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Definitive Report - Report No 283, June 1992

Case No 1613 (Spain) - Complaint date: 18-DEC-91 - Closed

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  1. 26. La plainte de l'Union syndicale ouvrière (USO) figure dans une communication en date du 18 décembre 1991. Le gouvernement a répondu par une communication datée du 10 mars 1992.
  2. 27. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 28. Dans sa communication du 18 décembre 1991, l'Union syndicale ouvrière explique que le système d'élection des représentants des travailleurs espagnols au sein des entreprises est défini par la loi no 8/1980 portant réglementation du statut des travailleurs, mais que, bien qu'imparfait, ce système n'est pas le motif principal de la plainte. L'importance de cette réglementation vient du fait que, conformément à la loi organique no 11/1985 concernant la liberté syndicale, le résultat global des procédures électorales en cause a des conséquences de la plus haute importance du point de vue de l'exercice des droits syndicaux fondamentaux: participation institutionnelle, cession de biens faisant partie de ce que l'on appelle le "patrimoine syndical accumulé", négociation collective, etc.
  2. 29. Par ailleurs, poursuit l'organisation plaignante, le système de mesure de la représentativité des organisations syndicales en Espagne présente de multiples défauts, ouvrant la porte - cela a été prouvé - à la partialité et aux abus des organes chargés d'assurer le contrôle et le suivi de la procédure électorale, à savoir les commissions provinciales et la Commission nationale des élections syndicales (dont la constitution et le fonctionnement sont définis dans le décret gouvernemental no 1256/86 du 13 juin); en effet:
    • - au sein de ces commissions, les organisations concurrentes qui participent aux élections sont représentées "proportionnellement à leur représentativité"; ce sont donc les syndicats ayant obtenu les meilleurs résultats qui assurent le contrôle de leurs propres résultats aux élections - qu'ils ont tout intérêt à maintenir au niveau antérieur, voire à augmenter - et de ceux des autres organisations syndicales;
    • - l'administration, qui est le premier employeur et, qui à ce titre, est très désireuse d'avoir affaire à avoir certains interlocuteurs sociaux plutôt qu'à d'autres, est également représentée (les organes chargés d'assurer la vérification et l'évaluation des résultats électoraux font partie du système bureaucratique constitué par les diverses administrations publiques espagnoles); or c'est elle qui, en définitive, communique les résultats électoraux des diverses organisations syndicales et les publie;
    • - les associations patronales, qui ont également intérêt à ce que les élections - communément appelées "syndicales" - désignent certains interlocuteurs sociaux plutôt que d'autres, sont aussi représentées.
  3. 30. Par conséquent, de l'avis de l'organisation plaignante, non seulement l'implication directe des organisations concurrentes dans la procédure électorale est patente, mais il semble en outre évident que ce système ne garantit nullement l'impartialité et l'objectivité des résultats électoraux, établis et proclamés par de tels organes de contrôle des élections en l'absence de représentants du pouvoir judiciaire, qui constitueraient une garantie d'impartialité.
  4. 31. L'organisation plaignante ajoute que, pour ce qui est de la représentation syndicale au sein des organes de contrôle des élections, la réglementation a été déclarée attentatoire au principe de la liberté syndicale dans deux arrêts du Tribunal constitutionnel espagnol (nos 7 et 32 de 1990). Le tribunal a rejeté le critère de la plus grande représentativité qui avait déterminé la composition de ces organes durant la procédure électorale engagée en 1986 pour le calcul global de la représentativité, aux motifs qu'il était jugé attentatoire au principe de la liberté syndicale et que la présence des syndicats ayant obtenu les meilleurs résultats ne garantissait pas l'impartialité qui devait être celle d'organes appelés à intervenir dans la procédure électorale. En dépit de cet arrêt du Tribunal constitutionnel, le gouvernement a remplacé ce critère par un critère indéterminé de proportionnalité qui revenait, en définitive, à attribuer exclusivement aux syndicats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la procédure électorale antérieure une fonction de contrôle de l'activité syndicale électorale menée par les autres organisations syndicales, et qui non seulement n'était pas conforme à la doctrine susmentionnée du Tribunal constitutionnel, mais qui portait en outre directement atteinte une nouvelle fois à la liberté syndicale et au pluralisme syndical. Ce n'est pas là une opinion propre à l'organisation syndicale plaignante, car elle est partagée par tous les tribunaux espagnols qui, ayant pu examiner à leur tour le nouveau critère de proportionnalité, l'ont rejeté en tant que critère pour être imprécis, contraire au principe de la liberté syndicale, portant atteinte au pluralisme syndical et constituant une tentative de contourner et de transgresser la doctrine du Tribunal constitutionnel.
