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- 814. Le comité a déjà examiné ce cas à sa réunion de novembre 1991 où il a présenté des conclusions intérimaires au Conseil d'administration (voir 279e rapport, paragr. 563 à 585, approuvé par le Conseil d'administration à sa 251e session (novembre 1991)). Le 10 février 1992, le Kilusang Mayo Uno (KMU) a présenté de nouvelles allégations en violation des droits syndicaux contre le gouvernement des Philippines.
- 815. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations dans des lettres datées des 22 avril et 13 mai 1992.
- 816. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 817. Le plaignant avait allégué qu'il avait été victime de diverses formes de répression antisyndicale de la part du gouvernement des Philippines (menace de le déclarer illégal ou de "l'interdire", arrestations arbitraires, y compris l'arrestation et la libération sous caution de son président, M. Crispin Beltran, harcèlement par des poursuites judiciaires arbitraires, refus d'accorder des autorisations de rassemblement et meurtre de 11 dirigeants et membres nommément désignés du KMU (à la suite d'incidents survenus pendant une grève générale de quatre jours déclenchée le 24 octobre 1990 et des grèves de protestations le 16 novembre et du 10 au 15 décembre 1990).
- 818. Le gouvernement avait répondu que les opinions émises par certains responsables militaires et gouvernementaux qui demandaient l'interdiction du KMU après que des membres de ce dernier se furent livrés à des actes de violence pendant les grèves n'étaient que des opinions personnelles qui n'avaient pas reçu de sanction officielle. Le gouvernement avait affirmé qu'aucun membre du KMU n'avait été arrêté pour son appartenance à cette organisation, mais que certains d'entre eux avaient été inculpés de sédition et seraient jugés conformément à la procédure judiciaire. Les organismes compétents menaient des enquêtes sur les autres allégations portant sur la violence antisyndicale, et le gouvernement avait énergiquement nié avoir adopté une politique de guerre totale contre le syndicat plaignant. Il avait rappelé que la pierre angulaire de la politique gouvernementale était l'amélioration de la qualité de la vie et la protection des libertés et droits fondamentaux.
- 819. A sa session de novembre 1991, le Conseil d'administration avait notamment approuvé les recommandations suivantes du comité:
- - Notant avec préoccupation que le président du KMU, M. Crispin Beltran, avait été arrêté sans mandat le 30 octobre 1990, puis inculpé sous de nombreux chefs d'accusation, dont celui de sédition, et qu'il était actuellement en liberté sous caution, le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé de la suite de la procédure intentée contre ce dirigeant syndical.
- - Le comité avait demandé au gouvernement de lui fournir d'urgence des informations précises sur toutes les enquêtes policières, judiciaires ou menées par la Commission des droits de l'homme des Philippines sur les meurtres des onze syndicalistes suivants: Ferdinand Peraro, Reynaldo de la Fuente et Aguinaldo Marfil, Rey Olano, Perlito "Boy" Lisondra, Apolonio Alecanio et Ike Hernandez, Roger Magbujos, Oscar Lazaro, Lino Arog, et Ronelo Gionolos.
B. Nouvelles allégations du plaignant
B. Nouvelles allégations du plaignant
- 820. Dans une lettre du 10 février 1992, le KMU demande qu'une mission se rende dans le pays pour examiner la situation de répression antisyndicale croissante aux Philippines.
