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Interim Report - Report No 291, November 1993

Case No 1676 (Venezuela (Bolivarian Republic of)) - Complaint date: 22-OCT-92 - Closed

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  1. 489. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) du 22 octobre 1992. Dans des communications ultérieures des 16 novembre 1992 et 13 avril 1993, la CISL a présenté des informations complémentaires. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 9 août 1993.
  2. 490. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 491. Dans ses communications des 22 octobre et 16 novembre 1992, la CISL allègue que, pendant près de deux ans, la presse vénézuélienne a mené, avec le consentement tacite des autorités, une campagne visant à discréditer la centrale syndicale la plus importante du pays, à savoir la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), et à entraver son fonctionnement et que, pendant cette période, le président de la Confédération, M. Antonio Rios, a été systématiquement la cible de calomnies sans fondement l'accusant de conduite irresponsable et de corruption. Cette campagne délibérée a créé un climat général d'hostilité à l'encontre M. Rios qui explique, du moins en partie, l'attaque à main armée dont il a été victime le 23 septembre 1992. Le plaignant signale que le gouvernement n'a pas offert à M. Rios la protection nécessaire bien qu'il fût au courant des menaces de mort qui avaient été proférées contre cette personne. L'organisation plaignante ajoute que, une fois remis de ses blessures, M. Rios a été assigné à résidence, ce qui l'a empêché d'assister à la session du Conseil d'administration du BIT. Par la suite, il a été placé en détention dans la même prison où se trouvait la personne qui avait attenté à sa vie. Il se trouve donc dans une situation d'extrême danger.
  2. 492. Dans sa communication du 13 avril 1993, la CISL signale que l'on peut faire remonter l'origine de cette campagne antisyndicale à la politique de libéralisation et d'ajustement structurel du gouvernement, à laquelle la CTV s'était opposée en organisant, en mai 1989, la première grève générale depuis l'établissement du régime démocratique au Venezuela. Cette campagne de dénigrement contre la CTV et son président visait à entraver le mouvement syndical qui avait démontré sa capacité de mobiliser les travailleurs pour la défense de leurs intérêts. L'organisation plaignante indique qu'en janvier et mars 1991, sous l'effet de la campagne antisyndicale, M. Rios a été accusé devant les tribunaux de trafic d'influence; en septembre 1992, il a été emprisonné pour ce délit puis, après l'attentat dont il a été victime, il a été à nouveau mis en prison à la suite de nouvelles accusations devant le Tribunal supérieur de sauvegarde du patrimoine public.
  3. 493. Enfin, l'organisation plaignante indique que la procédure judiciaire conduite contre M. Rios est entachée d'irrégularités et de discrimination, la garantie d'un procès régulier et impartial lui ayant été refusée. Elle précise qu'au Venezuela le pouvoir judiciaire subit des ingérences politiques et que des fonctionnaires de ce pouvoir, qui sont intervenus contre M. Rios, l'ont eux-mêmes reconnu. Le président de la Cour suprême aurait admis qu'il arrive parfois que, derrière un procès de haut responsable, on trouve des intentions politiques. De plus, l'organisation plaignante signale que des membres du Tribunal supérieur de sauvegarde du patrimoine public (l'organe judiciaire qui instruit le procès) auraient reçu des menaces de mort anonymes au cas où ils statueraient en faveur de ce dirigeant syndical.
