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Interim Report - Report No 279, November 1991

Case No 1500 (China) - Complaint date: 19-JUN-89 - Closed

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  1. 586. Le comité a déjà examiné ce cas à trois reprises, à ses sessions de novembre 1989, février et novembre 1990. (Voir 268e rapport, paragr. 668 à 701, 270e rapport, paragr. 287 à 334, et 275e rapport, paragr. 323 à 363 approuvés par le Conseil d'administration à ses 244e, 245e et 248e sessions, respectivement.)
  2. 587. Depuis lors, le gouvernement a fourni ses observations dans une communication des 20 mai et 18 octobre 1991, et la CISL a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 14 juin 1991.
  3. 588. La Chine n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examens antérieurs du cas

A. Examens antérieurs du cas
  1. 589. Les allégations présentées par la CISL en juin 1989 trouvaient leur origine dans les mesures prises par les autorités à l'encontre des Fédérations autonomes des travailleurs (FAT), organisations créées dans plusieurs provinces de Chine, de leurs dirigeants et de travailleurs: interdiction du fonctionnement des organisations, mort de certains dirigeants lors d'une attaque par l'armée; condamnation à mort et exécution de travailleurs; arrestations. A l'appui de ces allégations, la CISL avait fourni une longue liste de travailleurs qui auraient été arrêtés ou exécutés, que le comité avait annexée à ses rapports de mai et novembre 1990.
  2. 590. Dans ses réponses, le gouvernement avait insisté sur le caractère illégal des FAT qui n'étaient pas soumises à la procédure d'enregistrement prévue par la législation. Le comité avait précisé à cet égard qu'il n'était pas dans son intention de considérer comme contraires aux principes de la liberté syndicale toutes les procédures d'enregistrement qui existent d'ailleurs dans de nombreux pays. Toutefois, s'il est vrai que les fondateurs d'un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, celles-ci, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations. Dans le cas présent, le gouvernement lui-même avait déclaré dans sa communication de janvier l990 que l'un des principes fondamentaux de la Constitution nationale est le rôle dirigeant du Parti communiste, et que l'enregistrement des organisations ayant des comportements réactionnaires devait être annulé et ces organisations interdites. Compte tenu de ces éléments, le comité avait estimé que la procédure d'enregistrement prévue dans la législation chinoise allait bien au-delà d'une simple formalité et qu'elle constituait en pratique une forme d'autorisation préalable des autorités contraire aux principes de la liberté syndicale. Sur ce point, le comité avait rappelé l'opinion émise par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son étude d'ensemble de l983 (voir Liberté syndicale et négociation collective paragr. ll5), selon laquelle les autorités administratives ne devraient pas être en mesure de refuser l'enregistrement d'une organisation simplement parce qu'elles estiment que celles-ci pourraient se livrer à des activités qui pourraient dépasser le cadre de l'action syndicale normale ou ne pas être en mesure d'exercer ces fonctions. Admettre un tel système reviendrait à subordonner l'enregistrement obligatoire des syndicats à une autorisation préalable des autorités administratives.
  3. 591. Vu les exigences posées pour l'enregistrement des organisations syndicales, le comité pouvait comprendre que les FAT n'aient pu présenter des demandes d'enregistrement qui, sur la base de la législation chinoise, ne pouvaient être que refusées comme l'avait laissé entendre le gouvernement lui-même dans sa communication de janvier l990 en indiquant que "le fait de créer la FAT violait en lui-même l'arrêté no 138 du Conseil municipal de Beijing". Le comité avait rappelé par ailleurs qu'il avait examiné les dispositions contenues dans le statut de la FAT de Beijing, fournies par la CISL, et la nature de ses revendications et qu'il avait estimé sur cette base que celles-ci relevaient des activités normales d'une organisation de travailleurs promouvant et défendant les intérêts de ses membres. Aucun des éléments de réponse dans la dernière communication du gouvernement n'avait incité le comité à modifier son opinion sur ce point. Le comité avait observé en outre que, selon les informations fournies par le gouvernement lui-même, les FAT s'étaient constituées dans de nombreuses provinces du pays et qu'elles ne pouvaient donc pas être considérées comme un "groupuscule" spontané. Il avait donc souligné que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes tant de celles qui existent déjà que de tout parti politique. Le comité avait demandé en conséquence à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et les droits de libre fonctionnement de ces organisations soient assurés dans la législation et dans la pratique.
  4. 592. Sur les aspects factuels du cas, le comité avait noté que le gouvernement avait fourni des informations sur une partie des personnes mentionnées par la CISL comme ayant été exécutées ou arrêtées. Toutefois, ces informations ne recouvraient que 91 personnes sur les quelque l30 qui avaient été nommément désignées par l'organisation plaignante.
  5. 593. Selon les informations ainsi fournies par le gouvernement, certains des travailleurs (24) mentionnés comme détenus par l'organisation plaignante n'avaient pas été arrêtés et la justice n'avait pas eu à connaître de leur cas. D'autres, au nombre de 30, qui n'avaient commis aucun délit ou seulement des délits mineurs ou qui avaient adopté une "attitude de remords" avaient été ou exemptés de sanctions pénales ou relâchés après une période de rééducation. Enfin, le gouvernement avait communiqué des informations sur 37 personnes qui avaient été condamnées par les tribunaux dont neuf condamnées à mort et six condamnées à une peine de prison à perpétuité, notamment pour faits d'incendies, pillages, sabotages de transports, meurtres et plus généralement troubles de l'ordre public.
  6. 594. Tout en notant que le gouvernement avait pour la première fois fourni des informations substantielles sur un nombre important de personnes désignées nommément dans la plainte, le comité avait exprimé sa vive préoccupation devant l'extrême gravité des condamnations prononcées à l'encontre de travailleurs dont l'organisation plaignante avait déclaré que leur action se situait dans le cadre de la participation à la formation d'organisations indépendantes. Le comité avait rappelé que, dans une situation où les organisations de travailleurs estimeraient ne pas jouir des libertés essentielles pour mener à bien leur mission, elles seraient fondées à demander la reconnaissance de ces libertés et que de telles revendications devraient être considérées comme entrant dans le cadre d'actions syndicales légitimes.
