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Definitive Report - Report No 268, November 1989

Case No 1497 (Portugal) - Complaint date: 10-MAY-89 - Closed

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  1. 195. La plainte présentée par le Syndicat des croupiers ("Profesionales de Banca") des casinos figure dans des communications des 10 mai et 23 juin 1989. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 13 septembre 1989.
  2. 196. Le Portugal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 197. Dans sa communication du 10 mai 1989, le Syndicat des croupiers des casinos déclare être un syndicat national légalement constitué conformément à la législation portugaise, regroupant toutes les catégories professionnelles des travailleurs des établissements de jeux d'argent ou de hasard et représentant 98 pour cent des croupiers des casinos. Il indique qu'en sa qualité de représentant des travailleurs des établissements de jeux il présente une plainte contre le gouvernement du Portugal motivée par la publication de l'arrêté no 24/89 du 15 mars 1989 émanant du ministère de l'Emploi et de la Sécurité sociale.
  2. 198. Le syndicat indique que sa plainte se fonde sur les faits suivants:
    • - le 28 mars 1987, le secrétaire à l'Emploi et à la Formation professionnelle a fait publier l'arrêté no 33/87 instituant un groupe de travail chargé d'élaborer une réglementation relative à la répartition des gratifications attribuées aux croupiers des casinos, révoquant ainsi l'arrêté no 82/85 du 28 août 1985, lequel avait été jugé inconstitutionnel par les tribunaux;
    • - la participation syndicale à ce groupe de travail s'est cantonnée dans un rôle d'observateur étant donné que le syndicat n'y était représenté que d'une manière disproportionnée par rapport aux autres parties, alors que les gratifications profitent exclusivement aux travailleurs des casinos; le syndicat a protesté à maintes reprises à ce sujet. Les objections présentées par le syndicat au ministère de l'Emploi et de la Sécurité sociale n'ont servi à rien. Le groupe de travail a abouti à la publication de l'arrêté no 24/89 du 15 mars 1989. Cet arrêté n'a pas fait l'objet d'une publication préalable à l'intention du public dans le Bulletin du travail et de l'emploi, comme l'exige la loi no 16/79 du 26 mai 1979;
    • - l'accord collectif conclu entre l'Association portugaise des entreprises concessionnaires des zones de jeux et le syndicat renferme des dispositions concernant les libertés, droits et garanties des travailleurs, qui sont aussi réglementés maintenant par l'article 11 de l'arrêté contesté (no 24/89), ce qui est contraire aux dispositions du paragraphe 1 b) de l'article 168 de la Constitution politique de la République, lequel dispose que l'Assemblée de la République est seule compétente pour légiférer sur les droits, libertés et garanties; or le gouvernement n'avait obtenu aucune autorisation législative pour légiférer sur ces questions;
    • - par ailleurs, l'arrêté no 24/89 habilite l'Inspection générale des jeux à contrôler l'application de l'arrêté et à exercer un pouvoir disciplinaire en cas d'infractions audit arrêté. Ainsi, l'Inspection générale des jeux exerce, comme le patronat, un pouvoir disciplinaire sur les travailleurs, de sorte que ces derniers sont soumis à une double dépendance du point de vue disciplinaire pour les mêmes infractions alléguées.
  3. 199. Le plaignant signale en outre que cette situation est inacceptable et contraire aux normes internationales ratifiées par le Portugal car, à la suite de la publication de l'arrêté no 24/89, l'Inspection des jeux (entité qui ne doit pas être confondue avec l'Inspection générale du travail ni avec l'Inspection générale de la sécurité sociale), organe relevant du ministère du Commerce et du Tourisme, s'est mis à engager des procédures disciplinaires contre des membres du syndicat en alléguant la violation par ces derniers de dispositions du décret no 41.812 du 9 août 1958 et des infractions à l'encontre du Fonds spécial de sécurité sociale, alors que le contrôle de ce dernier n'est pas non plus de sa compétence.
  4. 200. Par ailleurs, ajoute la communication du syndicat, l'Inspection générale des jeux considère que les travailleurs affiliés au syndicat sont soumis à la législation de la fonction publique, ce qui est contraire aux droits constitutionnels nationaux et aux normes internationales du travail. Les membres du syndicat se trouvent ainsi exposés à la possibilité théorique et pratique d'une double sanction disciplinaire. Cette attitude illégale et autoritaire a porté préjudice à de nombreux affiliés du syndicat qui font l'objet de procédures disciplinaires pour avoir prétendument refusé de se conformer aux règles établies dans l'arrêté et pour avoir refusé de remettre à l'Inspection générale des jeux des copies de leurs transferts bancaires, exigence qui viole aussi le droit au secret bancaire.
