474. Dans une communication en date du 3 octobre 1995, le Congrès des syndicats (TUC) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Royaume-Uni.
- 474. Dans une communication en date du 3 octobre 1995, le Congrès des syndicats (TUC) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Royaume-Uni.
- 475. Le gouvernement a fait parvenir ses observations sur le cas dans une communication en date du 4 mars 1996.
- 476. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 477. Dans sa communication en date du 3 octobre 1995, le TUC indique que la loi et la pratique nationales au Royaume-Uni demeurent incompatibles avec les obligations découlant de la ratification de la convention no 98, notamment en ce qui concerne l'absence de protection des travailleurs contre la discrimination au moment de l'embauche et la discrimination antisyndicale dans l'emploi. Le TUC allègue en particulier des mesures d'intimidation à l'encontre de membres syndicaux dans l'entreprise Co-Steel de Sheerness (Angleterre) visant à ne plus reconnaître comme représentatifs les syndicats affiliés au TUC, la Confédération des industries mécaniques (ISTC) (qui était le syndicat majoritaire) et le Syndicat unifié du génie civil et de l'électricité, ainsi que l'absence de tout recours juridique.
- 478. Le TUC explique qu'en 1991 l'entreprise Sheerness Steel Company est devenue une filiale à part entière de la société canadienne Co-Steel et que, peu de temps après, la confédération s'est aperçue - entre autres lors d'une tentative visant à rétrograder un délégué syndical de la confédération - de ce que la direction n'était pas disposée à négocier avec le syndicat en tant qu'organisation représentative, librement choisie par ses salariés. En mars 1992, la direction de l'entreprise a présenté de nouveaux contrats aux salariés impliquant entre autres qu'ils renoncent à leur affiliation syndicale. L'entreprise a aussi interdit l'accès de ses locaux aux représentants des syndicats où ils étaient très fortement représentés. L'ISTC a répliqué en organisant des réunions de service et en demandant aux employés de la Co-Steel s'ils souhaitaient continuer à voir leurs conditions de salaires et de travail déterminées par convention collective et s'ils souhaitaient que l'ISTC les représente dans les négociations portant sur les salaires et les conditions de travail. Sur les 442 personnes habilitées à voter, 348 (78,74 pour cent) ont opté pour la négociation collective et la représentation de l'ISTC.
- 479. Selon le TUC, la direction de l'entreprise a commencé à faire clairement comprendre aux salariés qui refusaient les nouveaux arrangements contractuels qu'ils seraient licenciés s'ils ne les acceptaient pas par écrit. Sous la pression constante de cette intimidation, la plupart des salariés ont effectivement signé le contrats présentés par l'entreprise. Depuis la fin de mars 1992, face aux tentatives de l'ISTC d'être en contacts avec l'entreprise, celle-ci s'y refuse. L'ISTC organise régulièrement des réunions clandestines au niveau des ateliers par peur de voir ses militants syndicaux licenciés par l'entreprise. La direction de la Co-Steel force également ses fournisseurs de main-d'oeuvre à cesser de reconnaître le syndicat en menaçant de retirer les contrats.
- 480. Le TUC a aussi fait parvenir avec sa plainte un document présenté par le directeur des relations industrielles à Sheerness qui prouve, selon le TUC, la volonté de l'entreprise de licencier les salariés qui refusaient son objectif consistant à changer le système d'organisation du travail et de détermination des salaires, et confirme son action en mettant fin à l'emploi de 5 ou 6 pour cent des effectifs.
- 481. Les syndicats soutenus par le TUC ont organisé une manifestation à Sheerness le 2 septembre pour soutenir le droit d'être représentés sur le lieu de travail, et la direction de la Co-Steel a clairement laissé entendre que tout employé vu dans la manifestation compromettrait son emploi à la Co-Steel.
