentissage. Ainsi, une fédération affiliée à la CGTP-IN a refusé de prendre place au sein du Centre de formation professionnelle en alimentation et boissons où elle était invitée à participer sous prétexte qu'une organisation syndicale affiliée à l'autre centrale syndicale y était représentée.
  5. 182. Le gouvernement conclut en indiquant que la responsabilité du défaut de consultation incombe à la CGTP-IN elle-même qui, soit directement dans le cadre du Conseil permanent de la concertation sociale, soit indirectement dans le cadre du centre de formation professionnelle susmentionné, s'est mise en marge du tripartisme. Pour le gouvernement, quiconque adopte une position contraire aux objectifs qu'il se propose d'atteindre manque de légitimité pour formuler une plainte, et l'allégation de la confédération plaignante manque donc de fondement.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 183. Le comité observe que la présente plainte porte sur les conditions de mise en place d'un organe tripartite par le gouvernement.
  2. 184. L'organisation plaignante fait valoir qu'elle n'a même pas été consultée lors de la désignation des membres non gouvernementaux d'une commission nationale chargée de définir et de mettre en oeuvre les politiques d'apprentissage. Le gouvernement rétorque que l'organisation plaignante s'est elle-même mise en marge du cadre institutionnel tripartite en refusant de participer au Conseil permanent de la concertation sociale où une place lui était réservée aux termes de la loi ainsi qu'au Centre de formation professionnelle en alimentation et boissons où elle était invitée à participer au motif de la présence dans ces organismes d'une organisation syndicale rivale.
  3. 185. Si la rivalité intersyndicale n'entre pas dans le champ des conventions sur la liberté syndicale et si le comité estime inopportun d'examiner les conflits de compétence entre les syndicats, il n'en demeure pas moins que, même si la CGTP-IN a refusé de participer au tripartisme mis en place par le gouvernement et en particulier au Conseil permanent de concertation sociale, le gouvernement aurait dû consulter la CGTP-IN dont il précise lui-même qu'elle jouit d'une représentativité considérable lors de la désignation des membres travailleurs de la Commission nationale d'apprentissage.
  4. 186. Le comité veut croire que toute décision concernant la participation des organisations de travailleurs à un organisme tripartite se prendra à l'avenir en pleine consultation avec l'ensemble des organisations syndicales ayant une représentativité déterminée selon des critères objectifs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 187. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, la conclusion suivante:
    • Le comité veut croire que toute décision concernant la participation des organisations de travailleurs à un organisme tripartite se prendra à l'avenir en pleine consultation avec l'ensemble des organisations syndicales ayant une représentativité déterminée selon des critères objectifs.
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