  5. 32. L'organisation plaignante allègue également que c'est sous le contrôle de ces organes que se sont déroulées, fin 1990, les élections qui devaient permettre d'établir la représentativité syndicale pour les quatre années suivantes. A cela s'est ajouté le fait que certaines des commissions qui devaient procéder au calcul de la représentativité syndicale n'ont pu mener leur tâche à bien, l'autorité judiciaire ayant annulé le critère retenu pour la détermination de la représentation syndicale en leur sein. Depuis la clôture de la procédure électorale dans le cadre de la période de calcul de 1990, l'administration - dont fait partie la Commission nationale des élections syndicales, organe supérieur de contrôle des élections dont la fonction principale est de proclamer les résultats électoraux globaux des différentes organisations syndicales - ne s'est pas réunie une seule fois, en 1991, pour procéder à une opération quelconque de contrôle et d'analyse des résultats électoraux, avant le 31 octobre, soit dix mois après la clôture de la période de calcul officielle. Les très graves irrégularités ne s'arrêtent d'ailleurs pas là, car c'est lors de cette réunion et d'une autre, tenue le 6 novembre 1991, que les résultats d'élections prétendument consignés dans 109.133 relevés officiels auraient été "analysés"; prétendument, parce que seules certaines "listes" ont été communiquées par le gouvernement à la Commission nationale sans que lui soient remis les relevés officiels des résultats, ce qui lui aurait permis de s'acquitter de sa fonction scrupuleusement et comme il lui appartient, en raison de l'évidente ingérence du gouvernement espagnol, lequel a fait en sorte que la commission ne puisse compulser les 109.133 relevés officiels des résultats, dont elle n'a pas eu connaissance. Malgré cette grave atteinte à la crédibilité démocratique et à l'impartialité de l'organe suprême de contrôle des élections, la Commission nationale, avec le vote favorable de l'administration et des organisations syndicales UGT, ELA-STV et CSIF - les représentants des organisations patronales s'étant abstenus et ceux de la CC.OO. et d'USO ayant voté contre - a proclamé le 8 novembre des résultats électoraux qu'elle n'a pu examiner que grâce à ce que le gouvernement espagnol a bien voulu lui communiquer, et dont elle n'avait aucune preuve que ces documents reflétaient la réalité.
  6. 33. L'organisation plaignante conclut en signalant que cette accumulation de très graves irrégularités et d'atteintes directes à la liberté syndicale réduit la crédibilité de certains résultats électoraux à cause de la procédure de détermination de la représentativité syndicale instituée par le gouvernement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 34. Dans sa communication du 10 mars 1992, le gouvernement déclare que la réglementation régissant la procédure des élections syndicales comprend deux volets, qui sont analysés ci-après. En ce qui concerne les élections des représentants des travailleurs dans l'entreprise, la réglementation pertinente est contenue dans le titre II de la loi no 8/1980 du 10 mars portant approbation du Statut des travailleurs, et dans le décret royal no 1311/1986 du 13 juin concernant les normes applicables à l'organisation des élections aux organes de représentation des travailleurs dans l'entreprise, qui développe ladite loi. En ce qui concerne, par ailleurs, les élections de représentants des travailleurs au sein des organes correspondants des administrations publiques, la réglementation pertinente est contenue dans la loi no 7/1990 du 19 juillet concernant la négociation collective et est contenue dans la participation à la détermination des conditions de travail des fonctionnaires et dans la résolution du 10 septembre 1990 du président du Conseil supérieur de la fonction publique, rendant public l'Accord du Conseil supérieur de la fonction publique relatif à l'organisation d'élections aux organes de représentation du personnel des administrations publiques et établissant la commission électorale générale. Ces deux séries de dispositions sont complétées et développées par d'autres arrêtés, ainsi que par les accords adoptés par la Commission nationale des élections syndicales - organe tripartite composé de représentants des organisations syndicales, des organisations patronales et de l'administration - qui ont eu pour objet de développer la réglementation régissant les élections et de répondre à des questions précises touchant l'interprétation et les consultations. Le gouvernement joint également un rapport sur les mesures adoptées par la Commission nationale des élections syndicales et son comité permanent, qui étaient en vigueur lors des élections de 1990.
