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Interim Report - Report No 272, June 1990

Case No 1444 (Philippines) - Complaint date: 25-FEB-88 - Closed

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  1. 312. Le comité a déjà examiné ce cas à deux reprises et a présenté des conclusions intérimaires au Conseil d'administration que celui-ci a approuvées à ses sessions de février et de novembre 1989 (voir 262e rapport, paragr. 268 à 310, et 268e rapport, paragr. 482 à 534, respectivement).
  2. 313. Le gouvernement a formulé certaines observations sur ce cas par communication du 10 avril 1990.
  3. 314. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 315. Lors de son dernier examen du cas, en novembre 1989, le comité a renvoyé certains aspects législatifs à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans le cadre de son analyse régulière du respect par les Philippines de la convention no 87. Il a noté en même temps que le gouvernement n'avait pas répondu à une communication récemment transmise par l'organisation plaignante, le KMU, et a donc ajourné l'examen des questions soulevées par cette communication en attendant de recevoir les observations du gouvernement.
  2. 316. S'agissant des violations des droits de l'homme commises à l'encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, le comité a demandé davantage d'informations sur divers incidents précis et instamment prié le gouvernement d'ouvrir des enquêtes sur les allégations de meurtre de plusieurs syndicalistes. Il a renouvelé son appel au démantèlement des groupes de vigiles.
  3. 317. Au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration, en novembre 1989, avait approuvé les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement d'envoyer, dès que possible, ses commentaires détaillés ainsi que de nouvelles informations sur les enquêtes en cours et sur la nouvelle communication du KMU, en date du 1er mars 1989, qui contient des allégations précises d'arrestation, d'enlèvement et de meurtre de responsables du KMU et des organisations qui lui sont affiliées.
    • b) Le comité demande également au gouvernement d'envoyer le plus rapidement possible ses observations sur la dernière communication du KMU datée du 25 septembre 1989.
    • c) Le comité prie le gouvernement de répondre aux allégations concernant les violences qui seraient exercées, de façon générale, à l'encontre des syndicats, ainsi qu'en témoignent la répression de la célébration du 1er mai à Laguna, en 1988, ainsi que les nombreuses morts et disparitions imputables aux groupes de vigiles dont font état les plaignants, et invite instamment le gouvernement à lui faire tenir copies des rapports que présenteront les divers organismes nationaux de surveillance récemment créés.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures énergiques pour dissoudre les groupes de vigiles.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de s'efforcer de mettre les dispositions du Code du travail, telles qu'elles ont été modifiées, en conformité avec la convention no 87 en portant une attention particulière aux points sur lesquels la commission d'experts a formulé des critiques ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les peines encourues pour les grèves illégales.
    • f) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur l'application dans la pratique de la circulaire no 10-A du ministère de la Justice.
    • g) Le comité renvoie les aspects législatifs de ce cas à la commission d'experts dans le contexte de son examen de la convention no 87.

B. Dernières allégations du plaignant

B. Dernières allégations du plaignant
  1. 318. Lors de son examen du cas en novembre 1989, le comité a accusé réception d'une communication datée du 25 septembre 1989 (mais reçue le 24 octobre) à laquelle le gouvernement n'avait pas eu le temps de répondre. (Voir 268e rapport, cas no 1444, paragr. 502.)
  2. 319. L'élément essentiel des allégations du KMU est le rôle antisyndical des Unités géographiques des forces civiles armées (CAFGU). Le syndicat s'appuie sur des rapports de groupes indépendants militant pour les droits de l'homme tels que le rapport de 1989 d'Amnesty International pour condamner la violence des groupes civils armés financés par le gouvernement.
  3. 320. Tout d'abord, le plaignant donne la liste d'une série de morts et de disparitions de membres d'organisations affiliées au KMU et au TUCP:
  4. 1) Reynaldo Gonzales, 20 ans: Negros Occidental; disparu après avoir été interrogé par le 5e bataillon des Scouts Rangers et le 61e bataillon de l'armée le 30 août 1989.
  5. 2) Alberto Ramos, 21 ans: Quezon City; tué par balle au cours d'un piquet de grève par des hommes armés appartenant au Sigue Sigue Sputnik.
