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- 428. Les plaintes du Syndicat unique national du vêtement et de la Plénière intersyndicale des travailleurs-Convention nationale des travailleurs figurent dans des communications des 25 mars et 14 mai 1987, respectivement. SUA-VESTIMENTA a présenté de nouvelles allégations dans des communications des 3 août et 2 septembre 1987. La Fédération syndicale mondiale a appuyé la plainte par une communication du 9 septembre 1987. Le gouvernement a envoyé certaines observations dans des communications des 8 et 23 octobre 1987.
- 429. Dans ses communications, le gouvernement a annoncé l'envoi du rapport d'une commission d'enquête instituée pour établir le bien-fondé des faits allégués devant le Comité de la liberté syndicale. Il a cependant demandé que le comité examine les aspects de la plainte qui concernent le droit de grève des fonctionnaires et des agents publics mentionnés dans la communication des plaignants du 14 mai 1987.
- 430. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 431. Les organisations plaignantes allèguent que la loi no 13720 du 16 décembre 1968, qui selon eux est inconstitutionnelle, porte atteinte dans son article 4 au droit de recourir à la grève puisqu'il dispose que "s'agissant des services publics, y compris ceux qui sont administrés par des particuliers ... la commission (actuellement le ministère du Travail et de la Sécurité sociale) pourra indiquer par une décision motivée ... les services essentiels qui devront être assurés par des équipes d'urgence, sous peine de rendre illicite la grève", ajoutant que, "en cas d'interruption des services essentiels, l'autorité publique pourra édicter les mesures nécessaires pour assurer ces services, en ayant recours au besoin à l'utilisation des biens et à l'engagement des services personnels indispensables à la continuité de ces services, sans préjudice de l'application au personnel concerné des sanctions légales pertinentes". Les plaignants soulignent que, d'après le texte de la loi, tous les services publics pourraient être considérés comme essentiels car le texte n'analyse pas du tout le type d'activité dont il s'agit et ne justifie aucunement pas le caractère essentiel desdits services.
- 432. Les organisations plaignantes ajoutent qu'en application de la loi no 13720, et contrairement aux principes de l'OIT, les services suivants ont été déclarés essentiels: les services de la Direction de la sécurité sociale (décision ministérielle du 28 mai 1986), les services de la Direction nationale des douanes (décision ministérielle du 29 mai 1986), les services de chargement et de déchargement et les activités annexes (décision ministérielle du 25 juin 1986), les services de l'Administration nationale des combustibles, de l'alcool et de "Portland" (ANCAP) (décision ministérielle du 3.12.1986).
- 433. En ce qui concerne les services fournis par la Direction générale de la sécurité sociale, les organisations plaignantes nient qu'il s'agisse de services essentiels au sens strict et signalent que la consultation menée par le ministère du Travail auprès de la PIT-CNT, outre qu'elle a eu lieu à un moment du conflit où le rapprochement des parties paraissait hautement improbable, tendait à obtenir le consensus sur la déclaration du caractère essentiel de ces services. Quant aux services de santé, les organisations syndicales assurent elles-mêmes la continuité du service pendant le conflit par roulement, afin d'éviter des préjudices à la population. De même, dans le plan d'action de grève, l'organisation syndicale avait prévu le paiement des prestations de la sécurité sociale. Par ailleurs, la résolution du ministère dispose que "le maintien des services essentiels exige le fonctionnement de services d'appui qui sont indispensables à cette fin, ce qui leur donne aussi le caractère essentiel". Les services connexes sont ainsi déclarés services essentiels.
- 434. Les organisations plaignantes signalent en ce qui concerne la sécurité sociale que la note du gouvernement invitant au dialogue déterminait d'avance les services essentiels. Malgré ce grave manquement, l'organisation syndicale qui regroupait tous les travailleurs concernés a pris part au dialogue (26.5.86). Le gouvernement a déclaré publiquement qu'"il ne dialoguerait pas avec des factions de travailleurs" et qu'"il ne céderait pas aux revendications" et il a rejeté publiquement la médiation de la Commission de législation du travail de la Chambre des députés. Les faits survenus à la sécurité sociale mettent en évidence l'abus et la déformation des concepts au point d'inclure dans les services essentiels tout le personnel de la colonie de vacances Raigon, soit 26 gardiens, 9 intendants et 18 fonctionnaires du bureau du personnel.