  2. 35. Le gouvernement ajoute que la représentativité et la réglementation de la liberté syndicale font l'objet de la loi organique no 11 du 2 août 1985, concernant la liberté syndicale, laquelle reconnaît le droit de s'organiser librement, la défense des intérêts collectifs des travailleurs et, sur un plan fondamental, le principe de la liberté syndicale. La représentativité syndicale, à savoir la représentation institutionnelle des syndicats au sein des organes de représentation des administrations publiques - distincte de la représentation ouvrière au sein de l'entreprise, qui ne produit d'effets qu'à ce niveau - est établie au titre III de cette loi organique. La représentativité syndicale, et à l'effet institutionnel indiqué, fait l'objet des articles 6.2 et 7.1 de la loi organique, en ce qui touche les syndicats considérés comme les plus représentatifs au niveau national, à savoir:
    • a) Ceux qui jouissent d'une certaine audience, exprimée par l'obtention au niveau national de 10 pour cent ou plus du nombre total de délégués du personnel, ainsi que de membres des comités d'entreprise et des organes correspondants des administrations publiques.
      • De même, sont considérés comme syndicats les plus représentatifs au niveau des communautés autonomes: a) les syndicats opérant dans ce cadre qui jouissent à ce niveau d'une certaine audience, exprimée par l'obtention de 15 pour cent au moins des délégués du personnel ainsi que des représentants des travailleurs au sein des comités d'entreprise et des organes correspondants des administrations publiques, pourvu qu'ils disposent au minimum de 1.500 représentants et qu'ils ne fassent pas partie d'une fédération ou d'une confédération syndicale nationale; b) les syndicats ou entités syndicales affiliés, fédérés ou confédérés à une organisation syndicale opérant au niveau d'une communauté autonome, considérés comme les plus représentatifs conformément aux dispositions de l'alinéa a).
      • Ces organisations jouiront d'une capacité représentative pour exercer dans le cadre spécifique de la communauté autonome les fonctions et les pouvoirs énumérés au paragraphe 3 de l'article qui précède, ainsi que d'une capacité de représentation institutionnelle auprès des administrations publiques et des autres entités ou organismes de caractère étatique.
      • Cette détermination de la représentativité - poursuit le gouvernement - s'appuie sur la représentation obtenue tant au niveau national qu'à celui de la communauté autonome, au prorata de résultats électoraux établis non pas de manière aléatoire, mais par la volonté des travailleurs librement exprimée dans leur vote.
