ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Interim Report - Report No 246, November 1986

Case No 1327 (Tunisia) - Complaint date: 02-APR-85 - Closed

Display in: English - Spanish

  1. 313. Le comité a déjà examiné ce cas à sa réunion de février 1986, où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 243e rapport, paragr. 489 à 554, approuvé par le Conseil d'administration à sa 232e session (mars 1986).)
  2. 314. Depuis lors, le BIT a reçu des plaignants les communications suivantes: Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE): 13 mars, 15 avril, 28 et 29 mai, 16 juin 1986; Confédération internationale des syndicats libres (CISL): 5 mai 1986; Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE): 30 mai et 18 juin 1986. Pour sa part, le gouvernement a fourni ses observations dans des communications des 20 mai et 29 octobre 1986.
  3. 315. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 316. Le présent cas avait pour origine le différend survenu entre l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et le gouvernement tunisien au sujet de la détermination des salaires. Par la suite, le conflit avait largement débordé le cadre initial de ce problème de négociation collective, et la situation s'était considérablement dégradée suite aux grèves organisées par l'UGTT et aux mesures répressives qui, selon les plaignants, auraient été prises par les autorités: réquisition du personnel en grève, utilisation de personnes étrangères au service pour remplacer les grévistes, licenciements de grévistes, arrestations et condamnations de travailleurs à des peines d'emprisonnement, interdiction des assemblées générales syndicales dans les entreprises, entraves à des réunions syndicales, suspension du journal de l'UGTT, suppression de la retenue des cotisations syndicales à la source et des détachements de fonctionnaires dans les services permanents de l'UGTT, occupation des locaux de l'UGTT par des comités syndicaux provisoires avec l'appui des forces de l'ordre.
  2. 317. Devant la gravité du conflit, une rencontre entre le ministre du Travail et le bureau exécutif élargi de l'UGTT avait abouti, le 4 décembre 1985, à un accord qui prévoyait:
  3. 1) la libération des syndicalistes arrêtés;
  4. 2) la réintégration des travailleurs licenciés;
  5. 3) le renouvellement des structures syndicales, et
  6. 4) la reprise des négociations sur l'ensemble des points en litige. Toutefois, les plaignants avaient estimé que le gouvernement n'avait pas commencé à mettre en oeuvre l'accord ainsi conclu.
  7. 318. Enfin, de nouvelles allégations avaient fait état de l'arrestation puis de la condamnation à une peine d'emprisonnement de M. Habib Achour, secrétaire général de l'UGTT, ainsi que de six autres syndicalistes.
  8. 319. Le comité avait en outre été informé du déroulement d'une mission du BIT, dirigée par M. Bertil Bolin, Directeur général adjoint, qui s'était rendue en Tunisie du 16 au 18 février 1986 en vue de contribuer à la recherche de solutions aux problèmes soulevés en relation avec les plaintes en instance contre la Tunisie.
  9. 320. A sa session de mars 1986, le Conseil d'administration avait approuvé les conclusions suivantes du comité:
    • "a) D'une manière générale, le comité exprime sa préoccupation devant la gravité de la tension sociale que les mesures ayant fait l'objet des allégations ont provoquée, en particulier l'occupation des locaux syndicaux. Il estime que les problèmes actuels ne pourront être résolus durablement et efficacement que si les organisations participant au dialogue social sont fortes et réellement libres et indépendantes, ce qui suppose en particulier que l'UGTT puisse mener ses activités sans contrainte et dans le respect de ses statuts.
    • b) Le comité estime primordial que des négociations entre les parties à l'accord du 4 décembre 1985 reprennent en vue d'examiner sa mise en oeuvre rapide et intégrale. Il considère également que le BIT pourrait utilement, si les parties en présence le souhaitent, continuer à contribuer à trouver une issue au conflit sur la base des principes de l'OIT en matière de liberté syndicale rappelés par le comité dans ses conclusions.
