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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 295, November 1994

Case No 1763 (Norway) - Complaint date: 07-MAR-94 - Closed

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  1. 424. Dans une communication datée du 7 mars 1994, le Syndicat norvégien des éducateurs sociaux et des travailleurs sociaux (FO) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Norvège. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 30 septembre 1994.
  2. 425. La Norvège a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 426. La plainte a trait à une violation des conventions nos 87 et 98 que le gouvernement aurait commise en recourant à la procédure d'arbitrage obligatoire pour mettre fin à une grève légale liée à la révision des accords salariaux dans le secteur des administrations locales au printemps 1992.
  2. 427. Le plaignant explique qu'il est affilié à la Confédération des syndicats de Norvège et que son agent de négociation est la Fédération des syndicats des administrations locales (ci-après dénommée la LO-K), qui comprend huit syndicats. La plainte est déposée au nom de trois d'entre eux, qui sont les parties constituantes du FO: le Syndicat norvégien des éducateurs sociaux et des travailleurs chargés de la protection de l'enfance (NBF), le Syndicat norvégien des travailleurs sociaux (NOSO) et le Syndicat norvégien des éducateurs sociaux (NVF).
  3. 428. Le plaignant ajoute que, outre la LO-K, les deux autres fédérations chargées des négociations pour le secteur des administrations locales sont la Confédération des syndicats professionnels (YS-K) et la Fédération des associations professionnelles norvégiennes (AF-K). De plus, explique FO, le secteur des collectivités locales (à l'exclusion de la ville d'Oslo, qui a conclu son propre accord salarial, et des enseignants qui négocient leur accord salarial directement avec le gouvernement central) comprend 265 000 salariés, dont 139 000 sont organisés sous l'égide de la LO-K. De son côté, FO groupe des associations professionnelles dont les membres doivent posséder des compétences pédagogiques: éducateurs sociaux, travailleurs sociaux et infirmiers s'occupant de débiles légers. La plupart travaillent dans les départements chargés de la protection de l'enfance, le service social et des services d'aide aux handicapés, comme les praticiens de l'action sociale individualisée, dans des services de visites à domicile et dans des institutions. Ces personnes exercent aussi bien des tâches administratives que des activités en contact direct avec la population. Le syndicat FO signale que l'accord salarial qui a expiré le 30 avril 1992 et l'accord en vigueur jusqu'au 30 avril 1994 ont été signés par ses parties constituantes.
  4. 429. Le plaignant explique ensuite en détail les circonstances qui ont conduit au conflit du travail de 1992 entre la LO-K et l'Association norvégienne des collectivités locales (ci-après dénommée la KS). Au printemps 1992, les négociations sur les nouveaux accords salariaux ont été rompues sans qu'aucune des fédérations compétentes n'ait obtenu de résultat. Après que les organisations de salariés eurent annoncé que leurs membres allaient cesser le travail le 29 avril 1992, le médiateur national a interdit l'arrêt de travail et appelé les parties à entreprendre une procédure de médiation obligatoire. Aucun résultat n'ayant pu être obtenu à l'expiration du délai supplémentaire accordé pour les besoins de la médiation, soit le 27 mai, la LO-K s'est retirée des négociations, et l'ordre de grève des membres de cette fédération qui menaçait d'être lancé, l'a effectivement été ce même jour. La LO-K et la KS ont été convoquées à une réunion avec le ministre des Collectivités locales et du Travail, au cours de laquelle les parties ont fait un bref exposé de la situation et déclaré qu'elles souhaitaient qu'une autre médiation soit tentée. La LO-K a demandé l'établissement d'une nouvelle base de médiation mais, comme cela s'est avéré impossible, le médiateur a proposé que la procédure se poursuive avec les deux autres fédérations chargées des négociations, l'AF-K et l'YS-K, qui avaient accepté une proposition qui leur avait été recommandée.