  6. 3) Felix Catanda, 25 ans: Idem.
  7. 4) Arturo Mirasol, 42 ans: Manille, membre du syndicat Golden Taxi Employees' and Workers' Union; abattu par un tueur le 7 septembre 1989.
  8. 5) Ildefonso Caran, 40 ans: Idem.
  9. 6) Gregorio Delumias, 38 ans: Idem.
  10. 7) Danilo Acuña, 29 ans: Manille, piquet de grève du Golden Taxi Union; abattu et poignardé le 26 juin 1989.
  11. 8) Galileo Dinoy, 31 ans: Président du Golden Taxi Union; abattu par des personnes identifiées comme des policiers, le 26 juin 1989.
  12. 9) Arnold Ilustrisimo, 32 ans: Silahis International Hotel Union; abattu le 12 juillet 1989.
  13. 321. Deuxièmement, le KMU allègue que des syndicalistes ont été illégalement arrêtés et torturés. Il joint en annexe la copie de certains documents émanant du tribunal régional et indiquant que les accusés ont été inculpés de détention illégale d'armes à feu et/ou d'appartenance à une organisation illégale. Il fournit également le texte d'une déclaration non signée d'un membre du groupe humanitaire "Medical Action Group Inc." certifiant l'existence de marques de tortures chez 15 détenus nommément désignés du camp militaire de Bicuntan. S'agissant des quatre autres syndicalistes arrêtés (tous avaient été détenus dans un premier temps à la prison provinciale de Rizal et trois d'entre eux ont été ensuite relâchés sous caution), le KMU déclare qu'ils ont été accusés du meurtre d'un chef de la police et de son garde du corps. Le syndicat joint des coupures de presse relatant des opérations de dispersion et les arrestations conduites par la police le 27 septembre 1989 à Manille, et à proximité de la base aérienne de Clark (Luzon), lors de manifestations organisées contre la visite du Vice-président des Etats-Unis.
  14. 322. Enfin, les allégations du KMU ont trait à des pratiques de travail injustes employées par la direction, telles que: dispersion violente, le 24 mai 1989, du piquet de grève de la compagnie de bus G-Liner; arrestation et détention, le 13 mars 1989, de 40 membres d'une organisation affiliée au KMU, à Camarines Sur; arrestation et dispersion violente, le 29 juillet 1989, du piquet de grève du grand magasin Gaisano Iligan Inc. (les 19 grévistes ont été par la suite relâchés sous caution); enlèvement par la police, le 1er mai 1989, de Felix Cardano et de Rodolfo Ubusan, tous deux dirigeants d'organisations affiliées au KMU (le KMU a présenté une requête d'habeas corpus, mais les auditions ont été sans cesse ajournées; une demande d'enquête a été présentée à la Commission des droits de l'homme des Philippines le 8 mai 1989).
  15. 323. Le KMU redoute que certains groupes de vigiles ne soient pas démantelés, se fondant sur les propos tenus le 27 juillet 1988 par le général de brigade Hermosa, qui a déclaré que "les groupes anticommunistes dignes de foi" de la région de Visayas ne seraient pas dissous; il a notamment déclaré que les membres des groupes ALSA MASA et KADRE ne pouvaient pas être considérés comme des "vigiles" mais comme de simples civils regroupés pour se protéger contre les insurgés. Le KMU estime toutefois que ces groupes sont responsables de la mort de nombreux syndicalistes et qu'ils sont armés par les militaires; leur objectif n'est pas de se défendre mais de réprimer énergiquement les activités syndicales. Le KMU cite les actes de violence perpétrés par le groupe KADRE aux mines Atlas à Cebu à titre d'exemple de sa tactique antisyndicale. Ainsi qu'il est apparu lors d'examens antérieurs du présent cas, le KMU allègue que l'arrêté exécutif no 264 autorisant la création des Unités géographiques des forces civiles armées (CAFGU) est inconstitutionnelle, et que les CAFGU ne sont que des groupes de vigiles paramilitaires opérant sous un autre nom en toute impunité. La Commission des droits de l'homme des Philippines dresse la liste de 29 allégations de violation des droits de l'homme imputables aux CAFGU sur les 914 violations enregistrées en 1988.