  4. 494. Concrètement, l'organisation plaignante décrit les irrégularités qui ont eu lieu au cours du procès dans les termes suivants: la modification, à plusieurs reprises, des chefs d'accusation (le procureur général, après avoir imputé à M. Rios deux délits différents, a centré ses accusations sur l'un d'eux, puis a formulé, par la suite, de nouvelles accusations); le caractère exceptionnel de la détention arbitraire (M. Rios a subi une détention prolongée, la liberté provisoire lui ayant été refusée. Le Tribunal supérieur de sauvegarde du patrimoine public a ordonné sa détention et l'a ensuite poursuivi en jugement, ce qui devait avoir pour conséquence la mise en liberté provisoire de M. Rios jusqu'au prononcé définitif du verdict. En dépit de cela, le procureur a fait appel de la décision, et la Chambre criminelle de la Cour suprême, de manière tout à fait exceptionnelle, a donné suite au recours et a ordonné le maintien en détention de M. Rios); la différence dans le traitement judiciaire de l'affaire par rapport aux autres cas (malgré l'extrême lenteur de la procédure judiciaire au Venezuela, dans le cas de M. Rios, les moyens de preuves à l'encontre de l'accusé ont été examinés rapidement alors que ceux qui étaient en sa faveur ont été ajournés). De même, les effets de la campagne de presse contre M. Rios se sont fait sentir. Dans ces conditions, il était extrêmement difficile aux organes judiciaires d'examiner l'affaire en toute impartialité en fonction des faits de la cause.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 495. Au sujet de l'attentat perpétré contre M. Rios, le gouvernement déclare, dans ses communications des 3 février et 2 juillet 1993, que cet acte a été condamné par les autorités. Ses auteurs, immédiatement arrêtés par la police, ont déclaré appartenir aux Forces bolivariennes de libération et avoir commis cet attentat dans le cadre de l'opération "Dignité" dirigée contre des personnes soupçonnées de corruption. Le gouvernement reconnaît aussi qu'il y a bien eu une campagne visant à discréditer le dirigeant syndical M. Rios, mais il ajoute qu'il n'y a pas participé et qu'il a fait suspendre les programmes de télévision qui appelaient à assassiner les personnes corrompues.
  2. 496. Par ailleurs, dans ses communications, le gouvernement fournit nombre d'informations sur les prétendues irrégularités financières commises selon le Procureur général de la nation et selon un député, par M. Rios, président de la Corporation des entreprises de production et de services CTV, au détriment de diverses banques (Banco de Trabajadores de Venezuela, Crédit lyonnais, Banque Paribas, Florida Cristal).
  3. 497. Le gouvernement précise qu'en janvier 1991 la Commission spéciale du Congrès a saisi le bureau du Procureur général à la suite de la plainte déposée contre Antonio Rios, dirigeant syndical et également député, par un responsable des finances et du crédit de la banque Banco de los Trabajaderos de Venezuela. M. Rios, député, était accusé devant le Procureur général d'avoir commis des actes répréhensibles contre la chose publique, au détriment de ladite banque. Le Procureur, jugeant que la conduite de l'inculpé relevait du trafic d'influence, a sollicité la levée de son immunité parlementaire. Le gouvernement ajoute qu'en mai 1991 M. Rios a fait appel devant la Cour suprême pour se défendre de cette accusation. Par ailleurs, poursuit le gouvernement, le 1er juillet 1991, un député du Congrès, M. Padrón, a accusé M. Rios non seulement de trafic d'influence mais aussi de détournement de fonds publics. C'est à la suite de ces accusations que la Cour suprême a ordonné la levée de l'immunité parlementaire de M. Rios afin qu'il soit poursuivi devant la juridiction ordinaire de sauvegarde du patrimoine public.
  4. 498. Le gouvernement signale qu'en septembre 1992 le Tribunal supérieur de sauvegarde du patrimoine public a décrété la mise en détention de M. Rios pour trafic d'influence tout en le laissant en liberté provisoire. Le Procureur général a fait appel de cette décision, considérant que les délits contre la nation ne pouvaient faire l'objet d'une suspension conditionnelle de la peine ni d'une mesure de mise en liberté sous caution.
  5. 499. Finalement, contrairement à l'accusation portée par le Procureur général, le gouvernement fait savoir qu'à son avis M. Rios n'est pas coupable des faits qui lui sont reprochés par un procureur qui "voit le délit partout".

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 500. Le comité observe que, dans le présent cas, l'organisation plaignante fait état d'un attentat perpétré contre la vie et l'intégrité physique de M. Antonio Rios (président de la Confédération des travailleurs du Venezuela - CTV), de la mise en détention de M. Rios, qui a été accusé de divers délits de caractère économique (accusations que le gouvernement récuse mais ont donné lieu à des poursuites judiciaires), et enfin d'une campagne de dénigrement qui aurait été menée par la presse vénézuélienne contre la CTV.