  5. 430. La grève des membres de la LO-K a été alors la conséquence inévitable du manque d'entente avec la KS sur la révision des accords salariaux. Le syndicat FO déclare que la grève avait un caractère sélectif, avec une première phase qui a débuté le 27 mai 1992. La LO-K a donné la consigne de grève à quelque 28 000 personnes, dont 745 étaient membres du syndicat FO. Avant le début de la grève, les employeurs ont été autorisés, moyennant un préavis, à demander des dispenses de grève. Sur le petit nombre de celles qui ont été demandées, la plupart ont été accordées, essentiellement pour éviter de mettre en danger la vie et la santé des personnes, mais aussi dans des domaines où la grève pouvait entraîner de graves préjudices d'autre nature (pollution et pannes de courant, par exemple). Les institutions et les services s'occupant des personnes âgées et des malades n'ont pas été touchés par la grève. Dans les services pour les handicapés, des réductions de personnel ont eu lieu après une évaluation de chaque cas d'espèce afin de protéger la vie et la santé des intéressés. Il existait une planification préalable pour les cas d'urgence dans des domaines tels que la protection de l'enfance et la prévoyance sociale. Les membres de la LO-K n'ignoraient pas que les autorités recouraient fréquemment à l'arbitrage obligatoire et, par conséquent, ils ont mené la grève de manière à empêcher celles-ci d'utiliser cette arme.
  6. 431. Le syndicat FO signale qu'après quasiment trois semaines de grève la LO-K et la KS ont été convoquées, le lundi 15 juin 1992, au ministère des Collectivités locales et du Travail où chacune a fait une déclaration au ministre. Notant qu'il n'y avait pas de base possible pour une nouvelle médiation, le ministre a annoncé que, lors d'une réunion plénière d'urgence du Cabinet le lendemain, le gouvernement proposerait le recours à l'arbitrage obligatoire en vue de mettre fin au conflit. Le Parlement (Storting) a examiné cette proposition et a décidé, par une loi du 26 juin 1992, que le conflit du travail serait réglé par le Tribunal national des salaires.
  7. 432. Le syndicat FO fait observer qu'en Norvège l'arbitrage obligatoire dans les conflits du travail est imposé par une loi spéciale du Parlement ou par un décret provisoire du gouvernement si le Parlement ne siège pas. Aucune règle ne fixe les critères permettant aux autorités de mettre fin à un conflit par l'arbitrage obligatoire. Dans le cas présent, FO cite la justification suivante du gouvernement pour proposer le recours à l'arbitrage obligatoire:
  8. La grève en cours menée par des membres de la LO-K à Bergen, Drammen, Porsgrunn, Stavanger, Trondheim, Tromos et Haugesund a réduit considérablement l'activité des administrations locales (à l'exception des foyers pour personnes âgées et des services de soins infirmiers). Les bureaux municipaux et les jardins d'enfants sont fermés. De nombreuses écoles primaires ont dû fermer également. La grève cause des problèmes à tous ceux qui dépendent de la protection sociale; seule une aide d'urgence est assurée. Les mêmes problèmes se posent pour les services de protection de l'enfance, et le ramassage des ordures ainsi que les transports publics ont cessé de fonctionner.
  9. L'arrêt du ramassage des ordures municipales dans les zones urbaines susmentionnées crée des problèmes de santé publique, sans parler des odeurs désagréables. Aggravé par la vague de chaleur, il entraîne un risque important de prolifération des rats et augmente aussi le danger de propagation des maladies contagieuses. Le ministère a été informé que le nombre de rats s'accroît dans plusieurs zones urbaines. La municipalité de Tromos a déclaré que l'entreposage inadéquat des ordures augmente les risques d'incendie. Le service des pompiers et des secours souligne qu'en certains endroits il existe un grave danger d'incendie.
  10. Un autre problème se pose: de nombreux enfants handicapés ne peuvent recevoir l'aide dont ils dépendent, de sorte qu'au bout de presque trois semaines de grève, avec le manque d'assistance que cela suppose, bon nombre de parents et d'autres personnes s'occupant de ces enfants souffrent d'une grande fatigue. Dans son rapport du 15 juin à la Direction de la santé publique concernant l'absence de ramassage des ordures et la situation des services de soins infirmiers et de soins à domicile, le médecin du comté de Rogoland conclut que, très bientôt, les effets de la grève sur la santé publique ne seront plus supportables.
  11. La grève menée par les 1 777 personnes qui représentent l'effectif total du Syndicat norvégien des électriciens et des travailleurs des centrales électriques occupés dans 43 centrales de 16 comtés et dans les installations du comté de Nord-Trondelag a aussi entraîné la fermeture des centrales. Il s'ensuit que, si des dispenses de grève ne sont pas accordées, on ne peut faire face au manque d'approvisionnement en courant électrique.