    • c) Le comité prie donc le gouvernement d'étudier la possibilité d'une mise en pratique de ces recommandations et de lui fournir des informations sur toute mesure qui serait prise en vue de favoriser la réintégration des grévistes licenciés, la libération des syndicalistes emprisonnés, l'amnistie des travailleurs condamnés, la levée des interdictions de réunions syndicales et de la suspension du journal de l'UGTT ainsi que le réexamen des questions concernant la retenue des cotisations syndicales à la source et le détachement des fonctionnaires dans les organisations syndicales.
    • d) Le comité prie le gouvernement de transmettre ses observations au sujet de la récente condamnation de syndicalistes de l'UGTT, dont M. Habib Achour, et sur leurs conditions de détention.
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur les allégations concernant l'occupation des locaux de l'UGTT."

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 321. Dans sa communication du 13 mars 1986, la CMOPE fournit des listes de 51 instituteurs syndicalistes et de 14 directeurs d'écoles primaires, licenciés, selon elle, à la suite de l'occupation des locaux de l'UGTT et du Syndicat général de l'enseignement primaire.
  2. 322. Dans sa communication du 15 avril 1986, la CMOPE indique que, comme l'accord du 4 décembre 1985 entre le gouvernement et l'UGTT n'a toujours pas été mis en oeuvre, les locaux du Syndicat général de l'enseignement primaire (SGEP) et du Syndicat général de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SNESRS) sont occupés et ne sont pas ouverts aux membres de ces syndicats.
  3. 323. La CMOPE signale également que le secrétaire général du SNESRS, Moncef Ben Slimane, a été arrêté le 18 février 1986. Par la suite, il a été mis en résidence surveillée jusqu'au 1er mars 1986. Avant d'être arrêté, il avait été, selon la CMOPE, licencié de son poste à l'université. En outre, après qu'une grève eut été organisée à l'université pour protester contre l'arrestation du secrétaire général du SNESRS, le syndicat a été déclaré illégal par le ministre de l'Enseignement supérieur, dans un communiqué à la presse. En conséquence, aucune discussion ni négociation n'a été menée avec le SNESRS. La CMOPE déclare enfin que toutes les réunions syndicales dans les locaux de l'université ont été interdites.
  4. 324. La CMOPE joint à sa communication une liste de professeurs de l'enseignement secondaire sanctionnés en raison du conflit entre le gouvernement et les syndicats: 12 licenciés, 3 suspendus, 7 enrôlés dans l'armée et 5 transférés.
  5. 325. Dans sa communication du 5 mai 1986, la CISL déclare que la situation sociale en Tunisie s'est encore aggravée. Ainsi, plusieurs dizaines de syndicalistes de l'UGTT sont détenus, parmi lesquels Habib Achour, qui a été condamné à deux années de prison supplémentaires. Des centaines de militants restent, selon la CISL, licenciés pour activités permanentes. Les dirigeants légitimes de l'UGTT sont sous surveillance permanente ou semi-permanente de la police, et les passeports de la plupart d'entre eux sont confisqués.
  6. 326. La CISL ajoute que les comités provisoires qui s'opposent aux dirigeants légitimes de l'UGTT ont organisé, les 29 et 30 avril 1986, un congrès extraordinaire, en usurpant le nom de l'UGTT avec le plein soutien du gouvernement. Pour la CISL, la tenue même de ce congrès ainsi que la reconnaissance de la nouvelle direction par les autorités montrent clairement que le gouvernement s'est ingéré dans les affaires internes de l'UGTT en violation de l'autonomie de cette organisation et des principes de la liberté syndicale.