  7. 595. Le comité avait été particulièrement consterné par les neuf condamnations à mort dont avait fait état le gouvernement. Celui-ci ne précisait pas si les personnes ainsi condamnées avaient été exécutées ou non (il ne faisait mention que d'un sursis de deux ans pour l'un de ces travailleurs, Luan Jikui). Si les condamnations ainsi prononcées n'avaient pas encore été suivies d'effets, le comité avait exhorté le gouvernement à surseoir aux exécutions et à réexaminer le cas de ces personnes. Il lui avait demandé de fournir des informations à cet égard.
  8. 596. En ce qui concerne les peines de prison prononcées, le comité croyait comprendre de la réponse du gouvernement que les condamnations avaient déjà été confirmées en appel, ce qui impliquait que les sentences avaient été rendues avec une rapidité qui jetait un doute sérieux sur le respect des garanties judiciaires normales dans les procédures suivies. Compte tenu de tous ces éléments et de la sévérité des condamnations, le comité avait demandé au gouvernement de réexaminer les affaires en question et de le tenir informé de toute mesure prise en ce sens.
  9. 597. Le comité avait relevé par ailleurs qu'il restait un certain nombre de personnes mentionnées comme exécutées ou arrêtées par la CISL sur lesquelles le gouvernement n'avait pas fourni de réponse. Le comité avait demandé au gouvernement de fournir des informations à cet égard (motifs des arrestations, procédures éventuelles engagées et situations actuelles des personnes concernées).
  10. 598. Le gouvernement n'avait pas non plus répondu aux demandes d'informations formulées par le comité à sa session précédente au sujet de la condamnation de travailleurs de Changchun dont sept avaient été envoyés dans des camps de rééducation par le travail. Le comité avait donc demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les faits précis à l'origine de ces condamnations. Plus généralement, il avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les raisons, la nature et les objectifs des mesures de rééducation par le travail auxquelles étaient astreints certains syndicalistes.
  11. 599. Le comité avait constaté également que le gouvernement, bien qu'il ait fourni des éléments d'information sur deux dirigeants de la FAT de Beijing, Hang Dongfang et Liu Quiang, n'avait pas indiqué si ces personnes avaient été condamnées et il n'avait pas répondu aux allégations relatives à des mauvais traitements qui auraient été exercés à leur encontre. Le comité avait demandé au gouvernement de fournir ses observations à cet égard.
  12. 600. En ce qui concerne les événements de la place Tiananmen, le comité avait relevé la totale contradiction entre les allégations de l'organisation plaignante et la réponse du gouvernement. Selon la CISL, beaucoup des représentants de la FAT auraient été tués lors de l'assaut donné par l'armée à la place Tiananmen dans la nuit du 3 au 4 juin l989. En revanche, le gouvernement avait soutenu que personne n'avait trouvé la mort lors de l'évacuation de la place. Devant ces déclarations diamétralement opposées, il était impossible au comité d'aboutir, dans l'état des informations à sa disposition, à des conclusions sur cet aspect du cas. Il avait donc demandé à l'organisation plaignante de fournir des précisions sur l'identité des personnes qui auraient été tuées à cette occasion.
  13. 601. A sa session de novembre 1990, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes du comité:
    • "a) Le comité souligne à nouveau que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes, tant de celles qui existent déjà que de tout parti politique. Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ce droit, ainsi que les droits de libre fonctionnement des organisations soient assurés dans la législation et dans la pratique.
    • b) Le comité exprime sa vive préoccupation devant l'extrême gravité des condamnations prononcées à l'encontre de travailleurs.
    • c) Particulièrement consterné par les neuf condamnations à mort dont a fait état le gouvernement, le comité exhorte le gouvernement, au cas où les condamnations n'auraient pas été suivies d'effets, à surseoir aux exécutions et à réexaminer le cas des personnes concernées. Il lui demande de fournir des informations à cet égard.
    • d) Le comité demande également au gouvernement de réexaminer les affaires qui ont abouti à la condamnation de travailleurs à des peines de prison et de le tenir informé de toutes mesures prises en ce sens.
    • e) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les personnes mentionnées dans l'annexe ci-jointe, au sujet desquelles il n'a pas encore répondu (motifs des arrestations, procédures éventuelles engagées et situation actuelle des personnes concernées).
    • f) Le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les faits précis à l'origine des condamnations prononcées à l'encontre de travailleurs de Changchun, dont sept ont été envoyés dans des camps de rééducation par le travail. Il lui demande également à nouveau de fournir des informations sur les raisons, la nature et les objectifs des mesures de rééducation par le travail auxquelles sont astreints certains syndicalistes.
    • g) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations concernant les mauvais traitements qui auraient été infligés à deux dirigeants de la FAT de Beijing, Hang Dongfang et Liu Qiang, ainsi que des informations sur la situation actuelle de ces personnes.
    • h) Compte tenu de la totale contradiction existant entre les allégations de l'organisation plaignante et la réponse du gouvernement au sujet des événements survenus lors de l'évacuation de la place Tiananmen, le comité demande à la CISL de fournir des précisions sur l'identité des personnes qui auraient été tuées à cette occasion."

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 602. Dans sa communication du 20 mai 1991, le gouvernement rappelle qu'il a déployé tous ses efforts pour résoudre le présent cas raisonnablement dans le cadre de la Constitution de l'OIT. Cependant, le Comité de la liberté syndicale a encore persisté à s'ingérer dans les affaires intérieures de la Chine et a accusé le gouvernement chinois sans fondement. Le gouvernement regrette profondément cette situation, mais fournit des informations supplémentaires en vue de clarifier encore les faits. Il espère que ces commentaires pourront être pris sérieusement en considération pour mettre un terme à ce cas le plus rapidement possible.