  12. ...
  13. On a essayé à plusieurs reprises, mais sans succès, de régler l'actuel conflit du travail. La situation de l'Association norvégienne des collectivités locales et des organisations de salariés intéressées semble être dans une impasse. Il y a donc tout lieu de penser que la grève va durer longtemps.
  14. Après avoir examiné toutes les conséquences néfastes, qui se généralisent de plus en plus et menacent de s'étendre, le ministère estime par conséquent qu'il est judicieux de proposer de porter le différend survenu en matière de salaires entre la LO-K et l'Association norvégienne des collectivités locales devant le Tribunal national des salaires.
  15. 433. Le syndicat FO soutient que ce recours du gouvernement norvégien à la procédure d'arbitrage obligatoire signifie que le droit de grève peut être considéré comme illusoire, les employeurs pouvant toujours compter sur l'intervention des autorités. Il ajoute que cela porte aussi préjudice au droit de négociation, qui ne peut pas être considéré comme un véritable droit en pareille circonstance. Le syndicat FO cite des cas antérieurs concernant des plaintes présentées par d'autres organisations contre le gouvernement norvégien pour avoir recouru à l'arbitrage obligatoire. Il mentionne en particulier les cas no 1099 (plainte de la Société norvégienne des ingénieurs), nos 1255, 1389 et 1576 (plaintes de la Fédération norvégienne des syndicats de travailleurs du pétrole) et no 1448 (plainte du Syndicat des enseignants de Norvège), en indiquant que le Comité de la liberté syndicale avait critiqué le recours de cette procédure par les autorités et signalé que cette pratique était contraire aux principes de la liberté syndicale consacrés dans les conventions nos 87 et 98.
  16. 434. Dans ce cas particulier, le syndicat FO déclare que la vie et la santé de la population n'ont pas été réellement mises en danger, précisant que, une heure seulement avant que le ministre n'eut proposé de recourir à l'arbitrage obligatoire, le directeur de la santé publique avait déclaré que la grève ne présentait pas de risque pour la vie et la santé des personnes. C'est ce qu'avaient dit également les présidents des conseils municipaux touchés par la grève.
  17. 435. Le syndicat FO conclut en signalant que, bien qu'il ait promis de le faire, le ministre des Collectivités locales et du Travail n'a encore présenté au Parlement aucun document qui servirait de base à un débat sur les principes du recours au droit de grève et du recours à l'arbitrage obligatoire ainsi que sur leur rapport avec les conventions nos 87 et 98.
  18. B. Réponse du gouvernement
  19. 436. Dans sa communication du 30 septembre 1994, le gouvernement déclare que, dans sa plainte, le syndicat FO donne dans l'ensemble une description exacte de l'évolution du différend, mais formule quelques observations supplémentaires. En premier lieu, il précise que ni la LO-K ni aucun syndicat faisant partie de la fédération chargée des négociations, à l'exception du syndicat FO, n'ont demandé à la Confédération des syndicats de Norvège de déposer une plainte auprès de l'OIT.
  20. 437. Le gouvernement décrit ensuite le rapport existant entre les normes de l'OIT et la pratique suivie en Norvège en matière de relations professionnelles. En principe, les organisations d'employeurs et de travailleurs sont responsables de la fixation des salaires et du respect de la paix sociale. En outre, il existe dans ce pays un large accord sur le fait qu'en dernier recours le gouvernement a la responsabilité d'empêcher que les conflits du travail ne causent de graves préjudices à la société. En général, le système norvégien de négociation fonctionne bien. Il y a peu de conflits du travail et, dans presque tous les cas, les parties parviennent à un accord. Le gouvernement signale que, depuis 1982, l'OIT a examiné six plaintes déposées contre la Norvège par quatre organisations différentes au sujet de recours à l'arbitrage obligatoire pour régler des conflits du travail. De l'avis du gouvernement, le système norvégien présente des avantages importants. Le droit syndical est garanti par l'existence d'un grand nombre d'organisations. Il existe également de nombreuses conventions collectives. La loi norvégienne de 1927 sur les différends du travail confère à toutes les organisations de travailleurs des droits égaux, quelle que soit leur taille. Dans la loi, on entend par syndicat ouvrier "toute association de salariés ou fédération de syndicats ouvriers ayant pour but de défendre les intérêts des salariés vis-à-vis de leurs employeurs" et par convention collective "un contrat entre un syndicat ouvrier et un employeur ou un syndicat patronal, concernant les conditions de travail et de salaires ou toutes autres circonstances touchant le travail". En conséquence, tout syndicat peut demander qu'une négociation collective soit entreprise en vue d'aboutir à une convention collective. Son succès dépendra de son pouvoir de négociation. Pour contrebalancer l'extrême liberté accordée aux partenaires sociaux dans le système de négociation, le gouvernement indique qu'il a mis au point une pratique visant à empêcher que les actions syndicales individuelles ne causent de graves préjudices à la société.