  7. 327. Dans sa communication du 28 mai 1986, la CMOPE allègue que, le 21 avril 1986, M. Moncef Ben Slimane, secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SNESRS), a été arrêté et détenu pendant neuf jours par la police. Le 2 mai 1986, le comité administratif du syndicat a publié une déclaration condamnant les pratiques policières à l'université. M. Ben Slimane était absent de la réunion, mais sa signature a été utilisée dans la déclaration. Celle-ci est à la base de l'inculpation retenue contre lui le 24 mai 1986, après qu'il eut été de nouveau arrêté, le 14 mai. Pour la CMOPE, il s'agit là d'une violation de l'article 1 de la convention no 98 accordant une protection contre les actes de discrimination antisyndicale.
  8. 328. La FISE se réfère également, dans sa communication du 30 mai 1986, à l'arrestation de M. Moncef Ben Slimane et estime qu'elle constitue un nouvel épisode de la tentative du gouvernement de briser le mouvement syndical indépendant.
  9. 329. Dans sa communication du 29 mai 1986, la CMOPE indique que les délégués au congrès de l'UGTT des 29 et 30 avril 1986 ont été désignés lors de réunions convoquées par le parti au pouvoir, le Parti socialiste destourien. Elle joint à sa lettre copie d'une convocation à une réunion de ce type et déclare qu'aucun syndicaliste ne participait à ces réunions. Elle signale également que le nouveau secrétaire général désigné pendant le congrès était directeur d'une grande entreprise, "Les Fonderies réunies", et représentant employeur. Elle allègue enfin que, pendant le congrès, les statuts de l'UGTT ont été modifiés et que tous les mots tels que "justice", "social", "autonomie", "indépendant", "patriotisme" ont été biffés.
  10. 330. Dans sa communication du 16 juin 1986, la CMOPE apporte des précisions sur l'arrestation et l'inculpation de M. Moncef Ben Slimane. Elle fournit notamment le texte de la déclaration de la commission exécutive du SNESRS à l'origine de l'inculpation. Cette déclaration critique la violence exercée par la police dans l'enceinte universitaire, exige des enquêtes sur ces violences et l'ouverture d'un dialogue avec le syndicat pour trouver une solution aux problèmes de l'université. La CMOPE explique que cette motion a été portée au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique par une délégation du syndicat. Elle n'a pas été publiée dans la presse, mais le ministère l'a directement transmise aux services du ministère de l'Intérieur et, sur la base de ce texte, M. Ben Slimane a été accusé de diffamation envers les forces de l'ordre et des organes officiels.
  11. 331. Dans sa communication du 18 juin 1986, la FISE déclare que M. Ben Slimane a été condamné à un an de prison.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 332. Dans sa réponse du 20 mai 1986, le gouvernement rappelle que ses difficultés avec l'UGTT ont commencé en avril 1985, à la suite d'une divergence de points de vue à propos de l'interprétation de certaines dispositions de la législation relatives aux modalités de détermination des salaires. Selon le gouvernement, cette divergence n'est pas anormale mais plutôt habituelle pour un pays qui a opté pour la négociation collective dans le cadre du respect des principes de la liberté syndicale et où les organisations syndicales sont puissantes et jouissent de toutes les garanties d'autonomie et d'indépendance dans l'exercice de leurs activités. Le gouvernement a attiré l'attention, dans une note, sur les dangers d'une liaison exclusive de l'augmentation des salaires à l'accroissement des prix, comme l'a demandé l'UGTT, et a proposé, compte tenu des circonstances exceptionnelles que connaît l'économie du pays du fait de l'impact de la crise économique internationale, que toute augmentation des salaires soit liée, entre autres, à l'évolution de la production et de la productivité. Cette crise économique devrait normalement susciter une certaine solidarité entre les partenaires sociaux en acceptant un partage juste et équitable des sacrifices causés par les difficultés économiques rencontrées.
  2. 333. Or, poursuit le gouvernement, devant cette situation et malgré la volonté du gouvernement de continuer le dialogue en vue de parvenir à une entente sur les problèmes en suspens au moment où le pays a besoin, plus que jamais, d'une paix sociale, certains dirigeants de l'UGTT ont refusé catégoriquement de se concerter sur les propositions avancées par le gouvernement, ont durci leur position et se sont obstinés à revendiquer une augmentation des salaires non assortie de conditions, ce qui a aggravé la tension sociale.