- 435. S'agissant de l'ANCAP, ajoutent les organisations plaignantes, le personnel des remorques de pétroliers a été inclus parmi les services essentiels alors qu'aucun pétrolier n'était attendu avant deux mois; même le travail de peinture des bouées a été considéré comme un service essentiel. En outre, on a voulu exiger du personnel à l'entrée de l'usine qu'il signe une déclaration renonçant à des mesures syndicales; 13 des 17 dirigeants du syndicat se sont vu interdire l'entrée pendant le conflit. Trente travailleurs ont été arrêtés pour avoir obéi aux ordres de grève. A l'issue du conflit de l'ANCAP, il y a eu des sanctions, des poursuites, des transferts et d'autres mesures de discrimination contre les grévistes. L'armée a pris parti contre la grève et pour la position gouvernementale. Les organisations plaignantes joignent en annexe une décision de la Direction de l'ANCAP en date du 18 décembre 1986 infligeant des sanctions aux fonctionnaires qui ont participé au conflit, une autre résolution du 18 décembre 1986 exprimant son approbation aux fonctionnaires qui n'ont pas pris part au conflit, une autre approuvant le paiement d'heures supplémentaires à ces derniers, et une autre encore du 3 décembre 1986 convoquant les fonctionnaires impliqués dans le conflit et déclarant que ceux qui ne se présenteraient pas seraient suspendus.
- 436. Les organisations plaignantes signalent enfin que la loi no 13720 permet de réglementer la grève au moyen d'actes administratifs, autrement dit de limiter un droit fondamental et une liberté publique essentielle par des actes de l'autorité publique, sans recours ni pour le citoyen ni pour les organisations titulaires du droit de grève. Le seul moyen de contester les actes administratifs qui déterminent le caractère essentiel des services est celui des recours ordinaires qui n'ont pas d'effet suspensif (ce qui les transforme en défense inutile); en outre, l'Etat dispose de délais très longs pour se prononcer sur les recours, de sorte que ces derniers, au lieu de constituer une garantie, représentent purement et simplement un déni de justice.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 437. Le gouvernement déclare que l'application de l'article 4 de la loi no 13720 ne confère pas au ministère du Travail et de la Sécurité sociale le pouvoir d'interdire la grève des fonctionnaires publics, mais seulement celui de limiter l'exercice de ce droit en déterminant, le cas échéant, les services essentiels qui devront être assurés par des équipes d'urgence. De l'avis du ministère, ces restrictions concernent les services essentiels au sens strict du terme (ceux dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans une partie ou dans l'ensemble de la population) ainsi que les services qui pourraient devenir essentiels par extension, en raison de l'ampleur des conséquences de leur interruption et des circonstances propres à chaque cas, dans la mesure où elles mettraient en danger les conditions normales d'existence de la population. Par ailleurs, le gouvernement fait valoir une série d'arguments en faveur de la constitutionnalité de l'article 4 de la loi no 13720 et signale que la possibilité prévue dans la Constitution d'introduire un recours en inconstitutionnalité des lois n'a pas été mise en oeuvre à propos de l'article 4 de la loi et que l'organisation plaignante n'a pas fait usage des recours administratifs et judiciaires prévus dans la législation uruguayenne contre les décisions ministérielles qui imposent des services minima dans les quatre cas mentionnés (paiement des prestations de la sécurité sociale, douanes, services de chargement et de déchargement dans les ports et fourniture de combustible et d'alcool). Le gouvernement déclare qu'il souscrit aux principes du comité concernant les conditions d'établissement d'un service minimum et la participation des organisations de travailleurs à sa détermination. Le gouvernement indique que toutes les fois que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a dû faire usage de la faculté que lui confère la loi d'établir les services minima, il a décidé en vain (car l'organisation plaignante estime que la détermination des services minima est la prérogative des organisations de travailleurs elles-mêmes par voie d'autoréglementation) que les représentants des travailleurs devaient être convoqués pour décider des services essentiels à maintenir par des équipes d'urgence pendant les arrêts de travail.