  16. 324. Le KMU joint un exemplaire d'une publication confidentielle du ministère de la Défense nationale du 4 avril 1989 définissant l'objectif et le fonctionnement des "Special CAFGU Active Auxiliary companies" (SCAAs) (compagnies auxiliaires actives spéciales CAFGU). Celles-ci sont constituées sur ordre dans des sociétés privées mais sont soumises à la réglementation et à une formation militaires. Bien que ces soldats à temps partiel soient dotés d'armes réglementaires, les membres des CAFGU sont payés par la société en question et deviennent alors, d'après les plaignants, une milice privée. Le KMU allègue que ces groupes armés serviront à détruire les syndicats. Il mentionne à cet égard le harcèlement des travailleurs syndiqués de l'industrie sucrière par des CAFGU basées dans des propriétés de la province de Negros. Ainsi, à Hinigaran, des membres de CAFGU armés jusqu'aux dents ont refusé à plusieurs reprises à des leaders syndicaux le droit de pénétrer dans la plantation Carvina pour s'entretenir avec leurs membres, malgré l'accord de la direction. Le KMU joint la liste de 28 CAFGU stationnées dans les plantations de Negros au mois de septembre 1989.
  17. 325. Le KMU allègue aussi (documentation à l'appui) d'autres violations des droits de l'homme commises par les CAFGU à l'encontre de personnes non syndiquées ou n'ayant pas participé à des activités syndicales.
  18. 326. Enfin, le plaignant appelle au démantèlement immédiat des CAFGU et de tous les autres groupes de vigiles, quelle que soit leur dénomination.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 327. Par communication du 10 avril 1990, le gouvernement souligne que les nouvelles allégations du KMU figurant dans ses communications du 25 septembre et du 1er mars 1989 n'ont été portées à son attention qu'après qu'il eut répondu aux précédentes recommandations du comité. De ce fait, il n'a pas été en mesure d'indiquer quelle était sa position à temps pour la réunion du comité. Quoi qu'il en soit, le gouvernement a pris note des allégations contenues dans les deux communications et se déclare indigné par les déclarations du KMU selon lesquelles l'accroissement de la criminalité dans le pays résulte de manoeuvres du gouvernement qui ont pour but précis de réprimer le mouvement syndical.
  2. 328. Le gouvernement déclare que la répression syndicale supposerait de sa part, dans la législation et dans la pratique, des efforts acharnés pour nier leurs droits aux travailleurs. Or la Constitution des Philippines, les récentes modifications du Code du travail et la politique du gouvernement offrent une image plus claire de la situation syndicale dans le pays. Si le gouvernement est d'accord avec l'observation précédemment formulée par le comité selon laquelle le gouvernement doit contenir la criminalité, il estime regrettable que le comité soit hâtivement parvenu à la conclusion qu'il y avait une répression syndicale grandissante dans le pays, en se fondant simplement sur une liste de morts et de disparitions alléguées, présentée par les plaignants. D'après le gouvernement, le KMU tente de brosser un tableau sinistre dans lequel le gouvernement déploierait tous ses efforts pour supprimer les droits des travailleurs en encourageant la violence antisyndicale. Selon ce syndicat, chaque décès ou disparition aurait un lien avec la répression antisyndicale.
  3. 329. Le gouvernement indique que l'insurrection a atteint des proportions sérieuses aux Philippines, notamment dans les campagnes. La stabilité même du gouvernement est également menacée par des groupes d'extrême droite. Ces groupes ne se contentent pas d'essayer continuellement de renverser le gouvernement par des moyens violents mais, de plus, se combattent entre eux en raison de leurs idéologies divergentes, mais tout aussi complexes. Dans ces conditions, une montée de la criminalité n'est pas surprenante. C'est ainsi, selon le gouvernement, qu'à diverses reprises de hauts responsables militaires et civils ont été abattus par des extrémistes de gauche et de droite, et que des éléments de droite ont récemment tenté de s'emparer du pouvoir par la force. Ces événements peuvent très bien avoir un lien avec la multiplication des incidents criminels dans le pays. Toutefois, cela ne signifie certainement pas que les efforts du gouvernement pour protéger la majorité de ses citoyens de ces menaces constituent une tentative voilée de supprimer les droits des travailleurs.
