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Interim Report - Report No 241, November 1985

Case No 1326 (Bangladesh) - Complaint date: 02-APR-85 - Closed

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  1. 806. La Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux dans une communication datée du 3 avril 1985. Le Sramik Karmachari Okkya Parishad, conjointement avec quatorze fédérations syndicales du Bangladesh, a présenté sa plainte le 27 mai 1985: il s'agit des fédérations des travailleurs du Bangladesh, de Kendra, de Sangha, de Jatio Sramik, de Ganatantrik Sramik Andolon, de Jatio Sramik League, de Samaj Tandrik Sramik, de Jatio Sramik Jote, de Sangukta Sramik de Jatio Sramik League - Bangladesh, de Bangla Sramik, de Bangladesh Sramik et de Jatiotabadi Sramik Dal. Le gouvernment a répondu dans une communication en date du 29 juin 1985.
  2. 807. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndicale, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; en revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 808. Dans sa communication du 3 avril 1985, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement allègue l'arrestation, au début de mars 1985, de plusieurs enseignants, dont MM. Shareful Islam et Ppal Abdul Mannan, respectivement président et secrétaire général de l'Association de l'enseignement supérieur du Bangladesh (BCTA), affiliée à l'organisation plaignante, après la remise en vigueur de la loi martiale, le 1er Mars 1985. Le plaignant indique que les intéressés ont été condamnés à une peine d'emprisonnement d'un mois en application de la loi no 74 sur les pouvoirs spéciaux. Il souligne que M. Shareful Islam a déjà fait l'objet dans le passé d'une peine d'emprisonnement de plusieurs mois en raison de ses activités syndicales. Il dénonce la violation, par le gouvernement du Bangladesh, des conventions nos 87, 98 et 151 de l'OIT et de la Recommandation commune OIT/UNESCO de 1966 concernant la condition du personnel enseignant. Il exprime sa crainte de voir l'emprisonnement se prolonger et demande l'arrêt de la procédure et la libération des enseignants arrêtés.
  2. 809. Dans la communication du 27 mai 1985 présentée conjointement par 15 fédérations syndicales du Bangladesh au total, il est allégué que la gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 en décrétant la loi martiale le 1er mars 1985. Selon ces fédérations, les activités syndicales sont désormais interdites, tout comme les réunions, la négociation collective et les grèves.
  3. 810. Les plaignants déclarent que le gouvernement a arrêté de nombreux syndicalistes sans en donner la raison et que les intéressés sont demeurés en prison ces derniers mois sans passer en jugement.
  4. 811. Les plaignants se réfèrent, plus précisément, aux textes législatifs suivants qui, selon eux, violent la liberté syndicale: l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles (qui limite le droit, pour les membres de la fonction publique et pour le personnel de direction, d'adhérer à des syndicats et qui ne permet d'être élus en vue d'occuper une charge syndicale qu'à ceux qui sont employés dans les établissements visés); l'article 10 du règlement de 1977 sur les relations professionnelles (par lequel le Greffier des syndicats est habilité à pénétrer dans les locaux syndicaux et à les inspecter et à consulter et saisir tout document s'y trouvant). Les plaignants allèguent en outre que le personnel du secteur public et les fonctionnaires n'ont pas le droit de négociation collective.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 812. Dans sa communication du 29 juin 1985, le gouvernement déclare qu'il n'existe pas au Bangladesh de syndicat qui soit enregistré sous le nom d'"Association de l'enseignement supérieur du Bangladesh" et que MM. Shareful Islam et Abdul Mannan ne sont pas connus pour être des dirigeants syndicaux.
  2. 813. En outre, selon le gouvernement, la loi interdit toute activité syndicale aux organisations qui n'ont pas été enregistrées en application de l'ordonnance sur les relations professionnelles; de plus, de telles activités constitueraient un délit pénal. Toutefois, aucune poursuite n'a été engagée par le Greffier des syndicats contre les personnes en question. Le gouvernement indique qu'il est en train d'examiner très soigneusement l'affaire et qu'il fournira des informations détaillées à ce sujet à brève échéance.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 814. Le comité note que le présent cas concerne la remise en vigueur de la loi martiale au Bangladesh le 1er mars 1985 et l'allégation selon laquelle plusieurs enseignants auraient été arrêtés par la suite, dont deux dirigeants syndicaux, MM. Shareful Islam et Abdul Mannan. Les plaignants allèguent en outre que la législation du travail en vigueur ne respecte pas les principes de la liberté syndicale.