- 438. En ce qui concerne la Direction générale de la sécurité sociale (aujourd'hui la Banque de prévoyance sociale), le gouvernement déclare qu'étant donné que l'interruption du paiement des pensions et autres prestations de sécurité sociale mettait en danger les conditions normales d'existence d'un secteur important de la population et son minimum vital, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a demandé le 19 mai 1986 au Directeur général de la sécurité sociale de convoquer les représentants des travailleurs pour décider des services qui devraient être maintenus par des équipes d'urgence afin d'assurer le paiement des pensions et autres prestations de sécurité sociale et l'assistance en matière de santé. Les représentants des travailleurs ayant refusé leur accord, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, par une décision du 28 mai 1986 prise conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi no 13720, a déclaré services publics essentiels à assurer par des équipes d'urgence le paiement des pensions et retraites, des allocations de chômage et autres prestations en espèces versées directement aux bénéficiaires de la sécurité sociale, ainsi que les services hospitaliers et les soins médicaux. Les équipes d'urgence qui, devant le refus de l'organisation syndicale, ont été décidées unilatéralement par la Direction générale de la sécurité sociale elle-même comprenaient seulement 1.680 fonctionnaires qui représentaient à peine 27 pour cent de l'effectif total. Du reste, les fonctionnaires qui ont refusé de faire partie des équipes d'urgence n'ont fait l'objet que de sanctions disciplinaires administratives.
- 439. Quant à la Direction nationale des douanes, l'activité douanière fait partie de la politique financière de l'Etat à titre de tâche essentielle, c'est-à-dire de tâche de l'Etat inhérente à sa fonction et qui ne peut être exercée que directement par l'Etat lui-même. La Direction nationale des douanes comprend l'ensemble des services des douanes du pays, et ses fonctionnaires ont la qualité d'organes de la puissance publique au sujet desquels le comité a admis l'interdiction de grève. Néanmoins, devant le conflit provoqué par les fonctionnaires de la Direction nationale des douanes, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a estimé que, dans un premier temps, l'interdiction n'était pas de mise et qu'il fallait établir un service minimum pour assurer l'expédition de toutes les denrées périssables et des matières premières et produits finis dont l'absence ou la pénurie pourraient mettre en danger les conditions normales d'existence de la population. A ces fins, le 28 mai 1986, conformément aux conditions générales d'application de l'article 4 de la loi no 13720 établies par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, les représentants des travailleurs ont été convoqués pour déterminer les services à maintenir par des équipes d'urgence. L'Association des fonctionnaires des douanes a répondu par une note de la même date en faisant savoir qu'"il ne lui appartenait pas de déterminer le concept de service essentiel en l'occurrence et que la question devait être tranchée par les organes législatifs ou constitutionnels compétents". Devant ce refus, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, par une décision du 29 mai 1986, dans l'exercice des pouvoirs que lui confère l'article 4 de la loi no 13720, a déclaré qu'il fallait considérer comme services minima les "formalités et documents habituels concernant les opérations d'importation, d'exportation et de transit de marchandises périssables, de matières premières et de produits finis ou semi-finis dont l'absence ou le manque peuvent comporter le risque de provoquer une catastrophe collective pour toute la société ou mettre en danger la vie, la sécurité et la santé des personnes dans une partie ou dans l'ensemble de la population". Aucune sanction n'a été appliquée lors de ce conflit.