  4. 330. Le gouvernement déclare qu'un examen attentif des allégations spécifiques contenues dans les communications les plus récentes du KMU révèle qu'elles reposent simplement sur des spéculations et des suppositions dénuées de tout fondement, et selon lesquelles le gouvernement serait derrière ces incidents. Le gouvernement estime au contraire qu'il a déployé des efforts exceptionnels pour promouvoir les droits de l'homme dans le pays. Qui plus est, il serait paradoxal que le gouvernement garantisse la reconnaissance des droits de l'homme dans sa Constitution, ses lois et sa politique, et qu'il recoure à des moyens violents pour supprimer ces droits comme le prétend le KMU. Le gouvernement, dans sa réponse à un cas apparenté (no 1426), fournit des exemplaires de rapports émanant de divers organismes de contrôle nationaux. Il en ressort qu'en 1987 la Commission des droits de l'homme des Philippines (PCHR) a ouvert 513 enquêtes sur 591 plaintes pour violations des droits de l'homme qui seraient imputables, en premier lieu, aux militaires et aux forces de police suivis par les forces de défense nationale civiles (dissoutes depuis), le groupe ALSA MASA, le groupe de vigiles Tadtad et les autorités locales. En 1988, la PCHR a enquêté sur 914 plaintes pour violations des droits de l'homme (y compris 321 plaintes présentées par les autorités militaires contre le Parti communiste des Philippines). Pour le premier trimestre 1989, le nombre de plaintes reçues au siège et dans les bureaux régionaux était de 503. Par ailleurs, la PCHR développe actuellement ses programmes: d'assistance et de conseils juridiques; de protection des témoins; de visites carcérales; d'information publique (y compris d'apports dans les programmes des écoles). Le personnel de la police et des forces armées reçoit également une formation dans le domaine des droits de l'homme.
  5. 331. S'agissant des allégations spécifiques de morts et de disparitions contenues dans les communications du KMU, le gouvernement fournit les informations suivantes:
  6. 1) Les enquêtes de la PCHR sur les décès de MM. Roxas, Barros, Fransisco et Alberio suivent leur cours. Comme mentionné plus haut, les recherches sont gênées par le manque d'indices qui accéléreraient le cours de l'enquête et permettraient d'engager les poursuites qui s'imposent. Cependant, le gouvernement a pris note des observations du comité selon lesquelles les recherches pertinentes devaient être rapidement effectuées, de sorte que les auteurs de ces crimes soient identifiés, poursuivis, jugés et condamnés. Le gouvernement a donc accéléré les recherches sur ces cas.
  7. 2) S'agissant de "l'incident de Mendiola", le gouvernement regrette de ne pas avoir été en mesure de présenter des informations sur ce cas dans ses communications précédentes. Il souhaite cependant faire savoir au comité qu'il a accepté l'entière responsabilité de cet incident précis et que les familles des victimes ont été indemnisées. D'après un rapport de la PCHR mis à la disposition par le gouvernement, un affrontement a eu lieu, le 22 février 1987, entre des troupes gouvernementales anti-émeute et 10.000 à 15.000 fermiers (y compris des membres du KMU) à la suite de quoi on a déploré, selon les chiffres officiels, 12 morts, 30 blessés par balles et 12 blessés légers; une procédure pénale a été engagée contre cinq personnes en tenue dont les tirs avaient provoqué des morts et des blessés, et des sanctions administratives ont été requises contre des hauts fonctionnaires de la police et de l'armée pour avoir manqué de faire appel à leur expérience et à leur compétence dans la conduite des opérations. Un des meneurs de la protestation a été poursuivi pour avoir organisé un rassemblement sans autorisation préalable et pour incitation à la sédition.
  8. 3) En ce qui concerne les incidents concernant MM. Cueva et Alderite, la police a établi les faits suivants: M. Gomercindo Cueva a été atteint d'une balle dans la nuque tirée par des membres de l'ancien conseil d'administration du PAMA-SPFL-KMU, organisation locale affiliée au KMU. Les suspects ont été identifiés comme étant MM. Julius Bellena et Rolando Cabacang. Des poursuites ont été intentées contre ces personnes devant le tribunal régional de Toledo à Cebu. Par ailleurs, M. Peter Alderite a été tué par des fidèles d'une secte religieuse, le groupe Tadtad, dirigé par un certain Leonardo Buco. Une plainte a été déposée contre le suspect auprès du Procureur général.
