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Interim Report - Report No 281, March 1992

Case No 1597 (Mauritania) - Complaint date: 05-JUN-91 - Closed

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  1. 442. Dans des communications des 25 juin et 16 août 1991, l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) a présenté des allégations en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la République islamique de Mauritanie. Le plaignant a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 2 septembre 1991.
  2. 443. Le gouvernement a fait connaître ses observations au sujet des allégations formulées contre lui dans une communication datée du 30 octobre 1991.
  3. 444. La République islamique de Mauritanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, elle n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 445. Dans sa lettre du 25 juin 1991, l'OUSA allègue que le gouvernement a violé de façon flagrante les conventions nos 87 et 98. Le plaignant déclare que, dans le but de faire échouer la grève générale des 19 et 20 juin décidée par l'Union des travailleurs de Mauritanie (UTM), centrale syndicale nationale, les pouvoirs publics mauritaniens auraient diffusé par le canal des médias d'Etat de fausses informations, exercé des pressions, intimidé un grand nombre de dirigeants syndicaux et falsifié des documents produits par la direction de l'UTM.
  2. 446. Dans sa communication complémentaire du 2 septembre 1991, l'OUSA précise ses allégations en indiquant que le gouvernement a diffusé au nom du bureau national de l'UTM, par les médias d'Etat, un communiqué annonçant que le mot d'ordre de grève prévue les 19 et 20 juin avait été levé. Selon l'OUSA, les autorités mauritaniennes auraient tenté par ce mensonge de faire avorter une grève légale des travailleurs.
  3. 447. L'OUSA allègue également que le gouvernement mauritanien a arrêté et conduit par la force à Nouakchott une vingtaine de membres du bureau national de l'UTM de Nouadhibou et de Zouérate et indique que ces personnes, à leur arrivée à Nouakchott, auraient signé sous la contrainte un communiqué exigeant de l'exécutif de l'UTM la tenue d'une réunion extraordinaire au cours de laquelle elles désavoueraient la grève qu'elles avaient librement décidée quelques jours auparavant.
  4. 448. Une troisième allégation porte sur l'arrestation et la torture des membres des bureaux des unions syndicales régionales de Nouakchott et de Nouadhibou afin de les obliger à soutenir un comité exécutif fantoche mis sur pied par les autorités mauritaniennes pour servir leur cause.
  5. 449. L'OUSA allègue enfin que, le 22 juin 1991, le gouvernement aurait diffusé une pétition signée sous contrainte policière par quelques membres du bureau national de l'UTM, déclarant l'éviction de M. Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Radhi, secrétaire général du bureau exécutif de l'UTM et légalement élu en congrès, et que les autorités auraient occupé illégalement le siège du Centre national d'éducation ouvrière de l'UTM à Nouakchott.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 450. Dans sa communication, datée du 30 octobre 1991, le gouvernement commence par déclarer que les communications du plaignant révèlent une disproportion manifeste entre la gravité des accusations formulées à son encontre et la fragilité des informations avancées pour étayer ces accusations.
  2. 451. Selon le gouvernement, les accusations de l'OUSA s'appuient sur les seules allégations de l'ancien secrétaire général de l'UTM, suspendu de ses fonctions par le bureau national de la centrale syndicale à la majorité des deux tiers de ses membres en raison du fait que la grève générale déclenchée à son initiative l'avait été en violation des statuts et du règlement intérieur de l'UTM et revêtait un caractère exclusivement politique qu'illustraient le discours et la pratique de l'intéressé.
  3. 452. Le gouvernement explique que, suite au comportement de l'ancien secrétaire général, un fossé s'est creusé et élargi entre l'écrasante majorité des membres de l'UTM et M. Radhi, ex-secrétaire général. La rupture brusque et unilatérale des négociations entre les partenaires sociaux qui, selon le gouvernement, se déroulaient dans un climat d'ouverture, aurait commencé par jeter aux yeux de la majorité des syndicalistes et travailleurs la suspicion sur les objectifs réels de l'ancien secrétaire général. Les déclarations purement politiques de l'intéressé accompagnant la décision de déclencher une grève générale, en violation de l'article 38 des statuts de l'UTM qui stipule que "les grèves générales sont décidées par le bureau national de la centrale à la majorité des deux tiers de ses membres quand il s'agit d'une action qui engage tous les travailleurs", et le fait que la grève a été décidée en dehors du bureau national ont installé l'ancien secrétaire général dans une situation de crise qui rendait inévitable, selon le gouvernement, son éviction. Le gouvernement estime que l'OUSA a commis une erreur en accordant spontanément foi aux allégations de M. Radhi et en ignorant le contexte de crise syndicale qui enlevait toute crédibilité aux propos de ce dernier. Il est en effet compréhensible, continue le gouvernement, que l'ancien secrétaire général veuille déplacer le problème sur le terrain international en impliquant le gouvernement mauritanien dans des questions internes à la centrale syndicale.
