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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 309, March 1998

Case No 1938 (Croatia) - Complaint date: 04-SEP-97 - Closed

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161. Dans une communication en date du 4 septembre 1997, l'Union des syndicats autonomes de Croatie (UATUC) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la Croatie.

  1. 161. Dans une communication en date du 4 septembre 1997, l'Union des syndicats autonomes de Croatie (UATUC) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la Croatie.
  2. 162. En réponse à ces allégations, le gouvernement a fourni des informations et observations dans une communication en date du 29 octobre 1997.
  3. 163. La Croatie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 164. Dans sa communication en date du 4 septembre 1997, l'Union des syndicats autonomes de Croatie (UATUC) allègue qu'en raison de l'adoption le 18 juin 1997 de la loi sur les associations, qui traite notamment de la répartition des biens syndicaux, le gouvernement a violé les principes de liberté syndicale en s'ingérant dans les activités syndicales et les biens syndicaux.
  2. 165. L'organisation plaignante note que les syndicats ne sont pas visés par la loi sur les associations, sauf au titre de l'article 38 intitulé "Biens des organisations sociales". L'alinéa 4 de l'article 38 autorise l'utilisation des biens immeubles par les associations qui ont succédé légalement aux anciennes organisations sociales qui avaient le droit de gérer ou d'utiliser ces biens. Ces associations ne sont toutefois pas autorisées à louer ni vendre ces biens ni à en disposer. Au titre de l'alinéa 5, les dispositions de l'alinéa 4 sont applicables spécifiquement aux biens immobiliers que l'Union des syndicats autonomes de Croatie et les syndicats enregistrés comme organisations sociales étaient autorisés à gérer ou utiliser. L'alinéa 6, qui constitue la principale cause de préoccupation de l'organisation plaignante, stipule ce qui suit:
    • Les syndicats visés à l'alinéa 5 du présent article sont autorisés à conclure un accord, dans les 180 jours suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sur la méthode de répartition des biens immobiliers visés à l'alinéa 5 de cet article. Chaque syndicat deviendra propriétaire des biens immobiliers qui lui seront confiés au titre de l'accord. Si les syndicats ne parvenaient pas à un accord sur la répartition de ces biens immobiliers dans les six mois, lesdits biens deviendront, à la date d'expiration du délai, propriété de la République de Croatie, alors que le gouvernement de la République de Croatie ou un ministère que celui-ci aura choisi transférera, sur la base des critères définis par le Parlement de la République de Croatie, les droits de propriété de ces biens immobiliers aux syndicats visés à l'alinéa 4 du présent article dans un délai d'un an à partir de la date de définition des critères par le Parlement.
  3. 166. D'après l'alinéa 9 de l'article 38, les syndicats enregistrés en tant qu'organisations sociales jusqu'à l'entrée en vigueur du Code du travail sont tenus de soumettre au gouvernement, dans un délai de 60 jours à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi sur les associations, la liste de tous les biens immobiliers qu'ils sont autorisés à gérer ou utiliser. Faute de quoi, conformément à l'alinéa 10, ils perdent le droit de propriété sur ces biens immobiliers au titre des alinéas 3 et 6 de l'article 38. L'alinéa 11 a trait aux éléments d'actifs mobiliers et stipule que les anciennes organisations sociales autorisées à utiliser ou gérer ces éléments en deviennent propriétaires le jour de l'entrée en vigueur de la loi.
  4. 167. L'organisation plaignante avance que par le biais de la loi sur les associations, l'objectif du gouvernement est de nationaliser temporairement les biens privés des syndicats qui avaient été acquis avec les cotisations des membres et les contributions volontaires avant le début de la deuxième guerre mondiale. Elle note en outre que, sous le régime socialiste, la propriété a été d'abord traitée comme un bien social et que, par la suite, elle est devenue légalement bien social. Toutefois, avant le régime socialiste, la propriété avait été enregistrée comme propriété privée des syndicats. Si le nombre de propriétés concernées est relativement faible (une vingtaine de bâtiments ou de bureaux syndicaux), celles-ci sont néanmoins essentielles pour la survie et la liberté d'activité des syndicats. L'organisation plaignante avance que toute tentative de l'Etat en vue de retirer ces biens, même de manière temporaire, constitue une violation flagrante des conventions nos 87 et 98, de la Constitution de la Croatie et du Code du travail.