  9. 4) Le gouvernement ne dispose toujours pas d'informations sur les allégations, selon lesquelles M. Sabidalas aurait été torturé par des personnes non identifiées; le fait qu'aucune plainte n'ait été officiellement déposée auprès d'un organisme gouvernemental rend plus difficile l'établissement de la vérité et la poursuite des auteurs présumés.
  10. 5) S'agissant des incidents spécifiques concernant MM. Anino, Quiroz, Peru, Sarias, Espiritu, Adriano, Cubillo, Martinez et Mao, le gouvernement explique qu'en août 1989 un rapport transmis au siège de la police de la ville d'Angeles signalait la disparition de deux délégués syndicaux, MM. Anino et Quiroz. La police a procédé à l'enquête d'usage mais, à ce jour, rien ne permet de tirer des conclusions définitives sur le sort de ces deux personnes. La Commission des droits de l'homme des Philippines s'est déjà saisie des cas de MM. Cubilla, Adriano, Tullao, Peru et Sarias et les enquêtes sont en cours. En ce qui concerne la mort de M. Martinez, il a été établi qu'il a été abattu par un groupe d'assassins communistes, également connu sous le nom de "sparrow units". L'affaire a été transmise au tribunal régional de Davao, mais les accusés n'ont pu être arrêtés et sont toujours en liberté. M. Mao, d'après la presse locale, a été arrêté par la police et l'armée, en septembre 1989, pour son appartenance au Parti communiste des Philippines, déclaré hors-la-loi. Toutefois, les registres du poste de police de Davao indiquent qu'il a été relâché par la suite. Selon l'enquête de police, la tentative d'assassinat a eu lieu en 1988 lorsqu'il s'est présenté à son travail, alors que son syndicat menait une grève et empêchait les travailleurs de gagner leur poste, ce qui soulève la possibilité d'une participation des grévistes à l'incident. Enfin, M. Espiritu a été arrêté par la police en novembre 1988 pour des actes considérés comme une incitation à la sédition. Depuis, il a été relâché sous caution.
  11. 332. Le gouvernement ne saurait souscrire au point de vue du KMU selon lequel la politique gouvernementale favorise le développement des groupes de vigiles armés. Comme mentionné plus haut, les mouvements de vigiles ne sont ni sanctionnés ni encouragés par le gouvernement. Il est possible que des groupes de volontaires civils se soient maintenant constitués pour répondre aux tentatives de déstabilisation du pouvoir des insurgés, mais ces groupes constituent la réponse spontanée de civils qui cherchent à lutter contre la criminalité et à combattre les activités illégales et violentes des insurgés. En tout état de cause, ces groupes ne sont pas armés et leurs activités sont réglementées et contrôlées par le gouvernement ainsi que par les conseils de la paix et de l'ordre. Le gouvernement renvoie le comité à sa réponse au cas no 1426 où cette question a été examinée plus en détail.
  12. 333. En ce qui concerne la circulaire no 10 du ministère de la Justice, le gouvernement ne peut souscrire au point de vue du KMU selon lequel l'adoption de la circulaire revient à exercer une répression syndicale, car la circulaire ne s'applique qu'aux personnes appréhendées pour des actes criminels. L'exercice légitime des droits syndicaux est entièrement reconnu dans le pays et ne constitue pas un crime, et les personnes qui font valoir ces droits ne peuvent en aucune manière être poursuivies pénalement.