    • 36. Le gouvernement indique que les arrêts du Tribunal constitutionnel cités par l'organisation plaignante ont été rendus pour donner suite aux recours d'amparo (visant à faire appliquer les droits constitutionnels) formés par le syndicat USO contre l'ordonnance de l'Office du travail et de la sécurité sociale de la Communauté autonome de la province Valencie, portant création des commissions provinciales des élections syndicales, et contre la décision de la Commission nationale des élections syndicales de ne pas accepter en son sein le syndicat USO, et que ces arrêts n'affaiblissent en rien la représentativité établie par les articles 6.2 et 7.1 de la loi organique concernant la liberté syndicale, laquelle demeure "constitution- nellement valide". Or il ressort de ces jugements que ces organes, à savoir la Commission nationale et les commissions provinciales des élections syndicales, auxquelles le tribunal se réfère en tant qu'organes chargés "du calcul et de la proclamation des résultats électoraux", ne sont pas à proprement parler des organes de représentation institutionnelle, réglementés en tant que tels par les articles 6.2 et 7.1 de la loi organique concernant la liberté syndicale, et que ce n'est pas en introduisant ce genre d'instances qu'il convient d'en établir la "représentation institutionnelle". En ce sens, ces arrêts, sans indiquer comment la représentation au sein de ces organes collégiaux doit être assurée, précisent cependant qu'elle doit répondre aux principes de "proportionnalité, d'objectivité, de rationalité et de finalité".
  3. 37. Le gouvernement déclare également que la constitution de la Commission nationale des élections syndicales et de ses commissions provinciales est régie par le décret royal no 1256/1986 du 13 juin 1986 portant création de la Commission nationale des élections syndicales. Ce texte dispose, en son article 3, que la Commission nationale des élections syndicales, qui est un organe collégial tripartite et, partant, conforme aux principes fondamentaux de l'OIT dans la mesure où "le tripartisme" est affirmé comme principe constitutif de la commission, est composée de treize représentants de l'administration, treize représentants des organisations patronales et treize représentants des organisations syndicales "les plus représentatives au prorata de leur représentativité, comme l'établissent les articles 6.2 et 7.1 de la loi organique sur la liberté syndicale". Il est également précisé, à l'article 16 de ce décret royal, que les commissions provinciales des élections syndicales sont aussi des organes collégiaux de structure tripartite, composées de trois représentants de l'administration, trois représentants des organisations patronales et trois représentants des organisations syndicales "les plus représentatives au prorata de leur représentativité, comme l'établissent les articles 6.2 et 7.1 de la loi organique sur la liberté syndicale".
  4. 38. Le gouvernement explique que cette précision relative à la représentativité au sein de ces organes par rapport à la représentativité "institutionnelle établie par la loi organique sur la liberté syndicale" a rendu nécessaire - la Commission nationale et les commissions provinciales des élections syndicales n'ayant pas une telle représentativité -, suivant la jurisprudence constitutionnelle déjà évoquée, une modification de la composition de ces organes, ce que le gouvernement espagnol, respectueux de la doctrine du Tribunal constitutionnel, a réalisé par la voie du décret royal no 953/1990 du 20 juillet 1990 qui porte modification du décret royal no 1256/1986 du 13 juin 1986 créant la Commission nationale des élections syndicales. Plus précisément, dans l'exposé des motifs de ce décret royal, après avoir mentionné l'abandon du critère de la plus grande représentativité pour la détermination de la composition de ces organes collégiaux (c'est-à-dire la base sur laquelle se fonde la loi organique sur la liberté syndicale, une fonction spécifique de participation institutionnelle n'étant pas réalisée) et en se conformant aux critères du Tribunal constitutionnel, on a opté pour la constitution de ces organes collégiaux tripartites en adoptant le critère de la proportionnalité aux plus forts restes au prorata des résultats obtenus par chaque syndicat, tant au niveau national qu'au niveau provincial, les restes arithmétiques étant pris en compte pour compléter le nombre maximum de treize représentants à la Commission nationale des élections syndicales et de trois représentants aux commissions provinciales des élections syndicales. En application des dispositions du décret royal no 953/1990 du 20 juillet 1990, la Commission nationale des élections syndicales, organe tripartite de représentation, est composée de trente-neuf membres, dont treize représentent l'administration, treize les organisations patronales et treize les organisations syndicales. Pour ce qui est des organisations syndicales, la répartition des treize représentants au sein de cet organe est la suivante: cinq représentants du syndicat Union générale des travailleurs (UGT), cinq représentants du syndicat Confédération syndicale des Commissions ouvrières (CC.OO.), un représentant du syndicat Union syndicale ouvrière (USO), un représentant du syndicat ELA-STV et un représentant du syndicat CSI-CSIF, cela en application du critère de proportionnalité pure établi par ce texte officiel en fonction des résultats électoraux obtenus par les divers syndicats dans les différentes zones géographiques du pays.