  5. 168. L'organisation plaignante s'inquiète particulièrement de l'alinéa 6 de l'article 38 qui accorde aux syndicats six mois seulement pour parvenir à un accord sur la répartition des biens. En l'absence d'accord, ceux-ci sont retirés aux syndicats et deviennent propriété de l'Etat jusqu'à ce qu'ils soient rendus aux syndicats selon des critères que le Parlement devra définir. Si le texte de loi prévoit la répartition des biens dans un délai d'un an à partir de la date de définition des critères, il ne donne aucun calendrier au Parlement pour la définition des critères de sorte qu'il est possible de retarder indéfiniment la restitution des biens. D'après l'organisation plaignante, cette situation pourrait engendrer des conflits entre les syndicats et par là affaiblir le mouvement syndical, pousser les médias sous contrôle du gouvernement, à discréditer les syndicats et entraîner un renforcement des syndicats sous la domination des autorités ou des employeurs. La loi ne prévoit pas non plus de critères clairs de répartition. L'organisation plaignante émet l'hypothèse que l'intention du gouvernement est de définir, par l'intermédiaire du Parlement, ses propres critères pour la répartition des biens syndicaux et de ne restituer ceux-ci qu'aux syndicats dominés par les autorités ou les employeurs.
  6. 169. L'organisation plaignante souligne qu'on peut douter des véritables motifs du gouvernement à prendre la loi sur les associations, compte tenu que le gouvernement est conscient du fait que les trois confédérations syndicales croatiennes (l'Union des syndicats autonomes de Croatie, l'Association croatienne des syndicats et la Confédération des syndicats indépendants de Croatie) sont parvenues à un accord le 18 mai 1993, sous les auspices de la Confédération européenne des syndicats, en vue de lancer le processus de répartition des biens syndicaux. Cet accord prévoit notamment un moratoire de deux ans pour la répartition des biens syndicaux suivi de la conclusion d'un nouvel accord mettant au point la répartition définitive, conformément aux critères qui auront été convenus. Lors de son congrès extraordinaire tenu le 29 mars 1996, l'Union des syndicats autonomes de Croatie a adopté une déclaration encourageant la répartition des biens syndicaux en Croatie.
  7. 170. Le 14 mai 1997, l'Union des syndicats autonomes de Croatie a transmis au gouvernement les amendements proposés au projet de loi sur les associations demandant que les syndicats en soient exclus. Le même jour, le Conseil de l'UATUC a envoyé au Premier ministre et aux membres du Parlement une lettre exposant une proposition de répartition des biens syndicaux. Les amendements proposés ont été rejetés et la loi a été adoptée malgré les objections formulées par de nombreuses organisations syndicales étrangères, y compris la Confédération internationale des syndicats libres et la Confédération européenne des syndicats.
  8. 171. Le 29 juillet 1997, l'organisation plaignante a présenté une requête devant la Cour constitutionnelle de la République de Croatie visant à engager une procédure de mise en cause de la constitutionnalité de l'article 38, alinéas 5, 6, 9 et 10, de la loi sur les associations. D'après l'organisation plaignante, la cour a repoussé l'ouverture de la procédure.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 172. En réponse à ces allégations, le gouvernement, dans sa communication du 29 octobre 1997, note qu'au cours de la période allant de 1991 à la promulgation de la loi sur les associations le gouvernement ne souhaitait en aucune manière influencer la répartition des biens sur lesquels les anciennes organisations sociopolitiques -- Confédération des syndicats de Croatie et syndicats enregistrés comme organisations sociales -- avaient un droit de disposition ou d'utilisation mais aucun droit de propriété jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi sur le travail.