- 821. Le plaignant se réfère à des rapports d'organisations non gouvernementales, qui énumèrent les cas suivants de violence antisyndicale: deux travailleurs victimes d'exécutions sommaires; 104 arrêtés et détenus; six tués; six victimes de tentative d'assassinat; 10 torturés; 233 victimes d'agressions physiques et mentales; deux victimes d'enlèvement; 18 victimes de harcèlement. Le KMU se réfère aussi au rapport de 1991 du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires selon lequel les forces armées ont favorisé la "stratégie anti-insurrectionnelle de la guerre totale" par l'intervention directe des forces militaires et policières et par le recours systématique et généralisé à la population civile, par exemple en utilisant les milices locales des forces armées (CAFGU). Le rapport des Nations Unies indique que le Parti communiste philippin (PCP) et l'Armée nationale populaire (NAP) sont considérés (par les militaires) comme le facteur qui explique non seulement les actes d'insurrection des militaires, mais aussi les manifestations de contestation sociale et toutes les activités dissidentes. Selon le plaignant, les entreprises utilisent ainsi la tactique de la "menace rouge" pour décourager les travailleurs de s'affilier aux syndicats du KMU: être accusé de sympathies communistes expose davantage au risque d'être victime d'arrestation arbitraire, de détention illégale, d'exécution sommaire ou de "disparition".
- 822. Le KMU exprime à nouveau ses craintes quant au recours aux arrestations sans mandat de syndicalistes à la suite de la décision de 1990 de la Cour suprême approuvant cette pratique en cas de subversion présumée (voir l'examen antérieur de ce cas: 279e rapport, paragr. 570). Il cite des coupures de presse indiquant que dans la seule ville de Manille il y a eu 1.074 arrestations et détentions illégales à la suite de la décision de la Cour suprême. Le 14 octobre 1991, la Cour suprême a réaffirmé sa décision en réponse à des recours d'organisations des droits de l'homme demandant son abrogation. Le KMU souligne qu'un juge de la Cour suprême ayant exprimé un avis de minorité s'est déclaré préoccupé par le nombre croissant d'atteintes à la liberté et a mis en doute la capacité des autorités qui procèdent aux arrestations de discerner s'il s'agit véritablement de cas de subversion.
- 823. Le KMU renouvelle son allégation selon laquelle le gouvernement appuie les groupes civils armés, bien qu'il affirme ne pas approuver leur existence. Selon un rapport d'Amnesty International, il y a environ 90.000 membres des CAFGU dans l'ensemble du pays. Rappelant qu'en 1988 le Comité sénatorial de la justice et des droits de l'homme des Philippines avait demandé la dissolution des CAFGU, le KMU se réfère aux nouvelles conclusions dudit comité, approuvées le 6 décembre 1990, dont un exemplaire est fourni. Selon le rapport, les travailleurs ont continué d'être victimes de violations de leurs droits de la part des forces soutenues par le gouvernement. Il cite l'exemple des mines Atlas où la transformation d'un groupe de vigiles en un groupe CAFGU - formé par les militaires et rémunéré par la direction - n'a pas amélioré le climat de violence antisyndicale dans les mines. Ce soutien a pour conséquence l'impunité des coupables et le fait que les victimes et leur famille préfèrent garder le silence par crainte de représailles de la part des forces gouvernementales.
- 824. Selon le plaignant, il y a eu de nouveaux meurtres et tentatives d'assassinat:
- - José Lascano Jr., militant syndicaliste, a été arrêté illégalement et détenu par des militaires le 3 janvier 1991, et son cadavre a été retrouvé criblé de balles le lendemain; les militaires ont publié un communiqué de presse le 5 janvier niant qu'il ait été arrêté et affirmant qu'il avait été tué au cours d'un affrontement pendant une opération militaire.
- - Asislo Pana et Alexander Cervantes, qui avaient participé activement à la formation d'un syndicat dans l'entreprise de camionnage où ils travaillaient, ont été trouvés morts à la suite de blessures par balles le 9 novembre 1991; la direction a soutenu qu'ils avaient été liquidés par le syndicat parce qu'ils étaient des "jaunes", mais la Fédération nationale des syndicats (NAFLU/KMU), qui aidait à organiser le syndicat, a qualifié cette version d'"absurde".
- - Massacre de la famille Ricablanca: le 4 novembre 1991, le père et l'un de ses fils ont été tués par balles lorsque des informateurs armés de la police ont attaqué leur domicile et ont arrêté, en l'accusant de détention illégale d'armes à feu et d'homicide, un autre fils syndicaliste travaillant à la Société nationale de sidérurgie.