  2. 815. Le comité observe que, bien que l'un des plaignants prétende que M. Shareful Islam ait été arrêté en raison de ses activités syndicales, le gouvernement nie que les deux personnes nommément désignées soient connues dans les milieux syndicaux comme étant des dirigeants syndicaux et déclare qu'aucune poursuite n'a été engagée contre eux par le Greffier des syndicats. Le gouvernement souligne égalment qu'il n'existe pas de syndicat enregistré sous le nom de leur organisation, à savoir l'Association des l'enseignement supérieur du Bangladesh. A cet égard, le comité rappelle qu'il a déjà eu l'occasion d'examiner des allégations analogues formulées contre le gouvernement du Bangladesh et concernant M. Shareful Islam, lorsque celui-ci était secrétaire général de l'Association de l'enseignement supérieur du Bangladesh (cas no 1246 examiné par le comité dans son 234e rapport, paragr. 66 à 74, approuvé par le Conseil d'administration à sa 226e session, en mai-juin 1984). Dans le cas en question, le gouvernement avait à la fois reconnu l'existence de l'organisation syndicale en cause et le rôle de M. Islam dans cette organisation.
  3. 816. Le comité déplore que les organisations plaignantes, bien qu'elles aient eu la possibilité de la faire, n'aient pas fourni davantage d'informations au sujet des circonstances dans lesquelles ont été opérées les arrestations alléguées, et notamment celle de MM. Abdul Mannan et Islam. Toutefois, étant donné que, du moins dans le cas de M. Islam, ce sont son rôle et ses activités de syndicaliste qui ont été mentionnées comme seul base des mesures prises contre lui, le comité tient à souligner qu'en pareil cas il a estimé que c'était au gouvernement qu'il encombait de montrer que les mesures prises contre lui n'étaitent nullement liées aux activités syndicales de celui auquel elles étaient appliquées. (Voir, par example, 103e rapport, cas no 536 (Gabon), paragr. 292.) Etant donné que le gouvernement s'est engagé à fournir des informations complémentaires, le comité espère qu'il incombait de montrer que les mesures prises par lui n'étaient nullement liées aux activités syndicales de celui auquel elles étaient appliquées. (Voir, par example, 103e rapport, cas no 536 (Gabon), paragr. 292.) Etant donné que le gouvernement s'est engagé à fournir des informations complémentaires, le comité espère qu'il obtiendra ainsi des renseignements lui permettant de déterminer si des arrestations ont été opérées (et, dans l'affirmative, pour quelles raisons et sur la base de quel texte législatif, c'est-à-dire en vertu de la loi no 74 sur les pouvoirs spéciaux, de l'ordonnance sur les relations professionnelles, ou d'autres dispositions législatives), de façon qu'il puisse tirer des conclusions sur cet aspect du cas en pleine connaissance de cause.
  4. 817. Quant à l'allégation relative aux restrictions des droits syndicaux découlant de la remise en vigueur de la loi martiale et aux restrictions spécifiques qui visent les membres de la fonction publique et leurs droits d'association et de négociation collective contenues dans la législation du travail le comité note que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT, dans son examen de 1985 concernant le respect par le gouvernement du Bangladesh des obligations découlant des conventions nos 87 et 98, a relevé à divers égards des divergences entre les droits garantis en vertu de ces conventions et la législation en vigueur.