  21. 438. Le gouvernement norvégien insiste avec force sur le respect par la Norvège de ses obligations internationales. Il déclare que les principes juridiques fondamentaux relatifs à la négociation collective sont en pleine conformité avec les conventions pertinentes de l'OIT. Cependant, les plaintes déposées auprès de l'OIT ont montré que certains cas donnaient lieu à un désaccord quant à l'interprétation donnée par l'OIT des conventions nos 87, 98 et 154.
  22. 439. Du fait que l'OIT a adopté un point de vue différent dans son interprétation des conventions en question, le gouvernement signale, comme il l'avait déjà fait auparavant, qu'il a commencé à examiner les modifications possibles du système existant pour résoudre les différends du travail. Le but est de mettre au point une méthode qui puisse répondre à la fois aux préoccupations de l'OIT et à celles du pays. L'organisme gouvernemental compétent, le Conseil du droit du travail, élabore actuellement une recommandation relative à la révision de la loi sur les différends du travail.
  23. 440. Selon le gouvernement, la grève déclenchée en 1992 par des membres de la LO-K dans le secteur des collectivités locales a fortement réduit les activités de celles-ci dans les municipalités touchées. Elle a entraîné la fermeture des bureaux municipaux, des jardins d'enfants et des écoles primaires. Ces fermetures ont causé des problèmes à toutes les personnes qui dépendaient de l'assistance sociale et des services de protection de l'enfance. Une aide était prévue seulement pour les cas d'urgence. De surcroît, la grève a occasionné un arrêt total du ramassage des ordures et des transports publics. Cet arrêt a été à l'origine de problèmes de santé publique et des odeurs désagréables qui se sont répandues. Avec la vague de chaleur, il a également constitué un grave danger en raison de l'augmentation du nombre de rats et des risques de maladies contagieuses. On a également signalé que l'entreposage inadéquat des déchets augmentait les risques d'incendie. En outre, 43 centrales électriques ont été touchées par cette grève. Dans le pays tout entier, des régions étaient peu à peu privées de leurs centrales, et, faute de dispenses de grève, il n'était pas possible de suppléer au manque d'approvisionnement en courant électrique. La grève, qui a duré environ trois semaines (du 27 mai au 16 juin 1992), a donc eu des conséquences de plus en plus graves. Comme l'indique le projet de loi, plusieurs tentatives ont été faites pour régler le conflit en cours, mais aucune n'a abouti. La situation semblait être dans une impasse et donnait à penser que la grève allait durer. En raison de ses effets néfastes, qui se généralisaient de plus en plus, et de l'augmentation annoncée des risques, qui auraient rapidement de graves conséquences, le gouvernement soutient que, après un examen complet de la situation, il s'était avéré nécessaire de proposer l'arbitrage obligatoire pour régler le conflit du travail.
  24. 441. Le gouvernement commente ensuite les allégations du syndicat FO. Il commence par souligner que le projet de loi a été soumis au Parlement après une évaluation précise de l'ensemble de la situation, compte tenu des conséquences de la grève en cours et de l'annonce de l'accroissement des risques. Le gouvernement constate également que FO a souligné que, lors du débat parlementaire concernant le projet de loi, le ministre des Administrations locales et du Travail avait déclaré qu'il procéderait immédiatement à l'élaboration d'un document qui servirait de base à un débat sur les principes du recours au droit de grève et du recours à l'arbitrage obligatoire ainsi que sur leur rapport avec les conventions de l'OIT, mais que ce document n'avait pas encore été soumis au Parlement. Pour le gouvernement norvégien, il importe que tout document qui servirait de base à un débat parlementaire sur ces questions reflète les vues du gouvernement et des organisations de travailleurs et d'employeurs. Le Conseil du droit du travail (composé de représentants des autorités, de l'organe de médiation et des deux principales organisations de travailleurs et d'employeurs, à savoir la Fédération des syndicats de Norvège et la Confédération norvégienne du commerce et de l'industrie) élabore actuellement une recommandation sur un système qui permettrait de régler les différends dans le cadre d'une nouvelle loi sur les différends du travail. Il est préférable que les changements apportés dans ce domaine recueillent un large soutien, et le Conseil du droit du travail s'efforce toujours de formuler des conclusions par consensus. Le gouvernement estime que les conclusions du conseil devraient être disponibles avant la fin de 1994.