  2. 501. Le comité déplore profondément qu'un attentat ait été perpétré contre M. Rios et que celui-ci ait été blessé à cette occasion, et il exprime le ferme espoir qu'à l'avenir de tels actes répréhensibles ne se reproduiront pas. Le comité prend note avec intérêt des précisions données par le gouvernement, à savoir que les auteurs de l'attentat ont été arrêtés par la police. Il note aussi que ces derniers ont déclaré appartenir aux Forces bolivariennes de libération et avoir commis cet attentat dans le cadre de l'opération "Dignité", dirigée contre des personnes soupçonnées de corruption. Etant donné que le gouvernement reconnaît qu'une campagne - à laquelle il affirme ne pas avoir participé - a effectivement été menée contre le dirigeant syndical, notamment à la télévision, le comité exprime le ferme espoir qu'à l'avenir tout appel à la violence contre des dirigeants syndicaux sera énergiquement sanctionné.
  3. 502. Plus concrètement, pour ce qui est des poursuites judiciaires dont fait l'objet M. Rios, accusé par le Procureur général de s'être rendu coupable de trafic d'influence et de détournement de fonds publics, le comité note que, selon le gouvernement, la procédure judiciaire normale a été suivie après la mise en accusation. Le comité observe toutefois que cette déclaration est en contradiction avec la déclaration de l'organisation plaignante d'après laquelle la procédure judiciaire conduite contre M. Rios a été exceptionnelle et discriminatoire. A cet égard, le comité attire l'attention sur la Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail le 25 juin 1970, qui définit comme des droits essentiels à l'exercice normal des droits syndicaux, entre autres, le droit à la liberté et à la sûreté de la personne ainsi qu'à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires, et le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial. Le comité attire également l'attention sur le principe selon lequel l'absence des garanties d'une procédure judiciaire régulière risque de conduire à des abus et de permettre que des dirigeants syndicaux soient victimes de décisions non fondées; elle peut en outre créer un climat d'insécurité et de crainte susceptible d'influer sur l'exercice des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 111.) Par ailleurs, le comité note que le gouvernement déclare que M. Antonio Rios n'a pas commis les délits dont il est accusé. Compte tenu de tout ce qui précède, le comité exprime sa profonde préoccupation de ce que ce dirigeant syndical ait pu être inculpé et arrêté sur la base d'accusations sans fondement et ne peut que conclure que M. Rios a fait l'objet d'une mesure de discrimination antisyndicale.
  4. 503. Dans ces conditions, étant donné les déclarations du gouvernement faisant ressortir l'innocence de M. Rios, ainsi que la détention arbitraire dont cette personne a fait l'objet, sans preuves, le comité demande instamment que M. Rios soit immédiatement remis en liberté en attendant le résultat final des procès. En tout état de cause, le comité déplore que M. Rios n'ait pu participer à certaines réunions du Conseil d'administration du BIT, lorsqu'il en était membre, et estime que, dans la mesure du possible, et sous réserve que cela ne présente pas de danger manifeste, il serait souhaitable qu'en vertu du principe de la présomption d'innocence des poursuites éventuellement engagées contre des membres du Conseil d'administration du BIT ne les privent pas de la possibilité d'assister aux réunions de cet organe.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 504. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore profondément l'attentat dont le dirigeant syndical, M. Rios, a fait l'objet. Il note que les auteurs de l'attentat ont été arrêtés et font l'objet de poursuites judiciaires. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer le résultat des procédures intentées contre ces personnes et exprime le ferme espoir qu'à l'avenir de tels actes répréhensibles ne se reproduiront pas.
    • b) Le comité demande instamment que M. Rios soit immédiatement remis en liberté, en attendant le résultat final des procès. Il demande au gouvernement de l'informer du résultat de ceux-ci et de lui transmettre le texte des sentences qui seront rendues.
    • c) Observant que le gouvernement est d'avis que la procédure judiciaire suivie dans la présente affaire a été normale, alors que l'organisation plaignante considère qu'elle a été exceptionnelle et arbitraire, le comité attire l'attention sur la Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail le 25 juin 1970, qui définit comme des droits essentiels à l'exercice normal des droits syndicaux, entre autres, le droit à la liberté et à la sûreté de la personne ainsi qu'à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires, et le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial.
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