  5. 201. Dans une communication du 23 juin 1989, le Syndicat des croupiers des casinos envoie des informations complémentaires, en particulier les avis de divers juristes sur la constitutionnalité de l'arrêté no 24/89.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 202. Dans sa communication du 13 septembre 1989, le gouvernement se réfère aux allégations présentées par le plaignant et signale à cet égard que l'exploitation des jeux d'argent ou de hasard constitue au Portugal un droit réservé de l'Etat qui octroie des concessions à des entreprises privées dans le cadre des contrats administratifs de durée déterminée. Il incombe au gouvernement, en cette qualité, de surveiller et de contrôler, en tenant compte de l'intérêt public, la façon dont se déroule cette activité en ce qui concerne aussi bien les entreprises concessionnaires que les usagers et les employés des établissements de jeux. La possibilité pour les employés des établissements de jeux d'accepter des gratifications des joueurs ainsi que les règles de répartition de ces gratifications constituent l'un des aspects réglementés administrativement comme cela se fait dans la plupart des pays où sont pratiqués les jeux d'argent ou de hasard (dans le cas du Portugal, la question est traitée à l'article 13 du décret no 41.812 du 9 août 1958).
  2. 203. Le gouvernement signale en outre que l'arrêté contesté (no 24/89) est le dernier d'une série d'arrêtés publiés en la matière au cours des années conformément aux dispositions de l'article 13 susmentionné. L'acceptation de gratifications constitue un droit des travailleurs affectés au fonctionnement des établissements de jeux, indépendamment de leur situation syndicale, c'est-à-dire qu'ils soient ou non syndiqués ou affiliés à un syndicat. Les dispositions de l'article 11 de l'arrêté no 24/89 visent à restreindre le droit de recevoir ces gratifications à ceux qui fournissent un service effectif, précisant certains aspects qui manquaient de clarté dans le dernier arrêté.
  3. 204. La communication du gouvernement se réfère aussi à l'article 12 de l'arrêté no 24/89 qui confère à l'Inspection générale des jeux le pouvoir de contrôler l'application des règles de l'arrêté et d'exercer un pouvoir disciplinaire en cas d'infractions. Le gouvernement indique que, comme cela ressort clairement de l'article 12 mentionné, il ne s'agit pas de l'octroi d'une nouvelle compétence à l'Inspection générale des jeux étant donné que ledit arrêté porte uniquement sur les dispositions de l'article 13 et des paragraphes 1 et 2 du décret no 41.812 du 9 août 1958, selon lesquelles il incombe à l'Inspection générale des jeux de veiller au respect des règles comme cela est indiqué aux alinéas b), i) et j) du paragraphe 1 de l'article 3 et aux alinéas g) et h) du paragraphe 1 de l'article 13 du décret-loi no 184/88 du 25 mai. Ainsi, les infractions sont punissables aux termes de l'alinéa b) de l'article 51 du décret-loi no 48.912 du 18 mars 1969 en ce qui concerne les entreprises concessionnaires, et aux termes de l'alinéa a) et des paragraphes 1 et 2 de l'article 12 du décret no 41.812 en ce qui concerne le personnel qui assure le service des établissements de jeux traditionnels.
  4. 205. Le gouvernement déclare que, comme cela ressort des dispositions légales mentionnées dans le paragraphe précédent, la compétence pour sanctionner les infractions aux règles de l'arrêté no 24/89 appartient exclusivement à l'Inspection générale des jeux et qu'il n'y a pas, comme l'affirme le plaignant, une double dépendance disciplinaire pour les mêmes infractions alléguées. La compétence disciplinaire de l'Inspection générale des jeux et de l'entreprise vise des infractions diverses susceptibles d'être punies, mais une même infraction ne peut faire l'objet de deux types de sanctions displinaires. Il convient de souligner que les sanctions administratives ne doivent pas être confondues avec les sanctions de nature professionnelle et que la double sanction n'est pas possible.
  5. 206. Conformément aux informations fournies dans les paragraphes qui précèdent, l'arrêté no 24/89 ne vise pas à réglementer les conditions de travail car les gratifications ne peuvent être considérées comme des salaires étant donné leur caractéristique de simple libéralité des usagers des établissements de jeux, et la compétence disciplinaire de l'Inspection générale des jeux ne concerne pas les violations des devoirs des travailleurs à l'égard de leurs employeurs. Cela étant, il n'était pas nécessaire de soumettre l'arrêté à un débat public étant donné que la loi no 16/79 du 26 mai n'exige la publication des règlements que s'il s'agit de règlements concernant les relations de travail. Pour les mêmes raisons, il n'y avait pas lieu d'exiger la participation du syndicat représentatif des travailleurs sur un pied d'égalité avec les autres éléments constitutifs du groupe de travail qui avait été chargé d'élaborer le projet d'arrêté; néanmoins, le syndicat a participé à ces réunions, et il l'a fait de façon très active, et ses réclamations ont été souvent prises en considération.
  6. 207. Le gouvernement déclare qu'il ne comprend donc pas l'affirmation du plaignant selon laquelle il aurait violé la liberté syndicale s'agissant de la publication de l'arrêté. Les croupiers des casinos ont le droit, comme tous les travailleurs et conformément à la législation, de constituer librement leurs syndicats, sans aucune autorisation préalable, et de mener des activités sans ingérence des pouvoirs publics. La loi no 16/79 reconnaît expressément aux syndicats le droit de participation à la législation du travail; en outre, la loi sur la négociation collective leur reconnaît la capacité de négocier librement avec les employeurs et leurs organisations leurs relations collectives de travail sans aucune ingérence du gouvernement. Toutes les questions liées aux conditions de travail entrent dans le champ de la négociation collective, et les autorités publiques n'interviennent pas en vue de modifier le contenu des conventions librement conclues.
