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- 83. Dans une communication en date du 10 juin 1987, le
- Syndicat national des
- marins, des travailleurs des ports et des industries diverses
- (NSP) a présenté
- une plainte en violation des droits syndicaux contre le
- gouvernement du
- Libéria. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce
- cas dans une
- communication datée du 4 mai 1988 et reçue au BIT le 19
- juillet 1988.
- 84. Le Libéria a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et
- la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98)
- sur le droit
- d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 85. Dans sa lettre du 10 juin 1987 signée par M. T.P.
- Mooney, vice-président
- chargé de l'administration, le NSP a allégué une ingérence du
- ministère du
- Travail dans les affaires internes du syndicat, c'est-à-dire dans
- l'élection
- du président.
- 86. Le plaignant a indiqué que, conformément à son
- règlement et à ses
- statuts, le syndicat avait tenu son assemblée générale le 29
- août 1986. Le
- directeur des affaires syndicales du ministère du Travail a
- contrôlé le
- déroulement de l'assemblée conformément à la loi sur le travail
- du Libéria.
- Les documents relatifs à l'enregistrement et d'autres
- documents pertinents ont
- été remis ensuite aux dirigeants légitimes du syndicat. Il ressort
- de copies
- de lettres jointes à la plainte que, le 1er septembre 1986, le
- président
- désigné du syndicat a présenté au ministère du Travail les
- documents requis
- pour l'enregistrement (liste des noms des dirigeants élus et
- procès-verbal de
- la réunion). Le 11 septembre, le ministre a informé à son tour le
- Président du
- Libéria que les résultats de l'élection syndicale montraient
- clairement que
- les adhérents du syndicat ne voulaient pas d'un certain M.
- G.T. Tarbah comme
- président (lequel n'avait recueilli aucun suffrage) et qu'ils
- préféraient M.
- N. Gibson (qui avait recueilli l'ensemble des suffrages des
- trente délégués
- assistant à l'assemblée). Le ministre a souligné qu'en
- application de la
- législation en vigueur, tout candidat à l'élection pouvait
- déposer auprès du
- ministère du Travail des objections écrites quant au
- déroulement de l'élection
- dans les vingt-quatre heures suivant la réception du décompte
- des voix; toute
- personne ou organisation qui n'était pas partie à la procédure
- d'élection
- pouvait déposer des objections écrites concernant le
- déroulement de l'élection
- dans un délai de cinq jours civils après la réception du
- décompte des voix par
- les parties à l'élection. En outre, il a indiqué que si aucune
- objection
- n'était déposée dans le délai autorisé, ou après que toutes les
- objections ont
- fait l'objet d'une décision définitive, le ministère du Travail
- enregistrait
- la partie qui avait recueilli la majorité des suffrages des
- membres votant à
- l'élection. Cet enregistrement étant définitif il ne pouvait pas
- être contesté
- par la suite. Etant donné que le ministère du Travail n'a pas
- reçu d'objection
- écrite, il a déclaré M. N. Gibson comme président légitime du
- syndicat,
- conformément à la décision de ses adhérents.
- 87. Le plaignant déclare qu'il a donc été surpris de voir, le 13
- octobre
- 1986, le Président du Libéria répondre au ministre du Travail et
- qu'il a noté
- avec préoccupation que, alors qu'une plainte du NSP auprès
- de la présidence
- faisait encore l'objet d'investigations par le conseiller juridique
- de la
- présidence, une poignée de syndicalistes avaient pu se réunir
- pour procéder à
- une nouvelle élection. La réponse du Président, qui est jointe
- à la plainte,
- indique que, sur la base des résultats des investigations et de
- l'accord de
- fusion entre les deux groupes du syndicat remis à la Cour
- suprême du Libéria,
- le président légitime du NSP était M. G. Tarbah. Le Président
- du Libéria a
- demandé au ministre du Travail de reconnaître M. G. Tarbah
- comme président du
- syndicat, ce que le ministre a fait par lettre du 20 octobre.
- 88. Le plaignant souligne que la reconnaissance initiale de
- M. N. Gibson
- comme président n'a pas encore été révoquée. Enfin, il fournit
- une copie d'une
- décision de la Cour suprême du 19 décembre 1984 signée du
- greffier par intérim
- de la Cour, attestant que M. George T. Tarbah a été reconnu
- coupable de vol et
- condamné à l'époque à trois ans de réclusion criminelle.