- - Arnold Lardizabal, responsable syndical qui avait refusé de se laisser acheter, a été heurté mortellement par une camionnette le 26 juin 1991 près du piquet de grève de son syndicat à la fabrique de chaussures Marathon dans le Grand Manille.
- - Rolando Bernardo a été poignardé par trois hommes identifiés le 17 juillet 1991 alors qu'il était en grève avec les travailleurs de la fabrique de machines Cervera pour protester contre des pratiques déloyales du travail; le lendemain, le propriétaire de l'entreprise, M. Lito Cervera, a tiré des coups de fusil contre trois travailleurs endormis qui faisaient le piquet de grève, dont José Dimabaya, président du syndicat, qui a été enlevé ensuite par le propriétaire, lequel voulait l'obliger par la force à mettre fin au piquet.
- - Romeo Montemayor, secrétaire de Katipunan ng Manggagawa sa Lyontex-ANGLO-KMU, a été blessé par balles à la jambe par un garde de sécurité de la fabrique Lyontex à Monatlban, Rizal, le 5 septembre 1991.
- - Salvador Pantaleon, Walberto Garquio et Wilnor Quibral ont été agressés le 20 juin 1991 parce qu'ils essayaient de former un syndicat au théâtre ACT à Quezon City.
- 825. Le KMU décrit la violence exercée contre divers piquets de grève. Premièrement, à Parang, Marikina, alors qu'il demandait la reconnaissance par la direction du syndicat des gardes de sécurité de la compagnie des tabacs Fortune, un piquet de grève de 70 syndicalistes a d'abord reçu des gaz lacrymogènes et a ensuite été attaqué par des mercenaires armés et des membres de la police le 16 novembre 1991: au cours de cet affrontement, un syndicaliste a été tué (M. Clemente Gallardo), deux gravement blessés, dix autres blessés et trois disparus. Deuxièmement, au cours d'un autre incident, un piquet de grève de la société Maalikaya a été attaqué à la mitraillette le 6 juillet 1991; ces travailleurs étaient en grève depuis le 23 juin pour protester contre des activités antisyndicales; le 1er août, le président du syndicat, M. Juanito Tolitel, a été enlevé de force du piquet de grève et battu par des hommes non identifiés. Troisièmement, le piquet de grève de la société Sei-Hing, située à Novaliches, Quezon City, qui protestait contre le licenciement illégal de 34 travailleurs, a fait l'objet d'attaques répétées de la part d'une cinquantaine de membres de la police de Valenzuela qui affirmaient agir sur ordre du Conseil national des relations professionnelles. Quatrièmement, au cours d'une opération de dispersion, le 26 juillet 1991, devant la société de confection Incognito, à Makati, trois travailleurs en grève ont été arrêtés et des documents syndicaux détruits. Cinquièmement, des membres de la police et des voyous ont agressé et blessé des travailleurs dans une série de piquets de grève: la fabrique de céramiques Reliance, le 4 janvier 1991; la société Concepcion, le 1er mai 1991; la société d'exportation de vêtements Vivian, le 10 mai 1991; le grand magasin Ever Emporium, le 13 septembre 1991; la société de montage d'Extrême-Orient dans le Grand Manille, le 17 octobre 1991. Sixièmement, il y a eu 40 arrestations illégales parmi le piquet de grève de la société de transit du Grand Manille, le 24 octobre 1991; les grévistes ont été relâchés le jour même, sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux.
- 826. Le KMU allègue aussi de nombreux cas d'arrestations illégales de travailleurs, dans certains cas sans fournir de noms et sans préciser si les motifs des arrestations étaient l'appartenance à un syndicat ou les activités des intéressés. Il se réfère aussi aux cinq incidents suivants concernant l'arrestation de dirigeants syndicaux locaux, dans le dessein, selon les allégations, de miner et d'affaiblir les sections syndicales locales en les privant de leurs dirigeants:
- 1) Geronimo Nicolete et Armando Basco ont été arrêtés sans mandat le 21 décembre 1990, et les biens de leur syndicat ont été confisqués à Quezon City sous le prétexte qu'ils appartenaient à des partis politiques interdits; ces deux personnes sont toujours en détention à Camp Karingal sous l'inculpation de subversion et leur libération sous caution a été refusée.