  2. 603. Le gouvernement a déjà commenté le caractère illégal des FAT dans ses réponses antérieures. Il est regrettable que le comité n'ait pas examiné sérieusement les faits tels que présentés par le gouvernement et qu'il ait abouti à des conclusions contraires à la réalité. L'organisation illégale FAT a été créée avec l'apparition du chaos politique en Chine en 1989 et a dépéri en raison de sa participation directe à des actions violentes contre le gouvernement. La FAT a gravement violé le droit pénal car son objectif était de renverser le gouvernement légitime par des moyens d'action illégaux et violents. Ainsi, le caractère illégal de la FAT n'est en aucune manière décidé par quelqu'un, mais s'est imposé par son propre comportement. Pour le gouvernement, affirmer que la FAT est une organisation légale en se fondant sur sa prétention orale de "lutter pour les droits des travailleurs" tout en taisant ou en ignorant délibérément ses objectifs illégaux indéniables et un grand nombre de ses activités criminelles, n'est pas seulement irresponsable, mais répond aussi à des motivations cachées. En particulier, un nombre important de personnes mentionnées par la CISL n'ont même pas participé à la FAT. Il s'agit seulement d'un groupe de criminels qui se sont engagés dans la violence, le pillage et le vol à l'occasion d'une émeute. Insister en répétant que ces personnes sont des militants syndicaux est difficile à comprendre de la part d'une importante organisation internationale et d'une organisation syndicale qui a une certaine influence dans le monde.
  3. 604. Dans sa réponse précédente, le gouvernement a indiqué qu'il n'y avait pas de FAT ou d'organisation similaire créée à Changchun. Les sept personnes mises en éducation par le travail en juin 1989 sont celles qui ont exercé des activités illégales pendant la période de troubles. Elles ont commis des crimes tels que perturbation de l'ordre public, blocage de la circulation, entraves aux affaires publiques, destruction des biens publics et extorsion de fonds en prétendant être des agents de la sécurité publique. Ces personnes n'appartenaient à aucune organisation et n'étaient évidemment impliquées dans aucune activité syndicale. Le fait d'appeler ces personnes "militants syndicaux" n'est donc pas conforme à la réalité.
  4. 605. Aux termes des règlements pertinents de l'Etat, l'éducation par le travail vise les personnes de plus de 16 ans vivant dans les grandes et moyennes cités, qui ne sont pas passibles de sanctions pénales ou qui sont libérées de ces sanctions, mais qui violent la paix publique et refusent de changer de conduite malgré des avertissements répétés, ou encore qui commettent des crimes légers (principalement vols, escroqueries, comportements indécents, fomentation de troubles, etc.). L'objectif de l'éducation par le travail est d'éduquer, de faire changer et de racheter les personnes qui ont commis de tels crimes. Cette éducation joue un rôle dans le maintien de l'ordre social et prévient les crimes en éduquant ceux qui sont sur le point de commettre des délits en vue d'éviter la poursuite d'activités illégales et la criminalité. L'éducation par le travail est une mesure efficace, en accord avec la situation de la Chine, pertinente pour les besoins sociaux et bénéfique au maintien de la stabilité sociale.
  5. 606. Le gouvernement a illustré à plusieurs reprises les principes à la base des mesures auxquelles ont été soumis les membres de la FAT ainsi que d'autres criminels. Cette politique vise, à la lumière des faits et conformément à la loi, à appliquer des sanctions à une poignée de criminels qui ont commis de graves délits et à éduquer ceux qui se sont livrés à des actes criminels mineurs. Il a été prouvé que la majorité des personnes qui ont participé aux troubles et aux émeutes ont été libérées par les autorités judiciaires sans enquête sur leurs responsabilités criminelles. Seule une petite minorité de criminels a été punie conformément à la loi.
  6. 607. Le gouvernement fournit, en outre, des informations sur les personnes suivantes: Li Weidong, Ho Lili, de Beijing; Zhou Shao Wu, de Shanghai; Yang Yongmin de la province de Jiangsu; Zhu Huiming, Li Huling, de Nangjing; An Baojin, Liu Congshu, de la province de Shaanxi, ont été libérés après éducation ou exemptés de responsabilités criminelles par les autorités judiciaires. A Beijing, Tian Bomin a été condamné à cinq ans d'emprisonnement pour vol simple et filouterie, Guo Yaxiong à trois ans d'emprisonnement pour perturbation de la circulation. A Shanghai, Zhang Qiwang, Wang Hong, Weng Zhengmin ont été condamnés, respectivement, à trois ans, un an et demi et à trois ans d'emprisonnement pour détérioration de la paix publique, et Cai Chaojung à quatre ans d'emprisonnement pour perturbation de la circulation. A Nangjing, Rui Tonghu a été condamné à trois ans d'emprisonnement pour perturbation de la paix publique. Dans la province de Jiangsu, Du Weng a été condamné à trois ans d'emprisonnement pour troubles de l'ordre public. Dans la province de Shaanxi, Li Guiren a été condamné à trois ans d'emprisonnement pour perturbation de la paix publique. Dans la province de Shandong, Lui Yubin et Che Honglian ont été condamnés, respectivement, à trois ans et deux ans d'emprisonnement pour perturbation. A Changsha, He Zhaohui, Li Jian, Lui Xingqi, Yang Xiong et Zhang Xudong ont été condamnés, respectivement, à quatre ans, trois ans, trois ans, quatre ans et quatre ans d'emprisonnement pour perturbation de la paix publique. Hang Dongfang de Beijing a été libéré sous caution en attendant son procès. Il est absolument sans fondement d'avancer qu'il a été maltraité. Chen Yinshan, Zhou Endong, Zheng Chuanli, Zhu Wenli, Dian Hanwu, Jiao Zhijin, Shao Lianchen, Hao Jinguang, Yan Quingzhong n'ont jamais été soumis à des actions judiciaires. Les informations concernant Quian Yunin, Xiao Bin, Lu Zhongshu, Gao Jingtang, Zhu Guanghua, Li Xiaohu ont été fournies par le gouvernement en novembre 1990.

C. Informations complémentaires de la CISL

C. Informations complémentaires de la CISL
  1. 608. Dans sa communication du 14 juin 1991, la CISL déclare, concernant le statut des FAT, que les informations limitées fournies par le gouvernement à cet égard ne correspondent pas à la réalité. La CISL estime que la déclaration du gouvernement selon laquelle la FAT de Beijing n'a jamais demandé d'enregistrement est totalement infondée. En effet, dans une déclaration sous serment, M. Zhao Hongligang, membre de la FAT, a déclaré que quatre représentants de cette organisation se sont rendus auprès du gouvernement pour demander l'enregistrement, mais les divers départements concernés ont refusé la demande sous divers prétextes. Finalement, la demande a été refusée pour le motif que "le temps était à la rigueur".
