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Interim Report - Report No 283, June 1992

Case No 1600 (Czechoslovakia) - Complaint date: 26-SEP-91 - Closed

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  1. 375. La Fédération syndicale mondiale (FSM) a présenté, dans une communication du 26 septembre 1991, une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la République fédérative tchèque et slovaque. L'Association des syndicats de la Bohême, de la Moravie et de la Slovaquie (OSCMS) et l'Union syndicale des employés du secteur privé se sont associées à cette plainte par des lettres respectivement datées des 27 septembre et 13 octobre 1991. Dans des communications datées des 16 et 29 janvier 1992, la FSM et l'OSCMS ont envoyé des informations complémentaires.
  2. 376. Le gouvernement a fourni certaines informations dans des communications des 24 janvier et 30 avril 1992.
  3. 377. La République fédérative tchèque et slovaque a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 378. Dans sa communication du 26 septembre 1991, la Fédération syndicale mondiale (FSM) présente des allégations relatives à son expulsion de la République fédérative tchèque et slovaque par une décision du ministre fédéral de l'Intérieur, en date du 21 août 1991, et à sa crainte de ne voir respecter son droit de recours contre cette décision. Dans des lettres datées des 27 septembre et 13 octobre 1991, l'Association des syndicats de la Bohême, de la Moravie et de la Slovaquie (OSCMS) et l'Union syndicale des employés du secteur privé présentent des allégations également relatives à la décision du 21 août 1991.
  2. 379. La FSM explique qu'au début de l'année 1991, le ministre fédéral de l'Intérieur avait décidé une première fois l'expulsion de la Fédération de la République fédérative tchèque et slovaque. Par la suite, le 28 mars 1991, le ministre a annulé, par une décision non susceptible d'appel, l'arrêté d'expulsion.
  3. 380. La FSM déclare ensuite qu'une nouvelle décision a été prise le 21 août 1991, visant à mettre fin aux activités et au siège de la FSM en République tchèque et slovaque. Cette décision a été notifiée à la FSM le 4 septembre 1991.
  4. 381. La FSM indique également qu'elle a introduit dans les délais légaux, conformément aux règles administratives du pays, en date du 17 septembre, un recours auprès du ministère fédéral de l'Intérieur, dans le but d'obtenir la suspension de la mesure visant à mettre fin aux activités et au siège de la FSM en République fédérative tchèque et slovaque. L'organisation plaignante déclare que, suite à ces différentes décisions, elle se trouve dans une complète incertitude juridique puisqu'elle est confrontée à deux décisions totalement contradictoires (celle du 28 mars annulant la première exclusion et celle du 21 août ordonnant à nouveau l'exclusion).
  5. 382. Selon l'organisation plaignante, l'annulation en appel, le 28 mars 1991, de la première décision ministérielle d'expulsion était fondée, entre autres, sur le motif que le ministre n'avait pas respecté les droits de la défense. Elle indique qu'elle n'avait été ni informée à l'avance du dossier, ni mise en position de se défendre des allégations - que la décision en appel jugea en outre non prouvées - contre elle. Elle allègue que les mêmes violations des droits de la défense se sont produites lorsque la décision du 21 août a été prise et exprime sa crainte de courir le risque que ce déni de justice d'une gravité extrême soit confirmé sans appel. Elle insiste par conséquent sur le caractère urgent de sa plainte.
  6. 383. L'organisation plaignante estime que la décision du 21 août 1991 viole de manière flagrante plusieurs dispositions de la convention no 87. Tout d'abord, le ministre a justifié sa décision par le motif qu'il n'était pas possible de contrôler les activités de la FSM. La FSM est d'avis qu'un tel point de vue va à l'encontre du principe selon lequel les gouvernements ne doivent pas s'ingérer dans les activités et les affaires intérieures des syndicats qui doivent pouvoir mener leurs activités, conformément à leurs statuts, et que seuls des violations de la loi ou des délits pénaux pourraient justifier l'intervention d'une autorité judiciaire indépendante dans les affaires d'une organisation syndicale. La décision en question constitue, selon la FSM, une mesure administrative sans incrimination précise ni preuve d'aucune sorte pouvant la motiver.
  7. 384. La FSM indique également qu'il n'existe pas d'instance judiciaire civile ou administrative compétente. Le recours en appel doit être fait auprès du ministre qui a pris la décision et qui reste maître de son annulation ou de sa confirmation. La commission spéciale qui examine les appels interjetés n'a pas le caractère d'une instance judiciaire, mais celui d'un organe administratif consultatif, comme il ressort, selon la FSM, de la formulation de la décision du 28 mars 1991. De réelles possibilités d'appel auprès d'une autorité impartiale et indépendante ne sont pas disponibles, étant donné que l'autorité administrative est juge et partie.