  25. 442. Le gouvernement conclut en répétant qu'il existe un large accord en Norvège sur le fait qu'en dernier recours le gouvernement a la responsabilité d'empêcher que les grèves ne causent de graves préjudices à la société et aux tiers. L'évaluation des intérêts à laquelle il est appelé à procéder à cet égard est très délicate. La grève est un moyen d'exercer des pressions sur la partie adverse, et un pays qui reconnaît le droit de grève doit en supporter les conséquences. Le gouvernement veut croire que les informations et les motifs fournis dans sa réponse montreront que la loi imposant un arbitrage obligatoire aux parties au conflit ayant impliqué le secteur des administrations locales en 1992 était conforme aux conventions nos 87 et 98.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 443. Le comité note tout d'abord que ce cas a trait à des restrictions de la négociation collective moyennant l'imposition par le gouvernement de l'arbitrage obligatoire en vue de mettre fin à une grève légale, d'une durée de trois semaines, liée à la révision des accords salariaux dans le secteur des collectivités locales au printemps 1992. Le comité note également que la plainte a été déposée par trois syndicats constituant le syndicat FO.
  2. 444. Le comité constate que la description des événements ayant abouti à la promulgation de la loi imposant l'arbitrage obligatoire faite par l'organisation plaignante et celle faite par le gouvernement ne sont pas contradictoires. Les opinions des parties divergent cependant quant à la nécessité et à la justification de cette intervention gouvernementale. Le gouvernement soutient principalement que la grève a réduit considérablement les activités des administrations locales dans les municipalités touchées et qu'elle a entraîné la fermeture des bureaux municipaux, des jardins d'enfants et des écoles primaires. En outre, il allègue qu'elle a causé l'arrêt total du ramassage des ordures et des transports publics. Le gouvernement a déclaré, dans la proposition jointe au projet de loi, que la grève empêcherait de nombreux enfants de recevoir l'aide dont ils dépendaient. Enfin, le gouvernement conclut que la situation semblait être dans une impasse et qu'il y avait tout lieu de penser que la grève durerait longtemps.
  3. 445. La plainte étant présentée par trois associations qui regroupent la plupart des éducateurs sociaux, des travailleurs sociaux et des infirmiers s'occupant de débiles légers, le comité veut limiter ses observations aux conséquences d'un arbitrage obligatoire imposé à ces catégories professionnelles. Par conséquent, les allégations du gouvernement relatives aux problèmes et aux inconvénients entraînés par une grève dans des services comme le ramassage des ordures, les transports publics, l'approvisionnement en courant électrique ou les services municipaux qui ne s'inscrivent pas dans le cadre de la plainte ne font pas l'objet de commentaires de la part du comité, les autres syndicats ayant apparemment accepté les résultats de l'arbitrage obligatoire. Le comité comprend dans l'ensemble que le gouvernement justifie son intervention législative en affirmant que les services touchés par la grève sont des services essentiels. A cet égard, le comité tient à rappeler que les services essentiels sont ceux dont l'interruption mettrait en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 400-410.) Le comité a déjà estimé que les enseignants ne rentraient pas dans la définition des services essentiels. (Voir cas no 1097, paragr. 84, 221e rapport; no 1166, paragr. 343, 226e rapport; no 1173, paragr. 577, 230e rapport; et no 1448, paragr. 116, 262e rapport.) Il a conclu en revanche que le secteur hospitalier constituait un service essentiel au sens strict du terme. (Voir Recueil, op.cit., paragr. 409, et cas no 1448, paragr. 116, 262e rapport.)
