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- 507. La plainte figure dans une communication de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) en date du 27 novembre 1990. La CUT a envoyé des informations complémentaires dans une communication datée du 5 décembre 1990. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées du 10 janvier et du 13 septembre 1991.
- 508. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 509. Dans ses communications du 27 novembre et du 5 décembre 1990, la CUT allègue que le gouvernement a déclaré illégale la grève nationale décrétée par les quatre centrales syndicales colombiennes pour le 14 novembre 1990 afin de protester contre la politique économique du gouvernement (restructuration et privatisations dans le secteur public, accompagnées de licenciements massifs; hausse des tarifs des services publics et des prix des articles de consommation courante; réajustement insuffisant du salaire minimum et des traitements des agents de l'Etat, etc.). La CUT se réfère également aux conséquences de la guerre sale qui a coûté la vie à près de 600 dirigeants syndicaux et syndicalistes au cours de ces quatre dernières années.
- 510. La CUT ajoute que le gouvernement a pris notamment les mesures suivantes:
- - possibilité de licencier les travailleurs du secteur public et du secteur privé qui participeraient à la grève;
- - suspension de la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'Entreprise municipale des téléphones de Barranquilla et ouverture de la procédure de suspension de l'Association des techniciens des téléphones et du Syndicat des travailleurs des télécommunications;
- - arrestation le 13 novembre 1990, à Cali, du président du syndicat SINDEUNION, M. Jorge Herrera, et des travailleurs Adelain Jacinto Figueroa, Juan Carlos Barreto, Martín Acuña et César Molina;
- - licenciement d'Eduardo Sandoval, Juan Franco, Hugo Aduen, Eduardo Turizo et William San Juanelo (principaux dirigeants du syndicat de l'Entreprise municipale des téléphones de Barranquilla); licenciement de Luis Enrique Cano et Juan Fernando Ortiz, dirigeants de l'Entreprise d'emballages de Medellín; licenciement de 30 surnuméraires du Département national des statistiques (section Valle);
- - mise en demeure de se disculper adressée à 190 travailleurs d'ECOPETRO, à 10 travailleurs de la Banque du café (section Bucaramanga) et à 12 dirigeants syndicaux de Cementos del Valle;
- - suspensions pour une durée allant de un à quinze jours contre 295 travailleurs et six dirigeants syndicaux de l'entreprise Química Industrial y Textil (QUINTEX), avec menace de licenciement;
- - censure de la radio et de la télévision qui, plusieurs jours après, ne pouvaient encore donner d'informations sur la grève nationale;
- - impressionnant déploiement militaire dans les villes et les centres de travail.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 511. Dans sa communication du 10 janvier 1991, le gouvernement déclare, au sujet de la grève nationale décrétée par les centrales syndicales pour le 14 novembre 1990, que, en raison des actes de subversion et de la violence généralisée qui persistent dans le pays et de la conjoncture politique qui existait alors en raison de la campagne des différents partis et mouvements candidats à l'Assemblée nationale constituante, il était fondé à craindre que l'expression légitime de protestation des travailleurs - pleinement garantie par la législation et par les institutions démocratiques - puisse être utilisée par des agitateurs perturbateurs de l'ordre public afin de créer une situation aux conséquences imprévisibles. Cela étant, le gouvernement, dans le strict exercice des pouvoirs que lui octroie la Constitution en vue du maintien de l'ordre public, a déclaré illégal l'arrêt de travail décrété par les organisations syndicales, dans le but de garantir le droit au travail d'une grande majorité de Colombiens qui, comme on l'a vu au jour dit, se sont présentés au travail, faisant preuve ainsi de leur civisme et de leur sens de leurs responsabilités.
