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Interim Report - Report No 318, November 1999

Case No 1851 (Djibouti) - Complaint date: 19-SEP-95 - Closed

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Allégations: licenciements, suspensions et radiations de syndicalistes à la suite d'une grève, confiscation d'archives syndicales, entraves aux manifestations du 1er mai et ingérence du gouvernement dans la tenue d'un congrès syndical

  • Allégations: licenciements, suspensions et radiations de syndicalistes à la suite d'une grève, confiscation d'archives syndicales, entraves aux manifestations du 1er mai et ingérence du gouvernement dans la tenue d'un congrès syndical
    1. 188 Le comité a déjà examiné les cas nos 1851 et 1922 à plusieurs reprises et, le plus récemment, à sa session de novembre 1998 où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 311e rapport du comité, paragr. 462 à 478, approuvé par le Conseil d'administration à sa 273e session, nov. 1998.)
    2. 189 Depuis le dernier examen de ces cas, la Coordination intersyndicale UDT/UGTD a envoyé des informations complémentaires et de nouvelles allégations en date des 20 février, 5 mai et 4 août 1999.
    3. 190 S'agissant du cas no 2042, la CISL a adressé une communication au Directeur général du BIT en date du 20 juillet 1999, et l'OUSA a présenté une nouvelle plainte en violation de la liberté syndicale dans une communication du 26 juillet 1999.
    4. 191 Le gouvernement a fait parvenir certaines observations dans une communication du 10 août 1999.
    5. 192 Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur des cas nos 1851 et 1922

A. Examen antérieur des cas nos 1851 et 1922
  1. 193. A sa session de novembre 1998, eu égard aux conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait notamment approuvé les recommandations suivantes:
    • Le comité avait noté avec grande préoccupation que, malgré les promesses faites par le gouvernement à la mission de contacts directs tenue en janvier 1998, aucun progrès tangible n'a été accompli dans le domaine du rétablissement complet de la liberté syndicale.
      • a) Le comité avait demandé avec force et instamment au gouvernement de restaurer pleinement la liberté syndicale, et en particulier de prendre d'urgence les mesures suivantes:
        • -- restituer les archives syndicales de l'UDT confisquées le 16 juillet 1997;
        • -- réintégrer dans leur emploi et dans leurs fonctions tous les dirigeants syndicaux et les syndicalistes licenciés ou radiés qui en font la demande, et surtout les hauts dirigeants de la Coordination intersyndicale licenciés depuis plus de trois ans;
        • -- instruire les plaintes déposées par Maître Aref et par tous les syndicalistes concernés;
        • -- consulter les partenaires sociaux en vue de la révision de la législation du travail;
        • -- garantir que les travailleurs pourront à l'avenir tenir des réunions publiques, à l'occasion du 1er mai, puisque de telles réunions constituent un aspect important des droits syndicaux.
      • b) Le comité avait instamment demandé au gouvernement de fournir d'urgence des informations détaillées sur les mesures concrètes prises pour mettre en oeuvre l'ensemble de ces recommandations.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 194. Dans une première communication du 20 février 1999, la Coordination intersyndicale regrette que le gouvernement n'ait pas pris en considération les recommandations du comité concernant les cas nos 1851 et 1922. Elle dénonce les pressions gouvernementales qui ont fait fuir des dizaines de syndicalistes avec leurs familles hors du pays.
  2. 195. Dans une communication ultérieure du 5 mai 1999, elle indique que les festivités du 1er mai 1999 ont été interdites aux travailleurs avec l'intervention des commandos de la force nationale de police. Elle précise aussi que le ministre du Travail et ses collègues des transports et des travaux publics auraient annoncé qu'ils souhaitaient démanteler l'UDT/UGTD en substituant à ces deux centrales de nouveaux dirigeants syndicaux. Or le gouvernement aurait empêché depuis plusieurs mois, voire plus d'un an, la tenue des congrès ordinaires des deux centrales.

C. Cas no 2042

C. Cas no 2042
  1. 196. La CISL, dans une communication du 20 juillet 1999, fait part de sa préoccupation au sujet de la convocation unilatérale, le 15 juillet 1999, par le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale d'un congrès extraordinaire de l'UDT/UGTD. Elle joint à sa communication une lettre du 18 juillet 1999 du secrétaire général de l'UDT, plaignant dans ces affaires, où l'intéressé rappelle que l'UDT et l'UGTD sont deux centrales indépendantes l'une de l'autre et que tous les syndicats affiliés à ces deux centrales ont refusé de participer à cette mise en scène. A la fin du mois de juin 1999, des tracts anonymes appelant à un congrès commun auraient été distribués, alors que l'UDT avait officiellement annoncé, dès avril 1999, la tenue de son congrès ordinaire du 24 au 26 août 1999. Ce congrès avait déjà été reporté une première fois par mesure de prudence compte tenu de l'acharnement affiché des pouvoirs publics.
  2. 197. Cependant, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale a convoqué, le 15 juillet 1999, un congrès extraordinaire des deux centrales pour le même jour afin de désigner un président et un secrétaire général à l'UDT et à l'UGTD après avoir auparavant arrêté la liste des congressistes autorisés à y participer. Le congrès a duré deux heures. Aucun syndicat de base réellement affilié à l'une des centrales n'y aurait effectivement pris part. Seuls trois ou quatre syndicats -- et non 17 ou 20 comme annoncé par le gouvernement -- créés pour la circonstance par le gouvernement et n'ayant aucun lien avec les centrales, mais ayant pour mission d'usurper leurs noms, leurs rôles et leurs titres, auraient tenu ce congrès. L'OUSA, dans sa communication du 26 juillet 1999, présente une plainte contre l'ingérence du gouvernement dans la convocation unilatérale de ce congrès extraordinaire.
  3. 198. Enfin, la Coordination intersyndicale UDT/UGTD indique que le gouvernement a fait résilier les boîtes postales de ces deux centrales et a donné l'ordre de ne plus leur délivrer leur courrier et de transmettre toute correspondance au pseudocomité de l'UDT/UGTD entièrement désigné par le pouvoir.