- 482. Enfin, le TUC affirme que la législation britannique ne prévoit rien contre cette forme de discrimination antisyndicale ni contre les menaces de licenciement et les autres formes d'intimidation contre les employés, pas plus qu'elle ne protège de manière quelconque leur droit de voir leurs conditions de salaires et de travail déterminées par la négociation collective où leur syndicat librement choisi les représenterait.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 483. Dans sa communication en date du 4 mars 1996, le gouvernement affirme que sa législation générale sur l'emploi est pleinement conforme aux exigences de la convention no 98. Les travailleurs au Royaume-Uni bénéficient d'une totale liberté d'association, et la législation britannique protège depuis longtemps tous les salariés contre les actes de discrimination antisyndicale commis par leur employeur. Le gouvernement soutient cependant que la négociation collective est un acte volontaire qui doit être accepté à la fois par les employeurs et les syndicats concernés.
- 484. En ce qui concerne les allégations concernant le cas précis, le gouvernement renvoie aux observations détaillées qu'il a fournies concernant des plaintes similaires (cas nos 1618 et 1730) ainsi qu'à ses rapports sur les conventions ratifiées.
- 485. La législation du Royaume-Uni assure une protection étendue et efficace contre la discrimination dans l'emploi pour appartenance à un syndicat, y compris une protection contre le licenciement pour appartenance à un syndicat. En résumé, en vertu de l'article 146 de la loi (récapitulative) de 1992 sur les syndicats et les relations du travail, un salarié a le droit de recourir contre toute mesure préjudiciable autre que le licenciement prise contre lui pour son appartenance à un syndicat. Les mesures préjudiciables autres que le licenciement peuvent comprendre la retenue d'une augmentation salariale, la discrimination dans la promotion ou les menaces de licenciement ou de réduction des effectifs. Tout salarié qui estime que son employeur a agi illégalement de la sorte peut porter plainte devant un tribunal du travail, et si sa réclamation est déclarée admissible le tribunal peut ordonner la réintégration ou l'offre d'un nouveau contrat ou encore ordonner le paiement d'une indemnisation.
- 486. La modification effectuée par l'article 13 de la loi de 1993 sur la réforme syndicale et les droits en matière d'emploi a été de faire en sorte que la loi ne puisse être utilisée contre les employeurs qui prennent des mesures raisonnables pour changer les mécanismes de négociation. Le gouvernement est d'avis que ces changements sont compatibles avec la protection requise par l'article 1, paragraphe 2 b), de la convention no 98. Les mesures prises par un employeur pour modifier les mécanismes de négociation avec un syndicat ne reviennent pas en soi à des mesures prises pour dissuader les travailleurs de s'affilier à un syndicat ou leur porter préjudice pour cette raison. La modification vise à préciser que le droit de ne pas faire l'objet d'une discrimination sur les bases de l'affiliation syndicale n'inclue pas ou n'implique pas pour l'intéressé un droit d'avoir ses conditions d'emploi négociées par voie de négociation collective.
- 487. Le gouvernement fait valoir que la négociation collective concernant les conditions de travail convenues est depuis longtemps une caractéristique des relations professionnelles au Royaume-Uni. L'employeur reste cependant libre d'entrer ou non dans la négociation collective selon les circonstances particulières. En outre, l'article 13 de la loi de 1993, en autorisant les employeurs à offrir des incitations à leurs salariés lorsqu'ils acceptent des modifications dans leurs relations avec l'employeur, garantit que les employeurs ont la liberté nécessaire pour effectuer les changements dans leurs mécanismes de négociation qui pourraient établir ou étendre la négociation collective.
- 488. Le gouvernement conclut qu'il n'y a pas eu, selon lui, de violation de la convention no 98 et que les allégations de l'organisation plaignante ne sont pas fondées.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 489. Le comité note que les allégations dans le présent cas se réfèrent à des actes de discrimination et d'intimidation antisyndicales dans l'entreprise Co-Steel et à l'absence de recours dans la législation britannique pour cette forme de discrimination ainsi qu'à l'absence de protection contre les menaces de licenciement et autres formes d'intimidation utilisées contre les salariés.