- 512. Dans sa communication du 13 septembre 1991, le gouvernement déclare que: - le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a suspendu la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'Entreprise municipale des téléphones de Barranquilla le 21 novembre 1990; en décembre 1990, il a rejeté le recours présenté par le syndicat et, en mai 1991, il a déclaré que sa résolution de suspension n'avait plus force exécutoire;
- - le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a suspendu pour un an la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'Entreprise nationale des télécommunications le 14 novembre 1990. Le syndicat a présenté un recours en rétractation et, par la résolution du 28 mai 1991, il a rejeté dans toutes ses parties la résolution du 14 novembre 1990;
- - il n'y a pas eu de résolution de suspension de la personnalité juridique de l'Association des techniciens des téléphones;
- - l'arrestation de Jorge Herrera, président de SINDEUNION, n'est pas établie;
- - en ce qui concerne la mise en demeure de se disculper adressée à 291 travailleurs de l'entreprise QUINTEX SA au motif qu'ils ne se seraient pas présentés au travail, l'entreprise a notifié aux intéressés que des sanctions disciplinaires allaient être prises contre eux en alléguant une raison totalement différente de sa raison initiale. La Direction départementale du travail et de la sécurité sociale d'El Valle, par une résolution en date du 21 août 1991, a pris des sanctions contre l'entreprise QUINTEX en la frappant d'une amende représentant le montant d'un mois de salaire minimum. Cette résolution a été dûment notifiée aux parties, et un recours en rétractation a été présenté (il se trouve actuellement en instance). L'issue en sera communiquée au comité;
- - en ce qui concerne la mise en demeure de se disculper adressée à dix travailleurs de la Banque du café (section de Bucaramanga), l'enquête administrative pour persécution antisyndicale engagée à la demande de M. Pedro Antonio Castellanos Sepúlveda en est au stade de l'instruction, selon les informations fournies par l'inspectrice du travail. Lorsque les résultats en seront connus, le comité en sera informé. D'autre part, au cours de l'enquête demandée par M. Hernando Salazar, une sentence indiquant qu'il n'y avait pas eu violation des normes conventionnelles a été rendue. L'inspection du travail fait savoir qu'un recours en rétractation est en cours. La mise en demeure adressée à M. Oscar Tovar a été levée pour violation de la procédure disciplinaire convenue entre l'entreprise et le syndicat. En ce qui concerne la mise en demeure adressée à M. Reynaldo Vera, une plainte administrative va être engagée, selon les informations fournies par le syndicat. Toujours selon le syndicat, Mme Esperanza Sierra a été congédiée peu après la mise en demeure et est sur le point de présenter une plainte;
- - les syndicalistes de l'Entreprise municipale des téléphones de Barranquilla, Eduardo Sandoval, Juan Franco, Hugo Aduen, Eduardo Turizo et William San Juanelo, ont été congédiés par l'entreprise car, à la suite de la déclaration d'illégalité de la grève du 14 novembre 1990, le ministère du Travail a autorisé, par la résolution du 21 novembre 1990, le licenciement des travailleurs ayant participé à cette grève.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 513. Le comité observe que le gouvernement reconnaît avoir déclaré illégale la grève nationale décrétée par les quatre centrales colombiennes pour le 14 novembre 1990 et avoir suspendu par voie administrative la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'Entreprise municipale des téléphones de Barranquilla et du Syndicat des travailleurs de l'Entreprise nationale des télécommunications. Le comité note que l'organisation plaignante a allégué que cette grève nationale visait à protester contre la politique économique du gouvernement (privatisations assorties de licenciements massifs, hausse des tarifs et des prix des articles de consommation courante, réajustement insuffisant du salaire minimum et des traitements des agents de l'Etat, etc.) et s'est référée à l'assassinat de centaines de syndicalistes ces dernières années. Le comité note aussi que, selon le gouvernement, la déclaration d'illégalité de la grève nationale était motivée par: 1) les actes de subversion et la violence généralisée qui continuent aujourd'hui encore dans le pays; 2) la conjoncture politique qui existait alors du fait de la campagne des différents partis et mouvements candidats à l'Assemblée nationale constituante, devant laquelle on pouvait craindre que la protestation des travailleurs ne soit utilisée par des agitateurs perturbateurs de l'ordre public pour créer une situation aux conséquences imprévisibles; 3) la nécessité de garantir le droit au travail de la grande majorité des Colombiens.