- B. Réponse du gouvernement
- 89. Dans sa réponse du 4 mai 1988, le gouvernement rejette
- les allégations
- concernant les résultats de l'assemblée du NSP du 29 août
- 1986 et l'octroi de
- l'enregistrement de l'un des groupes par le ministère. Il indique
- que, s'il
- est vrai qu'une assemblée a eu lieu ce jour-là et que le
- ministère du Travail
- a été invité à en contrôler le déroulement, l'assemblée n'a pas
- eu lieu en
- conformité avec le règlement et les statuts du syndicat car,
- comme l'indique
- le procès-verbal de ladite assemblée, seules trois des treize
- régions où le
- NSP est implanté (à savoir le Nimba, Grand Bassa et
- Montserrado) étaient
- représentées à l'assemblée et trente délégués seulement des
- trois régions en
- question ont effectivement voté lors de l'élection. En outre,
- certains membres
- du syndicat avaient déposé une plainte contre M. Mooney (qui
- a été élu par la
- suite vice-président chargé de l'administration) et d'autres
- personnes, et
- cette plainte était en cours d'instruction lorsqu'il a tenu
- l'assemblée en
- question. Par conséquent, indique le gouvernement,
- l'assemblée était frappée
- de nullité dès le départ.
- 90. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le Président
- du Libéria
- aurait demandé au ministère du Travail de reconnaître M.
- Tarbah comme
- président du syndicat, contrairement aux résultats de l'élection,
- le
- gouvernement rejette cette allégation en soulignant qu'il n'y
- avait pas eu
- d'élection valide puisque l'assemblée n'était pas valable. En
- outre, il
- affirme que le ministère du Travail a simplement reçu une lettre
- appelant son
- attention sur le fait qu'une plainte avait été déposée par
- certains syndiqués
- contre M. Mooney et d'autres personnes, et que l'instruction
- de la plainte
- aurait dû être achevée avant qu'une élection ait lieu.
- 91. Quant à l'allégation selon laquelle la reconnaissance
- prononcée par le
- ministère n'avait pas été révoquée par les autorités, le
- gouvernement indique
- qu'étant donné que l'assemblée initiale n'était pas valable la
- lettre de
- reconnaissance reflétant les résultats de l'élection était
- également frappée
- de nullité. Selon le gouvernement, les dirigeants légitimes du
- syndicat ont
- été dûment informés lorsqu'on a constaté que l'assemblée
- n'avait pas respecté
- le quorum requis.
- 92. En conclusion, le gouvernement souligne qu'il a ratifié les
- conventions
- nos 87 et 98 et donné effet aux dispositions de ces
- conventions par sa
- législation et sa pratique nationales.
T. Conclusions du comité
T. Conclusions du comité
- C. Conclusions du comité
- 93 Le comité note que les allégations dans le présent cas
- portent sur
- l'ingérence du gouvernement dans les affaires internes du
- syndicat plaignant,
- (refus d'accepter les résultats de l'élection des dirigeants du
- syndicat en
- 1986). Le comité prend note du démenti du gouvernement à
- l'allégation
- d'ingérence fondé sur le fait que les élections en question
- étaient frappées
- de nullité pour deux raisons: 1) une plainte concernant un
- groupe de syndiqués
- dirigé par M. Mooney était en cours d'instruction par le
- conseiller juridique
- de la présidence, de sorte que M. Mooney n'aurait pas dû
- convoquer une
- assemblée; 2) le quorum requis pour les votes, selon le
- règlement du syndicat,
- n'était pas atteint pour l'élection. Le comité relève qu'un
- document joint en
- annexe à la plainte mentionne, en termes vagues, un accord
- de fusion entre
- "les deux groupes", mais il n'en est pas fait mention dans les
- observations
- plus récentes du gouvernement, ce qui donne à penser que la
- fusion n'a pas été
- réalisée.
- 94 Dans des cas antérieurs, lorsque le comité a été saisi
- d'affaires dans
- lesquelles les autorités semblaient s'être ingérées dans les
- résultats des
- élections en favorisant ou en reconnaissant un groupe interne
- plutôt qu'un
- autre, le comité a rappelé qu'en ratifiant la convention no 87
- les
- gouvernements se sont engagés à accorder aux organisations
- de travailleurs le
- droit d'élaborer leurs propres statuts et règlements et d'élire
- librement
- leurs représentants. (Voir, par exemple, 243e rapport, cas no
- 1271 (Honduras),
- paragr. 435 et 438.) Dans le présent cas, l'examen de la
- législation du
- travail du Libéria montre que l'article 4102 de la loi sur le travail
- prévoit
- le contrôle des élections syndicales par les autorités
- administratives et le
- comité note que la , la commission d'experts a pris note de ce
- que le
- gouvernement a déclaré qu'un nouveau projet de Code du
- travail avait pris en
- considération ses observations antérieures, et elle lui a
- demandé instamment
- de faire en sorte que les amendements nécessaires soient
- adoptés dans un
- proche avenir. A ce jour, toutefois, il ne semble pas que
- l'article 4102 de la
- loi ait été abrogé ou modifié.
- 95 Les faits dans le présent cas montrent toutefois que la
- réaction du
- gouvernement a été de nature différente: le groupe de M.