  8. 385. La FSM est d'avis que cette situation est en contradiction avec les principes du Comité de la liberté syndicale, selon lesquels la législation d'un pays qui ne permet pas à une organisation syndicale de se pourvoir en appel auprès d'un tribunal judiciaire contre une décision d'une autorité administrative est en contradiction avec les principes de la liberté syndicale. La FSM demande concrètement que la décision du 21 août soit annulée ou que le processus de pourvoi en appel auprès du ministère fédéral de l'Intérieur soit interrompu tant que la FSM n'aura pas la possibilité d'avoir recours à un tribunal judiciaire.
  9. 386. Dans une communication du 16 janvier 1992, la FSM déclare qu'en date du 23 décembre 1991 le ministre de l'Intérieur de la République fédérative tchèque et slovaque a rejeté l'appel de la FSM contre la décision du 21 août 1991 de retirer à la FSM l'autorisation d'avoir son siège et de poursuivre ses activités en République fédérative tchèque et slovaque, et que cette décision n'est pas susceptible d'appel. L'organisation plaignante indique que cette décision viole à nouveau les principes de la liberté syndicale, selon lesquels tout contrôle administratif de l'activité syndicale est inadmissible et qu'un tel contrôle ne pourrait éventuellement être exercé que par une autorité judiciaire indépendante.
  10. 387. La FSM indique également que la décision du 23 décembre 1991 viole le droit interne puisque 1) aucun motif nouveau par rapport à la première décision n'est donné; 2) aucun motif précis et concret n'est évoqué, sauf la même formule vague "autres raisons sérieuses" sans qu'une de ces raisons soit citée; 3) la FSM n'a pas été admise à présenter sa défense; et 4) cette décision a été prise alors qu'une décision précédente émanant de la même autorité en date du 28 mars 1991, ayant autorité de chose jugée et donc toujours en vigueur, avait annulé la première décision d'expulser la FSM du territoire de la République fédérative tchèque et slovaque sous le motif que "durant l'enquête il n'a pas été prouvé de manière suffisante que la FSM avait développé des activités telles qu'elles requerraient, selon la loi, le retrait administratif de l'autorisation d'avoir son siège et de conduire ses activités en République fédérative tchèque et slovaque" et que "les représentants de la FSM n'ont pas eu la possibilité d'étudier les documents de base avant la prise de la décision, ni la possibilité d'exprimer leurs opinions sur eux ou de les amender, ce qui constitue une violation de la législation relative à la réglementation administrative".
  11. 388. La FSM fait remarquer que la notion "d'autres raisons sérieuses" appliquée dans la décision du ministre n'est définie dans aucune loi tchécoslovaque, comme le demandent explicitement les dispositions de l'article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié le 23 décembre 1975 par la Tchécoslovaquie, ou celles des alinéas 1, 2 et 3 de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux et des libertés adoptée par l'Assemblée fédérale le 9 janvier 1991, entrée en vigueur le 8 février 1991, qui garantissent le droit syndical et la liberté d'association et en fixent l'étendue. L'alinéa 1 établit que "toute personne a le droit de s'associer librement avec d'autres pour la protection de ses intérêts économiques et sociaux"; l'alinéa 2 que "les syndicats sont établis indépendamment de l'Etat ...", et l'alinéa 3 que "les activités des syndicats et l'activité et la formation d'organisations similaires pour la protection des droits économiques et sociaux peuvent être limitées par la loi dans le cas de mesures essentielles pour la protection, dans une société démocratique, de la sécurité de l'Etat ou de l'ordre public, ou des droits et libertés des autres personnes".
  12. 389. L'organisation plaignante fait également remarquer que le ministre a pris sa décision et l'a notifiée à la FSM huit jours seulement avant que la loi du 5 novembre 1991, modifiant le Code de procédure civile, et instituant une juridiction administrative dans le cadre des tribunaux judiciaires de droit commun, n'entre en vigueur au 1er janvier 1992. Elle déclare être très choquée du fait que cette décision soit intervenue de manière arbitraire, privant la FSM de la possibilité qui allait s'ouvrir de pouvoir introduire un recours devant un tribunal indépendant, afin qu'il examine la légalité de la décision du ministre de l'Intérieur.