- 490. Tout en notant la déclaration du gouvernement selon laquelle la législation du Royaume-Uni prévoit une protection étendue et efficace contre la discrimination dans l'emploi en raison de l'affiliation syndicale, le comité regrette que le gouvernement n'ait fourni aucune information en réponse aux allégations précises de discrimination et d'intimidation antisyndicales dans l'entreprise Co-Steel. Le comité note en particulier les allégations suivantes d'actes antisyndicaux de la part de la direction de la Co-Steel formulées par l'organisation plaignante: la direction a proposé de nouveaux contrats aux salariés, y compris l'obligation de renoncer à leur affiliation syndicale; l'entreprise a refusé l'accès de ses locaux à des représentants syndicaux; après que 78,74 pour cent des salariés de la Co-Steel habilités à voter se sont prononcés en faveur de la négociation collective et de la représentation par la Confédération des industries mécaniques (ISTC), la direction a menacé les salariés qui n'acceptaient pas les nouveaux contrats susmentionnés de les licencier; l'entreprise a refusé de répondre aux tentatives de l'ISTC d'établir des consultations depuis mars 1992 et menace ses fournisseurs de main-d'oeuvre de retirer leurs contrats s'ils ne cessent pas de reconnaître le syndicat; par ailleurs, la direction a mis en garde des travailleurs de ne pas participer à une manifestation syndicale.
- 491. En l'absence de réponse concrète du gouvernement au sujet de ces allégations, le comité doit avant tout rappeler qu'il a toujours été d'avis qu'il ne peut se satisfaire de réponses des gouvernements qui ne s'en tiennent qu'à des généralités lorsque des allégations précises ont été formulées. En particulier, lorsqu'il s'agit de cas où des allégations précises ont été formulées en ce qui concerne une situation de fait, le comité ne peut se contenter de réponses qui ne renvoient qu'à des dispositions légales applicables ou qui rappelleraient seulement de telles dispositions. Le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait, et le comité est convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées et portant sur des faits précis aux accusations bien détaillées qui pourraient être dirigées contre eux. (Voir premier rapport, paragr. 31.)
- 492. A cet égard, le comité rappelle également que la responsabilité d'appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement. Le comité note que le gouvernement indique qu'en application de l'article 146 de la loi (récapitulative) de 1992 sur les syndicats et les relations du travail un travailleur a le droit de recourir contre toute mesure préjudiciable autre que le licenciement prise contre lui pour son appartenance à un syndicat, et que tout salarié qui estime que son employeur a agi illégalement de la sorte peut porter plainte devant un tribunal du travail et, si sa déclaration est jugée admissible, peut demander réparation. Le comité souhaiterait néanmoins rappeler que le paragraphe 33 de sa procédure stipule que, si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des voies de recours internes.
- 493. En ce qui concerne les actes antisyndicaux qui auraient été commis par la direction de la Co-Steel, le comité rappelle qu'aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la convention no 98 "Les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration." Les actes antisyndicaux allégués par l'organisation plaignante sont clairement de nature à être considérés comme une ingérence de l'employeur dans le fonctionnement et l'administration du syndicat. En outre, en ce qui concerne le refus de l'accès sur le lieu de travail, le comité a estimé que les représentants des travailleurs devraient disposer des facilités nécessaires à l'exercice de leurs fonctions, y compris le droit de pénétrer dans les lieux de travail. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 957, et le paragraphe 12 de la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971.) En ce qui concerne le refus de la direction d'entrer en contacts avec l'ISTC, le comité appelle l'attention sur le paragraphe 13 de la recommandation concernant les représentants des travailleurs selon lequel les représentants des travailleurs devraient avoir accès sans retard injustifié à la direction de l'entreprise et auprès des représentants de la direction autorisés à prendre des décisions lorsque cela est nécessaire pour le bon exercice de leurs fonctions.