- Mooney (qui a soumis
- la présente plainte) a reçu une lettre de reconnaissance du
- ministère du
- Travail, mais ce dernier a modifié sa position après avoir reçu
- des ordres
- d'une autorité supérieure. Etant donné que ni le plaignant ni le
- gouvernement
- n'ont fourni de copies des statuts du syndicat concernant les
- conditions
- relatives à la convocation des assemblées et au quorum en
- matière d'élections,
- le comité n'est pas à même de formuler de commentaires sur
- les irrégularités
- de procédure alléguées. En tout état de cause, le comité note
- que, depuis le
- 20 octobre 1986, date à laquelle le ministère a exécuté les
- ordres du
- Président, M. G. Tarbah a représenté les travailleurs du Libéria
- à la 75e
- session (1988) de la Conférence internationale du Travail.
- 96 Il n'appartient pas au comité de décider quel groupe
- devrait représenter
- les membres du NSP, mais de voir s'il y a eu ingérence du
- gouvernement dans le
- libre choix des dirigeants syndicaux par les travailleurs. Le
- comité a
- déclaré, dans de nombreux cas, qu'il n'est pas compétent pour
- se prononcer sur
- ce type de conflits internes à une organisation syndicale, sauf
- si un
- gouvernement était intervenu d'une manière qui pourrait
- affecter l'exercice
- des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une
- organisation. (Voir,
- par exemple, 217e rapport, cas no 1086 (Grèce), paragr. 93.)
- En outre, dans
- des cas de conflits internes, le comité a souligné que
- l'intervention de la
- justice doit permettre de clarifier la situation du point de vue
- légal afin de
- régler les questions concernant la représentation du syndicat
- intéressé; un
- autre moyen de régler la question consiste à désigner un
- médiateur indépendant
- choisi d'un commun accord, en vue de rechercher
- conjointement une solution et,
- si nécessaire, de procéder à de nouvelles élections. (Voir, par
- exemple, 172e
- rapport, cas no 865 (Equateur), paragr. 75.)
- 97 Dans le présent cas, le comité note que l'article 4102(2)
- et (3) de la
- loi sur le travail autorise tout syndiqué à contester l'élection
- d'une
- personne reconnue coupable d'un délit, et à déposer une
- plainte en violation
- de la loi ou du règlement du syndicat intéressé en ce qui
- concerne l'élection
- de dirigeants, et que cette plainte peut ensuite être soumise
- par les
- autorités du travail aux tribunaux ordinaires pour obtenir l'ordre
- de ne pas
- tenir compte de l'élection non valable et de faire procéder à
- une nouvelle
- élection. A cet égard, le comité note aussi que M. G. Tarbah
- avait été
- condamné, en 1984, pour vol, et qu'une plainte non spécifiée
- contre M. Mooney
- et son groupe a été déposée auprès du conseiller juridique de
- la présidence en
- août 1986. Bien que cette procédure de recours existe,
- aucune plainte n'a été
- présentée contre la reconnaissance de M. G. Tarbah par le
- ministère, en
- octobre 1986. Il semble donc que les membres du syndicat ont
- accepté la
- présidence de M. Tarbah, même si le groupe de M. Mooney
- ne l'a pas fait.
- 98 De toute manière, pour aborder la question de façon
- pragmatique, le
- comité note que, selon la législation, les élections des
- organisations
- syndicales nationales doivent avoir lieu tous les trois ans, de
- sorte que la
- prochaine élection des dirigeants du NSP aura lieu dans la
- seconde moitié de
- 1989 Au cours des prochaines élections, les deux groupes
- pourront présenter
- des candidats et il faut espérer que le nouveau Code du travail
- sera alors en
- vigueur et que les élections syndicales ne seront pas
- contrôlées et ne feront
- pas l'objet d'ingérence de la part des autorités. Entre-temps, si
- les
- dissensions internes au sein du NSP commencent à affecter le
- fonctionnement et
- l'efficacité du syndicat, la base s'efforcera certainement
- d'obtenir un
- règlement dans le sens suggéré ci-dessus par le comité.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 99. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
- Conseil
- d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Conformément à la demande exprimée cette année par la
- Commission
- d'experts pour l'application des conventions et
- recommandations, le comité
- veut croire que la nouvelle législation du travail, qui ne
- permettra plus
- l'intervention du gouvernement dans les élections syndicales,
- sera rapidement
- adoptée.
- b) Tout en notant que les allégations sont liées à des
- divisions internes
- au sein de ce syndicat, le comité considère qu'il appartient à
- l'ensemble des
- adhérents aux syndicats de décider s'ils estiment nécessaire
- de faire appel à
- un médiateur indépendant ou de procéder à de nouvelles
- élections, ou encore
- d'attendre les élections de l'année prochaine, afin de voter
- pour le groupe
- qui représente au mieux leurs intérêts.