- 440. Quant aux services de chargement et de déchargement dans les ports, le gouvernement indique que ces services sont assurés par des travailleurs du secteur privé enregistrés ou inscrits à la bourse du travail et qu'il incombe à l'Administration nationale des services de chargement (ANSE) d'administrer et de contrôler ces registres. Le conflit collectif qui a fait l'objet de la résolution visée dans la présente plainte et qui a entraîné la grève des travailleurs a provoqué l'arrêt total des services portuaires. Cela étant, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a gardé présent à l'esprit que le Comité de la liberté syndicale a affirmé à maintes reprises que "dans les conditions normales, les travaux portuaires en général" ne semblent pas avoir le caractère essentiel au sens strict du terme dans la mesure où leur interruption ne met pas en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans une partie ou dans l'ensemble de la population. Cependant, il s'est rendu compte qu'en raison de l'extension et de la durée de la grève l'arrêt total des services portuaires pouvait provoquer une situation de crise dans laquelle les conditions normales d'existence de la population seraient en danger. Tel était particulièrement le cas pour les exportations de denrées périssables en cours, ainsi que pour l'importation et l'exportation de matières premières dont l'absence ou le manque peuvent entraîner le risque d'une catastrophe collective pour toute la société. Cela étant, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a considéré qu'il était légitime d'établir, dans les deux cas, un service minimum limité exclusivement aux opérations nécessaires pour ne pas porter atteinte aux conditions normales d'existence de la population. C'est pourquoi il a convoqué les organisations de travailleurs pour décider les services minima qui devraient être assurés par des équipes d'urgence. Devant le refus des représentants des travailleurs, qui ont subordonné leur participation à l'acceptation de leurs revendications de fond, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, par une résolution du 25 juin 1986, a décidé que les services de chargement, de déchargement et les activités annexes portant sur les denrées périssables et sur les matières premières et produits finis et semi-finis dont l'absence ou le manque peuvent entraîner le risque d'une catastrophe collective pour la totalité ou une partie de la société ou mettre en danger la vie, la sécurité et la santé des personnes dans une partie ou dans l'ensemble de la population, devraient être assurés par des équipes d'urgence. En fait, cette résolution n'a pas été mise en vigueur puisque le jour suivant, le 26 juin 1986, le conflit a pris fin, une convention ayant été souscrite, avec l'intervention du ministère du Travail et de la Sécurité sociale lui-même, dans laquelle il était décidé de ne pas appliquer de sanctions.
- 441. En ce qui concerne les services fournis par l'Administration nationale des combustibles, de l'alcool et du "Portland" (ANCAP), le gouvernement déclare que l'Uruguay ne produit pas de pétrole et que la totalité de ses besoins sont satisfaits par l'importation de pétrole brut qui est raffiné dans le pays. Tous les moyens de transport, à la seule exception d'un petit service de trolleybus de la capitale, dépendent d'un approvisionnement adéquat en combustible. Il n'y a pas de chemins de fer électriques. L'Uruguay ne produit pas non plus de gaz naturel. Seule une petite partie de Montevideo est alimentée en gaz de ville. Dans les autres quartiers, la population se sert de gaz propane. L'ANCAP, entreprise d'Etat qui joue un rôle clé dans l'économie du pays, est chargée d'importer le pétrole brut et les produits dérivés du pétrole et de le raffiner selon un système de monopole légal. Ce monopole vise aussi l'importation de carburants liquides, semi-liquides et gazeux, quels qu'en soient l'état et la composition. Ainsi, la totalité des combustibles dérivés du pétrole utilisés dans le pays est raffinée ou importée par l'ANCAP. Les compagnies privées qui existent en Uruguay participent uniquement à la distribution au public des combustibles importés ou raffinés par l'ANCAP, seul fournisseur. L'ANCAP a également le monopole légal de l'importation, de la transformation et de la commercialisation des alcools.