- 514. A cet égard, le comité signale à l'attention du gouvernement que, quels que soient les motifs invoqués, la suspension d'organisations de travailleurs par voie administrative constitue toujours une violation des dispositions de l'article 4 de la convention no 87. Le comité note toutefois que les deux suspensions de personnalité juridique qui ont été prononcées, et qu'il déplore, l'ont été en mai 1991, et que la nouvelle Constitution politique de la Colombie (du 18 juillet 1991) dispose, en son article 39, que "l'annulation ou la suspension de la personnalité juridique ne peut être prononcée que par la voie judiciaire"; on peut donc espérer qu'il n'y aura plus à l'avenir de suspensions de personnalité juridique par la voie administrative.
- 515. En ce qui concerne la déclaration d'illégalité de la grève nationale du 14 novembre 1990, le comité observe qu'il s'agissait d'une grève de protestation contre les effets sociaux de la politique économique menée par le gouvernement et que les raisons invoquées par le gouvernement pour justifier la déclaration d'illégalité ne justifiaient pas cette décision. Le comité conclut par conséquent que la déclaration d'illégalité et l'interdiction de la grève nationale du 14 novembre 1990 constituent une violation grave de la liberté syndicale. Le comité demande en outre au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fédérations et confédérations ne se voient pas privées du droit de grève.
- 516. Le comité prie par conséquent le gouvernement de prendre des mesures pour faire lever les mesures préjudiciables (licenciements, suspensions ou mises en demeure de se disculper avec menace de licenciement) visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes ayant participé à la grève nationale du 14 novembre 1990, et en particulier en faveur des syndicalistes et travailleurs mentionnés par l'organisation plaignante en ce qui concerne l'Entreprise d'emballages de Medellín, ECOPETRO (Pétrole), la Banque du café (section de Bucaramanga), Cementos del Valle, Empresa Química Industrial y Textil, l'Entreprise municipale des téléphones de Barranquilla et le Département national des statistiques (section d'El Valle).
- 517. Le comité note que, selon le gouvernement, l'arrestation de Jorge Herrera (président de SINDEUNION) n'est pas établie, et il prie le gouvernement d'indiquer clairement si l'intéressé a été arrêté et de fournir les informations sur sa situation actuelle ainsi que sur les motifs de l'arrestation alléguée des travailleurs Adelain Jacinto Figueroa, Juan Carlos Barreto, Martín Acuña et César Molina.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 518. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité considère que la déclaration d'illégalité et l'interdiction de la grève nationale du 14 novembre 1990 (protestant contre les effets sociaux de la politique économique du gouvernement) constituent une grave violation de la liberté syndicale.
- b) Le comité déplore la suspension de la personnalité juridique de deux organisations syndicales par voie administrative (même si elles ont été levées au mois de mai 1991) et observe que la nouvelle Constitution (juillet 1991) dispose que la suspension de la personnalité juridique ne peut être prononcée que par la voie judiciaire.
- c) Le comité prie le gouvernement de prendre des dispositions en vue de faire lever les mesures préjudiciables (licenciements, suspensions ou mises en demeure de se disculper) visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes qui ont participé à la grève nationale du 14 novembre 1990, et en particulier en faveur des syndicalistes et des travailleurs mentionnés par l'organisation plaignante en ce qui concerne l'Entreprise d'emballages de Medellín, ECOPETRO (Pétrole), la Banque du café (section de Bucaramanga), Cementos del Valle, Empresa Química Industrial y Textil, l'Entreprise municipale des téléphones de Barranquilla et le Département national des statistiques (section d'El Valle).
- d) Le comité prie le gouvernement d'indiquer avec précision si M. Jorge Herrera (président de SINDEUNION) a été arrêté et quelle est sa situation actuelle, ainsi que les motifs de l'arrestation alléguée des travailleurs Adelain Jacinto Figueroa, Juan Carlos Barreto, Martín Acuña et César Molina.
- e) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures voulues pour modifier la législation de façon que les fédérations et confédérations ne soient pas privées du droit de déclencher une grève.