- 2) Alan Rubio et les frères Arlene et Herbert Tupas ont été arrêtés sans mandat le 11 novembre 1990 à Marikina, Grand Manille, au motif qu'ils auraient participé à une embuscade tendue à des militaires; ils ont été battus et MM. Arlene Tupas et Rubio ont été inculpés d'incendie criminel et de vol de voiture. Ils sont toujours détenus dans la prison provinciale de Rizal. Egalement à Marikina, le 3 janvier 1991, MM. E. Mission, E. Magpantay, J. Lascano et A. Baldomaro ont été arrêtés au motif qu'ils auraient participé à une embuscade des rebelles; ils ont été battus et torturés, et M. Lascano a été exécuté sommairement. Les trois autres personnes ont été inculpées de subversion, mais elles ont été reconnues non coupables et relâchées le 17 juillet 1991.
- 3) Constantino Lahay-Lahay a été arrêté le 15 janvier 1991, soupçonné d'appartenir à la NPA; il a été inculpé de subversion, est encore détenu au Camp Tomas Cabili et son procès se poursuit devant le tribunal régional no IV. Certerio Bulingkit a été arrêté le 13 février 1991, inculpé de subversion devant le même tribunal que M. Lahay-Lahay; il est détenu dans le même camp.
- 4) Jeremias Coralde a été arrêté le 28 juin 1991 à Hijo Plantation, Davao City, où il était président du syndicat, et il n'a été délivré qu'après que le maire de la ville eut délivré un mandat à cet effet.
- 5) Ruben Palaganas, Delia Ocon, Marilyn Miranda, Arnulfo Rosete, Jun Asento, Eddie Francisco, Rogelio Padilla, Melanio Andrade, Tony Monsalod et Joel Marpa, qui ont été arrêtés et torturés le 7 juillet 1991 près du Mont Pinatubo.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement
- 827. Dans sa lettre du 22 avril 1992, le gouvernement fournit des informations sur les enquêtes concernant les meurtres de sept des onze syndicalistes énumérés lors de l'examen antérieur de ce cas par le comité:
- - en ce qui concerne MM. F. Pelaro, R. de la Fuente et A. Marfil, des enquêtes sont en cours et la Commission des droits de l'homme des Philippines (PCHR) assure la protection des témoins; des poursuites pénales devraient bientôt être engagées contre le suspect;
- - en ce qui concerne M. A. Alecanio, l'affaire a été portée devant les autorités compétentes et devant la Commission des droits de l'homme, mais cette dernière a recommandé que l'affaire soit classée faute de preuves;
- - en ce qui concerne M. I. Hernandez, de l'aveu même de son frère, il était membre actif de la Nouvelle armée populaire interdite; des enquêtes ont été menées par la Commission des droits de l'homme, bien que sa famille n'ait pas porté plainte; la commission a classé l'affaire faute de preuves et faute d'action de la part de la famille de la victime;
- - en ce qui concerne M. R. Magbujos, la police nationale signale que l'enquête sur son décès, le 14 septembre 1990, est toujours en cours d'instruction;
- - en ce qui concerne M. O. Lazaro, la presse a signalé que la police avait arrêté l'un des meurtriers présumés, un ancien militaire, mais cette nouvelle n'a pas été confirmée.