  5. 39. Cette nouvelle réglementation, fidèle à l'esprit de la jurisprudence constitutionnelle, est considérée par l'organisation plaignante, d'après l'affirmation figurant au point 3 du paragraphe 4 de la plainte, comme ayant été établie "en dépit de cette doctrine constitutionnelle" et comme attribuant "exclusivement aux syndicats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la procédure électorale antérieure une fonction de surveillance de l'activité syndicale". Il convient d'analyser en détail le grief invoqué dans cette plainte. Si l'on en revient à l'analyse du contenu des arrêts du Tribunal constitutionnel évoqués ci-dessus, qui n'établissent pas la manière dont ces organes doivent être constitués, mais précisent simplement que leur constitution doit répondre aux principes suivants de "proportionnalité, d'objectivité, de rationalité et de finalité", force est de constater que le critère établi, à savoir l'application de la règle de la proportionnalité au prorata des résultats obtenus par chaque syndicat aux dernières élections syndicales et dans chaque zone géographique dans laquelle ils se sont présentés, est parfaitement conforme au principe de "la proportionnalité, les restes arithmétiques étant pris en compte" ainsi qu'aux critères d'"objectivité" et de "rationalité". En effet, rien n'est plus objectif et raisonnable que de soumettre à la volonté des travailleurs librement exprimée dans le cadre d'élections syndicales la détermination du nombre de représentants de chaque syndicat. Cela est également conforme au critère de la finalité, dans la mesure où une relation de cause à effet est établie entre la volonté des travailleurs librement exprimée et le degré de représentation de chaque syndicat déterminé sur la base de cette volonté exprimée. Par ailleurs, cette volonté coïncide plus ou moins avec l'élection de représentants d'une centrale syndicale donnée, un aspect qui n'est pas apprécié.
  6. 40. Il convient également de signaler qu'une fois appliqué, de la manière exposée en détail ci-desssus, le critère de proportionnalité, le fait que les mêmes syndicats peuvent être de nouveau représentés de manière majoritaire au sein des commissions provinciales des élections syndicales ne constitue nullement un argument permettant de prétendre que le gouvernement espagnol transgresse les arrêts du Tribunal constitutionnel, et encore moins une tentative de contrôle des processus électoraux, comme le souligne de manière subjective l'organisation plaignante. Ce qui se produit, au contraire, c'est que certains syndicats obtiennent une plus grande représentativité et un plus grand nombre de voix que d'autres dans les diverses zones géographiques, ce qui équivaut à une plus ou moins grande acceptation par les travailleurs de telle ou telle option syndicale; c'est là un fait qui, s'il ne coïncide pas avec la majorité que le syndicat plaignant espérait obtenir, ne peut être imputé au gouvernement espagnol, car il s'agit plutôt de questions en rapport avec l'activité du syndicat USO qui ne sauraient être portées sur d'autres plans sous forme de plaintes contre une réalité qui passe par la plus ou moins grande acceptation des travailleurs librement exprimée dans les urnes à travers leur vote.
  7. 41. Le gouvernement indique que l'argument principal de la plainte déposée par la centrale syndicale USO ayant ainsi perdu de sa force, les affirmations contenues dans cette plainte et concernant la partialité et les abus des organes chargés du calcul et de la proclamation des résultats électoraux, ainsi que la prétendue connivence de l'administration et des organisations patronales, doivent être tenues uniquement pour les déclarations d'une partie et, en tant que telles, appréciées uniquement en fonction de leur légitimité éventuelle; dans ce cas, il conviendrait de toute évidence de tenir également compte de positions contraires et tout aussi légitimes, car ces affirmations n'ont que la valeur de simples déclarations, qui ne sont appuyées par rien d'autre que par le contenu des affirmations elles-mêmes, si l'on tient compte de la documentation fournie par l'organisation plaignante. Par conséquent, ces déclarations d'une partie, dans le contexte précis où elles s'inscrivent, n'ont pas d'autre valeur que celle d'une opinion et celle qui découle de la représentativité du syndicat auteur de la plainte, laquelle est nettement inférieure à celle d'autres forces syndicales ayant une représentativité majoritaire qui adoptent une position différente, quoique tout aussi légitime.