- 442. Selon le gouvernement, lorsque les fonctionnaires de l'ANCAP se sont déclarés en conflit, l'unique raffinerie de pétrole se trouvait déjà depuis quelques jours hors service pour des raisons techniques. Cet arrêt, périodiquement nécessaire, avait été prévu suffisamment à l'avance et on avait stocké les combustibles nécessaires pour assurer l'approvisionnement pendant l'interruption. Il va de soi que le stock constitué était conditionné par les réserves limitées disponibles et la durée normale des opérations techniques à accomplir dans la raffinerie. Dans un premier temps, les fonctionnaires en conflit ont recouru à des arrêts partiels du travail qui, par leur fréquence, ont perturbé la réalisation des travaux d'entretien en cours dans la raffinerie et ont entraîné une prolongation de ces travaux. Dans ces conditions, à la seule annonce du lancement officiel de la grève, il y a eu une sur demande artificielle qui a provoqué immédiatement une crise dans les conditions normales d'approvisionnement de la population. Si les choses allaient plus loin, on pouvait craindre une rupture de stock. Il ne faut pas perdre de vue que même l'importation de produits raffinés ne pouvait être effectuée que par l'ANCAP. Il était donc évident que l'interruption des services dans ces circonstances créait une situation de crise telle que les conditions normales d'existence de la population pouvaient se trouver en danger. Il convient de souligner que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale avait, de manière tout à fait normale et dans les délais prévus, indiqué à la Direction de l'Administration nationale des combustibles, de l'alcool et du "Portland" (ANCAP) qu'il convenait de convoquer l'organisation de travailleurs pour discuter et établir un accord concernant les services à assurer en cas de conflit. C'est ce qui a eu lieu au mois de septembre 1986, lorsque l'organisation syndicale a répondu qu'elle n'acceptait pas d'ingérence ni du gouvernement ni du patronat pour définir les mesures de lutte à prendre et, par conséquent, qu'elle refusait de discuter avec la direction de la question de savoir quels étaient les services à assurer en cas de conflit. La question devait être décidée dans chaque cas par les assemblées de l'organisation professionnelle. Toute possibilité d'établir de concert les services minima étant ainsi écartée, et devant l'annonce de l'aggravation des arrêts de travail des fonctionnaires, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, dans l'exercice des pouvoirs que lui confère l'article 4 de la loi no 13720, a décidé quels services de l'ANCAP devaient être assurés par des équipes d'urgence. Ces dernières ont totalisé en définitive 557 fonctionnaires représentant à peine 7,78 pour cent de l'effectif total de travailleurs. Par ailleurs, devant les allégations de l'organisation plaignante, il convient de ne pas perdre de vue que les fonctionnaires convoqués pour faire partie des équipes d'urgence et qui n'ont pas répondu à la convocation n'ont fait l'objet que de sanctions disciplinaires, uniquement par voie administrative, sous forme de suspension des fonctions et, par conséquent, de la rémunération mais qu'à aucun moment ils n'ont été privés de liberté. Les arrestations de grévistes mentionnées ont répondu à des actes d'intimidation contre des distributeurs survenus en dehors des lieux de travail et se sont limitées au strict nécessaire, avec intervention immédiate de l'autorité judiciaire.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 443. Le comité relève que dans le présent cas l'organisation plaignante conteste la déclaration de services essentiels et partant l'imposition de services minima par des résolutions du ministère du Travail de 1986, en application de l'article 4 de la loi no 13720, lors de grèves de fonctionnaires et d'agents publics de la Direction nationale de la sécurité sociale, de la Direction nationale des douanes, de l'Administration nationale des combustibles, de l'alcool et du "Portland" et des travailleurs des services de chargement et de déchargement. De l'avis de l'organisation plaignante, l'article 4 de ladite loi est inconstitutionnel car il autorise le ministère à décider unilatéralement que tout service public est essentiel et, par conséquent, susceptible de faire l'objet de services minima. Le comité note que le gouvernement défend le caractère constitutionnel de l'article 4 de la loi no 13720 et déclare que la fixation des services minima en conformité avec cette loi dans les services en question a été menée à bien conformément aux principes formulés par le Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement souligne aussi que les organisations syndicales n'ont pas fait usage des recours juridictionnels existants contre la loi ou les résolutions administratives contestées.
- 444. Le comité désire souligner qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi contestée par le plaignant. Néanmoins, dans la mesure où elle s'applique dans la pratique, il doit examiner si cette loi et les mesures administratives prises en application de ladite loi sont conformes aux principes de la liberté syndicale. A cet égard, le comité, tout en prenant note des critères d'application de la loi en question que le ministre du Travail entend suivre, ne peut qu'exprimer sa préoccupation en constatant que la teneur de l'article 4 de la loi no 13720 permet de l'appliquer, comme le signale l'organisation plaignante, à tout service public qui, de cette façon, pourrait faire l'objet d'un service minimum en cas de grève, ce qui est manifestement contraire aux principes du comité relatifs à la nature des services pour lesquels cette restriction est admissible. Par conséquent, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que l'établissement de services minima en cas de grève ne soit juridiquement possible que dans les services dont l'interruption peut mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans une partie ou dans l'ensemble de la population, ou dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict ainsi défini mais où les grèves d'une certaine ampleur et durée peuvent provoquer une crise nationale aiguë menaçant les conditions normales d'existence de la population.