  2. 609. La CISL considère que non seulement les statuts de la FAT mais aussi ses activités contredisent de façon flagrante les déclarations du gouvernement selon lesquelles il s'agissait d'un petit groupe de criminels. La CISL souligne que la FAT de Beijing a publiquement annoncé toutes ses activités par un système de radio installé sur la place Tiananmen et qu'aucune incitation à la violence n'a été lancée par ses dirigeants. Il y a eu deux appels à la grève générale, l'un le 20 mai qui a été ajourné par la suite, l'autre le 3 juin quand on a appris que l'Armée de libération populaire avait commencé à utiliser la violence contre des civils désarmés. Même dans ces circonstances dramatiques, Hang Dongfang, dirigeant de la FAT, a lancé un appel au calme et à la non-violence.
  3. 610. En ce qui concerne les événements des 3 et 4 juin 1989 et les morts violentes qui en ont résulté, la CISL estime que la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'y a pas eu de morts lors de l'évacuation de la place Tiananmen, se réfère uniquement à une très brève période, à savoir l'aube du 4 juin, pendant laquelle un certain nombre d'étudiants et de civils se sont retirés du Monument au Héros du peuple, après accord de leurs dirigeants avec les officiers. En revanche, tel n'est pas le cas pour le reste de la place et d'autres endroits de Beijing. Les rapports des organisations des droits de l'homme montrent, témoignages et photographies à l'appui, qu'il y a eu un nombre minimal de victimes estimé à 1.000, alors qu'une source basée à Hong-kong estime ce nombre à 8.000.
  4. 611. La CISL n'est pas en mesure de fournir l'identité des dirigeants et membres de la FAT qui ont été tués, et ceci pour deux raisons. D'une part, certaines organisations de droits de l'homme estiment que dévoiler l'identité de ces personnes mettrait en danger leurs parents et les exposerait à des représailles et, d'autre part, la violence de l'intervention de l'armée a empêché les membres de la FAT qui ont été saufs de vérifier l'identité de leurs collègues tués. La CISL cite à cet égard des témoignages de personnes présentes. Elle estime que la mort de nombreuses personnes est indiscutable. La plupart semblent avoir été tuées par des armes à feu, poignardées par des baionnettes ou écrasées par des véhicules militaires. Ces faits ont été confirmés par des équipes de presse étrangères, et des photographies en apportent la preuve.
  5. 612. En ce qui concerne les procédures judiciaires, la CISL souligne que de nombreuses sources, notamment des publications officielles de la République populaire de Chine et des déclarations de fonctionnaires gouvernementaux, ont établi, sans l'ombre d'un doute, que les autorités politiques et judiciaires ont ignoré les règles d'une procédure judiciaire régulière. Elle ajoute que, selon Asia Watch, les travailleurs représentent 66 pour cent des personnes arrêtées lors de ces événements. La CISL estime que les conditions légales d'arrestation et de procédure d'instruction n'ont pas été respectées, que ces travailleurs ont été torturés pour obtenir des preuves, que leur droit à la défense a été violé et que les sentences prononcées ne sont pas le résultat d'une procédure judiciaire régulière, mais ont été déterminées à l'avance par les autorités politiques, et particulièrement par le Parti communiste. La CISL cite à cet égard une déclaration du président de la Cour suprême, selon laquelle les cours doivent exercer leur pouvoir sous la direction du Parti.
  6. 613. La CISL mentionne des études de juristes et des témoignages déclarant que les droits à la défense n'ont pas été respectés et que des prisonniers ont été soumis à des violences. En particulier, selon Asia Watch, des personnes ont été condamnées par les organes de sécurité publique (la police) sans le bénéfice d'une audition ou d'une comparution devant un tribunal. Elles peuvent être condamnées sans procès jusqu'à trois ans de rééducation par le travail, euphémisme pour désigner le travail forcé pendant une détention arbitraire. Un autre exemple de détention administrative sans base légale est la pratique largement répandue par laquelle la police maintient pendant des mois des suspects de sa propre autorité et sans contrôle judiciaire, dans des conditions similaires ou pires à celles des criminels de droit commun.
  7. 614. Selon la CISL, le principe de l'innocence de l'accusé jusqu'à ce qu'il soit reconnu coupable n'est pas respecté en Chine. Dans les cellules de la police, il est inscrit sur les murs "clémence pour ceux qui avouent, sévérité pour ceux qui résistent". La justice, en fait, fonctionne, d'après la CISL, selon le principe du "verdict en premier, jugement en second". Même lorsqu'il dispose d'un défenseur, l'accusé peut difficilement s'attendre à ce que l'avocat puisse remplir ses fonctions normalement. En outre, certains rapports suggèrent que les cas dits politiques - parmi lesquels ceux des militants syndicaux indépendants - sont normalement soumis à des avocats membres actifs du Parti. De même, le droit d'appel a été souvent dénié en pratique car il était présenté par les juges comme "un geste nuisible". La CISL souligne que les sentences imposées immédiatement après les événements de 1989 ont souvent été prononcées pendant des procès tenus au cours de rassemblements de masse, et les condamnations à mort sont intervenues quelques jours après l'arrestation initiale (par exemple quatre jours à Shanghai). L'un des hommes accusé d'avoir mis le feu à un train à Shanghai a été présenté comme un attardé mental. La retransmission du procès par la télévision a montré qu'il semblait ne rien comprendre aux événements. Il a néanmoins été condamné à mort et exécuté. Tous ces éléments jettent un doute profond, selon la CISL, sur l'affirmation du gouvernement selon laquelle les procès ont été menés et les jugements prononcés en stricte conformité avec la procédure prévue par la législation.
  8. 615. La CISL estime que les preuves utilisées dans les procès sont normalement obtenues par la torture. A cet égard, l'organisation cite un rapport d'Amnesty International qui décrit les méthodes de torture utilisées en Chine ainsi qu'un rapport du Procureur de l'Etat au Congrès national du peuple d'avril 1991, qui indique que, l'an passé, il a été découvert 472 cas d'aveux obtenus par la torture, plus de 3.500 cas de détention illégale et 461 cas de fausses plaintes.