  8. 42. En ce qui concerne la plainte selon laquelle l'impartialité des organes de calcul des résultats des élections n'est pas garantie du fait que ces organes ne comportent pas de représentants du pouvoir judiciaire, le gouvernement déclare que, pour faire admettre des représentants du pouvoir judiciaire au sein de ces organes collégiaux chargés du calcul des résultats, il faudrait modifier les dispositions législatives qui régissent la procédure des élections syndicales. Le gouvernement indique à cet égard que la Commission nationale des élections syndicales a approuvé à la majorité, à sa réunion du 7 septembre 1990 (soit avant le début de la procédure électorale), un accord disposant que cette procédure obéirait aux dispositions législatives alors en vigueur et à celles précisées dans l'accord, et que le syndicat auteur de la plainte, l'USO, était représenté à cette réunion. Selon cet accord, "une fois terminée la période de calcul électoral, les organisations représentées au sein de la CNES enverront au gouvernement toutes propositions de modification des normes électorales ayant force de loi et des normes réglementaires qu'elles jugeront nécessaires et propres à remédier aux faiblesses constatées à l'usage". Si ces normes ont été acceptées par toutes les parties avant le déroulement de la procédure électorale, elles ne peuvent être remises en question, après la tenue des élections syndicales et une fois les résultats connus.
  9. 43. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la Commission nationale des élections syndicales a proclamé les résultats électoraux sans que lui soient remis les relevés officiels des résultats électoraux et seulement sur la base de quelques listes, le gouvernement signale que le syndicat USO, auteur de la plainte, était représenté au sein de certaines des commissions provinciales (en application du principe de la proportionnalité suivant les résultats obtenus dans une zone géographique donnée (la province)), et que dans les cas où il ne l'était pas, l'accord no 3 - adopté à l'unanimité par la Commission nationale des élections syndicales à sa réunion du 7 septembre 1990 (c'est-à-dire avant le début de la procédure électorale) - était applicable, cet accord établissant ce qui suit: "Les syndicats de travailleurs présents au sein de la Commission nationale des élections syndicales pourront faire partie en tant qu'observateurs des commissions provinciales des élections syndicales, afin de prendre connaissance des décisions et des relevés officiels des résultats électoraux sur la base desquels les calculs sont effectués et d'avoir des éléments de jugement propre à faciliter l'accomplissement de leur fonction de proclamation de résultats électoraux." Par conséquent, les syndicats représentés au sein de ces organes disposaient d'une copie des relevés officiels des résultats électoraux. De même, tous les syndicats représentés à la Commission nationale des élections syndicales pouvaient envoyer un observateur auprès des commissions provinciales des élections syndicales, organes chargés d'effectuer les calculs et d'homologuer les relevés officiels des résultats à seule fin de déterminer la représentation institutionnelle des syndicats auprès des administrations publiques, étant donné que la Commission nationale des élections syndicales se borne à proclamer les résultats globaux sur l'ensemble du territoire national et ne peut se transformer en un organe habilité à réviser les accords adoptés par les commissions provinciales, précisément en raison de l'accord no 14 du 25 septembre 1986 qu'elle a adopté elle-même, selon lequel "les accords adoptés par les commissions provinciales sont des actes définitifs de l'administration". Par conséquent, tous les syndicats présents au sein de la Commission nationale avaient connaissance et avaient reçu copie des relevés établis par les commissions provinciales, les membres de la Commission nationale ayant reçu non seulement ces relevés, mais aussi, pour faciliter l'évaluation globale, des listes contenant toutes les données des relevés officiels sous forme informatisée: numéro du relevé, zone territoriale et géographique, entreprise dans laquelle l'élection s'est déroulée et résultats de l'élection, le nom des syndicats dont des représentants ont été élus étant mentionné, ou leur qualité de syndicat non affilié ou indépendant précisée. Les membres de la Commission nationale disposaient donc de tous les éléments pour procéder à l'évaluation dont ils étaient chargés, et ce n'est qu'en cas de besoin (erreurs d'enregistrement, etc.) qu'ils se sont reportés aux relevés originaux, car analyser simultanément les 109.133 relevés officiels des résultats était, sinon impossible, du moins complexe et difficile à réaliser.