  13. 334. En ce qui concerne les aspects législatifs du cas, le gouvernement se félicite du renvoi de l'affaire à la commission d'experts dans le cadre de l'examen de la convention no 87. Il signale toutefois que si, aux yeux des organes de surveillance de l'OIT, la loi no 6715 peut présenter un certain nombre de déficiences, elle est le produit de consultations tripartites auxquelles ont participé le KMU et, dans une mesure infime, le gouvernement.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 335. En premier lieu, le comité accueille favorablement le fait que le gouvernement a fourni des réponses détaillées sur les allégations spécifiques de violation des droits de l'homme concernant 17 leaders syndicaux ou syndicalistes nommément désignés. Le comité prend note en particulier des points suivants:
    • - la Commission des droits de l'homme des Philippines (PCHR) poursuit ses enquêtes au sujet de la mort de MM. Roxas, Fransisco, Barros et Tullao (tués en janvier 1989), Peru, Alberio (tués en novembre 1988), et de MM. Cubilla et Adriano (arrêtés en novembre 1988), et Sarias (arrêté en octobre 1988);
    • - des suspects ont été poursuivis et traduits devant les tribunaux ordinaires pour les cas de MM. Cueva (tentative d'assassinat en novembre 1988) et Alderite (tué en janvier 1987);
    • - la police n'a pas été en mesure de faire la lumière sur la disparition de MM. Anino et Quiroz (en août 1988) ni sur la tentative d'assassinat de M. Mao (en septembre 1988);
    • - les personnes soupçonnées du meurtre de M. Martinez (septembre 1988) ont été identifiées mais n'ont pu être arrêtées;
    • - M. Espiritu n'a pas été arrêté (en novembre 1988) pour ses activités syndicales mais pour des actes d'incitation à la sédition, et il a été relâché sous caution en attendant son procès. Le comité demande au gouvernement de continuer à fournir des informations sur les enquêtes menées par la PCHR et sur les procès en instance (y compris celui de M. Roda qui était en cours lors du dernier examen par le comité du cas no 1444) et de transmettre les copies de toute décision prise ou de tout jugement rendu.
  2. 336. Le comité note que le gouvernement endosse publiquement l'entière responsabilité du massacre de six travailleurs nommément désignés à Mendiola le 22 février 1987, qu'il a poursuivi les personnes responsables et dédommagé les familles des victimes. Il ne peut que déplorer cette violence tragique et exprime une fois encore sa conviction selon laquelle un climat de violence tel que celui que reflète la mort de syndicalistes constitue un grave obstacle à l'exercice des droits syndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1985, 3e édition, paragr. 76.)
  3. 337. Notant qu'aucune nouvelle information n'est parvenue au sujet de l'enquête sur la disparition de M. B. Clutario le 3 juillet 1988, du procès de M. W. Orculla, arrêté le 14 février 1989, ou de la répression policière le jour de la célébration du 1er mai à Laguna en 1988, et notant que le gouvernement a déclaré avoir eu des difficultés pour faire la lumière sur les tortures prétendument subies par M. S. Sabidalas le 23 décembre 1988, faute de plainte en bonne et due forme qui aurait pu renseigner davantage sur les circonstances de cet événement, le comité demande au gouvernement d'essayer à nouveau de rechercher tout indice pouvant aider le comité à examiner ces allégations en pleine connaissance de cause.
  4. 338. Le comité demande également au gouvernement de lui transmettre ses observations sur neuf incidents précis, énumérés plus haut, se rapportant notamment à la mort et à la disparition de syndicalistes dont font état les documents fournis en 1989.
  5. 339. S'agissant de l'aspect législatif du cas, le comité note que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a examiné, à sa session de 1990, la loi no 6715 de 1989 portant modification de certaines dispositions du Code du travail, et qu'elle transmet des commentaires au gouvernement au sujet de lacunes persistantes au regard des obligations découlant de la ratification de la convention no 87. Le comité note également que la circulaire no 10-A du ministère de la Justice n'est apparemment utilisée que pour accorder la mise en liberté sous caution dans les cas de crimes sans rapport avec les activités syndicales.
  6. 340. Enfin, concernant les allégations générales d'escalade de la violence antisyndicale, ainsi qu'en témoignerait la prolifération des groupes de vigiles (par exemple la répression des travailleurs organisée par le groupe KADRE dans les mines Atlas), le comité prend note du démenti du gouvernement quant au rôle qu'il aurait joué en encourageant la criminalité antisyndicale ainsi que de ses explications selon lesquelles même ses propres fonctionnaires (y compris les militaires) et des membres d'autres groupes de la société ont été victimes de la violence politique d'éléments extrémistes de droite comme de gauche.