D. Réponse du gouvernement

D. Réponse du gouvernement
  1. 199. Dans sa communication du 10 août 1999, le gouvernement indique, au sujet de la convocation des militants syndicaux au congrès du 15 juillet 1999, que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale a reçu, dès le 19 juin 1999, une délégation des syndicats de base de l'UDT/UGTD un mois après sa nomination. Cette délégation lui a précisé que les représentants de 20 syndicats de base affiliés à l'UDT/UGTD réunis le 15 juin 1999 au siège des cheminots de Djibouti souhaitaient la tenue d'un congrès extraordinaire pour le 15 juillet. Le gouvernement fournit la liste des signataires de cet appel. Il ajoute que la délégation a sollicité l'appui du gouvernement pour l'organisation de ce congrès et il transmet une copie d'une lettre du 29 juin 1999 lui demandant d'autoriser l'absence des congressistes pour participer à ce congrès. Selon le gouvernement, l'intervention du ministre de l'Emploi s'est bornée à obtenir l'utilisation d'une salle de conférence au Palais du peuple et l'émission d'une note d'information à l'intention des employeurs pour l'octroi des autorisations d'absence aux participants, dont la liste avait été déposée par les centrales.
  2. 200. Concernant la légitimité des anciens responsables syndicaux, le gouvernement explique que ces quatre élus syndicaux se sont coupés des syndicats de base et qu'ils se sont engagés dans une voie d'opposition systématique et se sont abstenus, en violation de leurs propres statuts, d'organiser des élections triennales des organes dirigeants de leurs mouvements. Les derniers congrès de l'UGTD et de l'UDT datent respectivement des 10 mars 1994 et 25 avril 1995. Les anciens élus sont restés sourds aux appels des syndicats de base et des pouvoirs publics pour la tenue d'un deuxième congrès.
  3. 201. Concernant l'organisation du congrès, le gouvernement précise que les statuts de l'UGTD (art. 25) et de l'UDT (art. 20) prévoient la possibilité de convoquer un congrès extraordinaire soit par 50 pour cent, soit par les deux tiers des militants qui constituent les syndicats de base affiliés à ces deux centrales. Il ajoute que 18 des vingt syndicats de base ont placé un élu de leurs mouvements dans les nouveaux bureaux exécutifs des deux centrales. Les quatre membres des anciens comités directeurs des syndicats ayant été informés de la tenue prochaine d'un congrès extraordinaire se seraient, selon le gouvernement, empressés de déposer, le 14 juillet 1999, une lettre datée du 7 juillet 1999 portant à la connaissance des autorités publiques la tenue d'un congrès du 24 au 26 août 1999 et faisant référence à une lettre du 12 juin qui n'a jamais été reçue.
  4. 202. Le gouvernement assure le BIT de sa collaboration entière avec les syndicats. Il a proposé sa médiation dans le conflit entre les quatre élus syndicaux et leurs employeurs. Il rappelle que les quatre anciens syndicalistes licenciés ont gravement contrevenu à la législation relative à l'exercice des droits syndicaux en se rendant coupables d'abandon de poste et d'agression physique contre des collègues de travail. Toutefois, le gouvernement s'étant engagé à intervenir auprès des employeurs à la condition que les quatre personnes concernées reconnaissent au moins en partie leurs torts, comme, selon lui, l'aurait recommandé la mission de contacts directs, cette proposition s'est heurtée à une fin de non-recevoir de la part des intéressés. Le gouvernement souligne également que le ministre du Travail a tout mis en oeuvre pour faire participer les centrales syndicales au travail de réforme du Code du travail, organiser des séminaires de formation des syndicalistes à la législation du travail et faciliter l'obtention de salles de conférence et des autorisations d'absence au profit des élus syndicaux afin qu'ils puissent exercer leurs droits.