  10. 44. En outre, en vertu de l'autorité judiciaire effective reconnue par la Constitution en son article 24.1, tous les actes de la procédure électorale et les effets de ces actes sont soumis au contrôle judiciaire. Par conséquent, tout syndicat peut contester toute phase de la procédure électorale dans les conditions précisées à l'article 76 du Statut des travailleurs, lequel dispose, à propos des réclamations en matière électorale, que "la juridiction compétente connaîtra des réclamations formulées en matière électorale ...". Compte tenu de cette possibilité de protection effective par les tribunaux, tout accord ou décision des commissions provinciales des élections syndicales considérés par une centrale syndicale comme dommageables ou préjudiciables peuvent faire l'objet d'actions en justice devant les autorités judiciaires compétentes afin qu'il soit donné suite à la revendication de la centrale, et cette voie a à tout moment été ouverte aux parties intéressées.
  11. 45. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la Commission nationale des élections syndicales ne s'est pas réunie entre 1990 et la fin de 1991 et que les résultats ne furent pas ensuite dûment analysés, le gouvernement déclare qu'il convient de nuancer ces affirmations et de les ramener à leurs justes valeurs. La Commission nationale des élections syndicales a mis en oeuvre elle-même, ou par les soins de son comité permanent, plusieurs accords visant à faciliter la procédure électorale, mais, celle-ci une fois terminée, c'était aux commissions provinciales des élections syndicales, seuls organes habilités à établir les relevés officiels aux fins de la détermination de la représentation institutionnelle des syndicats, qu'il revenait d'agir; dès lors, la Commision nationale des élections syndicales n'avait pas à intervenir. L'affirmation du syndicat plaignant USO ne correspond pas à la réalité car, bien que la Commission nationale des élections syndicales ne se soit pas réunie entre 1990 et le 8 novembre 1991 pour la raison indiquée, son comité permanent a tenu plusieurs réunions ayant toutes porté sur l'analyse des élections syndicales en vue de la proclamation globale des résultats électoraux. En outre, conformément à un accord du comité permanent de la Commission nationale des élections syndicales, "le comité permanent de la Commission nationale des élections syndicales décide de constituer un groupe de travail composé de représentants des organisations syndicales et patronales représentées au sein de la Commission nationale des élections syndicales, ainsi que de représentants de l'administration, afin qu'il prenne connaissance au fur et à mesure des résultats du calcul mentionné, lequel est effectué par des moyens informatiques; l'analyse portera successivement sur les provinces où le processus électoral est terminé et dont les résultats finals peuvent par conséquent être d'ores et déjà analysés". Ce groupe de travail - dont le syndicat USO, auteur de la plainte, faisait partie - constitué à cet effet par le comité permanent s'est réuni à maintes reprises en application de cet accord et afin d'analyser en détail toutes les procédures électorales des diverses zones territoriales.
  12. 46. Le gouvernement indique par ailleurs que la Commission nationale des élections syndicales (seul organe compétent pour la proclamation des résultats globaux des élections syndicales sur l'ensemble du territoire espagnol) a décidé, à sa réunion du 8 novembre 1991, par 20 voix contre 6, avec 13 abstentions (c'est-à-dire à la majorité simple mais suffisante par rapport au quorum exigé à cet effet), de proclamer les résultats électoraux. Il convient de signaler que, pour ce qui est de la représentation syndicale, sur les treize représentants présents au sein de la commission, sept ont voté pour la proclamation des résultats électoraux et six contre, selon les explications de vote fournies par chacune des représentations. Les représentants du patronat, au nombre de treize, se sont abstenus en justifiant cette décision comme l'indique le compte rendu établi à cette occasion, non pas par des motifs d'accord ou de désaccord avec les résultats, mais par la division des syndicats à ce sujet et par leur désir de rester neutres.