  13. 390. La FSM conclut que, conformément aux articles 3, paragraphe 2, et 4 de la convention no 87, le gouvernement devrait veiller très attentivement au respect de la légalité nationale et internationale par ses organes administratifs, et qu'il devrait en outre s'assurer en permanence de ce que les droits syndicaux puissent librement s'exercer sur son territoire.
  14. 391. Dans une communication du 29 janvier 1992, l'Association des syndicats de la Bohême, de la Moravie et de la Slovaquie (OSCMS) confirme les informations en question et déclare que la décision du 23 décembre 1991 est illégale puisque la décision antérieure du 28 mars 1991 était toujours en vigueur. C'est pour cette raison que l'OSCMS indique que, dans ses relations avec la FSM et avec les autorités fédérales, elle se considérera liée par la décision du 28 mars 1991.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 392. Dans sa communication du 24 janvier 1992, le gouvernement déclare qu'après le rejet de l'appel formulé par la FSM cette dernière a demandé au Procureur général de la République d'examiner la légalité de la procédure administrative suivie. Le gouvernement indique également qu'une enquête étant en cours, il attend la fin de la procédure interne pour communiquer ses observations sur les allégations en question.
  2. 393. Dans sa communication du 30 avril 1992, le gouvernement indique qu'il a discuté du problème relatif à la FSM à sa réunion du 9 avril 1992. Le gouvernement a noté l'information communiquée par le Procureur général, selon laquelle la FSM a déposé un recours devant la Cour suprême fédérale demandant l'examen de la légalité de la décision du ministère de l'Intérieur. La procédure judiciaire est en cours et n'est pas encore achevée. Le Procureur général estime qu'il ne serait pas approprié pour lui de donner une opinion sur cette question alors que l'affaire est en instance devant la plus haute autorité judiciaire de l'Etat. Le gouvernement conclut en indiquant qu'il ne souhaite pas présenter ses observations finales avant l'achèvement de la procédure interne.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 394. Le comité regrette tout d'abord qu'en dépit du temps écoulé depuis la présentation de la plainte et les demandes envoyées par le BIT au gouvernement pour qu'il transmette ses observations sur ces sujets le gouvernement n'a transmis que des informations partielles indiquant qu'une enquête était en cours.
  2. 395. Le comité note que, d'après les allégations, le ministre fédéral de l'Intérieur avait décidé au début de l'année 1991 de retirer à la FSM l'autorisation d'avoir son siège à Prague et de poursuivre ses activités en République fédérative tchèque et slovaque et que cette décision avait été annulée en date du 28 mars 1991 par une décision non susceptible d'appel.
  3. 396. Il note également que, selon les plaignants, une deuxième décision de retirer à la FSM l'autorisation d'avoir son siège et d'exercer ses activités en territoire tchèque et slovaque a été prise par le même ministre le 21 août 1991 et que l'appel interjeté par la FSM contre cette décision a été rejeté en date du 23 décembre 1991 par une décision également non susceptible d'appel.
  4. 397. Le comité relève que les organisations plaignantes allèguent concrètement: 1) l'incertitude juridique dans laquelle se trouve la FSM, étant confrontée à des décisions totalement contradictoires (celle du 28 mars 1991, non susceptible d'appel et annulant la première décision d'expulsion, et celle du 21 août ordonnant à nouveau l'expulsion et confirmée en date du 23 décembre 1991 par une décision définitive); 2) le non-respect, par le ministre, des droits de la défense; 3) la violation par la décision du 28 août 1991 du droit interne, des principes de droit international garantissant la liberté d'association et en particulier des principes de la liberté syndicale.
  5. 398. Le comité ne peut que constater que les allégations portées devant lui concernent une mesure grave qui frappe une organisation représentative d'une partie du mouvement syndical international.
  6. 399. Afin de se prononcer en toute connaissance de cause sur cette affaire, le comité demande au gouvernement de lui envoyer d'urgence des informations précises sur les motifs à l'origine de la décision d'expulsion de la FSM de la République fédérative tchèque et slovaque ainsi que sur l'évolution de la procédure entamée par la FSM devant la Cour suprême fédérale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 400. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement se soit borné à indiquer dans sa réponse qu'une enquête était en cours.
    • b) Afin de se prononcer en toute connaissance de cause sur cette affaire, le comité demande au gouvernement de lui envoyer d'urgence des informations précises sur les motifs à l'origine de la décision d'expulsion de la FSM de la République fédérative tchèque et slovaque ainsi que sur l'évolution de la procédure entamée par la FSM devant la Cour suprême fédérale.
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