  9. 616. La CISL estime qu'une part importante des informations fournies par le gouvernement sur la situation des personnes mentionnées dans la plainte ne correspond pas à la réalité. Pour le gouvernement, 24 de ces personnes n'ont pas été arrêtées. La CISL fournit des informations supplémentaires sur 19 d'entre elles (voir annexe). Toutes ont été arrêtées et nombre d'entre elles ont été condamnées. La plupart de ces informations ont été annoncées par la presse chinoise elle-même. La CISL fournit également des informations sur 74 personnes, en particulier sur presque tous les détenus pour lesquels le gouvernement n'a pas répondu (voir annexe). Toutes ces listes ne représentent, selon la CISL, qu'une fraction des militants syndicaux indépendants qui ont été arrêtés. Ces organisations de droits de l'homme ont ainsi identifié plus de 1.000 personnes arrêtées à l'occasion des événements de mai-juin 1989, dont la majorité sont des travailleurs.
  10. 617. La CISL indique également qu'un certain nombre de militants syndicaux arrêtés après fin 1989 ont été envoyés dans des camps de travail forcé. La CISL exprime sa préoccupation quant au fait que, selon Asia Watch, certaines des personnes mentionnées dans la plainte seraient détenues dans ces conditions (par exemple Rui Tonghu, Zhu Huining et Li Huling, membres de la FAT de Nanjing, détenus dans la province de Jiangsu). Toujours selon le rapport d'Asia Watch, il est de pratique commune que les prisonniers des camps de travail soient indéfiniment retenus de force comme travailleurs après avoir accompli leur peine. C'est une politique communément appliquée aux prisonniers "non repentis", parmi lesquels les prisonniers politiques.
  11. 618. En conclusion, la CISL, s'appuyant sur des déclarations publiées en Chine même, estime que la répression s'est principalement exercée contre les travailleurs et, parmi eux, contre les militants syndicaux indépendants. La CISL demande au comité de faire pression auprès du gouvernement pour obtenir la libération immédiate et inconditionnelle des travailleurs et militants syndicaux ou, à défaut, la transmission d'informations complètes et correctes sur leur sort et leur situation légale et le respect des droits des détenus. La CISL estime enfin que l'autorisation par le gouvernement d'un contrôle indépendant et sans entrave des informations fournies serait la bienvenue et démontrerait qu'il souhaite se conformer aux principes internationalement reconnus en matière de droits de l'homme et de droits syndicaux.

D. Réponse complémentaire du gouvernement

D. Réponse complémentaire du gouvernement
  1. 619. Dans sa communication du 18 octobre 1991, le gouvernement exprime tout d'abord ses vifs regrets quant à la nouvelle communication de la CISL qui constitue, selon lui, une nouvelle ingérence dans les affaires intérieures chinoises sous prétexte de liberté syndicale. Le gouvernement estime que ces nouvelles allégations sont entachées de fausses informations. Toutefois, faisant preuve d'un désir sincère de coopérer avec l'OIT et dans le but d'éclairer davantage cette affaire, le gouvernement fournit des commentaires.
  2. 620. En ce qui concerne la demande d'enregistrement de la FAT de Beijing, le gouvernement indique que le ministère du Travail a effectué une enquête auprès des divers départements concernés mais il n'existe dans aucune archive la trace d'une demande d'enregistrement de cette soi-disant organisation. De toutes manières, selon le gouvernement, sa création constituait en elle-même un acte illégal au cours des troubles et après la proclamation de la loi martiale.
  3. 621. Au sujet des condamnations à mort, le gouvernement indique que les personnes concernées ont été exécutées conformément à la loi. Ces personnes, qui avaient commis de graves crimes d'assassinat et d'incendies ont été dûment punies, ce qui était nécessaire pour sauvegarder l'ordre social et les intérêts du peuple.
  4. 622. Pour ce qui est des événements de la place Tiananmen, le gouvernement indique que la municipalité de Beijing a mené une enquête minutieuse et responsable sur toute l'affaire. Le maire de Beijing, M. Chen Xitong a présenté le rapport officiel d'enquête en session plénière de l'Assemblée populaire nationale. Le gouvernement souligne trois points à cet égard: 1) au cours de l'évacuation de la place Tiananmen à l'aube du 4 juin 1989, il n'y a eu aucun mort puisque l'évacuation a été faite d'une manière ordonnée et organisée, toute autre supposition subjective ne saurait être fondée; 2) au cours de la lutte contre la rébellion, aucun dirigeant de la FAT de Beijing n'a trouvé la mort, ils sont tous vivants aujourd'hui; 3) il est ridicule d'affirmer que la FAT n'a pas participé à la rébellion: elle avait publiquement déclaré qu'elle entendait renverser le gouvernement, elle avait organisé des actions d'encerclement du siège du gouvernement, elle avait rassemblé des milliers de personnes pour livrer assaut au commissariat de police et au ministère de la Sécurité publique, elle avait participé à l'élaboration des complots visant à saboter l'état de siège et à bloquer les véhicules militaires. Pour le gouvernement, ces quelques faits suffisent à montrer que la FAT est bel et bien une organisation illégale vouée aux troubles et à la rébellion et qu'elle n'est en aucune manière une organisation ouvrière légale. Cependant, seuls les membres de la FAT, qui avaient vraiment violé la loi pénale ont été jugés par les autorités judiciaires, les autres travailleurs qui avaient été entraînés n'ont pas été soumis à procès.
  5. 623. Concernant les allégations relatives à la procédure judiciaire qu'il qualifie de calomnieuses, le gouvernement mentionne les dispositions de la loi de procédure criminelle qui prévoient le droit à la défense et la désignation d'un défenseur d'office par le tribunal au cas où l'accusé n'aurait pas autorisé quelqu'un à être son défenseur. Le gouvernement indique que les tribunaux des divers degrés de juridiction ont strictement observé les dispositions en question lors des procès des criminels ayant participé à la rébellion, leur accordant ainsi pleinement l'occasion d'exercer leur droit à la défense. Par exemple, au cours de l'examen du cas de Hang Dongfang, l'un des principaux dirigeants de la FAT de Beijing, le tribunal populaire de deuxième instance de Beijing a écouté consciencieusement sa propre défense et la plaidoirie de son avocat, les a comparées avec les données recueillies et a conclu que l'intéressé, bien qu'il ait participé à la rébellion, n'avait pas commis de graves délits. Il a donc été libéré.