- 828. Dans sa lettre du 13 mai 1992, le gouvernement déclare que M. C. Beltran est actuellement en liberté sous caution et participe à des réunions et à des rassemblements de travailleurs et de leurs organisations. Le libre exercice de ses droits n'a jamais été entravé malgré les poursuites pénales en cours contre lui.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 829. Le comité, tout en notant que le gouvernement a fourni certaines informations sur les enquêtes et poursuites concernant les dirigeants et membres syndicaux déjà mentionnés dans l'examen antérieur du cas, déplore qu'il n'ait pas fourni d'informations sur les allégations plus récentes du plaignant (datées du 10 février 1992). Ces dernières concernent de nouveaux incidents de violence antisyndicale: six décès, six tentatives d'assassinat, de nombreuses agressions contre des piquets de grève, des arrestations illégales fondées, selon les allégations, sur de fausses accusations relatives à l'appartenance syndicale ou à des activités au sein d'organisations politiques interdites, et elles se réfèrent aux rapports de 1991 de diverses organisations nationales et internationales indépendantes qui corroborent les craintes déjà exprimées par le plaignant concernant l'attitude antisyndicale des CAFGU et le recours aux arrestations sans mandat.
- 830. Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur l'allégation la plus récente du plaignant, et en particulier de donner des renseignements détaillés sur les six nouveaux meurtres et les six tentatives d'assassinat de dirigeants syndicaux mentionnés dans la partie B ci-dessus, sur les nombreuses attaques violentes contre des piquets de grève et sur les arrestations de dirigeants syndicaux locaux au cours de cinq incidents survenus entre la fin de l'année 1990 et le milieu de 1991, dont 16 se trouvent encore, semble-t-il, en détention en attendant leur procès (Geronimo Nicolete et Armando Basco, Arlene Tupas et Alan Rubio, Constantino Lahay-Lahay et Certerio Bulingkit, Ruben Palaganas, Delia Ocon, Marilyn Miranda, Arnulfo Rosete, Jun Asento, Eddie Francisco, Rogelio Padilla, Melanio Andrade, Tony Monsalod et Joel Marpa).
- 831. S'agissant des allégations au sujet desquelles des informations ont été fournies, le comité note que, selon la réponse du gouvernement, en ce qui concerne trois syndicalistes assassinés (MM. F. Pelaro, R. de la Fuente et A. Marfil), des poursuites pénales devraient être engagées bientôt contre les suspects, que le meurtrier présumé de M. O. Lazaro aurait été arrêté, mais que le fait n'a pas été confirmé, que les affaires concernant MM. A. Elicano et I. Hernandez ont été classées par l'autorité compétente faute de preuves et que des enquêtes se poursuivent au sujet du décès de M. R. Magbujos. Le comité note aussi que M. C. Beltran, président du KMU, est en instance de jugement et se trouve en liberté sous caution, et qu'il exerce librement ses fonctions syndicales. Le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir des informations sur le déroulement du procès de ce dirigeant syndical accusé d'incitation à la sédition, de rassemblement illégal et de certaines autres infractions, ainsi que sur le déroulement des poursuites concernant les trois autres syndicalistes assassinés et sur les enquêtes concernant le décès de M. R. Magbujos.
- 832. Le comité exprime sa vive préoccupation en constatant que, d'après les informations communiquées par le gouvernement, il ressort que les enquêtes judiciaires ouvertes sur les assassinats et les disparitions de militants syndicaux permettent rarement d'identifier les coupables présumés. De l'avis du comité, une telle situation entraîne une impunité de fait des coupables, qui renforce le climat de violence et d'insécurité et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales.
- 833. En outre, le comité demande instamment au gouvernement de ne ménager aucun effort pour réunir toutes les informations disponibles concernant les quatre cas mentionnés lors de l'examen antérieur du présent cas et au sujet desquels aucun renseignement précis n'a été fourni depuis que la plainte a été déposée en janvier 1991 (MM. Rey Olano, "Boy" Lisondra, Lino Arog et Ronelo Gionolos). A cet égard, le comité rappelle que, lorsque se sont déroulés des troubles ayant entraîné des pertes de vies humaines, l'institution rapide d'une enquête judiciaire indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 78.)