  3. 334. En outre, devant les problèmes causés par l'expulsion massive des travailleurs tunisiens régulièrement installés en Libye, certains dirigeants de l'UGTT, au lieu de surseoir à la série de grèves programmées durant le mois d'août 1985, tout en continuant à négocier avec le gouvernement, ont durci davantage leur position, ignorant l'appel du gouvernement les invitant à annoncer une trève conjoncturelle pour conjurer les périls extérieurs menaçant le pays.
  4. 335. Malgré cette attitude négative des dirigeants de l'UGTT et l'aggravation continue de la tension sociale, le gouvernement a réaffirmé son attachement au dialogue franc et responsable et sa volonté de surmonter les difficultés. C'est ainsi que le ministre du Travail a tenu une réunion, le 9 novembre 1985, avec le bureau exécutif de l'UGTT. Cette rencontre, qui s'est déroulée dans une atmosphère sereine et de nature à favoriser la continuité du dialogue, a permis de décongestionner la tension qui s'est traduite par la libération de certains syndicalistes et la réintégration des travailleurs licenciés, et une certaine accalmie a été observée.
  5. 336. Le gouvernement ajoute qu'entre-temps et dans la plupart des régions du pays, des syndicalistes de l'UGTT ont commencé à critiquer les positions rigides de leurs dirigeants et la politisation excessive de leur organisation et ont entrepris une action de redressement de grande envergure se traduisant par la création des comités syndicaux provisoires. Fidèle à la tradition d'autonomie des organisations syndicales, le gouvernement s'est abstenu de toute ingérence dans cette affaire qu'il considère comme une affaire purement interne entre syndicalistes de l'UGTT. Il a proclamé qu'il appartient aux syndicalistes eux-mêmes de résoudre les problèmes de leur centrale et de décider de son avenir, à l'abri de toute ingérence extérieure.
  6. 337. Malgré cette crise interne, poursuit le gouvernement, celui-ci a continué à dialoguer avec l'UGTT. A cet effet, le ministre du Travail a tenu une réunion avec le bureau exécutif de l'UGTT, le 4 décembre 1985, à l'issue de laquelle un communiqué a été publié. Ce communiqué, accueilli favorablement par toutes les parties, représente une base solide pour trouver une solution aux différends par un dialogue concret et responsable. Evidemment, lors de la mise en oeuvre des principes énoncés par ce communiqué, des difficultés sont apparues. Ces difficultés sont liées, en partie, au contenu du communiqué lui-même, qui nécessite une collaboration étroite entre toutes les parties intéressées afin de préciser ses termes et les modalités de sa mise en oeuvre. En outre, ces difficultés sont encore aggravées par l'absence d'un accord au sein du bureau exécutif de l'UGTT sur la méthode à suivre pour réaliser la normalisation.
  7. 338. En effet, selon le gouvernement, les divergences entre les responsables de l'UGTT dans la mise en oeuvre dudit communiqué ont amené certains d'entre eux à mettre en cause et à dénoncer le communiqué du 4 décembre 1985. C'est ainsi que la commission administrative a remis en cause, lors de sa réunion du 12 janvier 1986, la décision prise par le bureau exécutif élargi de l'UGTT de remplacer M. Habib Achour, à la tête de l'UGTT, par M. Sadok Allouche. Ce dernier a été désigné comme secrétaire général par le bureau exécutif élargi, seule instance habilitée à répartir les responsabilités au sein du bureau exécutif. En outre, cette réunion du 12 janvier 1986, qui s'est tenue en l'absence de huit membres du bureau exécutif de l'UGTT, a semé la confusion dans les rangs des responsables syndicaux dont la plupart ont contesté la décision de la commission administrative.