  6. 624. Le gouvernement, citant la disposition pertinente de la loi de procédure criminelle, mentionne que le droit d'appel existe bien dans la procédure judiciaire chinoise. Ce droit a été rigoureusement observé dans les procès. Le gouvernement cite ainsi des exemples où cette procédure a été appliquée et où les peines ont été réduites en deuxième instance ou même annulées. Tel est le cas de lu Zhongshu déclaré innocent en appel ou de Wang Lianxi qui a vu sa peine de mort commuée en prison à perpétuité.
  7. 625. Selon le gouvernement, la justice a maintenant pratiquement achevé les procès des personnes impliquées dans les troubles et la rébellion et ayant commis des délits. La procédure a été suivie, du début à la fin, à la lumière des faits et conformément à la loi, guidée par la politique de lier la sanction à la clémence. Il s'agit de "sauver" tous ceux qui sont susceptibles d'être "sauvés". Pour cela, l'examen de chaque cas a été mené de façon extrêmement responsable: d'une part, il importe de découvrir tous les faits criminels violant la loi, d'autre part, on tient à une éducation patiente, en accordant un certain temps pour attendre que l'intéressé se rende compte de ses erreurs passées. Actuellement, tous ceux qui s'étaient livrés à des actes criminels mineurs ont obtenu, après une période d'éducation, différents traitements de clémence. Seule une petite minorité de criminels ayant violé gravement la loi pénale a été l'objet de poursuites.
  8. 626. Le gouvernement fournit en outre des informations sur les nouvelles personnes de la région de Beijing mentionnées dans la dernière communication de la CISL. Ont été libérés, exempts de responsabilité criminelle: Liu Qiang, principal dirigeant de la FAT de Beijing, Zhu Liani, Zhou Yonjun, Li Jinjun, conseiller juridique de la FAT, Quian Yunin, interpellé par la police fin mai 1989 mais non arrêté. Ont été condamnés: Li Bing, condamné à 7 ans de prison pour graves crimes de participation à la rébellion et destruction de véhicules militaires, Liu Zihou, condamné à 8 ans de prison pour graves crimes de participation à la rébellion, d'incendie et de blocage des rues, Zhang Zhenhai, condamné à 8 ans de prison pour détournement d'avion. Wang Hang Wu a été condamné à mort pour la gravité de ses crimes de participation à la rébellion et d'incendies de véhicules militaires et exécuté le 22 juin 1989. He Qunyin n'a pas été identifié.
  9. 627. Le gouvernement signale qu'un certain nombre de personnes mentionnées comme arrêtées n'ont jamais fait l'objet de poursuites judiciaires. A la suite de la nouvelle communication de la CISL, le gouvernement a procédé à de nouvelles enquêtes qui ont confirmé les conclusions antérieures. Selon le gouvernement, le comportement de la CISL manque donc de sérieux. Il s'agit probablement, selon le gouvernement, de personnes qui avaient été interpellées par la police mais non arrêtées.
  10. 628. Le gouvernement réaffirme en conclusion que la Chine est un pays qui respecte les droits de l'homme. Cependant, le jugement des personnes, conformément à la procédure judiciaire chinoise, relève du domaine des affaires intérieures de la Chine. Pour le gouvernement, aucune ingérence étrangère au nom de la protection des droits de l'homme n'y est permise.
  11. 629. Le gouvernement a en outre envoyé au BIT le rapport de l'enquête menée par la municipalité de Beijing, intitulé "Rapport sur l'intervention contre l'émeute antigouvernementale". Il ressort de ce rapport que 1.280 véhicules militaires, cars de police et autobus ont été détruits, brûlés ou endommagés d'une autre manière. Plus de 6.000 soldats, policiers et agents de la sécurité publique ont été blessés et plusieurs douzaines d'entre eux ont été tués. Pour le rapport, ces lourdes pertes constituent un témoignage éloquent de la modération et de la tolérance dont ont fait preuve les troupes. Selon les informations recueillies au cours de l'enquête, plus de 3.000 civils ont été blessés et plus de 200, dont 36 étudiants, ont été tués pendant l'émeute. Certains ont été renversés par des véhicules, d'autres ont été écrasés ou atteints par des balles perdues. Certains ont été blessés ou tués par des voyous qui s'étaient emparés d'armes. Parmi les civils blessés ou tués, figurent des émeutiers, des personnes touchées par accident ainsi que des médecins ou autres personnes qui étaient sur place pour effectuer leur mission. En revanche, l'évacuation de la place Tiananmen, qui est décrite en détail dans le rapport, s'est faite dans l'ordre, sans qu'il y ait eu de morts.

E. Conclusions du comité

E. Conclusions du comité
  1. 630. Avant d'aborder le cas quant au fond, le comité doit regretter une nouvelle fois que le gouvernement persiste à déclarer qu'en examinant ce cas le comité s'ingère dans les affaires intérieures de la Chine. Le comité rappelle que dès lors qu'un Etat devient Membre de l'Organisation il doit en accepter les principes fondamentaux définis par la Constitution et la Déclaration de Philadelphie, en particulier ceux relatifs à la liberté syndicale. En conséquence, les allégations en violation des droits syndicaux ne peuvent être considérées comme une affaire intérieure de l'Etat concerné, et le comité se doit d'examiner les plaintes recevables qui lui sont soumises. Telle est la situation dans le présent cas.
  2. 631. Le comité a pris note des informations fournies par le gouvernement en réponse aux demandes qu'il avait formulées dans son rapport précédent. Il se félicite que le gouvernement ait ainsi communiqué des informations sur la totalité des personnes qui avaient été mentionnées dans les communications initiales de la CISL comme arrêtées ou condamnées. Le gouvernement a également donné des réponses sur certains des nouveaux noms mentionnés dans la communication la plus récente de la CISL.