  5. 818. En particulier, la commission d'experts a noté, dans ses observations touchant l'application de la convention No. 87, qu'aux termes de l'article 2 xxviii) b) de l'ordonnance sur les relations professionnelles la définition du travailleur exclut les personnes employées à des fonctions de direction ou administratives. Elle a relevé que, selon le gouvernement, il n'est pas possible de déterminer les emplois visés par cette disposition ni le nombre de personnes concernées. Tout en rappelant que la convention no 87 ne permet, en vertu de son article 9, d'exclure de son champ d' application que les forces armées et la police, et qu'ainsi les droits qu'elle énonce doivent être aussi reconnus aux fonctionnaires et au personnel de direction, la commission d'experts a prié le gouvernement d'adopter les mesures appropriées pour garantir à ces catégories de travailleurs l'application des principes de la convention. La commission d'experts a aussi fait observer que l'article 7A 1) a) ii) et b) de l'ordonnance sur les relations professionnelles limitait le droit de s'affilier à un syndicat ou de participer à la direction d'un syndicat aux personnes effectivement employées dans l'enterprise ou le groupe d'enterprises concernés. La commission avait consideré qu'une telle disposition limite les droits des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier (article 2 de la convention no 87), d'élire librement leurs répresentants et d'organiser leur gestion et leurs activités (article 3). Elle a noté avec intérêt que le gouvernement déclarait être disposé à examiner ces dispositions et que des mesures d'assouplissement étaient à l'étude. La commission a rappelé que le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s'y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition des syndicats; elle a estimé en outre que les conditions restrictives à la fonction de dirigeant syndical représentaient une ingérence dans les affaires internes des syndicats. La commission exprimait donc l'espoir que ces dispositions seraient abrogées dans un proche avenir. En outre, la commission d'experts a relevé qu'aux termes de l'article 10 du Règlement de 1977 sur les relations professionnelles le greffier ou tout agent mandaté par lui avait le droit de pénétrer à l'intérieur des locaux d'un syndicat ou d'une fédération, de consulter et de saisir tout dossier, registre ou autre document. Cette procédure qui accorde à une autorité administrative un pouvoir étendu de contrôle sur les affaires internes d'un syndicat est, selon la commission d'experts, incompatible avec le droit des travailleurs d'organiser leur gestion interne (article 3 de la convention no 87). La commision a de nouveau prié le gouvernement de réexaminer la disposition en question.
  6. 819. Dans les observations qu'elle a formulées en 1985 touchant l'application par le gouvernement du Bangladesh de la convention no 98, la commission d'experts a souligné qu'en vertu de l'article 4 de cette convention il appartenait au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire, et elle a rappelé que, dans ses précédentes demandes directes, elle avait relevé qu'aux termes de la loi no X de 1974 sur les industries de transformation appartenant à l'Etat, le gouvernement pouvait fixer les salaires et les autres conditions d'emploi (congés) pour tout travailleur employé dans ce secteur. Se référant à son étude d'ensemble présentée à la 69e session (1983) de la Conférence internationale du Travail, en particulier au paragraphe 311, la commission d'experts a souligné que le droit de négocier librement avec les employeurs et leurs organisations des salaires et des conditions d'emploi constitue un aspect fondamental de la liberté syndicale et que si, pour des raisons impérieuses d'intérêt national économique, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut être fixé librement par voie de convention collective, une telle restriction devrait être appliqée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, ne devrait pas excéder une période raissonable et devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. Elle priait donc le gouvernement de réexaminer la situation à la lumière des commentaires ci-dessus en vue de rétablir la négociation volontaire dans le secteur intéressé.
  7. 820. Malgré l'absence de réponse spécifique de la part du gouvernement touchant l'aspect législatif du cas, le comité ne peut que rappeler la demande de la commission d'experts priant le gouvernement de réexaminer la situation sur le plan législatif en vue d'aligner la législation sur les principes de la liberté syndicale. Il prend notamment cette décision du fait que dans des cas qu'il a examinés auparavant (voir 235e et 238e rapport, cas nos 997, 999 et 1029 (Turquie), paragr. 33 et 36), il a déjà souligné que la loi martiale était incompatible avec le plein exercice des droits syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 821. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Vu l'absence d'information de la part des plaignants et du gouvernement concernant l'allégation relative à l'arrestation de deux dirigeants d'un syndicat d'enseignants nommément désignés, le comité exprime l'espoir que la réponse que le gouvernement s'est engagé à lui adresser, lui fournira les éclaircissements nécessaires pour qu'il soit en mesure de parvenir à des conclusions sur cet aspect du cas en pleine connaissance de cause.
    • b) Le comité rappelle la demande de la commission d'experts - formulée dans le cadre de son examen de 1985 de l'application par le gouvernement des conventions nos 87 et 98 - invitant le gouvernement à réexaminer la situation sur le plan législatif touchant le droit d'organisation du personnel de direction et du personnel administratif, l'élection à une charge syndicale, le droit de regard des autorités administratives sur les affaires internes des syndicats et la négociation collective dans les industries de transformation appartenant à l'Etat, de façon à aligner la législation sur les principes de la liberté syndicale.
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