  13. 47. Le gouvernement conclut en soulignant qu'il ne peut ressortir en aucune manière de toutes ces considérations qu'il a été porté atteinte à la liberté syndicale dans le cadre des élections syndicales; or la plainte du syndicat USO n'est pas appuyée par d'autres syndicats dont la représentation est majoritaire par rapport à celle de ce syndicat (soit 2,89 pour cent du total); l'opinion majoritaire des organisations syndicales représentées au sein de la Commission nationale des élections syndicales se reflète dans la décision prise par celle-ci de proclamer les résultats électoraux globaux sur l'ensemble du territoire de l'Etat espagnol.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 48. Le comité note que, dans la présente plainte, l'organisation plaignante fait valoir que la composition et le fonctionnement des organes chargés d'assurer le contrôle et le suivi des élections syndicales, qui ne comportent la participation d'aucun représentant du pouvoir judiciaire, risquent de donner lieu à des abus et qu'ils ne sont pas conformes aux arrêts du Tribunal constitutionnel rejetant le principe de la plus grande représentativité syndicale qui existait au sein de ces organes.
  2. 49. L'organisation plaignante a également fait valoir que, lors des dernières élections syndicales, de graves irrégularités portant atteinte à la liberté syndicale se seraient produites: 1) certaines des commissions provinciales qui devaient effectuer les opérations de calcul de la représentativité syndicale n'auraient pu mener à bien leur tâche, l'autorité judiciaire ayant annulé le critère de la "plus grande représentativité" pour la détermination de la représentation syndicale en leur sein, et 2) la Commission nationale des élections syndicales non seulement ne se serait réunie que dix mois après la clôture de la période de calcul officielle, mais en outre aurait analysé les résultats à partir de quelques "listes" fournies par le gouvernement, sans que les relevés officiels des résultats électoraux lui aient été remis.
  3. 50. En ce qui concerne la composition de la Commission nationale et des commissions provinciales des élections syndicales, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles le décret royal no 953 du 20 juillet 1990 a notifié l'abandon du critère de la "plus grande représentativité" pour la détermination de la composition de ces organes collégiaux, critère établi par la loi organique sur la liberté syndicale, parce que ces organes n'assuraient pas une fonction spécifique de participation institutionnelle. Pour cette raison le décret royal, tenant compte de l'avis exprimé dans les arrêts du Tribunal constitutionnel évoqués par l'organisation plaignante, a organisé la constitution de ces organes collégiaux tripartites sur la base du critère de la "proportionnalité" au prorata des résultats obtenus par chaque syndicat. Le comité note également que, d'après le gouvernement, conformément aux dispositions du décret royal no 953/1990, la Commission nationale des élections syndicales, en tant qu'organe tripartite de représentation, se compose de trente-neuf membres, dont un représentant de l'organisation plaignante (USO).
  4. 51. Compte tenu de tous ces éléments, le comité estime que le système actuel de contrôle des élections syndicales est conforme au principe de la liberté syndicale et offre aux organisations syndicales qui s'estimeraient lésées la possibilité d'obtenir une protection judiciaire effective propre à redresser tous abus ou irrégularités.
  5. 52. En ce qui concerne les irrégularités qui auraient été constatées lors des dernières élections syndicales tenues fin 1990, le comité prend note des explications du gouvernement sur ces allégations. De l'avis du comité, il ressort de ces explications que l'organisation plaignante était en mesure, si elle avait constaté une violation quelconque de la législation, de former un recours judiciaire (y compris devant le Tribunal constitutionnel) et de sauvegarder ainsi ses intérêts.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 53. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que ce cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
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