  3. 632. En ce qui concerne la demande d'enregistrement de la FAT de Beijing, le gouvernement insiste à nouveau sur le caractère illégal de cette organisation et indique que, contrairement aux affirmations de la CISL, il n'y a aucune trace, dans les départements ministériels concernés, d'une demande d'enregistrement de la FAT. Les déclarations du plaignant et du gouvernement sont donc parfaitement contradictoires sur ce point. Toutefois, le comité estime que le fait que la FAT ait présenté une demande d'enregistrement ou non ne revêt qu'une importance réduite. En effet, aux dires mêmes du gouvernement, la FAT était considérée par les autorités comme une organisation illégale qui ne pouvait donc être enregistrée. Comme le comité l'a déjà signalé dans son rapport précédent, la procédure d'enregistrement prévue par la législation chinoise va bien au-delà d'une simple formalité et elle constitue en pratique une forme d'autorisation préalable des autorités, contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité rappelle par ailleurs une nouvelle fois qu'il a estimé, sur la base des statuts de la FAT de Beijing et de la nature de ses revendications, que celles-ci relevaient des activités normales d'une organisation de travailleurs promouvant et défendant les intérêts de ses membres. Le comité ne peut que maintenir cette opinion et demander à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et les droits de libre fonctionnement de ces organisations soient reconnus dans la législation et assurés dans la pratique.
  4. 633. Le comité déplore profondément une nouvelle fois les condamnations à mort prononcées contre des travailleurs et observe avec consternation que ces personnes ont été effectivement exécutées. Il ne peut que manifester sa profonde réprobation devant ses exécutions et ce d'autant plus que les procès qui ont abouti à ces condamnations - tout au moins ceux pour lesquels le comité a eu des informations précises sur leur déroulement - ont été menés avec une extrême rapidité. C'est ainsi que dans l'affaire des trois travailleurs de Shangaï, les exécutions ont eu lieu deux semaines après les incidents et, entre-temps, l'affaire a été jugée à deux reprises, une fois en première instance et une autre fois en appel.
  5. 634. En ce qui concerne les détentions, le comité a pris note des informations fournies par le gouvernement sur la liste des personnes mentionnées par la CISL dans ses différentes communications. Le comité se félicite de la mesure positive que constitue la libération de certaines personnes détenues et, en particulier, des deux principaux dirigeants de la FAT de Beijing, Hang Dong Fang et Liu Qiang. Le comité note également l'indication donnée par le gouvernement selon laquelle certaines des personnes mentionnées comme arrêtées par la CISL n'ont été en réalité qu'interpellées par la police et ne figurent donc pas comme personnes ayant été détenues.
  6. 635. Toutefois, le comité doit constater que la plus grande part des informations communiquées par le gouvernement fait apparaître que les nouvelles personnes mentionnées dans les dernières communications ont été condamnées à des sévères peines de prison, très souvent pour "perturbation de la paix publique", ce qui porte à 56 le nombre de personnes dont le gouvernement a indiqué qu'elles avaient fait l'objet d'une sentence des tribunaux. Sur ces 56 personnes, neuf ont été condamnées à mort et six à la détention à perpétuité. Le comité doit une nouvelle fois exprimer sa vive préoccupation devant le nombre et la sévérité des sanctions prononcées par les tribunaux. Il rappelle qu'il avait demandé au gouvernement de réexaminer les affaires en question et de le tenir informé de toute mesure prise en ce sens. N'ayant reçu depuis lors aucune indication du gouvernement sur ses intentions quant à des mesures d'amnistie ou de clémence, le comité se doit d'insister à nouveau pour que, plus de deux ans après les événements, des mesures soient prises d'urgence pour mettre un terme à ces détentions. Il demande au gouvernement de l'informer de tout développement à cet égard.
  7. 636. Par ailleurs, dans sa nouvelle communication, la CISL a communiqué une liste de dirigeants des FAT ou de travailleurs qui auraient été arrêtés. Le gouvernement a fourni des réponses sur la plupart des personnes de la région de Beijing. En revanche, il n'a pas envoyé d'informations sur les personnes mentionnées dans la liste annexée au présent rapport. Le comité demande au gouvernement de fournir d'urgence des informations sur ces personnes (motifs des arrestations, procédures éventuelles engagées et situation actuelle des personnes concernées).
  8. 637. Pour ce qui est des travailleurs soumis à un régime d'éducation par le travail, le comité a pris note des explications du gouvernement selon lesquelles ce régime vise les personnes "qui ne sont pas passibles de sanctions pénales ou qui sont libérées de ces sanctions". Il apparaît donc à la lumière de cette réponse que les travailleurs concernés ont été placés dans cette situation sans aucune condamnation des tribunaux et même, semble-t-il, alors qu'aucune sanction ne leur était imposable. Il s'agit donc, de l'avis du comité, d'une forme de détention administrative, permettant même dans certains cas de maintenir en détention des personnes dont la peine prononcée par les tribunaux était arrivée à son terme. Il s'agit-là d'une attente manifeste aux droits fondamentaix de l'homme dont le respect est essentiel pour l'exercice des droits syndicaux, comme l'a souligné la Conférence internationale du Travail en 1970. Le comité estime donc que le gouvernement devrait accorder une attention prioritaire à cette question afin que les personnes ainsi détenues sans jugement soient libérées. Il lui demande de fournir des informations sur les mesures qu'il compte prendre à cet égard.
  9. 638. Les allégations de la CISL avaient fait état de mauvais traitements exercés à l'encontre de deux dirigeants de la FAT de Beijing. Dans sa communication, le gouvernement se borne à indiquer que cette affirmation est sans fondement. Le comité estime que les plaintes alléguant des mauvais traitements devraient faire l'objet d'une enquête de la part des autorités pour que, si nécessaire, les mesures qui s'imposent soient prises en vue notamment de déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels actes.