  4. 453. En ce qui concerne l'allégation de diffusion par les médias d'Etat d'un communiqué annonçant que le mot d'ordre de grève prévue pour les 19 et 20 juin 1991 avait été levé, le gouvernement déclare qu'elle est dénuée de tout fondement et qu'en réalité l'écrasante majorité des syndicalistes avait fait savoir par leurs propres communiqués qu'ils se désolidarisaient d'une grève irrégulière et de la dérive politicienne de leur centrale. Selon le gouvernement, ce fait était une des conséquences inévitables de la crise que M. Radhi avait pris la responsabilité d'ouvrir en rompant unilatéralement les négociations et en décidant de déclencher une grève générale sans passer par le bureau national, seul organe habilité par les statuts à prendre une telle décision. Le gouvernement ajoute que le respect de la liberté syndicale lui a commandé la stricte neutralité dans cette affaire.
  5. 454. Quant aux allégations d'arrestation et de conduite par les forces des membres des bureaux de l'UTM de Nouadhibou à Nouakchott et à celle de torture des membres des unions syndicales régionales de Nouakchott et de Nouadhibou, le gouvernement déclare qu'aucun syndicaliste n'a été arrêté ou torturé et fait remarquer que cette accusation particulièrement grave ne s'accompagne d'aucune précision sur les noms des prétendues victimes ni sur la durée et les circonstances des arrestations.
  6. 455. Toujours concernant ces allégations, le gouvernement indique que, si l'OUSA avait fait à ce sujet la moindre investigation, elle aurait constaté que la liberté syndicale n'a jamais été mise en cause en Mauritanie, et que des recours à de quelconques manoeuvres d'intimidation à l'égard des syndicalistes ou d'autres citoyens n'ont pas eu lieu pendant la période visée par M. Radhi et la plainte. Le gouvernement déclare qu'il s'apprêtait pendant cette période à soumettre au peuple, par voie de référendum, un projet de Constitution consacrant l'ensemble des libertés reconnues par les nations civilisées. Ce projet, massivement approuvé par le peuple mauritanien et promulgué en juillet 1991, garantit la liberté syndicale et dispose, dans son article 13, "qu'une personne ne peut être arrêtée, détenue, jugée ou condamnée que par une juridiction compétente et suivant une procédure régulière" et que "toute forme de violence physique ou morale est proscrite". Toujours selon le gouvernement, la promulgation du texte constitutionnel fut suivie par des ordonnances autorisant la libre création des partis politiques et libéralisant la presse. Le gouvernement indique qu'aucun journal n'a fait mention d'une quelconque atteinte à la liberté syndicale et prétend que si l'ancien secrétaire général de l'UTM avait pu se prévaloir du moindre commencement de preuve à l'appui de ses accusations, il en aurait fait état dans la presse ou auprès des partis d'opposition.
  7. 456. S'agissant de la diffusion par les médias d'Etat d'une pétition qui aurait été signée sous la contrainte policière par quelques membres du bureau national de l'UTM déclarant l'éviction du secrétaire général élu en congrès, le gouvernement précise tout d'abord qu'il ne s'agissait pas d'une pétition, mais d'un communiqué de l'organe légal de l'UTM, le bureau national (à la majorité des deux tiers de ses membres), nommant à titre provisoire un nouveau secrétaire général ad interim en attendant, comme les statuts et le règlement intérieur le permettent, la tenue du congrès de la centrale. Il indique qu'ensuite les médias d'Etat n'ont fait que publier cette information, et il ajoute que, si l'intéressé avait voulu contester la validité de la décision du bureau national de l'UTM, il aurait pu le faire devant le tribunal du travail, ce qui n'a pas été le cas.
  8. 457. S'agissant enfin de l'allégation d'occupation illégale du siège du Centre national d'éducation ouvrière de l'UTM, le gouvernement déclare qu'elle est ridicule et que, si elle était fondée, il y aurait de fortes chances pour qu'il en soit fait état dans les journaux indépendants et qu'elle soit utilisée dans les discours des partis d'opposition.
  9. 458. Le gouvernement conclut ses observations en réaffirmant son attachement aux libertés syndicales qui, selon lui, sont appelées sans doute à se développer et à s'épanouir dans le cadre de la démocratie pluraliste pour laquelle la République islamique de Mauritanie a opté de façon irréversible.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 459. Le comité note que les diverses allégations formulées par les plaignants et la réponse du gouvernement sur ces différents points sont pour la plupart contradictoires.
  2. 460. Tel est le cas en particulier des questions concernant la légalité ou l'illégalité de la grève générale prévue pour les 19 et 20 juin 1991, l'éviction de M. Radhi du secrétariat général de l'UTM, la diffusion d'un communiqué par le gouvernement levant le mot d'ordre de grève, la convocation d'une réunion extraordinaire de l'UTM, l'occupation d'un siège syndical ainsi que l'arrestation et la torture de syndicalistes.
  3. 461. Compte tenu de ces contradictions flagrantes, le comité observe qu'il n'est pas en mesure de déterminer sur la base des informations disponibles s'il y a eu violation des droits syndicaux par les autorités mauritaniennes. Il estime donc nécessaire de transmettre, conformément à sa procédure, les observations du gouvernement à l'organisation plaignante afin que celle-ci puisse formuler les commentaires qu'elle estime appropriés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 462. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Compte tenu du caractère contradictoire des informations fournies par l'organisation plaignante et le gouvernement, le comité demande à l'OUSA de fournir les commentaires qu'elle estime appropriés sur la réponse du gouvernement.
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