- 834. En ce qui concerne les arrestations illégales et sans mandat de dirigeants et de membres de syndicats (en particulier de syndicats affiliés au KMU), le comité réaffirme la préoccupation qu'il a exprimée dans son 277e rapport à propos d'une autre plainte contre le gouvernement des Philippines (voir 277e rapport, cas no 1444, paragr. 313 et 332, approuvé par le Conseil d'administration en février-mars 1991) dans lequel il notait que la Cour suprême des Philippines avait confirmé la validité de cette pratique lorsqu'il s'agissait de cas de subversion. Prenant note des rapports récents sur les droits de l'homme et les droits syndicaux mentionnés par le plaignant dans ses dernières allégations, ainsi que de la décision de la Cour suprême du 14 octobre 1991 réaffirmant la validité du recours aux arrestations sans mandat pour les personnes soupçonnées de subversion, le comité rappelle à nouveau l'importance qu'il attache à l'exercice du syndicalisme dans un climat exempt d'insécurité et de crainte et où les garanties d'une procédure régulière devraient toujours être respectées dans les cas des syndicalistes détenus. En outre, étant donné que certaines des arrestations mentionnées dans les dernières allégations du plaignant remontent à la fin de 1990, le comité souligne à nouveau que, si un gouvernement est fondé à penser que des personnes arrêtées sont impliquées dans des actions de nature subversive, elles doivent être mises rapidement à la disposition de la justice pour être jugées en bénéficiant des garanties d'une procédure judiciaire normale. (Recueil, paragr. 114.)
- 835. En ce qui concerne les craintes exprimées à nouveau par le plaignant au sujet de l'attitude antisyndicale des milices locales des forces armées (CAFGU), le comité se réfère aux conclusions qu'il formule dans le présent rapport à propos du cas no 1444 contre le gouvernement des Philippines, et notamment aux recommandations demandant avec insistance leur démantèlement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 836. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité exprime sa vive préoccupation en constatant que, d'après les informations communiquées par le gouvernement, il ressort que les enquêtes judiciaires ouvertes sur les assassinats et les disparitions de militants syndicaux permettent rarement d'identifier et de condamner les coupables présumés. De l'avis du comité, une telle situation entraîne une impunité de fait des coupables, qui renforce le climat de violence et d'insécurité et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales.
- b) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations les plus récentes du plaignant, et en particulier de communiquer des renseignements détaillés sur les six nouveaux meurtres et les six tentatives d'assassinat de dirigeants syndicaux mentionnés dans la partie B ci-dessus, sur les nombreuses attaques violentes contre des piquets de grève et sur les arrestations de dirigeants syndicaux locaux au cours de cinq incidents survenus entre la fin de 1990 et le milieu de 1991, dont 16 se trouvent encore apparemment en détention en instance de jugement (Geronimo Nicolete et Armando Basco, Arlene Tupas et Alan Rubio, Constantino Lahay-Lahay et Certerio Bulingkit, Ruben Palaganas, Delia Ocon, Marilyn Miranda, Arnulfo Rosete, Jun Asento, Eddie Francisco, Rogelio Padilla, Melanio Andrade, Tony Monsalod et Joel Marpa).
- c) Notant que, lorsque se sont déroulés des troubles ayant entraîné des pertes de vies humaines, l'institution rapide d'une enquête judiciaire indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels actes, le comité demande instamment au gouvernement de ne ménager aucun effort pour rassembler toutes les informations disponibles sur les quatre cas de meurtres de syndicalistes encore en instance depuis le dernier examen du présent cas (MM. Rey Olano, "Boy" Lisondra, Lino Arog et Ronelo Gionolos).
- d) En ce qui concerne les allégations au sujet desquelles des informations ont été fournies, le comité note que, selon la réponse du gouvernement, les poursuites pénales suivent leur cours dans certains cas, et il demande au gouvernement de continuer à lui fournir des informations sur le déroulement de plusieurs procès ainsi que sur l'évolution de la situation dans le cas des trois syndicalistes assassinés (MM. F. Pelaro, R. de la Fuente et A. Marfil) et sur les enquêtes en cours concernant le décès de M. R. Magbujos.
- e) Le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir des informations sur le déroulement du procès contre M. C. Beltran, président de KMU, accusé de sédition.