  2. 173. Le gouvernement explique qu'en République de Croatie on compte 23 fédérations ou confédérations enregistrées et environ 180 syndicats qui ne sont pas tous affiliés à des organisations centrales. Selon le gouvernement, tous les syndicats se sont efforcés dans des négociations avec l'UATUC de régler la question de la répartition des biens syndicaux, et des procès ont été intentés à ce sujet. La question n'ayant pas été réglée, le gouvernement estime que certains syndicats qui n'ont pas l'usage des biens en question se trouvent défavorisés; ces organisations sont d'avis qu'on les empêche d'être sur un pied d'égalité avec les syndicats qui utilisent les biens et disposent donc d'une base économique plus solide. Ils ont exercé des pressions sur le gouvernement et le Parlement pour que ceux-ci interviennent et règlent la question.
  3. 174. De ce fait, le gouvernement a promulgué l'article 38 de sa loi sur les associations. Le gouvernement ne souhaitant pas décider immédiatement de la répartition des biens, la loi prévoit un délai de 180 jours pendant lequel les syndicats devront négocier entre eux. S'ils se mettent d'accord, la propriété des biens sera telle que décidée par les négociations. Si les syndicats ne parviennent pas à un accord, et dans ce cas seulement, le Parlement décidera des conditions de transfert de la propriété.
  4. 175. Que la répartition des biens et la décision en matière de propriété soient déterminées par le biais de négociations ou dans les conditions décidées par le Parlement, les syndicats sont autorisés, selon la déclaration du gouvernement, à continuer à faire usage des biens afin que leurs activités n'en soient pas gênées. La répartition des biens permettra à d'autres syndicats, qui jusqu'à présent n'ont pu en faire usage, de fonctionner sur un pied d'égalité.
  5. 176. En conclusion, le gouvernement estime que, l'Union des syndicats autonomes de Croatie ayant demandé a la Cour constitutionnelle de statuer sur la constitutionnalité de l'article 38 de la loi sur les associations, il ne souhaite pas préjuger de la décision de la Haute Cour.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 177. Le comité note que les allégations de violation de la liberté syndicale sont liées dans le cas présent à la promulgation récente de la loi sur les associations qui prévoit la répartition par le gouvernement des biens immobiliers entre les syndicats si ceux-ci ne parviennent pas à un accord. L'organisation plaignante avance qu'il s'agit d'une ingérence illégale dans les activités syndicales et les biens syndicaux.
  2. 178. Premièrement, pour ce qui est de la remarque du gouvernement qui indiquait que, la Cour constitutionnelle étant saisie de la question, il ne veut pas préjuger de la décision, le comité rappelle que, si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit certes être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, quatrième édition, 1996, annexe 1, paragr. 33.)
  3. 179. Quant au fond du cas, le comité note que, d'après l'organisation plaignante, cette affaire concerne des biens immobiliers qui appartenaient aux syndicats avant la deuxième guerre mondiale. Ils sont par la suite devenus propriété sociale, les syndicats enregistrés comme organisations sociales ayant sur ces biens un droit d'utilisation et de disposition mais non de propriété. La répartition et la propriété de ces biens sont maintenant régies par la loi sur les associations qui prévoit que les syndicats devront parvenir à un accord dans un délai de six mois, faute de quoi ces biens immobiliers deviendront propriété de la République de Croatie. Dans cette éventualité, la législation prévoit que le Parlement devra définir des critères de répartition et que le gouvernement sera alors chargé de transférer la propriété des biens aux syndicats dans un délai d'un an.
  4. 180. Le comité note en outre que la question de la répartition des biens autrefois propriété des syndicats préoccupe depuis quelque temps le mouvement syndical croate. Des négociations ont été entamées entre trois confédérations en 1993 mais aucun accord définitif ne semble avoir été conclu; toutefois, l'organisation plaignante a adopté une "déclaration sur les biens syndicaux" encourageant la répartition de ces biens et a présenté une proposition s'y rapportant au gouvernement.