  7. 208. La communication du gouvernement ajoute que le syndicat représentatif des travailleurs en question a conclu des contrats collectifs de travail avec l'Association portugaise des entreprises concessionnaires des zones de jeux. Le gouvernement précise qu'il convient de souligner que les gratifications que les travailleurs sont autorisés à accepter en vertu de l'article 13 du décret no 43.044 doivent être réparties et octroyées "en harmonie avec les règles approuvées par le ministre": étant donné qu'il ne s'agit pas d'une rémunération du travail et qu'elles ne sont pas payées par l'employeur, les gratifications ne doivent pas être réglementées par des contrats collectifs, car la liberté syndicale et le droit des travailleurs de ne pas être affiliés à des organisations syndicales font que les conventions collectives ne sauraient légitimement réglementer la répartition des gratifications. Le gouvernement affirme enfin que les syndicats et les organisations d'employeurs ont le droit d'être consultés au préalable avant la définition des règles de répartition, ce qui a été fait dans le cas d'espèce.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 209. Le comité observe que les allégations du plaignant se réfèrent au caractère disproportionné, par rapport aux autres participants, de la représentation syndicale au sein du groupe de travail chargé d'élaborer la réglementation sur la répartition des gratifications à distribuer aux croupiers des casinos, au fait que cette réglementation n'a pas été précédée d'une discussion publique comme le prévoit la loi no 16/79, au fait que l'article 11 de l'arrêté no 24/89 réglemente des libertés, droits et garanties déjà acquis dans une convention collective signée entre le syndicat et l'Association portugaise des entreprises concessionnaires des zones de jeux, au fait que le gouvernement a légiféré au sujet des droits, libertés et garanties déjà acquis sans l'autorisation législative nécessaire et au fait que l'arrêté no 24/89 (art. 12) confère à l'Inspection générale des jeux un pouvoir de contrôle, ce qui implique pour les travailleurs une double dépendance disciplinaire.
  2. 210. Le comité prend note des explications du gouvernement selon lesquelles l'arrêté no 24/89 ne vise pas à réglementer des conditions de travail étant donné que les gratifications données par les usagers des établissements de jeux ne peuvent être considérées comme un salaire et que la compétence disciplinaire de l'Inspection générale des jeux ne couvre pas les violations des devoirs des travailleurs à l'égard de leurs employeurs. Le comité estime cependant que la répartition des gratifications accordées par les usagers aux employés des casinos et leur réglementation incombent directement aux bénéficiaires de ces gratifications car, s'il est vrai qu'elles ne sont pas considérées comme faisant partie du salaire proprement dit, il est indéniable qu'elles constituent une partie essentielle de la nature de l'activité en question, de sorte que, de l'avis du comité, les principaux intéressés à la réglementation de la répartition des gratifications, à savoir les croupiers des casinos, auraient dû être représentés et consultés dans une proportion au moins égale à celle des autres composantes du groupe de travail qui a élaboré cette réglementation. Le comité demande au gouvernement qu'à l'avenir il invite dans une proportion au moins égale les organisations directement concernées et, dans le cas d'espèce, le Syndicat des croupiers des casinos.
  3. 211. En ce qui concerne les allégations relatives à la double compétence disciplinaire créée, selon les allégations, par l'arrêté no 24/89, à la publication dudit arrêté sans discussion publique préalable, à l'article 11 du même arrêté qui, selon le plaignant, contrevient aux normes constitutionnelles en légiférant sur des questions de droits, libertés et garanties sans l'autorisation législative nécessaire, le comité note que ces allégations se réfèrent à des questions administratives et législatives d'ordre interne qui, dans le cas particulier, ne paraissent pas affecter directement la liberté syndicale des plaignants, de sorte que le comité considère que ces allégations n'entrent pas dans le champ de sa compétence.
  4. 212. Quant à l'allégation selon laquelle l'Inspection générale des jeux a engagé diverses procédures disciplinaires contre des membres du syndicat pour des infractions alléguées à l'encontre du Fonds spécial de sécurité sociale, le comité rappelle qu'il n'a pas compétence en matière de législation sur la sécurité sociale. (Voir à cet égard 230e rapport du comité, cas no 1027 (Paraguay), paragr. 53.)

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 213. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • - En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la représentation du syndicat aux réunions qui ont abouti à la publication de l'arrêté no 24/89 n'aurait pas été proportionnée au nombre de travailleurs qu'il regroupe, le comité prie instamment le gouvernement d'inviter à l'avenir les organisations concernées et, en particulier, le Syndicat des croupiers des casinos, dans une proportion au moins égale aux autres composantes intéressées.
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