  10. 639. En ce qui concerne les morts de travailleurs qui seraient survenues sur la place Tiananmen à la suite de l'intervention de l'armée, le comité note qu'une enquête a été menée par la municipalité de Beijing. Selon le rapport d'enquête, il n'y a eu aucun mort lors de l'évacuation de la place. Cette affirmation n'est d'ailleurs, semble-t-il, pas démentie par la CISL qui soutient que cette déclaration s'applique à une très brève période, à savoir l'aube du 4 juin. Il ressort du rapport, en revanche, que des personnes - tant du côté des civils que des forces de l'ordre - ont été tuées ou blessées à d'autres moments et dans d'autres lieux pendant les événements. Les données officielles fournies à cet égard font état de 6.000 agents des forces de l'ordre blessés et de plusieurs douzaines d'entre eux tués, ainsi que de plus de 3.000 blessés et plus de 200 tués parmi les civils. Le comité ne peut que déplorer ce nombre élevé de victimes et regretter profondément que toutes les mesures nécessaires ne semblent pas avoir été prises pour éviter ces tragiques événements. Si grande qu'ait pu être la confusion au cours de cette période, le nombre des victimes révèle que les garanties destinées à assurer le respect des droits de l'homme en matière de sécurité de la personne se sont trouvées gravement compromises.
  11. 640. En ce qui concerne les allégations formulées dans la nouvelle communication de la CISL au sujet des procédures judiciaires, le comité a pris note des dispositions pertinentes de la loi de procédure criminelle mentionnées par le gouvernement dans sa réponse et prévoyant le droit à la défense des accusés et la possibilité de recourir à une procédure d'appel. Il note également que le gouvernement s'est référé à certains cas où les peines prononcées ont été réduites en appel. Toutefois, le comité ne peut manquer d'observer que les sentences semblent avoir été rendues avec une rapidité qui jette un doute sérieux sur le respect des garanties judiciaires normales dans les procédures suivies. A cet égard, le comité tient à rappeler que les garanties d'une procédure judiciaire régulière ne doivent pas seulement être exprimées dans la législation mais également appliquées dans la pratique. Le comité estime que ces considérations constituent une raison supplémentaire pour que le gouvernement prenne les mesures nécessaires en vue de réexaminer la situation des travailleurs condamnés et de mettre un terme à leur détention.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 641. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore profondément une nouvelle fois les condamnations à mort prononcées contre des travailleurs et exprime sa consternation devant l'exécution des sentences.
    • b) Le comité déplore le nombre élevé de victimes survenues au cours des événements de juin 1989 et regrette profondément que toutes les mesures nécessaires ne semblent pas avoir été prises pour éviter ces tragiques événements.
    • c) Tout en se félicitant de la mesure positive que constitue la libération de certaines personnes, dont MM. Hang Dong Fang et Liu Qiang, dirigeants de la FAT de Beijing, le comité exprime sa vive préoccupation devant le nombre et la sévérité des condamnations prononcées par les tribunaux et, compte tenu des doutes subsistant sur le respect des garanties judiciaires normales, insiste auprès du gouvernement pour que, plus de deux ans après les événements, des mesures soient prises d'urgence pour mettre un terme aux détentions de travailleurs. Il demande au gouvernement de l'informer de tout développement à cet égard.
    • d) Le comité demande au gouvernement de fournir d'urgence des informations sur les personnes mentionnées en annexe (motifs des arrestations, procédures éventuelles engagées et situation actuelle des personnes concernées).
    • e) En ce qui concerne les travailleurs soumis à un régime d'éducation par le travail, le comité demande au gouvernement d'accorder une attention prioritaire à cette question afin que les personnes ainsi détenues sans jugement soient libérées. Il lui demande de fournir des informations sur les mesures qu'il compte prendre à cet égard.
    • f) Le comité demande à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et les droits de libre fonctionnement de ces organisations soient reconnus dans la législation et assurés dans la pratique.

ANNEXE

ANNEXE
  1. Nouvelles personnes mentionnées par la CISL
  2. comme arrêtées
  3. BEIJING
  4. - HE Qunyin, membre de la FAT de Beijing, arrêté le 14 juin
  5. 1989 à Xi'an.
  6. Accusé d'avoir attaqué des soldats et d'avoir participé à la
  7. manifestation du 30 mai; non identifiés par le
  8. gouvernement;
  9. - YOU Dianqui, membre de la FAT de Beijing, arrêté le 14
  10. juin 1989 à Xi'an.
  11. Accusé d'avoir attaqué des soldats et d'avoir participé à la
  12. manifestation du 30 mai.
  13. SHANGHAI
  14. - WANG Wang (
  15. - CHEN Jinliang (
  16. - LI Yi (
  17. - LI Zhibo ( dirigeants de la FAT de Shanghai
  18. arrêtés
  19. - MA Zhiqianq ( et accusés de diverses charges:
  20. réunions
  21. - SUN Xishen ) secrètes, appel à la grève, appel
  22. au
  23. - WANG Bomei ) renversement du gouvernement,
  24. etc.
  25. - YANG Jian )
  26. - DAI Jenping )
  27. - ZHANG Hongfu )
  28. - YAN Tinggui, accusé d'avoir fomenté une grève.
  29. - ZHANG Renfu, condamné à cinq ans de prison pour
  30. sabotage de transports
  31. publics.
  32. - ZHENG Liang, condamné à cinq ans de prison pour
  33. sabotage de transports
  34. publics.
  35. LIAONING
  36. - SONG Tianli, arrêté le 13 juin 1989 à Dalian;
  37. - XIAO Bin, arrêté le 10 juin 1989; condamné par le tribunal
  38. de Dalian à
  39. dix ans de prison le 13 juillet 1989.
  40. SHAANXI (Xi'an)
  41. - ZHAO Demin (
  42. - REN Xiying ( accusés d'avoir incité à des
  43. manifes-
  44. - XU Ying ) tations, entravé la circulation et
  45. - BAO Hongjian ) construit des barricades
  46. - CHANG Ximin )
  47. SHANDONG
  48. ZHANG Xinchao, arrêté le 15 juin 1989 à Jinan, dirigeant
  49. de la FAT de
  50. Jinan.
  51. CHANGSHA
  52. - WANG Changhuai, dirigeant de la FAT de Changsha,
  53. condamné le 7 décembre
  54. 1989 à trois ans de prison et une année de privation de ses
  55. droits;
  56. - ZHANG Jingsheng, condamné à treize ans de prison;
  57. - ZHOU Yong, arrêté vers le 16 juin 1989;
  58. - LU Zhaixing, arrêté vers le 16 juin 1989.
  59. __________
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