  5. 181. Concernant la répartition et la propriété des biens anciennement biens privés des syndicats, le comité rappelle que le principe général à appliquer dans des situations semblables est que les biens doivent être placés provisoirement en dépôt et répartis, en définitive, entre les anciens membres de l'organisation propriétaire ou transférés à l'organisation qui lui succède, c'est-à-dire à l'organisation ou aux organisations qui poursuivent les buts pour lesquels les syndicats dissous se sont constitués et les poursuivent dans le même esprit. (Voir Recueil de décisions, op. cit., paragr. 684.) Toutefois, le comité note que plus de cinquante années se sont écoulées depuis la date à laquelle les biens en question appartenaient aux syndicats. Le comité reconnaît que ce délai pourrait entraîner un certain nombre de difficultés dans la répartition des biens. (Voir cas no 1869 (Lettonie), 308e rapport, paragr. 481 à 500.) Il rappelle qu'il appartient au gouvernement et aux syndicats de coopérer pour parvenir à un arrangement respectant les principes de liberté syndicale, et acceptable par les parties concernées, afin que les syndicats puissent mener à bien leurs activités en pleine indépendance et sur un pied d'égalité.
  6. 182. Le comité note que, dans le cas présent, la décision relative à la répartition des biens appartenant autrefois aux syndicats a été, dans un premier temps, laissée à la négociation des syndicats concernés. Il note que la question de la répartition et de la propriété de ces biens préoccupe les syndicats depuis un certain nombre d'années et que trois confédérations au moins, y compris l'organisation plaignante, se sont efforcées, apparemment sans succès, de parvenir à un accord concernant la répartition des biens depuis 1993. Toutefois, compte tenu de la complexité de la question et des difficultés qui pourraient se poser en raison du nombre important de syndicats concernés, dont certains ne sont pas affiliés aux confédérations qui se sont efforcées de parvenir à un accord, le comité estime que la période de négociation de six mois prévue par la loi pourrait ne pas être suffisante. Il demande donc au gouvernement de prolonger ce délai si aucun accord n'est conclu dans les six mois afin que les parties concernées bénéficient de chances convenables de parvenir à un accord, et de le tenir informé de l'évolution de la situation.
  7. 183. Le comité prend note des préoccupations exprimées par l'organisation plaignante en ce qui concerne l'absence de critères prévus par la loi au cas où les syndicats ne pourraient pas parvenir à un accord et l'absence de délai pour l'établissement de ces critères, de même que l'assurance donnée par le gouvernement selon lequel, au cas où le Parlement doive fixer des critères de division, les syndicats auront le droit de continuer à utiliser les biens afin que leurs activités ne soient pas gênées en attendant la décision finale en matière de propriété. Le comité espère que le gouvernement fixera les critères en consultation avec les syndicats concernés et établira un délai précis et raisonnable pour la répartition des biens, une fois achevée la période de négociation; il demande également à être tenu informé de l'évolution de la situation à cet égard.
  8. 184. Enfin, notant que les points soulevés dans ce cas sont soumis à la Cour constitutionnelle, le comité demande au gouvernement de lui transmettre une copie de la décision dès que celle-ci aura été rendue.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 185. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de proroger la période de négociation prévue dans la loi sur les associations au cas où aucun accord ne serait conclu dans un délai de six mois afin de garantir que les parties concernées disposent d'une possibilité raisonnable de parvenir à un accord, et de le tenir informé de la situation.
    • b) Le comité espère que le gouvernement fixera les critères de répartition des biens immobiliers anciennement propriété des syndicats en consultation avec les syndicats concernés si ceux-ci ne peuvent parvenir à se mettre d'accord, et fixera un calendrier précis et raisonnable pour la répartition des biens lorsque la période de négociation sera terminée; le comité demande également à être tenu informé de l'évolution de la situation.
    • c) Notant que ces problèmes sont soumis à la Cour constitutionnelle, le comité demande au gouvernement de lui transmettre une copie de la décision dès que celle-ci aura été rendue.
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