- 445. En ce qui concerne les services minima établis par voie administrative lors de grèves dans les secteurs de la sécurité sociale, des douanes, du chargement et du déchargement dans les ports, et de l'approvisionnement en combustible, le comité tient à rappeler plus concrètement les principes qu'il a formulés à maintes reprises en la matière, principes qui doivent s'entendre comme un minimum de garanties pour l'exercice du droit de grève, sans porter atteinte à la possibilité pour les différents systèmes nationaux de consacrer des niveaux de protection supérieurs de l'exercice du droit de grève dans leur législation ou leur pratique.
- 446. Dans des cas antérieurs, le comité a considéré légitime l'établissement d'un service minimum en cas de grève dont l'ampleur et la durée pourraient provoquer une crise nationale menaçant les conditions normales d'existence de la population. Le comité a signalé aussi que, pour être admissible, un service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans une partie ou dans l'ensemble de la population, et aussi que les organisations de travailleurs devraient pouvoir, comme celles des employeurs et les pouvoirs publics, participer à la détermination des services minima à maintenir. ((Voi 234e rapport, cas no 1244 (Espagne), paragr. 153 à 155.) En effet, outre que cela permettrait un échange de vues réfléchi sur ce que doivent être en situation réelle les services minima strictement nécessaires, cela contribuerait aussi à garantir que les services minima ne soient pas étendus au point de rendre la grève inopérante à force d'insignifiance, et à éviter de donner aux organisations syndicales l'impression que l'échec de la grève tient à ce que le service minimum a été prévu trop large et fixé unilatéralement. (Voir 244e rapport, cas no 1342 (Espagne), paragr. 154.)
- 447. De l'avis du comité, en principe les secteurs d'activité où ont été déclarées les grèves mentionnées dans le présent cas remplissent de manière générale les conditions énoncées dans le principe relatif à la licéité de la mise en place de services minima. Néanmoins, à la lecture des résolutions administratives contestées par l'organisation plaignante, et compte tenu de certains aspects de la plainte qui n'ont pas fait l'objet de réponse précise de la part du gouvernement quant à la portée effective des services minima (en particulier dans le secteur de la sécurité sociale où, par exemple, dans la colonie de vacances Raigón, on aurait inclus l'ensemble du personnel, et à l'ANCAP, où on aurait déclaré essentiel le service de peinture des bouées pour les pétroliers), le comité n'exclut pas que des services minima excessifs aient été fixés, même si cela a été atténué par le fait que les organisations syndicales, considérant que la loi no 13720 était inconstitutionnelle, et qu'il leur appartenait d'assurer elles-mêmes les services essentiels minima pendant le conflit, n'ont pas accepté la proposition du ministère du Travail de décider conjointement de la détermination desdits services minima. Le comité souligne que, dans des cas comme celui-ci, une opinion définitive fondée sur tous les éléments d'appréciation pour savoir si le niveau des services minima a été ou non le niveau indispensable ne peut être émise que par l'autorité judiciaire, étant donné que pour la formuler cela suppose en particulier une connaissance approfondie de la structure et du fonctionnement des entreprises et des établissements concernés, ainsi que des répercussions effectives des actions de grève.
- 448. Le comité exprime l'espoir qu'à l'avenir les questions relatives à la détermination des services minima à maintenir pourront être résolues par la voie de la concertation.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 449. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article 4 de la loi no 13720 afin de le rendre conforme aux principes énoncés en matière de services minima.
- b) Le comité exprime l'espoir qu'à l'avenir les questions relatives aux services minima pourront être résolues par voie de concertation.
- c) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer dès que possible le rapport - dont il avait annoncé l'envoi - de la commission d'enquête constituée pour déterminer le bien-fondé des autres faits allégués dans la présente plainte.