  8. 339. Malgré cela et durant plusieurs semaines, les contacts n'ont jamais été rompus et des consultations se sont poursuivies entre les différentes parties concernées par la normalisation syndicale. Dépassant le simple problème de la normalisation syndicale et à l'occasion de la célébration du quarantième anniversaire de la fondation de l'UGTT (le 20 janvier 1986), le Président de la République, devant la persistance des menaces extérieures et dans un élan de solidarité, a lancé un appel à tous les travailleurs et tous les syndicalistes, avec leurs diverses sensibilités, en vue d'unifier l'action syndicale au sein d'une "organisation forte, glorieuse et représentative" et qui contribue, comme par le passé, avec les autres organisations nationales, à la réussite de l'oeuvre de développement.
  9. 340. Par la même occasion, le Premier ministre a convié toutes les organisations centrales de travailleurs (Union nationale des travailleurs tunisiens et UGTT), y compris les membres du bureau exécutif de l'UGTT, dans le but de parvenir à une entente nationale au niveau du mouvement syndical, qui est considérée comme la voie la plus sûre et qui correspond au mieux à la réalité tunisienne. Les membres du bureau exécutif ont refusé d'assister à cette réunion. Mais des consultations se sont poursuivies entre les différentes sensibilités en vue de l'unification du mouvement syndical en Tunisie.
  10. 341. De par son attachement au dialogue et à la concertation, le gouvernement a accepté les missions du Bureau international du Travail et de la CISL et leur a fourni toutes informations utiles sur la réalité de la situation syndicale en Tunisie afin d'aider à trouver une solution aux problèmes en suspens.
  11. 342. Par ailleurs, la persistance de la crise interne syndicale a amené les syndicalistes organisés au sein des comités provisoires à organiser un congrès extraordinaire de l'UGTT, qui s'est tenu les 29 et 30 avril 1986, et a élu un nouveau bureau exécutif de la centrale syndicale.
  12. 343. Le gouvernement ajoute qu'il demeure déterminé à oeuvrer, comme il l'a toujours fait, pour une politique contractuelle qui concilie la défense des CMS intérêts professionnels des travailleurs et l'intérêt de la nation, dans le cadre d'une concertation constructive et dans le respect de l'autonomie des organisations syndicales. A cet égard et à l'occasion de la célébration de la fête du travail, le gouvernement a annoncé, le 1er mai 1986, une série de mesures sociales (revalorisation des allocations familiales, relèvement du SMIG et du SMAG, etc.) visant à améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs, et ce en dépit de la conjoncture difficile que traverse l'économie du pays. Ce qui prouve une fois encore que la politique sociale de la Tunisie reste toujours progressiste et profondément attachée à l'instauration d'une paix sociale durable dans le cadre d'un dialogue franc, constructif et responsable.
  13. 344. En conclusion, le gouvernement déclare qu'il demeure profondément attaché à l'existence d'organisations syndicales de travailleurs autonomes et responsables et à la consolidation du dialogue social à tous les niveaux et dans tous les domaines.
  14. 345. A propos des allégations concernant l'arrestation de syndicalistes dont la liste avait été annexée au rapport antérieur du comité sur le présent cas, le gouvernement indique que tous les syndicalistes mentionnés dans cette liste sont en liberté et qu'aucun d'entre eux ne fait actuellement l'objet de poursuites pénales. Il précise que toutes les mesures judiciaires prises dans ces cas l'ont été par des juridictions de droit commun pour des infractions de droit commun n'ayant aucune relation avec l'exercice du droit syndical.
  15. 346. Au sujet des mesures prises à l'encontre d'enseignants, le gouvernement déclare que des mesures disciplinaires ont été prises par le conseil de discipline, conformément à la législation en vigueur régissant le statut de l'enseignant, contre ceux qui ont commis des infractions graves d'ordre professionnel. Il ajoute que certains ont déjà réintégré leur poste.