- 494. Selon la réponse du gouvernement, l'article 146 de la loi récapitulative offre une possibilité de recours contre les actes antisyndicaux de l'employeur. Le gouvernement ajoute cependant que l'article 13 de la loi sur la réforme syndicale et les droits en matière d'emploi (TURER) de 1993 a été adopté pour faire en sorte que la loi ne puisse pas être utilisée contre des employeurs qui prennent des mesures raisonnables pour modifier leurs mécanismes de négociation. Lors de son examen de l'article 13 dans ses conclusions sur le cas no 1730, le comité a estimé qu'il était difficile de dire d'une telle disposition qu'elle constitue une mesure visant à "encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives ... en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi", tel que prévu par l'article 4 de la convention no 98, et il a invité le gouvernement à réexaminer cet amendement en consultation avec les partenaires sociaux. (Voir 294e rapport, cas no 1730, paragr. 202.) En outre, le comité note que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a indiqué que la décision de la Chambre des Lords dans les affaires Wilson et Palmer (Associated Newspapers Ltd versus Wilson et Associated British Ports versus Palmer) de 1995 a accru ses craintes en ce que la protection législative qui doit être offerte aux travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale en cours d'emploi, aux termes de l'article 1er de la convention no 98, semble insuffisante (voir CIT, rapport III, partie 4A, 1996). En ce qui concerne les mesures que la direction de la Co-Steel aurait prises pour changer ses arrangements contractuels avec ses employés, le comité souhaiterait rappeler que les tentatives d'un employeur pour persuader les salariés de retirer les autorisations données aux syndicats pour négocier en leur nom pourraient influencer indûment le choix des travailleurs et ruiner la position du syndicat, rendant ainsi plus difficile la négociation collective, ce qui est contraire au principe selon lequel la négociation collective doit être encouragée. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 766.)
- 495. De l'avis du gouvernement, l'article 13, en autorisant les employeurs à offrir des incitations aux employés qui acceptent des modifications quelconques dans leurs relations avec l'employeur, garantit que les employeurs ont la liberté nécessaire pour effectuer les changements dans leurs mécanismes de négociation collective qui pourraient établir ou étendre la négociation collective. En l'absence d'une preuve du contraire, le comité est d'avis, sur la base des allégations dans ce cas précis, que l'employeur a utilisé cette liberté pour influencer indûment le choix des travailleurs, y compris par des menaces de licenciement, et affaiblir la position du syndicat en contradiction avec l'article 2 de la convention no 98. Par ailleurs, en ce qui concerne l'obligation de promouvoir la négociation collective aux termes de l'article 4 de la convention no 98, le comité, à l'instar de la commission d'experts, estime que l'article 13 de la loi TURER risque d'aboutir à une situation de nature à décourager aisément et effectivement la négociation collective plutôt que de l'encourager.
- 496. Le comité demande donc une fois encore au gouvernement de prendre des mesures visant à amender l'article 13 de manière à garantir aux organisations de travailleurs une protection adéquate contre des actes d'ingérence de la part de l'employeur n'aboutissant pas dans les faits à décourager la négociation collective. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 497. En ce qui concerne les allégations précises de tactiques antisyndicales adoptées par la direction de la Co-Steel, le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête sur ces allégations et de lui transmettre le résultat de cette enquête afin qu'il puisse la prendre en considération pour se prononcer en pleine connaissance de cause. En outre, s'il est avéré par l'enquête que l'entreprise a accompli des actes de discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour remédier aux effets de tels actes.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- a) Le comité demande une fois de plus au gouvernement de prendre des mesures visant à amender l'article 13 de la loi sur la réforme syndicale et les droits en matière d'emploi afin qu'il garantisse aux organisations de travailleurs une protection adéquate contre les actes d'ingérence de la part de l'employeur et qu'ainsi, dans les faits, la négociation collective ne soit pas découragée. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) En ce qui concerne les allégations précises de tactiques antisyndicales adoptées par la direction de la Co-Steel, le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête sur ces allégations et de lui transmettre le résultat de cette enquête afin qu'il puisse se prononcer en pleine connaissance de cause. En outre, s'il est avéré par l'enquête que l'entreprise a accompli des actes de discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour remédier aux effets de tels actes.