E. Conclusions du comité

E. Conclusions du comité
  1. 203. Le comité rappelle que les cas nos 1851 et 1922 avaient fait l'objet d'une mission de contacts directs en janvier 1998 et que des éléments positifs avaient pu être dégagés à l'issue de cette mission. Cependant, le comité constate avec préoccupation que la situation syndicale s'est depuis gravement détériorée. Il observe en effet que, contrairement aux recommandations antérieures de restaurer pleinement la liberté syndicale, le gouvernement n'a pas indiqué s'il avait restitué les archives syndicales de l'UDT confisquées le 16 juillet 1997. Il a, en revanche, indiqué qu'il a, pour obtenir la réintégration dans leur emploi et dans leurs fonctions des hauts dirigeants de la Coordination intersyndicale licenciés depuis plus de quatre ans, demandé qu'ils reconnaissent leurs torts. Par ailleurs, selon les plaignants, le gouvernement aurait écarté les dirigeants syndicaux de la Coordination de toute consultation dans la révision de la législation du travail. Il aurait empêché depuis plusieurs mois, voire plus d'un an, la tenue des congrès ordinaires des deux centrales. Il aurait interdit par la force la célébration du 1er mai 1999. Il aurait convoqué unilatéralement un congrès syndical en élaborant la liste des congressistes autorisés à y participer aux fins, selon les plaignants, d'usurper leurs noms, rôles et titres. Enfin, il aurait fait ordonner de ne plus délivrer leurs courriers aux anciens dirigeants des deux centrales et de transmettre la correspondance aux nouveaux dirigeants désignés par le pouvoir.
  2. 204. S'agissant de la non-réintégration dans leur emploi et dans leurs fonctions des hauts dirigeants de la Coordination intersyndicale UDT/UGTD licenciés pour avoir déclenché une grève de protestation en septembre 1995 contre la loi de finances, le comité rappelle le caractère légitime de la grève de protestation de 1995 pour la défense des intérêts économiques et professionnels des travailleurs et les engagements du gouvernement devant la mission de contacts directs de s'efforcer d'obtenir la réintégration des intéressés. Le comité rappelle aussi que, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, la recommandation formulée par la mission de contacts directs était de réintégrer les travailleurs licenciés sans qu'ils soient obligés de faire des déclarations de loyauté. Il invite à nouveau très fermement le gouvernement à assurer que les dirigeants syndicaux et les syndicalistes licenciés qui en font la demande soient réintégrés dans leur emploi et dans leurs fonctions, et réitère ses recommandations antérieures sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les déclarations de loyauté ou autres engagements de même nature, en l'occurrence, y compris, le fait d'être contraint de reconnaître ses torts, ne devraient pas être imposés pour obtenir la réintégration dans l'emploi desdits dirigeants.
  3. 205. S'agissant de la convocation par le gouvernement du congrès extraordinaire du 15 juillet 1999, le comité a pris connaissance des listes des signataires des syndicats de base du 15 juin 1999 qui auraient demandé la tenue d'un congrès et des personnes qui ont effectivement participé au congrès. Il observe qu'elles ne comportent aucun dirigeant du congrès sortant. Le comité rappelle qu'en cas de conflit interne entre les directions rivales au sein d'une organisation syndicale il importe que le contrôle des élections soit le fait d'autorités judiciaires indépendantes, afin de garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure. Tel n'a pas été le cas dans la présente affaire. Dans ces conditions, le comité insiste pour que les travailleurs de Djibouti puissent élire librement et démocratiquement leurs représentants syndicaux. Le comité demande au gouvernement de permettre le déroulement des élections sociales dans les différents syndicats de base et le déroulement des congrès ordinaires de l'UDT et de l'UGTD sous le seul contrôle d'autorités judiciaires indépendantes, et de le tenir informé à cet égard.
  4. 206. S'agissant de l'interdiction de la célébration du 1er mai 1999, le comité est particulièrement préoccupé par cette nouvelle interdiction et demande à nouveau au gouvernement de garantir que les travailleurs puissent, à l'avenir, tenir des réunions publiques à l'occasion du 1er mai puisque de telles réunions constituent un aspect essentiel des droits syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 207. Au vu des conclusions intérimaires qui précédent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite à nouveau très fermement le gouvernement à assurer que les dirigeants syndicaux et les syndicalistes licenciés qui en font la demande, et en particulier les hauts dirigeants de la Coordination intersyndicale, soient réintégrés dans leur emploi et dans leurs fonctions, et il réitère ses recommandations antérieures sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les déclarations de loyauté ou autres engagements de même nature, y compris le fait d'être contraint de reconnaître ses torts, ne devraient pas être imposés pour obtenir la réintégration dans l'emploi desdits dirigeants.
    • b) Le comité insiste pour que les travailleurs de Djibouti puissent élire librement et démocratiquement leurs représentants syndicaux et demande au gouvernement de permettre le déroulement des élections sociales à l'intérieur des syndicats de base et le déroulement des congrès ordinaires de l'UDT et de l'UGTD sous le seul contrôle d'autorités judiciaires indépendantes, et de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité demande au gouvernement, à l'avenir, de ne pas entraver les réunions publiques à l'occasion du 1er mai, puisque de telles réunions constituent un aspect essentiel des droits syndicaux.
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