  16. 347. Dans sa communication du 29 octobre 1986, le gouvernement signale que le Président de la République, fidèle aux principes d'unité et de solidarité, a lancé un appel à tous les travailleurs et syndicalistes dans leurs diverses sensibilités pour unifier l'action syndicale au sein d'une "organisation forte, glorieuse et représentative", seule à même de permettre la poursuite et la réussite de l'oeuvre de développement. C'est également, poursuit-il, par attachement aux principes de justice et d'amélioration continue du bien-être du citoyen tunisien que le gouvernement a pris une série de mesures sociales visant à préserver le pouvoir d'achat des travailleurs et à améliorer les revenus des catégories les plus démunies, et ce en dépit de la conjoncture économique difficile que traverse la Tunisie due, entre autres, à la crise économique qui sévit dans le monde.
  17. 348. Depuis cet appel, indique le gouvernement, des réunions et des consultations se sont engagées entre les deux centrales syndicales (UGTT et UNTT) et ont abouti, le 9 septembre 1986, à la proclamation de la réunification des deux organisations dans l'Union générale tunisienne du travail. Cet accord fait état de la volonté de la base la plus large de syndicalistes d'oeuvrer au sein d'une "organisation syndicale puissante, unifiée et indépendante" rassemblant toutes les forces vives et tous les syndicalistes de bonne volonté, comme il souligne le souci des syndicalistes de "réunir les conditions favorables" permettant à l'UGTT de consacrer sa nouvelle conception de l'action syndicale fondée sur la participation consciente, l'attachement à l'authenticité et la loyauté envers les travailleurs et leurs causes.
  18. 349. Les deux organisations ont également décidé la tenue d'un congrès national pour le 20 janvier 1987 (date anniversaire de la création de l'UGTT). Dans le cadre des préparatifs à ce congrès, la nouvelle structure provisoire de l'UGTT, composée des membres des anciens bureaux exécutifs de deux organisations ouvrières, s'est réunie le 24 septembre 1986 et a procédé à l'examen d'un ensemble de questions intéressant la concrétisation de l'unité syndicale, la situation syndicale générale dans le pays ainsi que l'élaboration de la Charte nationale syndicale.
  19. 350. Au sujet de la condamnation d'Habib Achour, le gouvernement déclare que celle-ci a été prononcée par les tribunaux compétents pour des infractions de droit commun, à la suite d'une plainte présentée par le Directeur de la coopérative ouvrière de production "Cosoup" dont les locaux ont été pénétrés par effraction par M. Habib Achour et un groupe de ses collaborateurs, d'une part, et pour mauvaise gestion au sens de l'article 86 du Code du commerce, d'autre part.
  20. 351. Pour ce qui est de M. Moncef Ben Slimane, le gouvernement explique que l'intéressé a été recruté en qualité d'assistant stagiaire; conformément au statut de l'enseignement supérieur, il devrait effectuer un stage de deux ans au minimum aux termes desquels il peut être soit confirmé définitivement et titularisé, soit remercié. Au cours de ce stage, M. Ben Slimane a commis un très grave acte d'insubordination à l'égard d'un haut fonctionnaire de son ministère de tutelle, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. En conséquence, estime le gouvernement, les textes tunisiens ont été scrupuleusement respectés et son renvoi est juridiquement fondé. Malgré cette décision de renvoi qui lui a été signifiée officiellement, M. Ben Slimane a continué à se rendre au campus et dans plusieurs institutions universitaires. Plusieurs rappels à l'ordre lui ont été faits, mais malgré cela l'intéressé a continué à se rendre dans ces institutions. Au courant du mois de mai 1986, il a été trouvé en possession de tracts subversifs à l'égard du gouvernement; cette activité n'ayant aucun caractère syndical, les tribunaux compétents ont condamné l'intéressé.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 352. Le comité doit constater, à la lumière de la réponse du gouvernement, qu'aucun élément nouveau susceptible de favoriser une solution aux difficultés à l'origine des plaintes formulées dans le présent cas n'est apparu depuis le dernier examen du cas par le comité en février 1986. Certes, le gouvernement indique que les syndicalistes mentionnés dans les listes fournies par les plaignants sont actuellement en liberté et que des enseignants sanctionnés disciplinairement ont réintégré leur poste, mais d'autres mesures intervenues, telles que la condamnation à une nouvelle peine de prison d'Habib Achour et celle prononcée à l'encontre du secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Moncef Ben Slimane, constituent certainement des obstacles majeurs à la reprise d'un dialogue constructif et serein avec une partie importante du mouvement syndical.