  4. 446. En l'espèce, le comité note l'intérêt de privilégier la négociation collective pour réglementer les conditions d'emploi des salariés au lieu de recourir à l'arbitrage obligatoire pour mettre fin au conflit, en particulier du fait que les institutions et les services s'occupant des personnes âgées et des malades n'étaient pas touchés par la grève. Le comité estime que, dans le présent cas, les parties auraient dû plutôt se mettre d'accord sur l'étendue exacte des services minima à assurer, étant donné que FO était disposé à accorder des dispenses de grève et assurait des services minima dans des domaines tels que les soins aux handicapés, la protection de l'enfance et la prévoyance sociale. Même si, selon le comité, le droit de grève avait pu être limité, voire interdit, dans les services médicaux ou les services auxiliaires où la grève avait été déclenchée, le comité estime qu'il n'était pas nécessaire d'appliquer cette mesure rigoureuse pour mettre fin à cette grève dans toutes les branches d'activités intéressées. Par conséquent, dans ces conditions, le comité considère que le recours à l'arbitrage obligatoire en vue de mettre un terme au conflit du travail dans certaines des activités touchées était incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
  5. 447. En outre, le comité fait observer qu'il a examiné de nombreux cas impliquant le recours à l'arbitrage obligatoire en Norvège: cas no 1099 (217e rapport, paragr. 449-470, approuvé par le Conseil d'administration à sa 220e session, mai-juin 1982); no 1255 (234e rapport, paragr. 171-192, approuvé par le Conseil d'administration à sa 226e session, mai-juin 1984); no 1389 (251e rapport, paragr. 191-214, approuvé par le Conseil d'administration à sa 236e session, mai 1987); no 1448 (262e rapport, paragr. 93-123, approuvé par le Conseil d'administration à sa 242e session, février-mars 1989); no 1576 (279e rapport, paragr. 91-118, approuvé par le Conseil d'administration à sa 251e session, novembre 1991); et no 1680 (291e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 258e session, novembre 1993). Le comité considère par conséquent que l'intervention législative en cause dans la présente plainte n'est pas un cas isolé, bien que les circonstances entourant les cas précédents étaient dans une certaine mesure différentes. Compte tenu du fait que le gouvernement a eu recours à l'arbitrage obligatoire à plusieurs reprises ces dernières années, le comité prie instamment le gouvernement, ainsi qu'il l'avait fait dans les cas précédents, de s'abstenir à l'avenir de recourir à de telles mesures dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme ou lorsque les services minima ont été dûment assurés.
  6. 448. Enfin, le comité note avec intérêt la déclaration du gouvernement selon laquelle il a commencé à examiner les modifications possibles du système existant pour résoudre les conflits du travail, et il espère que les conclusions adoptées par le comité dans le présent cas ainsi que dans les cas précédents concernant la Norvège seront dûment prises en considération. Notant toutefois que le gouvernement avait exprimé il y quelques années son intention de procéder à cet examen (voir cas no 1576, 279e rapport, paragr. 117, et no 1680, 291e rapport, paragr. 149), le comité insiste sur l'importance que cette révision soit menée en consultation avec toutes les parties intéressées et rappelle de nouveau à l'attention du gouvernement que les services consultatifs du Bureau international du Travail sont à sa disposition s'il souhaite y faire appel.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 449. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Afin d'éviter d'avoir recours à l'arbitrage obligatoire, le comité recommande que les parties se mettent d'accord sur l'étendue exacte des services minima à assurer.
    • b) Le comité note l'intérêt de privilégier la négociation collective pour réglementer les conditions d'emploi des salariés au lieu de recourir à l'arbitrage obligatoire pour mettre fin au conflit.
    • c) Le comité note avec intérêt la déclaration du gouvernement selon laquelle il a commencé à examiner les modifications possibles du système existant pour résoudre les conflits du travail, et il espère que les conclusions adoptées par le comité dans le présent cas ainsi que dans les cas précédents concernant la Norvège seront dûment prises en considération. Notant toutefois que le gouvernement avait exprimé il y a quelques années son intention de procéder à cet examen, le comité insiste sur l'importance que cette révision soit menée en consultation avec toutes les parties intéressées et demande au gouvernement de le tenir rapidement informé de toutes mesures prises à cet égard.
    • d) Le comité rappelle de nouveau à l'attention du gouvernement que les services consultatifs du Bureau international du Travail sont à sa disposition s'il souhaite y faire appel.
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