  7. 341. Toutefois, le comité doit appeler l'attention sur les cas - dont font état les documents fournis - de violence directe et de pressions indirectes à l'encontre de syndicalistes perpétrées par des groupes paramilitaires qui - malgré le démenti du gouvernement - semblent bien détenir un armement important et opérer dans une relative impunité. Il souhaiterait en particulier se référer une nouvelle fois aux conclusions (évoquées lors du premier examen du cas par le comité en février 1989) du rapport de la Commission du Sénat des Philippines (de 1988) qui fait état de violations des droits de l'homme commises à l'encontre de leaders syndicaux par divers groupes de vigiles. Compte tenu de l'ambiguïté du rôle des CAFGU (créées par un arrêté exécutif de 1987 pour stopper la prolifération de groupes civils d'autodéfense composés de volontaires non contrôlés, et surveillées en principe par des conseils de la paix et de l'ordre, aux termes de l'arrêté exécutif no 309, mais considérées par le KMU comme un moyen supplémentaire d'autoriser les employeurs peu scrupuleux à engager une milice antisyndicale), le comité ne peut qu'exhorter une nouvelle fois le gouvernement à démanteler ces groupes. Il appelle en particulier les pouvoirs publics à prendre de telles mesures car les dernières allégations du KMU - que le gouvernement se contente de nier d'une façon générale sans fournir d'explication - donnent des détails, preuve à l'appui, sur la création et le fonctionnement d'un nouveau type de groupement armé appelé SKAAs ("Special CAFGU Active Auxiliary Companies"). Le comité déplore cette évolution inquiétante.
  8. 342. Le comité constate, à partir des divers rapports annuels publiés par les organismes de contrôle nationaux des Philippines, que le mécanisme de protection contre les violations des droits de l'homme fonctionne et qu'on s'efforce, par un examen critique, de l'améliorer. Il demande au gouvernement de fournir des données à jour sur le nombre de plaintes en violation des droits de l'homme qui ont été classées, rejetées, examinées, réglées ou renvoyées par les juristes de la Commission des droits de l'homme des Philippines au ministère public en vue de poursuites pénales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 343. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne les enquêtes en cours dans diverses juridictions concernant les syndicalistes Roxas, Barros, Tullao, Peru, Alberio, Cubilla, Adriano, Sarias, Cueva, Alderite, Espiritu et Roda, le comité demande au gouvernement de fournir de nouvelles informations sur l'évolution des poursuites et des copies de tout arrêt ou jugement rendu.
    • b) Le comité ne peut que déplorer les événements violents survenus à Mendiola en février 1987, lorsque les forces gouvernementales ont tiré sur les manifestants, et exprime à nouveau sa conviction selon laquelle un climat de violence tel que celui entourant la mort de syndicalistes constitue un sérieux obstacle à l'exercice des droits syndicaux.
    • c) S'agissant des quatre incidents précis survenus en 1988-89 sur lesquels le gouvernement n'a fourni aucune nouvelle information ou pour lesquels, selon le gouvernement, il a été difficile d'enquêter (à savoir la disparition de M. B. Clutario, le procès de M. W. Orculla, la répression policière du rassemblement célébrant le 1er mai 1988 à Laguna et l'allégation de tortures sur la personne de M. Sabidalas), le comité demande au gouvernement de renouveler ses efforts pour retrouver tout indice pouvant permettre au comité d'examiner les allégations en pleine connaissance des faits.
    • d) Le comité demande également au gouvernement de transmettre ses observations sur neuf incidents précis dont la liste figure dans les allégations les plus récentes et qui comprennent des cas de morts et de disparitions de syndicalistes dont font état les documents fournis en 1989.
    • e) Etant donné l'ambiguïté du rôle des unités géographiques des forces civiles armées et la création d'un nouveau type de groupement armé intitulé "Special CAFGU Active Auxiliary Companies", le comité prie à nouveau le gouvernement de démanteler ces groupes.
    • f) Le comité demande au gouvernement de fournir des données à jour sur le nombre de plaintes en violation des droits de l'homme présentées à divers organismes de contrôle nationaux des Philippines, y compris des données concernant les plaintes rejetées, examinées, réglées ou renvoyées aux tribunaux en vue de poursuites pénales.
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