  2. 353. A propos de ces condamnations, le comité note que, selon le gouvernement, M. Achour a été condamné pour des délits de droit commun et M. Ben Slimane pour possession de tracts subversifs. Le comité doit cependant relever que ces condamnations sont intervenues à un moment où le gouvernement était en conflit avec les directions syndicales auxquelles appartenaient les intéressés, ce qui, selon les plaignants, expliquerait qu'elles aient été prononcées. Le comité ne peut également manquer d'observer que, selon des informations en sa possession, les faits reprochés à M. Achour dans sa première condamnation remontaient à une période ancienne et que les tracts en la possession de M. Ben Slimane ne faisaient, selon les plaignants, qu'exiger des enquêtes sur les violences exercées dans l'enceinte universitaire. Le comité estime, dans ces conditions, que des mesures d'amnistie en faveur des intéressés seraient de nature à apaiser les esprits.
  3. 354. Au-delà de ces allégations, le comité doit souligner qu'à son avis la solution aux problèmes économiques et sociaux que traverse un pays ne peut être trouvée par la mise à l'écart de courants importants du mouvement syndical. Bien au contraire, seuls le développement d'organisations libres et indépendantes et la négociation avec l'ensemble des composantes du dialogue social peuvent permettre à un gouvernement d'affronter ces problèmes et de les résoudre au mieux des intérêts des travailleurs et de la nation.
  4. 355. Dans cette optique, le comité insiste une nouvelle fois auprès du gouvernement pour que tous les efforts soient entrepris, notamment dans le sens d'une mise en oeuvre de l'accord signé entre le bureau exécutif élargi de l'UGTT et le ministre du Travail le 4 décembre 1985, en vue de réunir les conditions nécessaires au rétablissement d'une situation syndicale conforme aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure qui serait prise en ce sens.
  5. 356. Le comité relève par ailleurs que le gouvernement n'a pas fait dans sa réponse mention des allégations concernant l'occupation des locaux de l'UGTT et la violation des statuts de l'UGTT lors de la convocation et de la tenue du congrès d'avril 1986. Le comité prie donc le gouvernement de communiquer ses observations à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 357. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité, constatant que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations concernant l'occupation des locaux de l'UGTT et la violation des statuts de l'UGTT lors de la convocation et de la tenue du congrès d'avril 1986, le prie de fournir ses observations à cet égard.
    • b) Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur les condamnations de MM. Achour et Ben Slimane. Compte tenu notamment des contradictions entre ses déclarations et celles des plaignants, le comité estime que des mesures d'amnistie en faveur des intéressés seraient de nature à apaiser les esprits.
    • c) Le comité rappelle que seuls le développement d'organisations libres et indépendantes et la négociation avec l'ensemble des composantes du dialogue social peuvent permettre à un gouvernement d'affronter les problèmes économiques et sociaux et de les résoudre au mieux des intérêts des travailleurs et de la nation.
    • d) Le comité insiste donc auprès du gouvernement pour que tous les efforts soient entrepris, notamment dans le sens d'une mise en oeuvre de l'accord signé entre le bureau exécutif élargi de l'UGTT et le ministre du Travail le 4 décembre 1985, en vue de réunir les conditions nécessaires au rétablissement d'une situation syndicale conforme aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure qui serait prise en ce sens.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer